Algorithmes de raffinement local adaptatif et méthodes de préconditionnement multigrille

Nous nous intéressons dans ce manuscrit à la simulation numérique d’écoulements incompressibles triphasiques soumis aux tensions de surface à l’aide d’un modèle de type interfaces diffuses. Les différents aspects de la mécanique des fluides numériques sont abordés, de la modélisation aux expérimentations numériques en passant par la discrétisation et l’implémentation informatique. L’essentiel des contributions concerne néanmoins le développement de schémas numériques (discrétisation en espace et en temps) et leur analyse mathématique (stabilité, existence et convergence des solutions approchées).

Ce travail de thèse a été effectué au sein du laboratoire “étude de l’Incendie et développement de Méthodes pour la Simulation et les Incertitudes” (LIMSI) de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN). Le champ de compétences de l’IRSN couvre l’ensemble des risques liés aux rayonnements ionisants, utilisés dans l’industrie ou la médecine, ou encore les rayonnements naturels. Plus précisément, l’IRSN exerce des missions d’expertise et de recherche dans les domaines suivants :
– surveillance radiologique de l’environnement et intervention en situation d’urgence radiologique,
– radioprotection de l’homme,
– prévention des accidents majeurs dans les installations nucléaires,
– sûreté des réacteurs,
– sûreté des usines, des laboratoires, des transports et des déchets,
– expertise nucléaire de défense.
Le LIMSI est un laboratoire de la Direction de la Prévention des Accidents Majeurs (DPAM). Une part de son activité est constituée par l’étude des différentes situations auxquelles un réacteur nucléaire peut se trouver confronté depuis les conditions normales de fonctionnement jusqu’aux accidents graves qui sont le cadre général de cette thèse.

Une dégradation avancée d’un réacteur nucléaire à eau pressurisée lors d’un hypothétique accident majeur peut conduire, selon les scénarios envisagés, à la formation d’un bain de corium (mélange des matériaux fondus du cœur et de la cuve) dans le puits de cuve, composé de béton, qui constitue la dernière barrière de confinement. Le corium, encore chauffé par le dégagement de puissance résiduelle dû à la désintégration des produits de fission, interagit avec les structures en béton qui le contiennent, et le bain érode peu à peu le radier ainsi que les parois latérales. Cette interaction s’accompagne de relâchements importants de gaz : vaporisation de l’eau contenue dans le béton et formation de dioxyde de carbone principalement par décomposition du calcaire. Le bain est alors traversé par un flux de bulles.

Le corium liquide est un mélange complexe. Nous nous intéressons à une configuration probable du bain de corium dans laquelle deux phases principales, l’une majoritairement oxyde et l’autre majoritairement métallique, se séparent pour atteindre une géométrie stratifiée (dès que l’agitation engendrée par le flux gazeux tombe en deçà d’un certain seuil). Ce phénomène a un impact majeur sur le déroulement de l’accident : la couche métallique, beaucoup plus conductrice, constitue un pont thermique entre la couche oxyde, dans laquelle est générée l’essentiel de la puissance, et les parois ; la progression de l’érosion de la cavité en est fortement affectée ainsi que, en conséquence, les modes et temps de percée du puits de cuve (percée latérale ou verticale). De plus, le flux gazeux influence grandement les transferts entre les deux phases (modification des couches limites thermiques, changements topologiques de l’interface oxyde/métal avec entraînement éventuel du métal) pouvant accélérer l’ablation du béton dans une direction (horizontale ou verticale). La quantification de ces échanges thermiques et massiques reste un problème ouvert préjudiciable à la fiabilité des simulations d’accident actuelles [Cra07].

L’étude des échanges de masse et de chaleur entre deux phases liquides stratifiées lors du passage d’un flux de bulles fait l’objet, au LIMSI, depuis plusieurs années, d’une approche par simulation numérique directe. Un modèle mathématique a été élaboré et étudié au cours de la thèse de C. Lapuerta [BL06, Lap06].

Ce modèle et les différentes difficultés numériques identifiées dans [Lap06] constituent le point de départ du présent travail de thèse. Nous détaillons dans la suite de cette introduction les différentes contributions apportées au cours de ce travail :
– modélisation : le modèle comporte différents paramètres “non-objectifs” (i.e. qui ne correspondent pas à des propriétés physiques des fluides en présence). Ces paramètres peuvent avoir une influence importante sur les simulations et sont donc délicats à fixer. Nous apportons à travers des études numériques ou théoriques quelques éléments de compréhension nouveaux.
– discrétisation en espace : l’approximation des solutions du modèle nécessite une résolution fine (en espace) au voisinage des interfaces. Afin de limiter les coûts de calcul, nous avons mis au point et implémenté des algorithmes de raffinement local adaptatif pour des approximations de type éléments finis conformes de Lagrange.
– préconditionnement des systèmes linéaires : dans le cadre de la méthode de raffinement local évoquée ci-dessus nous avons proposé et implémenté un algorithme de “déraffinement” permettant de mettre en place de manière simple la structure nécessaire (i.e. une suite de sous-grilles emboîtées) au fonctionnement des préconditionneurs multigrilles géométriques.
– discrétisation en temps : différentes discrétisations en temps ont été proposées afin d’obtenir des schémas efficaces et robustes (notamment à grands pas de temps). Ces schémas ont été étudiés numériquement (comparaisons, courbes de convergence. . .) mais également d’un point de vue théorique (existence et convergence des solutions approchées. . .).
– expérimentations numériques : en parallèle aux travaux théoriques (évoqués ci dessus) différentes expérimentations numériques ont été réalisées. En particulier, les développements informatiques (parallélisation du raffinement local) ont permis d’accéder aux premières simulations réalisées dans un cadre réellement tridimensionnel (i.e. en ne supposant aucune symétrie a priori).

Modèle de type Cahn-Hilliard/Navier-Stokes

Le modèle repose sur une représentation des interfaces par des zones d’épaisseur strictement positive, certes faible mais supérieure aux épaisseurs réelles. On parle de méthodes à interfaces diffuses (cf , par exemple, [Ell89, BE92, AMW98, Jac99, Boy02, LS03] pour le cas diphasique et [EL91, EG97, GNS00, NGS05, KL05, BL06, GS06] pour le cas trois phases ou plus). Une phase i est décrite géométriquement par une fonction régulière ci , appelée paramètre d’ordre (que nous prenons ici égale à la fraction volumique de la phase i dans le mélange), valant 1 dans la phase i, 0 en dehors, et variant continûment entre 0 et 1 dans les interfaces entre la phase i et les autres phases.

Le modèle mathématique est constitué d’un système d’équations aux dérivées partielles de type CahnHilliard/Navier-Stokes. Les équations de Cahn-Hilliard permettent de modéliser la non-miscibilité des phases en maintenant l’épaisseur d’interface à une valeur prescrite ε et permettent également une représentation volumique naturelle des forces capillaires (dûes aux tensions de surface entre les différentes phases). L’hydrodynamique de l’écoulement est prise en compte par le couplage de ces équations au système de Navier-Stokes.

Pour terminer la présentation du modèle dont nous souhaitons approcher numériquement les solutions, nous insistons sur les deux points suivants (cf également [Lap06, conclusion p.156]) qui constituent les motivations essentielles des travaux présentés dans la suite :

– Les paramètres d’ordre ci (solution du système de Cahn-Hilliard) varient brutalement de 0 à 1 dans les interfaces (dont la taille caractérisque est donnée par le petit paramètre ε du modèle). Leur approximation au voisinage des interfaces requiert une finesse de maillage qui devient rédhibitoire si elle est appliquée à l’ensemble du domaine de calcul (notamment en géométrie tridimensionnelle, qui est la seule effectivement pertinente dans des études de simulation directe). Les techniques de raffinement local adaptatif deviennent alors des méthodes de choix, puisqu’elles permettent d’affiner dynamiquement la représentation discrète des inconnues en se focalisant sur les zones sensibles (choix de cellules de petites tailles au voisinage des interfaces), tout en limitant le nombre total de mailles.
– Des difficultés de convergence ont été observées dans la méthode de résolution du système de CahnHilliard (méthode de linéarisation de Newton). Ces difficultés ont été partiellement résolues dans [Lap06] par l’utilisation d’une discrétisation adaptée à la forme des termes d’ordre 6 , du potentiel de Cahn-Hilliard. Cette discrétisation a été établie avec pour objectif de supprimer la contribution de ces termes au bilan d’énergie discret. Nous poursuivons ces travaux en nous intéressant :
– aux discrétisations du terme d’ordre 4 du potentiel,
– à la stabilité du découplage en temps des systèmes de Cahn-Hilliard et Navier Stokes.

Méthodes de préconditionnement multigrilles 

Afin d’accélérer la résolution du problème discret, nous exploitons la structure multiniveau créée par l’algorithme de raffinement local pour construire des préconditionneurs multigrilles [BZ00]. Ils permettent en effet d’obtenir un taux de convergence des solveurs linéaires indépendant du nombre d’inconnues et sont donc particulièrement attractifs. Les méthodes itératives classiques (méthode de Richardson, méthode de Jacobi relaxée, méthode de GaussSeidel, cf [SVdV00]) sont peu performantes mais possèdent la qualité d’être de bons lisseurs. Ceci signifie qu’en quelques itérations elles permettent d’éliminer les hautes fréquences de l’erreur, la convergence des basses fréquences étant très lente. Le principe des méthodes multigrilles (cf [Hac85, Wes92, TOS01]) est alors de conjuguer le pouvoir lissant de ces méthodes peu coûteuses à une correction effectuée sur une grille plus grossière (mais néanmoins suffisante pour corriger les basses fréquences de l’erreur). Ce principe peut être appliqué récursivement pour obtenir un algorithme utilisant plusieurs grilles. Les méthodes multigrilles reposent sur les trois ingrédients suivants :
– opérateurs de transfert (projection et interpolation) entre les différentes grilles,
– algorithmes de lissage sur chacune des grilles,
– solveur (exact ou approché) sur la grille la plus grossière.

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Table des matières

Introduction
Partie 1 Algorithmes de raffinement local adaptatif et méthodes de préconditionnement multigrille
Chapitre I Espace éléments finis multiniveau
I.1 Notations et définitions
I.2 Motif de raffinement
I.3 Espaces d’approximation éléments finis multiniveaux
I.3.1 Hiérarchie d’espaces d’approximation conformes. Relation parents-enfants
I.3.2 Bases multiniveaux et espaces d’approximation multiniveaux
Chapitre II Procédure d’adaptation et préconditionneurs multigrilles
II.1 Adaptation
II.1.1 Procédures de raffinement/déraffinement
II.1.2 Conservation de l’information
II.1.3 Procédure d’adaptation
II.1.4 Règles “au-plus-un-niveau-de-différence”
II.1.5 Intégration numérique et opérateurs de transfert
II.2 Préconditionneurs multiniveaux
II.2.1 Méthodes des corrections successives
II.2.2 Méthodes des corrections successives liées à des sous-espaces
II.2.3 Méthodes multigrilles
II.2.4 Algorithme de coarsening d’un espace d’approximation multiniveau
II.2.5 Préconditionneurs multiniveaux
II.3 Validation sur un problème modèle stationnaire
II.3.1 Problème continu
II.3.2 Maillages initiaux et critère de raffinement
II.3.3 Raffinement local et préconditionneurs multigrilles
II.4 Conclusion
Chapitre III Implémentation en parallèle dans la librairie PELICANS
III.1 Organisation du module de raffinement local
III.1.1 Eléments de référence, motifs de raffinement et indicateurs de (dé)raffinement
III.1.2 Champs discrets, cellules et fonctions de base
III.1.3 Algorithmes d’adaptation
III.2 Numérotation des inconnues dans la librairie PELICANS
III.2.1 Numérotation des degrés de liberté d’un champ : la classe PDE_LinkDOF2Unknown
III.2.2 Gestion de plusieurs champs : la classe PDE_SystemNumbering
III.3 Organisation du module de préconditionnement multiniveau
III.3.1 Algorithme de coarsening : la classe PDE_AlgebraicCoarsener
III.3.2 Préconditionneurs multiniveaux : la classe PDE_GeometricMultilevel_PC
III.4 Principe du parallélisme dans la librairie PELICANS
III.4.1 La bibliothèque MPI
III.4.2 Partitionnement du domaine
III.4.3 Numérotation globale des inconnues en parallèle
III.4.4 Algèbre linéaire distribuée
III.5 Raffinement local en parallèle
III.6 Multigrille en parallèle
III.7 Conclusion
Partie 2 Discrétisation d’un modèle de type Cahn-Hilliard/Navier-Stokes (CH/NS)
Chapitre IV Modèle triphasique consistant de type CH/NS
IV.1 Modèle de type Cahn-Hilliard/Navier-Stokes diphasique
IV.1.1 Modèle de Cahn-Hilliard diphasique
IV.1.2 Couplage aux équations de Navier-Stokes incompressibles
IV.2 Modèle de Cahn-Hilliard/Navier-Stokes triphasique
IV.2.1 Modèle de Cahn-Hilliard triphasique
IV.2.2 Couplage aux équations de Navier-Stokes incompressibles
Chapitre V Discrétisation du système de Cahn-Hilliard
V.1 Discrétisation, existence et convergence des solutions approchées
V.1.1 Discrétisation en temps
V.1.2 Discrétisation en espace
V.1.3 Equivalence avec un système de deux équations couplées
V.1.4 Estimation d’énergie discrète
V.1.5 Théorème d’existence et de convergence
V.2 Différentes discrétisations pour les termes non linéaires
V.2.1 Remarques prélimaires
V.2.2 Discrétisation implicite de la contribution de F0
V.2.3 Discrétisation convexe-concave de la contribution de F0
V.2.4 Discrétisation semi-implicite de la contribution de F0
V.2.5 Discrétisation semi-implicite de la contribution de P
V.2.6 Résumé des résultats
V.2.7 Schémas correspondants dans le cas diphasique
V.3 Illustrations numériques
V.3.1 Cas tests deux phases
V.3.2 Cas tests trois phases
V.4 Cas d’une mobilité dégénérée
V.5 Démonstrations des théorèmes d’existence et de convergence des solutions approchées
V.5.1 Démonstration du théorème V.9
V.5.2 Preuve du théorème V.10
V.6 Conclusion
Chapitre VI Discrétisation inconditionnellement stable du système CH/NS
VI.1 Discrétisation du modèle CH/NS triphasique
VI.1.1 Discrétisation en temps
VI.1.2 Discrétisation en espace
VI.1.3 Equivalence du système de Cahn-Hilliard avec un système de deux équations
VI.2 Schéma correspondant dans le cas diphasique
VI.3 Stabilité inconditionnelle du schéma
VI.4 Existence de solutions au problème discret
VI.5 Convergence des solutions discrètes dans le cas homogène
VI.5.1 Bornes sur les solutions discrètes
VI.5.2 Argument de compacité, convergence des sous-suites
VI.5.3 Passage à la limite dans le schéma
VI.6 Conclusion
Chapitre VII Méthode de projection incrémentale
VII.1 Eléments finis conformes
VII.1.1 Problème de Stokes
VII.1.2 Calcul d’un état d’équilibre : f = ∇Q
VII.1.3 Problème de Navier-Stokes à densité variable. Système couplé CH/NS
VII.2 Eléments finis non conformes
VII.2.1 Discrétisation
VII.2.2 Opérateur elliptique discret pour la pression et conditions aux bords artificielles
VII.2.3 Formulation variationnelle et estimation d’erreur
VII.2.4 Tests numériques
Partie 3 Expérimentations numériques
Chapitre VIII Etude de configurations diphasiques
VIII.1 Benchmark : une bulle immergée dans un liquide
VIII.1.1 Définition du cas test
VIII.1.2 Quantités du benchmark
VIII.1.3 Paramètres numériques et résultats
VIII.2 Forme d’une bulle montant dans un liquide
VIII.3 Calcul tridimensionnel
Chapitre IX Etude de configurations triphasiques
IX.1 Bulle traversant une interface liquide-liquide
IX.1.1 Présentation du cas test
IX.1.2 Influence de la valeur de l’épaisseur d’interface ε
IX.1.3 Influence de la valeur du nombre de mailles dans l’interface
IX.1.4 Influence des schémas en temps sur le système Cahn-Hilliard
IX.1.5 Influence de la valeur du pas de temps
IX.1.6 Méthode de projection et Lagrangien augmenté
IX.1.7 Solveurs itératifs, raffinement local adaptatif et parallélisme
IX.2 Calcul tridimensionnel
Conclusions

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