Allergie aux protéines du lait de vache
L’allergie aux protéines du lait de vache est fréquente et touche 2 à 3 % des nourrissons (De Boissieu, 2013). Elle résulte d’une réaction immunologique à une ou plusieurs protéines du lait de vache. Cette réaction immunitaire distingue l’APLV à d’autres réactions d’intolérance telle que l’intolérance au lactose. L’APLV peut-être associé à l’immunoglobuline E (IgE) ou non. Bahna (2002), explique la différence entre APLV et l’intolérance au lait de vache. L’APLV est une réaction immunologique aux protéines de lait de vache (PLV) qui peut impliquer le tube digestif, la peau, l’appareil respiratoire ou plusieurs systèmes. Elle peut entrainer une morbidité sévère et parfois un décès. L’éviction alimentaire de l’antigène est associée à un bon pronostic.
Les symptômes apparaissent souvent durant les premiers mois de vie, dans les premiers jours ou semaines suivant la prise de lait artificiel et même lors de l’allaitement. Malheureusement, il n’y a pas de symptômes spécifiques à l’APLV, ce qui rend le diagnostic difficile. De nombreux enfants présentent des symptômes dans différents organes: l’appareil digestif (50-60%), la peau (50-60%) et l’appareil respiratoire (20-30%) (Høst, 2002; Vandenplas et al., 2007). Il faut noter également que suivant les pays, et donc les habitudes alimentaires, la fréquence relative d’incrimination des aliments dans l’allergie varie (Rancé et Bidat, 2000). Il est connu que toutes les protéines de lait sont allergéniques : β-lactoglobuline (18,3 kDa), caséines (de 19 à 23,6 kDa), α-lactalbumine (14,2 kDa) sont des allergènes plus fréquents que la sérumalbumine bovine (68 kDa), la lactoferrine, les gammaglobulines. (Wal, 2011). Chaque protéine allergisante comporte de multiples épitopes séquentiels et conformationnels. Des peptides de 12 à 14 acides aminés rendent compte d’une part importante de l’allergénicité (Heinzmann et al., 1999; Wal, 2001).
Mécanismes des allergies alimentaires
Comme dans toutes les réponses d’hypersensibilité, il existe deux phases immunologiques dans l’hypersensibilité immédiate. Une première phase de sensibilisation conduit à la synthèse des IgE spécifiques. Elle est cliniquement sans symptôme. La deuxième phase, dite « de révélation » (déclanchement), est cliniquement symptomatique, liée à l’activation immédiate par l’allergène des cellules (principalement mastocytes et basophiles) porteuses des IgE à leur surface (Fig. 3). Les allergies alimentaires du jeune enfant pourraient résulter d’une double anomalie : d’une part suite à l’activation de la réponse immune de type Th2 qui est liée non seulement au terrain atopique, mais aussi à des facteurs environnementaux, comme une diversification alimentaire trop précoce (Lehmann et al., 2001 ; Lehman et al., 2002), ou à l’exposition aux allergènes alimentaires par contact cutané ou par inhalation (Calder et al., 2006; Strid et al., 2005). D’autre part, chez les enfant nés par césarienne des mères atopiques, l’absence d’installation de la tolérance primaire est liée à un écosystème bactérien intestinal modifié par l’absence de stimulations bactériennes ou par le déficit en flore lactique (Calder et al., 2006 ; Eggesbo et al., 2003 ; Laubereau et al., 2004). Si la réponse de type Th2 est bien documentée dans les allergies alimentaires au lait ou à l’arachide (Laan et al., 1998 ; Schade 2000), on admet actuellement que l’anomalie primaire est un défaut de régulation des populations lymphocytaires effectrices, plutôt qu’un déséquilibre de balance Th1/Th2. Ce défaut de régulation est dû à une déficience des T régulateurs.
En effet, on constate bien un déficit en TGF-β, tant au niveau du RNAm que de l’expression de la protéine, dans l’épithélium comme dans la lamina propria d’enfants souffrant d’allergies alimentaires multiples (IgE-dépendantes et non IgE-dépendantes), et se caractérisant par la fréquence d’une oesophagite et/ou d’une entéropathie (Perez-Machado et al., 2003). Ces phénomènes sont également observés chez des enfants présentant une entérocolite d’hypersensibilité aux protéines alimentaires (Chung et al., 2002) . De même, dans l’APLV à forme digestive (gastroentérites à éosinophiles et entéropathies d’hypersensibilité), on met en évidence dans la muqueuse duodénale, un profil cytokinique Th2 et une déficience de sécrétion de TGF-β. L’importance du rôle des T régulateurs est attestée par le syndrome de déficience immunitaire. Ce syndrome est lié à un déficit génétique en facteur de transcription des T régulateurs, Fox p3. Il s’accompagne d’un syndrome sévère des allergies alimentaires multiples (Torgerson et al., 2007). Au niveau de la muqueuse intestinale, un type particulier de cellules dendritiques, métabolisant la vitamine A, synthétise de l’acide rétinoïque qui oriente les T CD4+ vers une synthèse de Fox p3+, les transformant ainsi en T régulateurs synthétisant TGF-β. Ces T régulateurs sont porteurs de récepteurs de homing intestinal (Mucida et al., 2007 ; Sun et al., 2007).
Lait de chèvre
En Algérie, il existe quatre races de population caprine : la race Arabia, la race Makatia, la naine de Kabylie et la chèvre de M’Zab, auxquelles s’ajoute les races Alpine et Saanen (Feliachi, 2003). Ces caprins se trouvent plus dans les zones montagneuses, steppiques et le sud saharien que dans les zones littorales où l’espèce est faiblement présente (Badis et al., 2005) L’usage du lait de chèvre est répandu dans le monde entier et les zones de production y sont largement dispersées. Selon la FAO (2006) l’Algérie est classée en 15ème place dans la production mondiale de lait de chèvre. Aujourd’hui, le lait de chèvre est d’un intérêt particulier en raison de sa composition spécifique, ce qui a conduit à le considérer comme une matière première de haute qualité pour la fabrication d’aliments pour les nourrissons et les personnes âgées. Il est souvent recommandé aux nourissons et aux adultes souffrant d’allergie et d’ulcère (Mereado, 1982, Haenlein, 2004, Kumar et al., 2012, Abbas et al., 2014) Le stade de lactation, souvent indissociable de la saison, voire du mode d’alimentation, influe sur la composition minérale du lait.
Cela a été démontré pour le lait de chèvre (Dias et al., 1994, Amroun‐Laga & Zerrouki, 2011). Le lait de chèvre est une source importante d’énergie, apportant de l’ordre de 700 kcal/L. Les protéines du lait de chèvre sont proches à celles du lait de vache. Le lait de chèvre contient de nombreux minéraux et vitamines à des concentrations satisfaisantes pour couvrir certains besoins journaliers (Desjeux, 1993). Comme le lait de vache les protéines du lait de chèvre sont représentées majoritairement par les caséines (80%) (Mahe et al., 1993) et le reste est représenté par les protéines du lactosérum. En moyenne, le lait de chèvre renferme 26 g/l de caséines, 4,4 g/l de β-lactoglobuline et 2 g/l de α-lactalbumine (FAO, 2006). En Algérie, comparativement au lait de vache, le lait de chèvre est moins riche en lactose, en matières grasses et en protéines (Tab.1) (Roudj et al., 2005). Les genres Lactococcus, Enterococccus, Leuconostoc et Lactobacillus sont les plus fréquemment rencontrés dans les laits crus et les levains mésophiles indigènes obtenus après fermentation des laits crus de chèvre (Dalmasso, 2008). (Tab.2)
Les probiotiques
Les principaux effets prouvés des probiotiques sont la stimulation du système immunitaire, la prévention et la réduction des intensités des épisodes diarrhéiques, ainsi que la réduction de l’intolérance au lactose. Les lactobacilles ont également d’autres effets bénéfiques moins bien étudiés comme la synthèse de vitamines B, l’amélioration de l’absorption de nutriments, la dégradation de facteurs antinutritionnels, la modulation de la physiologie du système digestif, et récemment la diminution de la perception de la douleur (Turpin et al., 2010). Ces capacités peuvent donc être bénéfiques pour la santé et peuvent participer à la protection contre de nombreuses pathologies. Les probiotiques sont définis comme » tout micro-organisme vivant qui, lorsqu’il est administré en quantité adéquate, exerce un effet bénéfique sur la santé de l’hôte » (Roberfroid, 1998; Verdú et al., 2006). D’après Ouwehand et al., (2001), il existe certaines conditions pour la sélection de nouvelles souches probiotiques : (i) ces bactéries doivent être sans danger pour l’hôte, c.-à-d. qu’ils ne sont ni pathogènes, ni toxiques, (ii) être résistantes au passage des voies gastriques, à l’acidité, aux enzymes pancréatiques et aux sels biliaires (iii) avoir de bonnes propriétés technologiques, de sorte qu’elles puissent être cultivées à grande échelle, avoir une durée de conservation prolongée et en cas d’utilisation dans les produits fermentés, contribuer à l’amélioration du goût. (iv) être capables d’adhérer aux muqueuses intestinales afin d’exercer leurs effets immunomodulateur, participer à l’exclusion de pathogènes ou encore, améliorer la guérison de la muqueuse.
Toutefois, d’autres propriétés sont prises en considération pour la sélection des meilleurs candidats au rôle de probiotique. Récemment, il a été montré que les probiotiques ont des effets bénéfiques dans des modèles d’inflammation neuronale et douleur (Verdú et al., 2004; Kamiya et al., 2006). Des études récentes montrent que la supplémentation des probiotiques dans l’alimentation pourrait exercer un large éventail d’effet bénéfique sur l’homme par rapport aux symptôme et la durée des infections (Rao et al., 2009 ; Oelschlaeger, 2010). Les probiotiques ont un rôle protecteur dans le tractus intestinal où ils exercent des effets direct antimicrobien qui va favoriser l’antagonisme vis-à-vis des pathogènes et indirectement par l’amélioration des fonctions de la barrière intestinale (Ng et al., 2009) . En outre, les probiotiques ont la capacité de moduler le système immunitaire muqueux local et systémiques de l’hôte (Hörmannsperger et Haller, 2010), mais les mécanismes impliqués ne sont pas encore bien connus (Quigley, 2008). Parmi les microorganismes utilisés en tant que probiotique, les plus communément mis en oeuvre appartiennent au groupe hétérogène des bactéries lactiques et notamment aux genres Lactobacillus, Bifidobactérium et Enterococcus (Holzapfel, 2001).
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Table des matières
Introduction
Rappel bibliographique
1. Allergie alimentaire
1.1Allergie aux protéines du lait de vache
1.2Les allergènes du lait de vache
1.1.1La β-lactoglobuline
1.2L’α-lactalbumine
1.3Mécanismes des allergies alimentaires
2. Lait de chèvre
3. Les probiotiques
3.1Critères de sélection des souches probiotiques
3.2Bactéries lactiques
3.2.1Lactobacilles
3.2.2Entérocoques
4. Critères de sélection des ferments lactiques
4.1Critères de sécurité
4.2Aptitudes technologiques
4.2.1Aptitude acidifiante
4.2.2Aptitude protéolytique
4.2.3Activité antimicrobienne
5. Les bactériocines
5.1Classification des bactériocines
5.1.1Bactériocine classe I
5.1.2Bactériocine de classe II
5.1.3Bactériocine de classe III
5.1.4Bactériocine de classe IV
6. Probiotiques et mécanisme de l’immunité
6.1Le rôle de la microflore intestinale
7. Effets bénéfiques des probiotiques sur la santé
8. Prévention
8.1Eviction de l’allergène
8.2La prévention des maladies atopiques et allergiques
Matériels et Méthodes
1. Echantillons
2. Isolement et purification des souches de bactéries lactiques
3. Identification phénotypique des souches
3.1Tests Biochimiques
4. Identification moléculaire (identification phénotypique
4.1PCR spécifique du genre Enterococcus
4.2Amplification et séquençage de l’ADNr 16S
4.3RAPD: RandomAmplifiedPolymorphic ADN
5. Profil fermentaire des bactéries
5.1Mesure de la production d’acide lactique
5.2Mesure de la cinétique de variation du pH
5.3Cinétique de croissance des bactéries
6. Caractérisation biochimique des laits fermentés
6.1Mise en évidence de l’activité protéolytique des bactéries lactiques
6.1.1Dosage des fonctions α-NH2libérées
6.1.2Test sur milieu MRS lait
6.1.3Test sur milieu lait écrémé UHT
6.1.4Activité protéolytique sur le caséinate de sodium et le lactosérum dénaturé
6.2Facteurs influençant l’activité protéolytique
6.2.1Effet du pH
6.2.2Effet de la température
6.2.3Effet des inhibiteurs
7. Etude de l’activité antibactérienne
7.1Les souches utilisées
7.2Méthode de diffusion en puits pour la détection de l’activité antibactérienne
7.3Facteurs influant l’activité antimicrobienne
7.3.1Effet des enzymes
7.3.2Effet du pH
7.3.3Effet de la température
378. Spectre d’activité antibactérienne vis-à-vis deux souches indicatrices
379. Caractérisation des entérocines par PCR
3710. Test d’activité contre les bactéries pathogènes
11. Mise en évidence in vitro de quelques propriétés probiotiques
11.1Résistance aux conditions gastro-intestinales simulées
11.2Test d’hémolyse
11.3Tests de sensibilité aux antibiotiques
11.4Détection des facteurs de virulence
12. Etude de la modulation de la réponse allergénique chez les souris Balb/c
12.1Echantillons
12.2Animaux
12.3Immunisation des souris
12.3.1Répartition des animaux
12.4Adjuvant
12.4.1Hydroxyde d’aluminium
12.5Protocole d’immunisation
12.6Prélèvement sanguin
12.7Dénombrement des bactéries lactiques au niveau de l’intestin et des selles des souris
12.8Dosage des immunoglobulines sériques
12.8.1Evaluation du degré de sensibilisation des animaux
12.8.1.1Principe général de la méthode ELISA
12.8.1.2Mode opératoire
12.9Test de provocation ex vivo (intestin isolé) en Chambre de Ussing
12.9.1Principe de la technique
12.9.2Montage de l’intestin de souris en chambre de Ussing
12.10Etude histologique
12.10.1La fixation
12.10.2Inclusion à la paraffine
12.10.3La déshydratation
12.10.4Imprégnation par la paraffine
12.10.5Microtomisation et étalement des coupes
12.10.6Coloration
12.10.6.1Déparaffinage
12.10.6.2Réhydratation
12.10.6.3Coloration à l’hémalun-éosine
12.10.7Mesure de la hauteur villositaire
14. Méthodes statistiques
Résultats
1. Souche bactériennes
1.1Isolement et purification des souches de bactéries lactiques
1.1.1Identification phénotypique des souches
1.1.1.1Tests Biochimiques
1.1.1.2Profil fermentaire
1.1.2Identification moléculaire (identification phénotypique
1.1.2.1PCR du gène spécifique codant pour le genre Enterococcus
1.1.2.2Identification par PCR 16S
1.1.2.3Random Amplified Polymorphic ADN (RAPD
1.2Profil fermentaire des bactéries
1.2.1Mesure de la production d’acide lactique
1.2.2Mesure de la cinétique de variation du pH
1.2.3Cinétique de croissance des bactéries
2.1Caractérisation biochimique des laits fermentés
2.1.1Mise en évidence de l’activité protéolytique des bactéries lactiques
2.1.1.1Dosage des fonctions α-NH2libérées (DOI et al., 1981
2.1.1.2Etude de l’activité protéolytique
2.1.1.2.1Test sur milieu lait écrémé UHT
2.1.1.2.2Activité protéolytique sur le caséinate de sodium et le lactosérum dénaturé
2.1.1.2.3Facteurs influençant l’activité protéolytique
2.2. Etude de l’activité antibactérienne
732.2.1. Méthode de diffusion en puits pour la détection de l’activité antibactérienne
2.2.1.1. Action des enzymes digestives
2.2.1.2. Effet de la température
732.2.1.3. Effet du pH
2.2.2. Spectre d’activité antibactérienne vis-à-vis deux souches indicatrices
2.2.3. Le spectre d’activité antimicrobienne de différentes souches testées vis-à-vis des bactéries pathogènes
2.2.4. Caractérisation des entérocines par PCR
2.3. Mise en évidence in vitro de quelques propriétés probiotiques
2.3.1. Résistance aux conditions gastro-intestinales simulées
2.3.1.1. Test de résistance des bactéries lactiques à pH acide
2.3.1.2. Résistance aux sels biliaires
2.3.2. Test d’hémolyse
2.3.3. Résistance aux antibiotiques
2.3.4. Gène de virulence
3. Etude de la modulation de la r駱onse allerg駭ique chez les souris Balb/c
3.1. Titres sériques en anticorps anti β-Lg et anti α-Lac
3.1.1. Titre des anticorps IgG sériques anti β-Lg et anti α-Lac
3.1.2. Titre des anticorps IgE sériques anti –β-Lg
3.1.3. Titre des anticorps IgG1sériques anti β-Lg
3.1.4. Titre des anticorps IgG2a sériques anti –β-Lg
3.1.5. Analyse de la réponse immune des souris à partir du rapport IgG1/IgG2a
3.2. Dénombrement des bactéries lactiques au niveau du chyme intestinal et des selles souris
3.3. Test de provocation ex vivo en Chambre de Ussing
3.3.1. Effets de β-Lg sur l’Isc
3.3.2. Effet de l’ovalbumine sur l’Isc
3.3.3. Effets de la β-Lg sur la conductance
3.3.4. Effet du furosémide
3.4. Histologie de la muqueuse intestinale des souris expérimentales
3.4.1. Aspect des muqueuses intestinales des souris
3.4.2. Effet des bactéries lactiques sur la hauteur des villosités intestinales
Discussion
Conclusion
Références bibliographiques
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