Niveau de charge
En se basant sur le fait que la diminution de la durée de vie est due à l’introduction de l’étape de fluage en dwell-fatigue, il est important de connaître à quels niveaux de charge se produit le fluage dans les alliages de titane sensibles au dwell et comment cet effet dwell évolue avec le niveau de charge appliquée. Le fluage à froid (température ambiante) dans les alliages de titane, se manifeste à des niveaux de chargement bas qui peuvent descendre jusqu’à 60% de la limite d’élasticité conventionnelle (Savage, 2000). Il a été démontré qu’avec l’augmentation du niveau de charge, la durée de vie des alliages de titane diminue fortement lorsqu’un maintien de la charge est appliqué (Figure 1-3). La Figure 1-3 illustre l’évolution de la durée de vie d’un alliage d’IMI834 en fatigue pure et en dwell-fatigue pour différents niveau de charge. On constate qu’en dwell-fatigue, la durée de vie diminue fortement par l’augmentation du niveau de charge. Cet abaissement de la durée de vie est accompagné d’une déformation plastique élevée. En effet, chaque niveau de charge peut activer certains systèmes de glissement à l’échelle des grains et l’activation de ces systèmes introduit de la déformation plastique locale. Ainsi, si la charge appliquée augmente, plus de déformation plastique s’accumule au cours du chargement (à cause de l’activation des nouveaux systèmes de glissement ou la déformation supplémentaire introduite par des systèmes déjà activés) (Figure 1-4).
Il faut noter que le glissement cristallin n’est pas le seul mécanisme qui provoque le fluage, mais le fluage se produit également par des mouvements intergranulaires d’atomes. Le type de chargement imposé (déformation imposée ou contrainte imposée) joue aussi un rôle important dans le comportement du matériau (Dunne et Rugg, 2008). L’alliage de titane présente un adoucissement marqué au cours la durée de vie (Singh, 2002). La Figure 1-5 montre l’adoucissement de ces alliages sous un chargement cyclique de déformation contrôlée. Dans notre étude, l’influence de type de chargement n’est pas étudiée.
Hétérogénéités microstructurales des alliages de titane Au sein d’une pièce forgée des hétérogénéités sont présentes à différentes échelles (microscopique, mésoscopique et macroscopique) et sont de différentes natures (cristallographie, morphologie, phase, comportement). Les alliages de titane utilisés en aéronautique ont classiquement des microstructures bimodales caractérisées par des nodules de phase alpha séparés par des colonies de lamelles +β. Ces microstructures contiennent les deux phases cristallines alpha et bêta (Figure 1-6). La Figure 1-7 montre l’image optique d’une microstructure biphasée d’un alliage de titane IMI834. Les nodules alpha, aussi appelés alpha primaire présentent généralement une forme équiaxe, mais peuvent avoir également une forme allongée due au procédé de mise en forme. Les colonies des lamelles, aussi appelées alpha secondaire, peuvent être de deux types : colonie de lamelles parallèles et colonie de lamelles enchevêtrées. Le pourcentage de nodules alpha primaire et de colonies de lamelles dans une microstructure peut varier en fonction du traitement thermique appliqué au matériau. La présence de textures cristallographiques appelées « macrozones » a été notée dans les pièces forgées des alliages de titane. Une macrozone est une région de taille millimétrique avec des orientations cristallographiques préférentielles (texture) très marquées (Uta, 2009). Ces textures constituent une hétérogénéité à l’échelle mésoscopique (Figure 1-8).
Les différences de morphologie, d’intensité et de distribution spatiale de ces macrozones introduisent une hétérogénéité à l’échelle de la pièce (hétérogénéité macroscopique). De nombreuses études ont confirmé que les alliages de titane sont sensibles au dwell-fatigue à basse température quelque soit leur microstructure (Bache, 2003a; Sinha, 2004; Whittaker, 2009). Le niveau de sensibilité au dwell-fatigue dépend cependant de la taille de grains, du pourcentage de grains alpha primaire, de la morphologie (lamelle ou equiaxe), de la texture et Colonie des lamelles (alpha secondaire) Nodule (alpha primaire) des macrozones. Ces aspects ne sont pas indépendants les uns des autres et le changement d’un facteur peut influencer le comportement des autres facteurs. Il apparaît nécessaire d’intégrer l’ensemble des hétérogénéités microstructurales pour rendre compte de leur influence combinée sur le comportement en dwell-fatigue. La Figure 1-9 présente les courbes de fatigue et de dwell-fatigue d’un alliage IMI834 d’une part pour une pièce forgée de type disque et d’autre part pour une pièce laminée de type barre. Ces pièces présentent localement des différences de morphologie et de pourcentage de nodules. La sensibilité à l’effet dwell est plus importante pour le disque où les nodules ont une forme allongée et où la fraction des nodules est plus élevée (Bache, 2003a).
Influence de la morphologie et l’effet de la taille de grains sur le comportement des alliages de titane en dwell-fatigue Le comportement des différentes microstructures en fonction de la morphologie et l’effet de la taille a été étudié par certains auteurs (Bache, 2003b; Eunha, 2004; Whittaker, 2009). Dans cette section, on présente la sensibilité de différentes microstructures à l’effet dwell, du moins sensible au plus sensible. Microstructures avec des lamelles enchevêtrées (basketweave) : Ce type de microstructure, obtenue grâce à des vitesses de refroidissement rapide, présente une très faible sensibilité à l’introduction d’un temps de maintien en charge dans le chargement cyclique (Miller, 1987; Savage, 2000). Cela peut être expliqué par le fait que dans ces microstructures, les dislocations doivent traverser des lamelles et des interfaces de matrice bêta avec des orientations cristallographiques différentes pour autoriser une grande longueur d’écoulement des dislocations et donc une déformation plastique importante.
Les systèmes de glissement activés doivent changer d’une lamelle à l’autre. Cette complexité du mouvement de dislocations résulte en une faible propension à la déformation plastique dans l’alliage. Ainsi, ces microstructures sont plus résistantes à l’accumulation de déformation et de là, à l’effet dwell. La Figure 1-10 montre la durée de vie pour deux microstructures de l’alliage Ti-685. On voit que la durée de vie de la microstructure avec des grains alpha primaire allongés est presque 4 fois inférieure à celle avec des lamelles enchevêtrées pour le même niveau de charge. Microstructures avec des lamelles parallèles : Ces microstructures sont caractérisées par des colonies des lamelles parallèles. Ces microstructures sont plus sensibles à l’effet dwell par rapport aux microstructures avec des lamelles enchevêtrées (Davies, 1997). Le mouvement des dislocations dans ces microstructures est plus facile que dans les microstructures avec des lamelles enchevêtrées, car généralement les orientations des lamelles dans une colonie sont proches.
Dispersion du comportement mécanique au sein d’une pièce d’un alliage de titane sous un chargement dwell-fatigue En raison de l’hétérogénéité de texture au sein d’une pièce, le comportement cyclique et la durée de vie peuvent être dispersés. Toubal et al. (Toubal, 2009) ont étudié la dispersion de durée de vie de l’alliage IMI834 en dwell-fatigue sous un niveau de charge de 824 MPa (90% de la limite d’élasticité conventionnelle) et avec un temps de dwell de 30 secondes. Ils ont utilisé dix échantillons qui ont été prélevés à différents endroits d’une pièce forgée de type disque. Ils ont observé une dispersion d’accumulation de déformation et de durée de vie d’un facteur 5 dans les échantillons (Figure 1-11). Cette expérience montre que le comportement du matériau en dwell-fatigue, ne varie pas seulement d’une microstructure à l’autre, mais aussi peut varier pour des échantillons ayant à priori la même microstructure. La présence des zones texturées (macrozones) peut expliquer cette variation de comportement d’un échantillon à l’autre. Pour mieux comprendre ce comportement, savoir quelles zones locales subissent plus de déformation et quelles textures celles-ci présentent est essentiel. Comprendre ce comportement nécessite une approche statistique qui permettrait de vérifier les zones locales du matériau les plus affectées par la déformation plastique en considérant les différents niveaux d’hétérogénéités.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE BIBLOGRAPHIQUE
1.1 Alliages de titane : Application en aéronautique
1.1.1 Propriétés mécaniques des alliages de titane
1.1.2 Sensibilité des alliages de titane au chargement dwell-fatigue: problématique
1.1.2.1 Le temps du maintien en charge (le temps de dwell)
1.1.2.2 Niveau de charge
1.2 Hétérogénéités microstructurales des alliages de titane
1.2.1 Influence de la morphologie et l’effet de la taille de grains sur le comportement des alliages de titane en dwell-fatigue
1.2.2 Textures cristallographiques et macrozones
1.2.3 Dispersion du comportement mécanique au sein d’une pièce d’un alliage de titane sous un chargement dwell-fatigue
1.3 Mécanisme de déformation des alliages de titane
1.3.1 Anisotropie élastique des alliages de titane
1.3.2 Systèmes de glissement dans les alliages de titane
1.3.3 Mécanisme de déformation des alliages de titane en fatigue
1.3.4 Fluage à froid des alliages de titane
1.3.5 Mécanisme de déformation des alliages de titane en dwell-fatigue
1.4 Mécanisme d’endommagement des alliages de titane en dwell-fatigue
1.4.1 Facettes observées sur la surface de rupture en dwell-fatigue
1.4.2 Mécanismes basés sur la contrainte normale maximale
1.4.3 Mécanismes basés sur la déformation plastique seule
1.4.4 Mécanismes pondérant la contrainte normale maximale et la déformation plastique maximale
1.5 Localisation de déformation : une approche basée sur la solution d’Eshelby pour une inclusion plongée dans un milieu infini
1.5.1 Inclusion homogène
1.5.1.1 Inclusion homogène ayant subi une déformation libre, plongée dans une matrice infinie non chargée
1.5.1.2 Inclusion homogène non chargée, plongée dans une matrice infinie ayant subi un chargement à infinie
1.5.2 Inclusion hétérogène
1.6 Outils de simulation numérique du comportement mécanique prenant en compte une description micromécanique
1.6.1 Méthode Auto-Cohérente
1.6.2 Méthode des Éléments Finis (ÉF)
1.6.3 Méthode des automates cellulaires
CHAPITRE 2 MODÈLE DES AUTOMATES CELLULAIRES : IMPLÉMENTATION ET ÉVALUATION
2.1 Génération d’une microstructure virtuelle pour alimenter les automates cellulaires
2.1.1 Définition d’un automate cellulaire et des relations de voisinage entre cellules
2.1.2 Attribution d’une orientation cristallographique à chaque cellule
2.2 Propriétés et loi de comportement en élasticité
2.2.1 Propriétés élastiques de chaque cellule en fonction de son orientation cristalline
2.2.1.1 Module d’élasticité E de chaque cellule en fonction de son orientation cristallographique
2.2.1.2 Coefficient de Poisson, module de compressibilité k et de cisaillement μ
2.2.2 Rigidité globale de l’automate cellulaire : cas du comportement macroscopique isotrope en élasticité
2.2.3 Validation d’une distribution d’orientations aléatoires
2.3 Règle de transition d’échelle et localisation de la déformation
2.3.1 Règle de transition d’échelle en élasticité
2.3.2 Trois approches de localisation
2.3.3 Calcul des propriétés élastiques associées au voisinage
2.3.4 Normalisation de la déformation
2.4 Confrontation des approches proposées avec des calculs d’agrégats par des éléments finis (ÉF
2.4.1 Calculs en élasticité avec les AC
2.4.2 Calcul d’élasticité par ÉF sur des agrégats polycristallins
2.4.2.1 Génération des maillages ÉF pour les calculs d’agrégats
2.4.2.2 Calculs en élasticité anisotrope pour le titane
2.4.3 Comparaison des simulations en élasticité entre AC et ÉF
2.4.3.1 Convergence de la contrainte du grain central
2.4.3.2 Dispersion en contrainte du grain central en fonction du voisinage
2.4.3.3 Effet d’entraînement du voisinage
2.5 Conclusion
CHAPITRE 3 SIMULATIONS EN ÉLASTOPLACTICITÉ PAR AC ET ÉF
3.1 Chargement élastoplastique simulé par les AC
3.1.1 Systèmes de glissement et facteur de Schmid
3.1.2 Cissions critiques des systèmes de glissement
3.1.3 Loi de comportement élastoplastique avec un écrouissage isotrope linéaire
3.1.4 Chargement élastoplastique
3.2 Chargement élastoplastique simulé par les ÉF
3.3 Comparaison en élastoplasticité des simulations ÉF et AC
3.4 Calculs des contraintes résiduelles
3.4.1 Montée en charge élastoplastique
3.4.2 Décharge élastique
3.4.3 Comparaison des simulations ÉF et AC en charge-décharge
3.5 Conclusion
CHAPITRE 4 MODÉLISATION DU CHARGEMENT EN DWELL-FATIGUE
4.1 Décomposition du chargement en fatigue-fluage
4.1.1 Charge élastoplastique
4.1.2 Temps de maintien
4.1.2.1 Interaction entre une cellule et son voisinage lors du fluage par l’hypothèse de Kröner
4.1.2.2 Prise en compte du changement de contrainte locale par un temps fictif
4.1.3 Décharge
4.2 Modélisation du comportement viscoplastique cristallin lors du temps de maintien par deux approches
4.2.1 Approche 1 : loi de fluage macroscopique basée sur
l’équation du fluage de Hollomon
4.2.1.1 Intégration de l’anisotropie lors du fluage :évolution linéaire du paramètre K en fonction de facteur de Schmid
4.2.1.2 Paramètres a, b et cons t
4.2.2 Approche 2 : loi de fluage microscopique en cisaillement plastique
4.2.2.1 Intégration de l’hétérogénéité lors du fluage : paramètre L dépendant au facteur de Schmid
4.2.2.2 Paramètres , m et n
4.2.3 Comparaison du comportement macroscopique en fluage et fatigue-fluage modélisé par les deux approches
4.3 Exploitation des possibilités du modèle AC pour la modélisation descomportements locaux en fatigue-fluage
4.3.1 Déformations inélastiques locales
4.3.2 Contraintes locales et contraintes résiduelles
4.3.2.1 Contraintes locales à la fin de la charge
4.3.2.2 Contraintes résiduelles à la fin de la décharge
4.3.3 Effet du temps de maintien sur le comportement mécanique macroscopique et local
4.3.4 Capacité du modèle AC pour la prédiction de l’endommagement local
4.3.5 Étude statistique sur une microstructure de 10000 cellules
4.4 Synthèse du chapitre
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
ANNEXE I Plans et directions de glissement basal et prismatique d’une maille
hexagonale dans un repère orthonormé
ANNEXE II Analyse numérique du comportement élastoplastique
ANNEXE III Matrice de Kearns
BIBLIOGRAPHIE
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