Les dernières estimations de I’OMS [74] indiquent que l’infection à VIH concerne 2,1 millions d’enfants dans le monde, dont près de 90 % vivent en Afrique subsaharienne constituant ainsi un véritable problème de santé publique. L’essentiel des cas de sida pédiatrique résulte de la transmission mère-enfant du virus. Celle-ci a lieu pendant la grossesse, au moment de l’accouchement ou lors de l’allaitement. En l’absence d’intervention médicale et d’allaitement, le risque qu’une mère infectée transmette le virus à son enfant est de 15 à 30%. L’allaitement maternel majore ce risque de 5 à 20% [88]. La proportion des enfants qui se contaminent par le biais de l’allaitement est non négligeable. La diminution de la transmission du VIH de la mère à l’enfant constitue donc un défi majeur dans la lutte contre le VIH/SIDA.
En Afrique, des progrès considérables ont été réalisés au cours de ces dix dernières années pour prévenir le risque de transmission mère-enfant du VIH par l’utilisation de régimes courts d’antirétroviraux dès le troisième trimestre de grossesse permettant ainsi d’obtenir des taux de transmission inférieur à 5%. L’allaitement maternel qui est largement pratiqué de manière prolongée en Afrique est responsable d’un grand nombre d’infections par le VIH et diminue l’efficacité des interventions conduites autour de l’accouchement. Il existe actuellement des alternatives à l’allaitement maternel prolongé, qui permettent de réduire efficacement ce risque de transmission postnatale du VIH. Celles-ci initialement nombreuses se sont progressivement réduites au fur et à mesure de l’avancée des connaissances scientifiques et se résument actuellement à l’allaitement maternel exclusif avec sevrage précoce et à l’alimentation par des substituts du lait maternel. Cette dernière est l’option de premier choix chaque fois qu’elle est possible et faisable. Une des contraintes majeures que rencontrent les femmes infectées par le VIH dans les pays en développement qui choisissent l’alimentation de substitution est le risque de stigmatisation. Par ailleurs, dans nos pays, en raison d’une hygiène parfois défectueuse et d’une utilisation inadéquate des substituts du lait maternel, le risque de décès des enfants ainsi alimentés reste important. Les femmes infectées par le VIH sont donc confrontées à de nombreuses difficultés lorsqu’elles choisissent d’alimenter leur enfant par des substituts du lait maternel.
GENERALITES
Epidémiologie
Prévalence chez l’adulte
Le nombre de personnes vivant avec le VIH dans le monde en 2009 est estimé à 33,4 millions, soit 16% de moins que l’estimation de 39,5 millions publiée en 2006 (tableau 1). L’Afrique subsaharienne reste la zone la plus touchée par l’épidémie, en effet plus des deux tiers (67%) de toutes les personnes infectées par le VIH vivent dans cette région. Le SIDA constitue une cause importante de mortalité en Afrique subsaharienne. Sur un total mondial de 2 millions de décès (adultes et enfants) en 2008, 1,4 million soit 70 % sont survenus en Afrique subsaharienne. On estime également que 1,9 million de personnes y ont été nouvellement infectées, ce qui porte à 22,4 millions le nombre total de PVVIH dans ce continent. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres régions, la majorité des personnes vivant avec le VIH en Afrique subsaharienne (60%) sont des femmes. Cette forte proportion de femmes vivant avec le VIH en Afrique subsaharienne a un impact considérable sur les enfants, 90% des infections pédiatriques étant d’origine maternelle.
Au Sénégal, la situation épidémiologique est décrite comme une épidémie de type concentré avec une prévalence moyenne de 1,3% chez les femmes enceintes et une prévalence de l’ordre de 15% à 20% chez les travailleuses du sexe. Les résultats de l’enquête démographique de santé [62] ont montré qu’au niveau national, la prévalence globale, tous les sexes confondus est de 0,7%. Cependant, les femmes, avec un taux de prévalence de 0,9% sont plus infectées que les hommes (0,4%).
Prévalence chez l’enfant
Au niveau mondial, le nombre d’enfants vivant avec le VIH est passé de 1,5 millions en 2001 à 2,1 millions en 2008. Le nombre de nouvelles infections a toutefois diminué passant de 460000 en 2001 à 430000 en 2008. Les décès attribuables au SIDA parmi les enfants avaient augmenté de 330000 en 2001 à 360000 en 2005, mais ont commencé à diminuer, l’estimation en 2008 étant de 280000. Près de 90% de l’ensemble des enfants séropositifs vivent en Afrique subsaharienne. Au Sénégal, sans intervention, on estime qu’environ 2089 enfants nouvellement infectés par le VIH sont attendus chaque année.
Rappels sur le virus
Classification
Les Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH) appartiennent à la famille des Retroviridae. La famille des Retroviridae, largement répandue parmi les diverses espèces animales, est divisée en trois sous-familles selon des critères de pathogénie [15]:
– Les oncovirus sont les rétrovirus les plus répandus et sont retrouvés associés à des tumeurs et à des leucémies.
– Les lentivirus sont caractérisés par l’apparition de maladies à évolution lente et par leur pouvoir cytopathogène en culture. Les VIH sont les agents responsables du SIDA (Syndrome d’Immunodéficience Acquise) et font partie de cette sous-famille.
– Les spumavirus sont des virus retrouvés chez de nombreux mammifères mais ne sont associés à aucune pathologie connue chez l’homme et l’animal.
Structure du VIH
En microscopie électronique, les VIH après avoir été libérés par bourgeonnement à la surface des cellules hôtes, se présentent schématiquement sous forme de particules sphériques de 90 à 120 nanomètres de diamètre [5]. Ces particules sont formées (figure 1) :
– d’une membrane : d’origine cellulaire qui renferme des molécules de glycoprotéines d’enveloppe externe (gp120) et de glycoprotéines transmembranaires (gp41)
– d’une matrice : l’intérieur de la particule virale est tapissé de molécules correspondant aux protéines de la matrice (p17) et contient également la protéase virale (prot).
– d’une capside : qui se présente sous forme de trapèze au centre de la particule virale constituée de protéines (p24). A l’intérieur de cette capside se trouvent les protéines de la nucléocapside (p7), deux des trois enzymes virales (la transcriptase reverse ou TR et l’intégrase ou int) et le matériel génétique du virus constitué de deux molécules d’ARN identiques.
– du génome viral : Chaque molécule d’ARN viral est pourvue à chaque extrémité d’une région répétitive R et de régions appelées U5 et U3. Elle est constituée d’environ 9000 nucléotides dont une majeure partie correspond aux trois gènes rétroviraux classiques appelés: gag, pol, env.
Cycle de réplication
Le cycle réplicatif (figure 2) du VIH comporte des événements précoces qui aboutissent à l’intégration du génome viral dans le génome de la cellule hôte et des événements plus tardifs dont résulte la formation de nouveaux virions [6].
Diagnostic biologique de l’infection à VIH chez l’enfant
Un des défis majeurs dans l’infection à VIH demeure le diagnostic précoce chez l’enfant né de mère séropositive. En effet, les tests sérologiques sont toujours positifs à la naissance suite au passage transplacentaire d’anticorps de type IgG de la mère vers l’enfant qui persistent jusqu’à l’âge de 18 mois. De ce fait, le diagnostic précoce dans les premiers mois de vie chez l’enfant né de mère séropositive nécessite la mise en évidence du virus par des techniques moléculaires [48, 82].
Chez le nouveau-né
A la naissance, la présence d’IgG maternelles ayant passées la barrière placentaire, et donc présentes dans le sang de l’enfant, empêchent l’utilisation des tests sérologiques classiques. Le diagnostic repose alors sur la recherche directe du virus ou de ses éléments (antigène ou génome viral).
Culture virale
La mise en culture des lymphocytes sanguins infectés et leur activation peut conduire à une production de virus dans les surnageants de culture. On peut évaluer cette réplication virale par la mesure de la reverse-transcriptase, ou par la mesure d’antigènes p24 libérés par les surnageants. Le calendrier de réalisation de ce test préconise, chez les enfants non allaités et en l’absence de limitation de l’accès au test, une recherche à la naissance, à 1 mois, à 3 mois et à 6 mois de vie.
P C R
Elle consiste à la mise en évidence après amplification, d’un fragment de l’ADN pro-viral du VIH intégré dans le génome des lymphocytes.
Sa spécificité et sa sensibilité sont identiques à celles de la culture virale.
Antigénémie P24
La réplication active du VIH entraîne la formation et le largage, dans la circulation, de protéines. Des techniques d’immunocapture permettent la détection de ces protéines p 24 (protéine majeure constitutive du VIH). Certains nouveau-nés ont une antigénémie détectable et c’est un moyen facile et peu coûteux de faire un diagnostic précoce. Cependant, la sensibilité de cette technique à la naissance est médiocre et est de 20 % (seul un nouveau né sur 5 peut être ainsi détecté). Sa spécificité est de 100 %, en effet on ne retrouve pas d’antigénémie positive chez des nouveaux nés non infectés, même si leur mère avait elle même une antigénémie positive [83]. Quelle que soit la technique utilisée, il est important de confirmer tout résultat positif sur un deuxième prélèvement, avant l’annonce définitive de l’infection de l’enfant.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: REVUE DE LA LITTERATURE
1. GENERALITES
1.1. Epidémiologie
1.1.1. Prévalence chez l’adulte
1.1.2. Prévalence chez l’enfant
1.2. Rappels sur le virus
1.2.1. Classification
1.2.2. Structure du VIH
1.3. Diagnostic biologique de l’infection à VIH chez l’enfant
1.3.1. Chez le nouveau-né
1.3.2. Chez l’enfant de moins de 18 mois
1.3.3. Chez l’enfant de plus de 18 mois
2. TRANSMISSION MERE ENFANT DU VIH
2.1. Moment et taux de transmission
2.2. Mécanisme de la transmission
2.2.1. Transmission in-utero
2.2.2. Transmission intra-partum
2.2.3. Transmission par le lait maternel
2.3. Facteurs de risque de la transmission
2.4. Prévention de la transmission mère enfant du VIH
2.4.1. Utilisation des antirétroviraux
2.4.2. Précautions obstétricales et césariennes programmées
2.4.3. Prévention postnatale de la TME du VIH
3. VIH ET ALIMENTATION DU NOURRISSON
3.1. Concepts de base en matière d’alimentation du nourrisson dans le contexte VIH
3.2. Recommandations de l’OMS sur l’alimentation des nourrissons dans le contexte du VIH
3.3. Conseils en matière d’alimentation du nourrisson
3.4. Pratiques de l’alimentation du nourrisson dans le contexte du VIH
3.4.1. Alimentation du nourrisson de 0 à 6 mois
3.4.2. Alimentation du nourrisson après 6 mois
3.5. Le dilemme de l’alimentation des enfants nés de mères séropositives en Afrique
DEUXIEME PARTIE: TRAVAIL PERSONNEL
1. OBJECTIFS DE L’ETUDE
1.1. Objectif général
1.2. Objectifs spécifiques
2. METHODOLOGIE
2.1. Cadre de l’étude
2.1.1. Présentation du Centre de Santé Roi Baudouin
2.1.2. Présentation de l’ONG Synergie Pour l’Enfance
2.2. Suivi des nourrissons nés de mères séropositives
2.3. Type et période d’étude
2.4. Population d’étude
2.4.1. Critères d’inclusion
2.4.2. Critères d’exclusion
2.5. Recueil de données
2.6. Paramètres étudiés
2.7. Lieux d’enquête
2.8. Saisie et analyse de données
2.9. Aspects éthiques
2.10. Difficultés rencontrées
3. RESULTATS
3.1. Données de l’enquête des mères
3.1.1. Caractéristiques sociodémographiques et économiques des mères
3.1.2. Circonstances de découverte de la séropositivité
3.1.3. Contraception
3.1.4. Existence d’une grossesse durant la période d’alimentation de substitution
3.1.5. Partage de la confidentialité
3.1.6. Choix de l’alimentation de substitution au sein du couple
3.1.7. Vécu et pratiques des mères concernant l’alimentation de substitution
3.1.8. Problèmes rencontrés dans la conduite de l’alimentation de substitution
3.1.9. Avis des mères sur l’allaitement maternel protégé par les ARV
3.2. Données de l’étude des dossiers des enfants
3.2.1. Données concernant les mères
3.2.2. Données concernant les enfants
4. DISCUSSION
4.1. Données de l’enquête des mères
4.1.1. Caractéristiques sociodémographiques et économiques des mères
4.1.1.1. Age des mères
4.1.1.2. Répartition des mères selon l’ethnie
4.1.1.3. Religion
4.1.1.4. Niveau d’étude
4.1.1.5. Lieu de résidence
4.1.1.6. Professions des mères et des conjoints
4.1.1.7. Commodités domestiques
4.1.2. Circonstance de découverte de la séropositivité
4.1.3. Contraception et existence d’une grossesse durant la période d’alimentation de substitution
4.1.4. Partage de la confidentialité
4.1.5. Choix de l’alimentation de substitution au sein du couple
4.1.6. Vécu et pratiques des mères concernant l’alimentation de substitution
4.1.7. Justification de l’alimentation de substitution vis-à-vis de l’entourage
4.1.8. Avis des mères sur l’Allaitement maternel protégé par les ARV
4.2. Données de l’étude des dossiers des enfants
4.2.1. Données concernant les mères
4.2.1.1. Type de virus
4.2.1.2. Taux de lymphocytes T CD4
4.2.1.3. Prophylaxie des femmes enceintes séropositives
4.2.1.4. Mode d’accouchement
4.2.2. Données concernant les enfants
4.2.2.1. Lieu et terme de naissance de l’enfant
4.2.2.2. Poids de naissance
4.2.2.3. Prophylaxie ARV chez le nouveau-né
4.2.2.4. Devenir
CONCLUSION