Allergie alimentaire
Anaphylaxie
L’anaphylaxie : réaction allergique systémique qui se manifeste rapidement pouvant entraîner la mort (Sampson et al., 2006), est l’implication clinique la plus grave des allergies alimentaires IgE médiées. L’anaphylaxie touche jusqu’à 2% de la population (Lieberman et al., 2006; Lieberman, 2008), les allergies alimentaires sont responsables de 50% des cas (Boyce et al., 2011). Bien que tout aliment puisse provoquer une anaphylaxie, les aliments les plus impliqués dans l’anaphylaxie mortelle sont l’arachide, les noix et le lait de vache (Bock et al., 2007; Pumphrey et Gowland, 2007). La libération rapide et massive de médiateurs et de cytokines allergiques, notamment l’histamine, la tryptase, la chymase, le facteur d’activation des plaquettes, la prostaglandine D2 (PGD2), les leucotriènes cystéinyliques (LTC), l’interleukine 6 (IL-6) et le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α), contribue au compromis multi-organique observé dans l’anaphylaxie. (Ono et al., 2009). En tant que reaction systemique, l’anaphylaxie peut présenter un large éventail de symptômes et de signes potentiels (Lieberman et al., 2010; Simons, 2010). J
usqu’à 90% des patients présentant une anaphylaxie ont une urticaire/angioedème et/ou rhinoconjonctivite (Webb et Lieberman, 2006). Les autres systèmes organiques les plus couramment impliqués et ceux qui contribuent aux aspects de l’anaphylaxie menaçant le pronostic vital incluent les systèmes: respiratoire, gastro-intestinal et cardiovasculaire. Chez les nourrissons et les très jeunes enfants, les symptômes cutanés, gastrointestinaux et respiratoires sont les plus fréquents. La mortalité est principalement due à une atteinte respiratoire chez les enfants par rapport à un collapsus cardio-vasculaire chez les adultes. L’oedeme larynge et le bronchospasme, sont la principale cause de décès (Cianferoni et Muraro, 2012). Les symptômes gastro-intestinaux peuvent entraîner une déshydratation et des perturbations électrolytiques. L’hypovolémie provoquée par les manifestations gastrointestinales est encore exacerbée par les déplacements massifs de liquide qui se produisent rapidement lors de l’anaphylaxie en raison de l’augmentation de la perméabilité vasculaire et du déplacement du liquide intravasculaire vers l’espace extravasculaire. Les signes et les symptômes cardiovasculaires sont également fréquents dans l’anaphylaxie et touchent jusqu’à 45% des épisodes (Cianferoni et Muraro, 2012). Ces symptômes comprennent l’hypotension, les vertiges, la tachycardie, la syncope et l’incontinence urinaire. Les augmentations de la perméabilité vasculaire induites par l’histamine provoquent de grands et rapides changements de liquide au cours des épisodes anaphylactiques; Jusqu’à 35% du volume intravasculaire peut migrer vers l’espace extravasculaire dans les 10 minutes suivant le début de l’anaphylaxie. L’hypotension qui en résulte peut entraîner un choc et un arrêt cardiaque (Sharma et al., 2015).
Peut-on prévenir l’allergie alimentaire ? Etant donne qu’il n’existe actuellement aucun remede, la recherche s’est davantage concentree sur les interventions visant a prevenir l’allergie alimentaire. Ces interventions sont généralement appliquées tôt dans la vie et incluent la prévention primaire, qui vise à prévenir l’apparition de la sensibilisation et la prévention secondaire, qui vise à interrompre le developpement de l’allergie alimentaire chez les enfants déjà sensibilisés (Du toit et al., 2018).Certaines observations écologiques font apparaître des différences géographiques dans la prévalence de l’allergie; ces changements ont été liés aux pratiques alimentaires régionales et/ou aux facteurs environnementaux. Ces dernières années, l’accent a été mis sur le rôle des vitamines, des antioxydants et des végétaux, ainsi que sur l’apport en acides gras, dans la prévention ou le traitement des allergies (Ram et al., 2004; Martindale et al., 2005). Les propriétés immunomodulatrices des acides gras polyinsaturés (AGPI) peuvent favoriser les conditions tolérogènes dans l’intestin, de par leurs effets sur les cellules T (Dunstan et al., 2003a; Field et al., 2010) et sur la fonction des cellules dendritiques (CD) (Weatherill et al., 2005). Les études menées dans ce domaine indiquent un effet positif sur la prévention des maladies allergiques: sensibilisation (Calvani et al., 2006), eczéma (Sausenthaler et al., 2007), et l’asthme (Salam et al., 2005). Dans le cadre d’un essai randomisé contrôlé sur l’administration prenatale des AGPI de la série n-3 à forte dose aux femmes atopiques; Dunstan et al., (2003b) ont signale une reduction a la fois de la sensibilisation aux oeufs de poule et de l’eczéma sévère chez la progéniture à l’âge d’un an. Kull et al., (2006) ont montré que la consommation de poisson (riche source d’AGPI n-3) au cours de la première année de vie était associée à un risque réduit de sensibilisation aux aliments (à l’âge de 4 ans).
En outre, il a été démontré qu’une consommation accrue d’huile de poisson par les femmes enceintes peut réduire de plus de 60% l’incidence de l’allergie alimentaire et de l’eczéma associé aux IgE chez les enfants à risque (Furuhjelm et al., 2009). Dans un essai clinique sur la consommation maternelle en huile de poisson, les taux des IgA étaient associés positivement avec ceux des AGPI n-3 suggérant une relation entre les acides gras et la fonction immunitaire mucosale (Dunstan et al., 2004). De plus la comparaison entre la composition du lait maternel des femmes atopiques et non atopiques (à 1 mois de lactation) a montre des taux d’AGPI n-3 plus élevés chez ces dernières (Yu et al., 1998). De nos jours, de nombreuses préparations pour nourrissons sont complétées par des AGPI (tels que l’acide arachidonique et l’acide docosahexaénoïque). La capacité de ces acides gras à exercer des effets immunologiques a été démontrée (Field et al., 2008); Cependant, les avantages cliniques liés aux effets contre l’allergie nécessitent des recherches plus approfondies.
Biosynthèse des acides gras polyinsaturés
Les precurseurs metaboliques respectifs des deux familles d’AGPI, l’acide linoleique (18:2n-6) pour la famille omega 6 et l’acide α-linolénique (18:3n-3) pour la famille oméga 3, sont les acides gras dits indispensables ou « essentiels ». En effet, les cellules de mammifères sont dans l’incapacite metabolique de les synthetiser car elles ne possèdent pas, contrairement aux cellules végétales, les désaturases permettant d’introduire des doubles liaisons a l’extremite methyle, a savoir les 12- et 15-désaturases qui génèrent successivement le 18:2n-6 et le 18:3n-3 a partir de l’acide oleique (18:1n-9). Ces deux acides gras conduisent, après leur absorption, à la synthèse de dérivés à longue chaîne par une succession de désaturations et d’elongations. Les doubles liaisons et atomes de carbone supplémentaires sont rajoutes vers l’extremite carboxyle conservant ainsi la structure omega 6 ou oméga 3 du précurseur d’origine.
Les principaux AGPI dérivés à longue chaîne ainsi formés dans les organismes animaux sont les acides dihomo-ᵧ-linolénique (DGLA; 20:3n-6) et arachidonique (ARA; 20:4n-6) pour la famille oméga 6, et les acides eicosapentaénoïque (EPA; 20:5n-3) et docosahexaénoïque (DHA; 22:6n-3) pour la famille oméga 3 (Figure 4). En situation d’apport alimentaire équilibré, la voie de biosynthèse des oméga 6 s’arrete a l’ARA. Elle se poursuit au-delà lorsque cet apport est déficient en oméga 3, conduisant à la synthese d’acide docosapentaenoique (DPA; 22:5n-6) en compensation de la diminution de la synthèse du DHA. La voie de bioconversion conduisant à la synthèse des ARA et des EPA est localisée dans le réticulum endoplasmique et met en jeu l’action séquentielle de désaturases (6 et 5) et d’une elongase. La synthese du DHA et du DPA nécessite une étape terminale de β-oxydation dans les peroxysomes, raccourcissant de deux atomes de carbone leurs précurseurs respectifs à 24 atomes de carbone; l’acide tétracosahexaénoïque (THA; 24:6n-3) et l’acid tétracosapentaénoïque (TPA; 24:5n-6) (Sprecher, 2000) (Figure 4). L’ALA a un effet inhibiteur sur la conversion du LA, et vice versa (Lemarchal, 1989). Cependant, signalons que la Δ6 desaturase possede une plus forte affinite pour l’ALA, qui est ainsi préférentiellement désaturé en dérivés à longue chaîne (Bézard et al., 1994). Si la voie de conversion des AGPI précurseurs en dérivés à longue chaîne est primordiale sur le plan physiologique, elle reste cependant mineure sur le plan quantitatif, les études métaboliques montrent un taux de conversion tres bas chez l’Homme (< 1 %) (Burdge, 2004).
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Table des matières
Introduction
Revue Bibliographique
1.Allergie alimentaire : un problème de santé publique
1.1. Allergie aux protéines du lait de vache : première allergie chez le nourrisson
1.2. Symptomatologie de l’allergie alimentaire
1.2.1. Urticaire et oedeme de Quincke
1.2.2. Rhino-conjonctivite et bronchospasme
1.2.3. Symptômes gastro-intestinaux
1.2.4. Anaphylaxie
1.3. Peut-on prevenir l’allergie alimentaire Acides gras
2.1. Acide gras polyinsaturés
2.1.1. Acides gras polyinsaturés de la série n-3
2.1.2. Acides gras polyinsaturés de la série n-6
2.2. Biosynthèse des acides gras polyinsaturés
2.3. Conversion des AGPI en médiateurs oxygénés actifs
2.4. Médiateurs lipidiques pro-résolvants
2.4.1. Derives d’AGPI n-6
2.4.2. Derives d’AGPI n-3
2.5. Rôles physiologiques des AGPI
2.5.1. Rôle structural
2.5.2. Rôle modulateur de la transcription génique
2.6. Effets des AGPI
2.6.1. Effet immunomodulateur
2.6.1.1. Effet sur les cellules dendritiques
2.6.1.2. Effet sur la prolifération et la polarisation des cellules T
2.6.1.3. Effet sur les mastocytes
2.6.1.4. Effet sur la production des IgE par les cellules B
2.6.2. Effet anti-inflammatoire
2.6.3. Autres effets
2.7. Mecanismes d’action des AGPI sur le systeme immunitaire
2.7.1. Changement de la structure membranaire
2.7.2. Production des eicosanoïdes
2.7.2.1. Eicosanoïdes issus des AGPI n-6
2.7.2.2. Eicosanoïdes issus des AGPI n-3
2.7.3. Production de médiateurs lipidiques pro-résolvants
2.7.4. Transcription génique
Matériels et Méthodes
1.Produits chimiques, réactifs et matériels utilisés
2.Animaux
2.1. Répartition des groupes
2.2. Protocole d’immunisation
2.3. Mesure de la croissance pondérale
2.4. Sacrifice
3.Etude de l’effet des AGPI sur la reponse allergique
3.1. Test de provocation in vivo et obtention des sérums
3.2. Dosage des anticorps sériques IgG, IgE
3.2.1. Principe général de la méthode ELISA indirecte
3.2.1.1. Mode opératoire
3.2.2. Principe général de la méthode ELISA sandwich
3.2.2.1. Mode opératoire
4.Etude de l’effet des AGPI sur la reponse anaphylactique systemique
4.1. Evaluation des scores cliniques
4.2. Mesure de la température corporelle
4.3. Mesure des taux de l’histamine plasmatique
4.3.1. Principe du dosage
4.4. Etude de la perméabilité vasculaire
4.5. Comptage des mastocytes intestinaux
4.5.1. Mode opératoire
4.5.1.1. Déshydratation et clarification
4.5.1.2. Inclusion
4.5.1.3. Traitement des lames
4.5.1.4. Etalement sur lames
4.5.1.5. Déparaffinage
4.5.1.6. Coloration
4.5.2. Expression des résultats
5.Etude de l’effet des AGPI sur la reponse anaphylactique intestinale
5.1. Expérimentation sur l’intestin isolé en chambre de Ussing: test de provocation ex vivo
5.1.1. Principe de la chambre de Ussing
5.1.2. Montage de fragments d’intestin de souris en chambre de Ussing
5.2. Etude histologique
5.2.1. Traitement des échantillons
5.2.1.1. Coloration
5.2.2. Mesure de la hauteur des villosités
5.2.2.1. Principe
6.Etude des effets des AGPI sur le métabolisme lipidique et l’architecture structurale hépatique
6.1. Etude du profil lipidique sérique
6.1.1. Dosage du cholestérol total
6.1.2. Dosage des triglycérides
6.1.3. Dosage du cholestérol-LDL
6.1.4. Dosage du cholestérol-HDL
6.2. Etude histologique du foie
7.Etude statistique
Résultats
1.Effet de l’huile de poisson et de l’huile de mais sur la croissance ponderale
2.Effet de l’huile de poisson et de l’huile de mais sur la reponse antigenique et allergénique
2.1.Titres sériques en IgG spécifiques
2.2.Taux des IgE sériques totales et spécifiques
3.Effet de l’huile de poisson et de l’huile de mais sur la reponse anaphylactique systémiqu
3.1. Évaluation des signes cliniques
3.2. Mesure de la température corporelle
3.3. Mesure de l’histamine plasmatique
3.4. Perméabilité vasculaire
3.5. Comptage des mastocytes
4.Effet de l’huile de poisson et de l’huile de mais sur la reponse anaphylactique intestinale
4.1. Test de provocation ex-vivo en chambre de Ussing
4.1.1. Effet de la sensibilisation à la β-Lg : Témoins positifs et négatifs
4.1.1.1. Spécificité de la réponse
4.1.1.2. Viabilité du tissu
4.1.2. Effet de l’huile de poisson
4.1.3. Effet de l’huile de mais
4.1.4. Mesure de la DDP
4.2. Etude histologique
4.2.1. Hauteur villositaire
4.2.1.1. Effet de l’huile de poisson
4.2.1.2. Effet de l’huile de mais
5.Effet de l’huile de poisson et de l’huile de mais sur le métabolisme lipidique et l’architecture structurale hepatique
5.1. Profil lipidique sérique
5.1.1. Effet de l’huile de poisson
5.1.2. Effet de l’huile de mais
5.2. Architecture structurale hépatique
5.2.1. Poids relatif du foie
5.2.2. Structure histologique du foie
Discussion
Conclusions et perspectives
Références Bibliographiques
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