Alimentation spécifique (végétarisme, végétalisme) et grossesse

L’alimentation est essentielle au bon fonctionnement de notre organisme. En effet, celle-ci nous procure des vitamines, minéraux, protéines, glucides, lipides… essentiels au bon fonctionnement du corps humain, à sa croissance et sa maturation. Aujourd’hui, de nouveaux types d’alimentation émergent peu à peu en France et dans le monde entier. Qu’il s’agisse de convictions religieuses, écologiques, éthiques ou pour des raisons de santé, la viande, le poisson et les œufs voire les produits laitiers ont tendance à disparaître, partiellement ou totalement des habitudes alimentaires des français. Il existe différents types d’alimentation mais nous nous concentrerons sur le végétarisme et le végétalisme, les plus retrouvés dans la population française. Au cours de la grossesse, le corps humain a besoin de plus d’éléments pour nourrir deux êtres vivants et permettre une bonne croissance fœtale. Les professionnels de santé sont en première ligne pour accompagner et conseiller les femmes sur l’alimentation qu’il est nécessaire d’adopter pendant cette période de gestation de manière à garantir un bon équilibre et favoriser le développement normal du fœtus. Les professionnels de la périnatalité sont-ils suffisamment formés pour suivre une femme végétarienne ou végétalienne pendant sa grossesse ? Quels impacts ces alimentations peuvent elles avoir sur la grossesse, la croissance et le développement fœtal ? Quelles solutions existe-t-il pour prévenir, détecter et corriger les carences liées au déficit de certains nutriments ?

Définitions et chiffres sur le végétarisme et le végétalisme

Selon le Larousse, le végétarisme se définit comme une « alimentation excluant toute chair animale (viande, poisson) mais qui admet en général la consommation d’aliments d’origine animale comme les œufs, le lait et les produits laitiers (fromages, yaourts) » [1]. Certains excluent uniquement la viande, d’autres seulement les œufs ou les produits laitiers. Au contraire, le végétalisme, lui, exclut « tout aliment d’origine animale (viande, poisson, œufs, produits laitiers, miel) » [2.] Cette alimentation est donc plus à risque de carences pour l’organisme. Selon une étude [3] menée en 2020, 2,2% des français seraient végétariens ou végétaliens et 24% des français limiteraient leur consommation de viande (appelés flexitariens). Ces alimentations concerneraient davantage les jeunes (entre 18 et 30 ans), période principale de conception d’un enfant.

Alimentation et grossesse

Recommandations alimentaires pendant la grossesse 

Les besoins nutritionnels sont majorés pendant la grossesse. Le dernier rapport de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) relatif aux repères alimentaires du Programme National Nutrition Santé (PNNS) concernant les femmes enceintes ou allaitantes, paru en décembre 2019, recommande une alimentation variée et équilibrée pendant la grossesse associée à une activité physique régulière [4]. Les recommandations de prise de poids pendant la grossesse varient selon l’Indice de Masse Corporel (IMC) de la femme avant celle-ci. Une femme enceinte augmente son poids de 13 kilogrammes en moyenne pendant une grossesse singleton [4]. La prise de poids est plus importante lors d’une grossesse gémellaire (Annexe I). La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande une prise de poids d’1 kilogramme tous les mois puis 1,5 kilogrammes les deux derniers mois.

Une alimentation équilibrée signifie qu’une femme enceinte doit idéalement manger cinq fruits et légumes par jour, trois produits laitiers, des féculents à chaque repas et une protéine animale (viande, poisson, œuf) une à deux fois par jour. Elle doit limiter la consommation de matières grasses ajoutées, de sucre et de sel [5]. L’apport en eau est primordial lors d’une grossesse et doit être d’au moins deux litres et demi par jour (un litre apporté par les boissons et le reste par les aliments) [4]. La consommation de produits alcoolisés est totalement proscrite pendant la grossesse. Les vitamines et les minéraux sont des « substances indispensables au bon fonctionnement de l’organisme » apportées par l’alimentation [3]. (Annexe II). Chacune de ces molécules possède une propriété spécifique dans le corps [4,5,6,7] :
➤ Les folates ou vitamine B9 interviennent dans la synthèse des noyaux puriques et pyrimidiques et permettent le développement normal du système nerveux de l’embryon. On en trouve dans les épinards, la mâche, les noix et noisettes, dans beaucoup de fruits et légumes (choux de Bruxelles, chou-fleur, brocolis, céleri rave, betterave…), dans les œufs, les légumineuses (lentilles, pois cassés, fèves), le fromage et le pain.
➤ Le calcium est aussi important pour la mère que pour la croissance fœtale. Il est présent essentiellement dans les produits laitiers et le lait, ou à défaut dans les eaux minérales riches en calcium. Il est présent en plus petites quantités dans les fruits et légumes frais, les céréales et légumineuses, les graines et oléagineux, les herbes et épices ainsi que les fruits secs.
➤ La vitamine D augmente l’absorption de calcium par l’organisme. Elle est synthétisée par la peau sous l’effet des rayons ultra-violets du soleil mais nous pouvons également en consommer à travers les poissons gras (saumon, maquereau, sardines, hareng…).
➤ Le fer est indispensable à la synthèse de l’hème, composant de l’hémoglobine. Il est présent dans la viande et le poisson, mais également dans les légumes secs (lentilles, haricots blancs ou rouges, pois chiches, quinoa…), le cacao, les algues, les amandes ou les épinards. La consommation de produits riches en vitamine C (agrumes, cassis, kiwi, fraises, ananas, persil, poivrons, choux) en fin de repas favorise l’absorption du fer d’origine végétale. En revanche, la consommation de thé pendant les repas limite son absorption.
➤ L’iode permet à la thyroïde de fonctionner correctement et assure une bonne croissance cérébrale fœtale. On en trouve dans les fruits de mer, les poissons et les algues, le lait et les produits laitiers et les sels enrichis en iode.
➤ Le zinc intervient dans l’immunité, dans l’expression des gènes, dans la fabrication des protéines et agit sur les métabolismes hormonaux. Il est retrouvé dans les crustacés, les moules, les poissons de mer, le lait et les produits laitiers ou encore les œufs, mais aussi dans les lentilles, les flocons d’avoine et le pain complet.
➤ La vitamine B12 ou cobalamine intervient dans l’utilisation de glucides par le système nerveux central et participe à la fabrication de neuromédiateurs. Elle permet également la formation des globules rouges, des globules blancs et des plaquettes. Elle est présente exclusivement dans la viande, le poisson, les œufs et les produits laitiers.
➤ Les oméga-3 sont des acides gras polyinsaturés essentiels à la formation des membranes des cellules, au développement rétinien et cérébral, à la régulation des taux de cholestérol et de triglycérides et ont un rôle anti-inflammatoire et antithrombotique. Ils sont essentiellement présents dans les poissons gras (saumon, maquereau, sardines, hareng…) mais aussi dans de nombreuses huiles telles que l’huile de lin, de noix, de chanvre ou de colza et les fruits secs (noix, noisettes, amandes…).

Il est évidemment recommandé aux professionnels de santé d’effectuer des mesures de prévention à chaque femme enceinte concernant les risques infectieux liés à l’alimentation (toxoplasmose, salmonellose et listériose) [8]. Les femmes végétariennes et végétaliennes doivent surtout veiller à ce que les fruits et légumes soient bien lavés [4].

Grossesse, végétarisme et végétalisme

Le végétarisme et le végétalisme démontrent depuis plusieurs années certains bénéfices sur la santé [9,10,11]. En effet, ils diminueraient le risque de développer un diabète de type 2, une maladie cardio-vasculaire ou encore certains cancers. [12] Ils diminueraient également l’indice de masse corporel, le cholestérol, le taux d’hypertension artérielle et les accidents vasculaires cérébraux. [13] Une alimentation végétarienne pendant la grossesse protègerait ainsi de certaines pathologies gravidiques telles que la pré-éclampsie ou le diabète gestationnel .

Une alimentation végétarienne équilibrée et surveillée par un professionnel de santé n’entraînerait pas de risque pour la grossesse et l’enfant à naître [17,18]. Cependant, selon plusieurs études, l’exclusion de toute protéine animale pourrait entraîner des carences chez la femme enceinte, principalement en vitamine B12 et en fer [16,17], carences délétères chez la femme enceinte.

Carence en vitamine B12 (Cobalamine) chez la femme enceinte

Certaines vitamines retrouvées uniquement dans les produits animaux sont indispensables à la croissance et au développement neurologique du fœtus. C’est le cas notamment de la vitamine B12. Son absence entraîne une anémie mégaloblastique et une pancytopénie chez la femme induisant des risques plus élevés d’infertilité, de fausses couches spontanées, de pré-éclampsie, d’hypertension gravidique ou encore d’accouchement prématuré [17]. Elle peut également provoquer des troubles neurologiques comme une paresthésie, une ataxie, une diminution de la sensibilité ou, plus rarement, des troubles cognitifs. Chez l’enfant à naître, elle peut être responsable d’atteintes neurologiques sévères telles qu’une anomalie de fermeture du tube neural ou une anencéphalie et de Retard de Croissance Intra-Utérin (RCIU) [7,13]. Les femmes végétaliennes sont plus à risque de carence que les femmes végétariennes, et cette carence est la plus redoutée chez ces femmes [12,16,18]. Plus la femme a adopté cette alimentation jeune, plus le risque de carence peut être sévère. Afin de prévenir celle-ci, il faut doser le taux de vitamine B12 dans le sang (< 145 pmol/L en cas de carence), l’holotranscobalamine (< 30 pmol/L) et l’acide méthylmalonique (qui sera augmenté) [19]. Ce dépistage devrait être proposé chez toutes les femmes excluant les produits d’origine animale de leur alimentation, dès le début de la grossesse.

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Table des matières

PARTIE I : INTRODUCTION
1. Définitions et chiffres sur le végétarisme et le végétalisme
2. Alimentation et grossesse
2.1 Recommandations alimentaires pendant la grossesse
2.2 Grossesse, végétarisme et végétalisme
2.2.1 Carence en vitamine B12 (Cobalamine) chez la femme enceinte
2.2.2 Carence en fer chez la femme enceinte
2.2.3 Carence en zinc chez la femme enceinte
2.2.4 Focus sur les phyto-oestrogènes
3. Les supplémentations vitaminiques et minérales chez la femme enceinte
3.1 Dans la population générale
3.2 Chez les femmes végétariennes et végétaliennes
3.3 Prévention des carences
4. Problématique
PARTIE II : MATERIEL ET METHODES
1. Question de recherche
1.1 Question de recherche
1.2 Objectifs
1.3 Hypothèses
2. Description de l’étude
3. Population étudiée
3.1 Critères d’inclusion
3.2 Critères d’exclusion
4. Outils de recueil de données
5. Recueil et analyse des données
PARTIE III : RESULTATS
1. Caractéristiques de la population
2. Alimentation végétarienne et grossesse : une différence selon la profession ?
2.1 Dépistage et suivi de grossesse
2.2 Examens biologiques et supplémentations
2.3 Un risque pour la grossesse et l’enfant ?
3. Orientation et formation
3.1 Orientation vers diététicien/nutritionniste
3.2 Vers une formation supplémentaire des professionnels ?
PARTIE IV : ANALYSE ET DISCUSSION
1. Forces et faiblesses de l’étude
2. Discussion des résultats
2.1 Les connaissances des professionnels sont insuffisantes
2.1.1 Concernant les alimentations végétariennes et végétaliennes
2.1.2 Concernant les risques que ce type d’alimentation peut engendrer
2.2 Manque de prise en charge par les professionnels des carences pouvant survenir chez les femmes végétariennes et végétaliennes
2.2.1 Le dépistage de carences
2.2.2 Les supplémentations
2.2.3 Orientation
2.3 Les professionnels en demande d’information sur le sujet
3. Propositions
3.1 Favoriser la formation des professionnels de santé
3.2 Promouvoir le dépistage et la prise en charge par les professionnels de santé
3.3 Mettre des outils à disposition des professionnels de santé
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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