Alignement Stratégique du Système d’Information : une revue panoramique de la littérature
Au préalable nous clarifions la notion de l’alignement stratégique, le fondement théorique ainsi que les principaux modèles qui ont été construits autour de cet axe de recherche . Nous consacrons le deuxième titre à la présentation des principales critiques et perspectives adressées à ce thème dans le but de détecter les prémices d’une nouvelle vision portée sur la dimension d’usage .
La construction théorique portant sur l’alignement stratégique du SI
La revue des états de l’art en Systèmes d’Information montre la profusion des recherches anglo-françaises, tant académiques que professionnelles, portant sur la problématique de l’alignement stratégique. Située au point de croisement de deux domaines de recherche en sciences de gestion le « Management Stratégique » et le « Systèmes d’Information », la notion de l’alignement stratégique consiste, à mettre en cohérence la stratégie du SI et la stratégie d’affaires. Ainsi, l’analyse du fondement théorique autour de cette expression nous parait un préliminaire nécessaire avant d’exposer les différentes modélisations se rapportant à cette thématique.
L’alignement stratégique : de quoi parle-t-on ?
Fondement théorique de l’alignement stratégique
L’idée de l’alignement stratégique est inspirée de longue date par les approches classiques du management stratégique. Depuis l’apparition de l’article pionnier de Porter et Millar en 1985, intitulé « How Information gives you competitive advantage », la communauté scientifique considère que les SI ne peuvent être confinés au rôle secondaire d’auxiliaires du fonctionnement de l’organisation mais doivent, désormais, être admis comme éléments moteurs des choix stratégiques (Reix, 2005).
D’après Porter et Millar (1985), il y aurait cinq manières d’utiliser les TI comme avantage concurrentiel : (1) en tirant avantage de modification dans la nature de l’industrie, (2) en changeant la nature de la compétition, (3) en trouvant de nouvelles sources de différenciation, (4) en modifiant l’étendue concurrentielle, et (5) en développant de nouvelles activités (De Vaujany, 2005). Les SI deviennent en eux-mêmes une « arme stratégique » au service de stratégies d’affaires pré-définies ou comme déterminants de stratégies originales, totalement nouvelles (Reix, 2005).
En accord avec cette vision, de nombreux chercheurs ont proposé de mobiliser la pensée stratégique classique au domaine du SI. C’est le cas des travaux de Henderson et Venkatraman (1991, 1993) autour de leur modèle SAM. D’après ces auteurs, la question d’intérêt n’est plus de savoir si les SI ont un rôle stratégique ; elle est plutôt d’appréhender comment les exploiter dans le cadre du management stratégique (Hassairi, 2001). C’est ainsi que leurs réflexions fédératrices ont révélé la nécessité d’intégrer le management des SI aux objectifs stratégiques de l’organisation et soulevé, de ce fait, une nouvelle perspective de recherche dite de « l’alignement stratégique » avec la mise en évidence du concept « fit ».
En investiguant davantage l’origine du terme « fit », nous pouvons constater un ancrage théorique dans le domaine de l’alignement organisationnel, largement marqué par la perspective de contingence la plus classique de Lawrence et Lorsch (1967). Pour mieux caractériser la nature de l’alignement organisationnel, Bluedorn et al. (1994) définissent le « fit » comme étant « la situation dans laquelle un alignement existe entre la stratégie d’une organisation et son contexte aussi bien interne qu’externe » (pp.241). Venkatraman et Camillus (1984) précisent que le « fit » constitue l’assise théorique fondamentale du management stratégique et ce pour quatre raisons : 1/ le domaine de la politique des affaires (le paradigme stratégique initial) trouve son ancrage dans le concept du « matching » ou du « aligning » des ressources organisationnelles avec les opportunités et les menaces de l’environnement ; 2/ le management stratégique emprunte ses concepts et ses méthodes à d’autres disciplines utilisant le concept « fit » comme l’économie industrielle, le comportement administratif et le Marketing ; 3/ le « fit » a été utilisé comme un concept normatif par de nombreux consultants pour montrer l’importance de la synchronisation des éléments complexes d’une organisation avec une implémentation efficace des stratégies choisies, et 4/ suite à la proposition de Hofer (1975) de s’inscrire davantage dans une perspective de contingence, les études empiriques en management stratégique ont intégré le «fit», que ce soit de manière explicite ou implicite, afin d’élucider la complexité des questions stratégiques.
C’est ainsi que, le terme « fit » puise son origine dans les modèles classiques de contingence (Van de Ven, 1979). Initialement dédiée à Lawrence et Lorsch, la théorie de contingence se fonde sur une assertion de base selon laquelle l’efficacité organisationnelle est affectée directement par son contexte en termes d’environnement, de taille et d’industrie. Leur analyse originelle, avancée en 1967, s’articule autour de deux concepts clés : « la différenciation » (entre les sous-unités de l’entreprise) et « l’intégration » (coordination entre ces sous-unités). En fait, le changement de l’environnement amplifie le degré de différenciation et génère, en conséquence, une demande élevée d’un effort d’intégration. Ainsi, le succès de l’intégration est tributaire du degré d’achèvement de l’alignement organisationnel (Weill et Olson, 1989). Pour résumer, nous pouvons affirmer que le rattachement de la problématique de l’alignement du SI aux approches stratégiques les plus classiques, fortement ancrées dans une perspective de contingence, ne fait aucun doute. D’après Venkatraman (1995), la stratégie des SI se définit en terme de positionnement de la firme sur le marché des TI et ressemble en tout point à la stratégie commerciale (De Vaujany, 2005). Ainsi, Tallon et Kraemer (2003) ont systématisé l’argument de M. Porter, relatif à la double orientation stratégique de l’organisation « l’efficacité opérationnelle » et « le positionnement stratégique », afin de montrer que ces objectifs peuvent être transposés directement aux SI. Appliquée à l’alignement stratégique des SI, la théorie de contingence montre que certains facteurs contextuels et organisationnels (y compris le SI) convergent ensemble pour faciliter l’alignement et produire, par la suite, une performance supérieure (Chan et Reich, 2007).
C’est ainsi que Henderson et Venkatraman (1993) stipulent que la robustesse de leur modèle d’alignement se situe au niveau du « fit stratégique » et de « l’intégration fonctionnelle », deux caractéristiques fondamentales du management stratégique. Selon ces auteurs, c’est l’alignement dynamique entre le contexte stratégique de l’entreprise et son infrastructure informatique qui contribue à accroître l’efficience et l’efficacité de la firme (De Vaujany, 2005).
Définition de l’alignement stratégique
La question de la contribution et de la synchronisation du SI avec la stratégie de l’entreprise et sa performance est alors un sujet émergent et prend une place croissante dans les préoccupations des communautés académiques et praticiennes (Fimbel, 2006). Ainsi, de nombreuses caractérisations et définitions de la nature du concept d’alignement sont avancées dans la littérature, témoignant du coup de la richesse sous-jacente du concept évoqué. Comme toujours, pour entamer une clarification sémantique, il est nécessaire de revenir au dictionnaire. Selon le Petit Robert (2000) : « Alignement (n. m.) de aligner. 1. Fait d’aligner, d’être aligné. 2. Action de s’aligner, une personne se met à l’alignement. 3. Rangée de choses alignées. Contr. Non alignement. Aligner (v. tr.) : 1. Disposer selon une ligne droite. […] 3. Aligner qqch. sur : mettre sur la même ligne que, rendre conforme à. S’aligner (v. pron.) : 1. Etre disposé, se placer sur la même ligne. 2. Fam. Tu peux toujours t’aligner. 3. S’aligner sur qqn, qqch. adopter son comportement, s’y conformer ». Selon Dictionnaire Hachette Encyclopédique (1998) : « Alignement (n. m.) 1. Action d’aligner ; disposition sur une ligne droite. 2. Tracé en ligne effectué au moyen de repères, de jalons ; droite imaginaire reliant deux, plusieurs repères. Aligner (v. tr) 1. Disposer, ranger sur une même ligne droite. 2. (v. pron.) Se mettre sur la même ligne, se conformer à la ligne ».
|
Table des matières
Introduction
1. Formulation de la question fédératrice de la thèse
2. Objectifs de la thèse
3. Déroulement de la thèse
Chapitre.1. L’Alignement Stratégique des Usages : une nouvelle perspective de l’alignement centrée sur les usages du Système d’Information
1. Alignement Stratégique du Système d’Information : une revue panoramique de la littérature
1.1. La construction théorique portant sur l’alignement stratégique du SI
1.2. Vers de nouvelles perspectives de l’alignement stratégique
Conclusion de la section.1
2. Les Usages au centre de la problématique de l’alignement stratégique du Système d’Information
2.1. Le fondement théorique de la notion d’usage du SI
2.2. Alignement stratégique des usages du SI : une nouvelle perspective de l’alignement stratégique
Conclusion de la section.2
Conclusion du Chapitre.1
Chapitre.2. La Culture Organisationnelle : émergence d’une hypothèse culturaliste pour l’étude de l’alignement stratégique du Système d’Information
1. Quelles dimensions culturelles pour l’alignement stratégique du Système d’Information ?
1.1. Place de la culture dans la recherche en alignement stratégique
1.2. Emergence d’une hypothèse culturaliste pour la problématique de l’alignement stratégique
Conclusion de la section.1
2. La Culture Organisationnelle : un état de l’art
2.1. Fondement théorique de la notion de culture
2.2. La Culture Organisationnelle : définition, dimensions et mesure
Conclusion de la section.2
Conclusion du Chapitre.2
Chapitre.3. Alignement Stratégique des Usages du Système d’Information et Culture Organisationnelle : pourquoi mobiliser une lecture culturaliste ?
1. Le Dynamisme Relationnel au cœur de la problématique de l’alignement stratégique des usages
1.1. L’alignement stratégique des usages : une responsabilité partageé entre les parties prenantes managériales (DG, DSI et DM)
1.2. Vers la mobilisation de la Théorie des Parties Prenantes
1.3. L’Aspect cognitif du dynamisme relationnel autour de l’alignement stratégique des usages du SI
Conclusion de la section.1
2. La Culture organisationnelle face au dynamisme relationnel autour de l’alignement stratégique des usages du SI
2.1. Le caractère conflictuel du dynamisme relationnel entre les trois parties prenantes de l’alignement stratégique des usages du SI
2.2. Des dimensions culturelles pour acclimater le dynamisme relationnel autour de l’alignement stratégique des usages du SI
Conclusion de la section.2
Conclusion du Chapitre.3
Chapitre.4. Les Systèmes d’Information construits autour des Systèmes ERP : la phase du post-basculement comme cadre d’analyse
1. Les Systèmes d’Information construits autour des systèmes ERP
1.1. Le Système d’Information et la transition vers les systèmes ERP
1.2. Qu’est ce qu’un système ERP ?
Conclusion de la section.1
2. La phase du Post-Basculement du système ERP : le cadre d’analyse
2.1. La phase du post-basculement du système ERP : de quoi s’agit-il ?
2.2. Pourquoi choisir le post-basculement du système ERP comme phase d’analyse ?
Conclusion de la section.2
Conclusion du Chapitre.4
Conclusion