Breast is best
Si la lactation est un processus physiologique qui ne nécessite aucune compétence, allaiter son enfant est un comportement qui s’apprend. A ce jour, il persiste une confusion entre lactation et allaitement y compris au cours du cursus médical, menant à une formation minimaliste sur le sujet. Les connaissances des médecins semblent en effet venir d’une démarche personnelle volontaire et /ou par confrontation avec la pratique, plutôt qu’être issues d’un apprentissage académique .
Pourtant, l’allaitement maternel est recommandé depuis les années 1990 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et par les organismes gouvernementaux (via le Plan National Nutrition Santé, PNNS) comme alimentation exclusive de l’enfant jusqu’à ses quatre (pour le PNNS) à six mois, et comme alimentation complémentaire de choix jusqu’aux deux ans de celui-ci .
En effet les bienfaits d’une alimentation au lait maternel, tant pour l’enfant que pour la mère, ont été démontrés dans de nombreuses études : du côté maternel par une réduction du risque carcinologique (sein et ovaire (5)), diminution du risque d’hémorragie de la délivrance. Concernant les enfants allaités, ceux-ci ont un moindre risque de syndrome métabolique à l’âge adulte, souffrent moins d’infections virales (gastro-intestinale, oto-rhino-laryngologique) en particulier pendant la première année de vie, et sont moins fréquemment hospitalisés pour une cause infectieuse (6,7) D’autres bienfaits restent plus débattus, comme la perte de poids maternelle en post-partum, ou les performances cognitives à l’âge adulte des enfants allaités.
Sur un plan économique le lait maternel est une alimentation à faible coût pour les ménages. Par ricochet il permet des économies du système de soins en diminuant la morbimortalité maternelle et infantile(8). On estime qu’il est également avantageux pour les employeurs des jeunes parents, avec moins d’absences pour enfant malade même si les estimations en ce sens restent théoriques. Enfin l’argument écologique se fait entendre depuis une dizaine d’années en comparaison avec l’alimentation artificielle. On a pour exemple l’étude de Caldwell et al., qui estime qu’en 2016 les ventes de lait en poudre en Amérique du Nord ont rejeté plus d’un million de tonnes de CO2.
Allaitement maternel en France
Le taux d’initiation et de maintien de l’allaitement maternel en France est bien plus faible que celui de la moyenne des pays de l’Union Européenne (UE). Ce phénomène ne semble pas récent et n’a pas d’explication évidente. Ont été mis en avant le rôle des industriels du lait (10), au XIXe et début du XXe siècle « l’utilisation » plus généralisée et prolongée des nourrices en comparaison avec d’autres pays(11) ou encore l’emploi des femmes dans des industries ne permettant pas un maintien à domicile prolongé des mères.
On note malgré tout que ce faible taux s’est amélioré depuis les années 1990. Depuis une dizaine d’années les enquêtes de périnatalité retrouvent un taux d’initiation de l’allaitement stable, situé entre 65 et 70 % (dernière enquête Epopé en 2016 retrouvant 66% d’allaitement en maternité dont 52% d’allaitement exclusif).(12) Ce pourcentage est sujet à d’importantes variations régionales. Concernant les Pays de la Loire, la dernière enquête de périnatalité réalisée en 2016 retrouvait un taux d’allaitement maternel en sortie de maternité de 58%. Les dernières données issues du Programme de Médicalisation de Systèmes d’Information (PMSI) de l’année 2020, retrouvaient quant à elles un taux d’allaitement déclaré en sortie de maternité de 63,5% en LoireAtlantique (données issues du Réseau Sécurité Naissance, RSN). Les données issues des registres du CHU de Nantes retrouvaient quant à elles 56 % d’allaitements exclusifs et 14% d’allaitements mixtes en sortie de maternité au cours de l’année 2021.
Plusieurs facteurs peuvent être favorables à l’initiation d’un allaitement. Certains facteurs ne sont pas modifiables: catégorie socioprofessionnelle, âge, antécédent d’allaitement, mode d’accouchement, pays de naissance des parents avec davantage d’allaitements parmi les couples nés à l’étranger. D’autres paramètres sont modifiables : indice de masse corporelle (IMC) maternel, tabagisme maternel, moment de décision du mode d’alimentation de l’enfant .
Parmi les études ayant exploré le refus d’un allaitement parmi les mères, on constate que cellesci sont statistiquement moins bien informées des bienfaits de l’allaitement pour elle-mêmes et pour leur bébé . Les mères évoquent une image de « praticité » de l’allaitement artificiel, permettant une meilleure répartition des tâches avec le père de l’enfant, un maintien de leur intimité au moment de nourrir leur enfant en public et une réassurance par rapport aux quantités ingérées .
La reprise du travail, la fatigue, l’impression que le lait maternel « ne suffirait pas » à l’enfant sont les arguments les plus fréquemment avancés par les mères pour expliquer ces arrêts précoces même si les raisons semblent varier en fonction du moment du sevrage. De plus, l’entourage des jeunes parents peut faire preuve d’incompréhension et décourager le choix d’une parentalité « proximale » en désaccord avec les anciens modèles (16). Plusieurs mesures ont été proposées pour promouvoir l’allaitement maternel : information large des jeunes parents, recours systématique à des consultations prénatales et postnatales axées sur l’allaitement, allongement du congé maternité, développement des hôpitaux « initiative Amis des bébés » (IHAB) qui promeuvent l’allaitement maternel autour de plusieurs points clés . La formation et le temps consacré par le personnel médical sont également remis en cause, ce que perçoivent bien les accouchées qui peuvent se sentir mises à l’écart : « le médecin n’a pas le temps » « il se concentrait uniquement sur le bébé »(19). Ainsi, les objectifs du dernier Plan National Nutrition santé (PNNS) 2019-2023 sont un taux d’initiation de l’allaitement maternel de 75% et une durée médiane d’allaitement de 17 semaines quel que soit son type. Actuellement si la médiane d’allaitement quel qu’il soit est estimée à 15- 17 semaines la médiane d’allaitement prédominant n’est que de 7 semaines.
Crise sanitaire et confinement
A partir du 16 mars 2020, la crise sanitaire liée à la pandémie de SARS-Cov-2 a conduit à une mise en danger des allaitements maternels : séparations mère-bébé en cas d’infection maternelle, questionnement sur la possibilité d’une transmission virale médiée par le lait, confinement de la population. Ainsi une diminution drastique des taux d’allaitement a pu être observée dans certaines maternités ayant appliqué un confinement strict malgré des retours rassurants concernant les infections à Coronavirus des nouveaux-nés .
En France, l’allaitement maternel a continué à être encouragé. Cependant dans le but de diminuer le risque de dissémination intra-hospitalière du SARS-Cov 2 les mères se sont retrouvées isolées avec leur bébé en maternité pendant plusieurs semaines(24). Initialement déconseillées voire interdites, les visites ont par la suite été autorisées pour le père, puis parfois pour la fratrie selon un calendrier déterminé par chaque structure. Ainsi dans les hôpitaux de Loire-Atlantique, le confinement en maternité a été total dans plusieurs maternités, tandis que d’autres toléraient un confinement du conjoint en suites de couches. Dans un deuxième temps, des aménagements ont permis davantage de souplesse quant aux visites des pères. La fratrie du nouveau-né, puis parfois la famille proche, ont pu par la suite avoir de nouveau accès aux visites.
|
Table des matières
1. Introduction
1.1 Breast is best
1.2 Allaitement maternel en France
1.3 Crise sanitaire et confinement
1.4 Visites en maternité
2. Matériels et méthodes
2.1 Design de l’étude
2.2 Population étudiée
2.3 Période de recrutement des patientes
2.4 Suivi des patientes
2.5 Comparaison à une population témoin
2.6 Analyse statistique
3. Résultats
3.1 Population initiale recrutée
3.2 Questionnaires initiaux en maternité
3.2.1 Perdues de vue
3.2.2 Echecs précoces d’allaitement
3.2.3 Vécu des primipares
3.3 Ressenti maternel selon les restrictions de visites
3.4 Résultats de la cohorte à un mois
3.5 Comparaison des patientes à M+1 selon la poursuite ou non de l’allaitement
3.6 Comparaison avec un groupe témoin
4. Discussion
4.1 Ce que nous montre cette étude
4.1.1 Un vécu maternel positif
4.2 Limites de l’étude
5. Conclusion
6. Bibliographie
Dossier de consentement remis aux patientes
Questionnaire téléphonique à un mois révolu