Les caractéristiques de la Seine-Inférieure sur le grand siècle (1800-1910)
Une industrialisation et une tertiarisation rapide au cours du siècle
La caractéristique économique et sociale de la Seine-Inférieure au XIXe siècle fut son industrialisation et son urbanisation précoces. En 1806, la Seine-Inférieure faisait partie des 22 départements les plus industrialisés. Elle était toujours parmi les 15 premiers en 1911. Sa « tertiarisation » fut aussi rapide : en 1911 la proportion des petits employés et fonctionnaires rapportée à la population active était une des plus fortes de France. La Seine-Inférieure arrivait dans les 10 premiers départements français pour leur effectif. En 1906, ce département haut-normand faisait définitivement partie de la « France dite industrielle » avec plus de 40% de ses travailleurs actifs dans l’industrie. Parmi, les actifs agricoles en 1901, on pouvait aussi noter une nette majorité de fermiers exploitants au détriment des métayers.
Les atouts démographiques de la Seine-Inférieure
Le solde naturel sera constamment positif sur le siècle et le département gagnera en population entre 1831 et 1911. L’indice de nuptialité sera en constante progression entre 1831 et 1901. Le relèvement de la fécondité apparut surtout sous le Second Empire ce qui pouvait contribuer à combler la forte mortalité infantile sur l’ensemble du siècle. Pourtant la SeineInférieure arrivait encore en 1913 à la position 31e des départements avec la plus forte mortalité. Les épidémies de choléra avaient fait décéder en 1832 1 à 5% des habitants et 1 à 2,5% des habitants en 1854-1855. Mais en 1861 la Seine-Inférieure arrivait dans le 1er quartile des départements avec la plus forte fécondité résiduelle (fécondité corrigée de l’effet de la mortalité) si bien qu’en 1886 elle se trouvait quand même dans le peloton de tête des départements les plus féconds .
Tout au long du XIXe siècle une forte proportion de femmes célibataires habitait en SeineInférieure. Elles avaient entre 20 et 24 ans. Cette classe d’âge était toujours vivace dans la population féminine en 1901 à la différence de la population masculine. Néanmoins, contrairement à d’autres départements français, la structure des ménages en Seine-Inférieure se rapprochera rapidement de la modernité. Ainsi il ne comportait guère plus de 2 adultes en son sein. Or cela différenciait nettement la Seine Inférieure des autres départements où dominaient des ménages plus complexes pour la plupart des français du XIXe siècle. En Seine-Inférieure il y avait moins de 2,4 adultes par ménage en 1856. Cependant la probabilité d’agrandissement de la famille restait très importante tout au long du siècle: en 1891 elle était de l’ordre de 2 à 3 enfants par couple. La situation démographique à l’intérieur de la capitale haut-normande restera médiocre. A Rouen même le taux de natalité était supérieur au taux de mortalité au début du XIXe siècle. Mais après 1830 le taux des décès l’emportera sur celui des naissances. Juste après 1870, la tendance s’accrut si fortement qu’au début du XXe siècle le taux de natalité était de 2% tandis que celui de la mortalité était de 2,6%. Ceci pouvait expliquer qu’en 1911 plus de 5% de la population de la Seine-Inférieure se logeait dans l’agglomération parisienne pour trouver du travail et accéder à une vie plus saine. De plus la population masculine départementale en âge de travailler régressera légèrement entre 1851 et 1911 passant au cours de cette période de 70% à 68-69%.
Les indicateurs de la richesse départementale et de la misère publique
La Seine-Inférieure avait au cours du XIXe siècle de nombreux atouts économiques mais à pondérer par la présence d’une forte « misère publique » dans et autour de sa capitale. Vers 1840 la ville de Rouen comportait parmi ses habitants 200 imposés. A cette époque la métropole arrivait parmi les 5 premières villes les plus riches de France. La Seine-Inférieure était aussi un des départements où la contribution foncière par tête était une des plus importantes. Pourtant les écarts de richesse à l’intérieur de la population départementale restaient considérables. Ainsi, les opérations effectuées au Mont-de-Piété de Rouen, une vraie banque de crédit sur gages pour les plus nécessiteux, constitueront un bon indicateur des inégalités sociales. On estimait à environ 1/5e la population locale rouennaise y ayant eu recours au XIXe siècle : en 1875 les activités du « clou » rouennais le plaçait au 6e rang des Monts-de-Piété (après Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux et Lille). Le recours au Mont-de-Piété, pour cause de vieillesse, d’infirmité, de maladies, d’une famille trop nombreuse à nourrir, illustrait la condition modeste des rouennais. Entre 1857 et 1862, 80% de la clientèle y était formée d’ouvriers, de journaliers, d’employés, de militaires, de sans profession et de professions diverses. La carte des dégagements gratuits montrait une « géographie de la misère » dans les quartiers populaires surtout au sud et à l’Est de Rouen. La mortalité infantile urbaine prouvait aussi la persistance de « poches de pauvreté » départementale: ainsi au Havre 1 enfant sur trois décédait dans sa première année en 1888. Cette proportion était équivalente à celle des décès d‘enfants de moins de 1 an à l’intérieur de Rouen. On a pu alors parler pour la métropole hautnormande de véritable « ville tombeau » au XIXe siècle.
La conjoncture économique et sociale était intimement liée au développement du libéralisme économique. Les structures de production de l’industrie textile et, indirectement, les cycles de l’économie portuaire, seront particulièrement en crise à Rouen sous le Second Empire . La conjoncture industrielle et commerciale aura de nombreux impacts sur la vie des populations notamment sur les fluctuations du paupérisme rural et urbain. Ce dernier fut si vif à certains moments que Rouen devint pour un temps la capitale du protectionnisme français notamment avec Pouyer-Quertier, député de la Seine-Inférieure sous le Second Empire et président de la Ligue nationale du travail. Ce député mènera par exemple une campagne et des pétitions pour un relèvement des tarifs douaniers. Ainsi la crise des années 1860 aura de graves répercussions sur la proportion des individus à secourir dans les arrondissements de la Seine-Inférieure. D’autres critères de santé économique et démographique pouvaient faire apparaître des distorsions dans la population départementale comme les indicateurs anthropologiques et culturels de la pauvreté . En 1834, sur 100 conscrits 66 à 70% ne savaient ni lire ni écrire. Les conscrits bacheliers en 1910 étaient moins de 1,4%. L’effectif de l’enseignement secondaire était de 0,15% à 0,21% en 1876- 1877 soit relativement bas .
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Table des matières
I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME