Alerte thrombolyse en pédiatrie: état des lieux aux CHU de Nantes et d’Angers

Un accident vasculaire cérébral (AVC) est un déficit neurologique aigu par interruption brutale de l’apport sanguin au cerveau. Le terme AVC regroupe les accidents ischémiques constitués, les accidents ischémiques transitoires, les accidents hémorragiques (hémorragie intra-parenchymateuse et hémorragie méningée), et les thrombophlébites cérébrales. L’IRM cérébrale est l’examen de référence pour le diagnostic positif de l’AVC et l’identification de son mécanisme. L’incidence des AVC pédiatriques est estimée à environ 2 à 3 pour 100 000 personnes chaque année (1). Ainsi en France, on estime que 500 à 1000 enfants par an en sont victimes (2). Chez deux-tiers des enfants atteints, cet accident vasculaire entrainera des séquelles modérées à sévères : déficit moteur, épilepsie, troubles des fonctions cognitives et des apprentissages. Environ 3000 jeunes de moins de 18 ans sont en Affection de Longue Durée « accident vasculaire cérébral invalidant ». On estime que 50 000 personnes en France vivent avec une déficience secondaire à un AVC survenu dans l’enfance.

On distingue les AVC néonataux qui surviennent en période péri-natale et chez les nourrissons de moins de 28 jours et les AVC pédiatriques survenant dans l’enfance, avec 2 pics d’incidence : avant l’âge de 5 ans puis après 10 ans. Même s’il existe des facteurs de risque connus (cardiopathie emboligène, drépanocytose, coagulopathies…), il s’agit le plus souvent d’enfants sans antécédents médicaux.

DISCUSSION

Cette étude est une revue rétrospective des « alertes thrombolyse » chez les enfants âgés d’un mois à dix-huit ans dans les CHU d’Angers et de Nantes sur une période de trois ans et demi. La période choisie est celle à partir de laquelle un protocole « AVC de l’enfant » a été mis en place dans les hôpitaux de la région Pays de Loire. L’analyse a porté sur les caractéristiques de ces patients et sur la prise en charge diagnostique et thérapeutique dans les deux centres.

Caractéristiques des patients 

Dans cette étude, il y a une prédominance de filles parmi les enfants présentant un déficit neurologique aigu. De la même façon, dans une étude prospective publiée en 2014 (8) qui regroupait tous les enfants s’étant présenté avec un déficit neurologique focal d’apparition brutale dans un centre de niveau III, on retrouvait 54% de filles. D’autres études similaires (9,10,11) retrouvaient en revanche plutôt une prédominance de garçons avec 51% à 59% de l’effectif. Au total, la proportion de filles et de garçons reste relativement équilibrée. L’âge moyen des enfants pris en charge en « alerte thrombolyse » dans nos deux centres était de 10 ans. Dans l’étude de 2014 (8), l’âge moyen était comparable avec une moyenne de 9,8 ans. L’âge moyen des enfants dans d’autres études plus récentes (9,10,11) était de 11 à 12 ans, ce qui reste similaire. Cet âge est légèrement plus élevé que l’âge moyen des enfants victimes d’un AVC qui est de 8,6 ans.

Délai

Selon le protocole « AVC de l’enfant » en place aux urgences pédiatriques du CHU de Nantes et du CHU d’Angers, une « alerte thrombolyse » est activée lorsqu’un patient présente un déficit neurologique focal (déficit moteur, sensitif, trouble visuel, paralysie faciale, trouble de la parole…) qui a débuté dans les 4 heures 30 avant son arrivée aux urgences. Mais dans notre étude, beaucoup d’enfants ayant des symptômes depuis plus de 4 heures 30 ont été pris en charge de la même façon afin d’aboutir à un diagnostic rapide, ce qui nécessite le plus souvent la réalisation d’une IRM cérébrale. Ainsi, au moment de la réalisation de l’imagerie cérébrale, certains sont déjà hors délai de thrombolyse voire de thrombectomie.

Un des enfants dans cette étude a été thrombolysé à plus de cinq heures du début des signes neurologiques, sur avis spécialisé neurovasculaire pédiatrique. Son devenir a été favorable avec quasi-disparition des signes déficitaires. Dans une étude suisse datant de 2018 (12), sur seize patients ayant eu une procédure de recanalisation, quatre l’ont eu plus de 6 heures après le début des symptômes. En effet, selon les recommandations, le délai peut être allongé jusqu’à 12 heures en cas de thrombus extensif du tronc basilaire et ces délais recommandés sont même parfois allongés jusqu’à 24 heures sur avis d’experts. Les enfants présentant un accident vasculaire qui ne peuvent bénéficier d’un traitement d’urgence nécessitent également une prise en charge spécialisée immédiate avec introduction d’un traitement anti-agrégant plaquettaire le plus souvent et mise en place de mesures de neuroprotection : contrôle des agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS) avec normalisation de la volémie, de la natrémie, de la glycémie, de la température et de la capnie (13). Probablement qu’exclure de la filière fibrinolyse les patients ayant une symptomatologie datant de plusieurs heures peut être dommageable pour leur pronostic ultérieur si le diagnostic est fait tardivement et qu’aucune de ces mesures n’est appliquée dans l’intervalle. Actuellement, le protocole en vigueur aux CHU de Nantes et d’Angers n’évoque pas la prise en charge des enfants présentant des symptômes datant de plus de 4h30. Dans la littérature, beaucoup de centres proposent la réalisation d’une IRM cérébrale en urgence pour tout enfant suspect d’AVC avec des symptômes ayant débuté dans les dernières 48 heures (10,11,14). Dans ce cas, seuls les patients se présentant dans un délai de 4 heures 30 après le début de la symptomatologie étaient prioritaires lorsque la machine d’IRM était déjà occupée par un autre patient. Les autres bénéficiaient de la mise à disposition de l’IRM dès la fin de l’examen en cours. Ce délai de 48 heures est justifié par le fait qu’un diagnostic rapide chez un enfant victime d’un AVC récent permet la mise en place d’une surveillance accrue, d’un traitement spécifique éventuel, et de soins de support dans le but d’éviter la récurrence de l’AVC et d’améliorer le pronostic à long terme. L’application des mesures de neuroprotection dans les 48 heures qui suivent un AVC aigu est déterminante pour le pronostic ultérieur.

Diagnostic et traitement 

Dans notre étude, 21% des « alertes thrombolyse » ont conduit au diagnostic d’un accident vasculaire cérébral. D’autres études rapportaient des taux de diagnostic d’AVC entre 7 et 45% (8) chez les enfants pour qui ce type d’ « alerte AVC » avait été activée. Beaucoup d’enfants présentent une symptomatologie mimant un AVC et il reste difficile d’éliminer formellement ce diagnostic sans l’apport de l’imagerie cérébrale.

Une étude réalisée entre 2011 et 2014 aux Etats-Unis (15) incluant 124 enfants pour lesquels une « alerte thrombolyse » avait été activée retrouvait 26% de diagnostic d’AVC, 14% d’autres urgences neurologiques, ce qui est semblable à notre étude. Une urgence neurologique a été diagnostiquée chez 33% des enfants inclus dans notre étude : accident vasculaire (21%) mais aussi crise d’épilepsie, encéphalite, PRES syndrome. La confirmation diagnostique radiologique permet une prise en charge thérapeutique rapide et adaptée à la pathologie :
– Traitement anti-agrégant plaquettaire et mesures de neuroprotection en cas d’AVC non thrombolysable
– Traitement anticoagulant en cas de thrombophlébite cérébrale, d’AVC cardioembolique ou lié à une dissection des troncs artériels extra-cérébraux
– Traitement neurochirurgical en cas de tumeur cérébrale ou d’AVC hémorragique sur rupture de MAV
– Traitement immunomodulateur / immunosuppresseur +/- antibiotique / antiviral en cas d’encéphalite
– Traitement anti-hypertenseur en cas de PRES syndrome
– Traitement anti-inflammatoire en cas de migraine
– …

Dans une étude portant sur 143 enfants ayant consulté aux urgences pédiatriques de Philadelphie (16), la majorité des patients qui s’étaient présentés avec une symptomatologie neurologique mimant un AVC avaient finalement une pathologie neurologique grave pour laquelle le diagnostic, incluant les résultats d’une IRM cérébrale, permettait une prise en charge spécifique urgente. Une autre étude ayant inclus 56 enfants pour lesquels une « alerte thrombolyse » était déclenchée (10) retrouvait un taux de 38% de diagnostics différentiels nécessitant une évaluation neuropédiatrique urgente (convulsion, PRES, encéphalomyélite aigue disséminée..). On peut déduire de ces études que prendre en charge aux urgences tout enfant ayant un déficit neurologique aigu comme s’il était victime d’un AVC permet une amélioration globale de la filière neuropédiatrique. Dans le cas où un diagnostic d’AVC ischémique a été porté, 25% des enfants dans notre étude ont pu bénéficier d’une procédure de recanalisation en urgence. Dans une étude comparable datant de 2015 (10), seuls 10% des patients avaient pu bénéficier de tels traitements. Dans une autre étude relatant 385 « alertes thrombolyse » dans un centre de niveau III publiée en 2020 (14), aucun enfant n’avait été thrombolysé, dû à un délai diagnostic trop long mais 10% des enfants atteints d’AVC ischémique avaient pu bénéficier d’une thrombectomie.

Diagnostic différentiel 

Dans notre étude, la pathologie la plus fréquente mimant un AVC est la migraine avec aura ou migraine accompagnée, qui représente 56% des diagnostics retenus. Ceci est concordant avec les données de la littérature (8,10) : dans une étude australienne prospective incluant 287 enfants de 1 mois à 18 ans présentant une « dysfonction cérébrale focale brutale » aux urgences d’un centre hospitalier de niveau III, 28% avait une migraine (diagnostic le plus fréquent) ; dans une étude de 2015, 17% des enfant pour qui un protocole d’AVC aigu avait été activé présentaient finalement une migraine (diagnostic différentiel le plus fréquent). La migraine est une pathologie très fréquente avec une prévalence estimée entre 3 et 10% chez les enfants et adolescents. Le diagnostic peut être trompeur, surtout en cas d’aura atypique. Les auras migraineuses correspondent à des déficits neurologiques aigus avec des troubles visuels prédominants, mais aussi régulièrement des troubles du langage de type aphasie ou dysarthrie, une hémiparésie moins fréquemment. Une confusion, un ralentissement idéo-moteur peuvent accompagner l’aura et la céphalée. La chronologie est plus à même d’être problématique chez un adolescent que chez un adulte avec des tableaux atypiques plus fréquents : une « marche migraineuse » plus inconstante, une aura prolongée, une absence de céphalée. Une des spécificités chez les adolescents est la migraine avec aura du tronc cérébral, qui peut mimer parfaitement un accident vasculaire de fosse postérieure. On ne peut pas envisager que tous les enfants et adolescents se présentant avec une symptomatologie de migraine avec aura bénéficient d’une IRM cérébrale dès leur arrivée aux urgences pédiatriques mais il faut rester prudent pour porter ce diagnostic en cas d’atypie. Cela explique la proportion importante d’« alertes thrombolyse » conduisant au diagnostic de migraine. Ce chiffre de 56% est tout de même probablement surestimé dans notre étude si l’on se réfère aux critères de l’ICHD-3 avec comme premier critère diagnostic l’existence d’au moins deux crises. En l’absence de diagnostic radiologique de certitude (troubles perfusionnels sur la séquence ASL de l’IRM cérébrale), il s’agirait plutôt d’un diagnostic de migraine probable.

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Table des matières

I- INTRODUCTION
II- METHODOLOGIE
A- Design de l’étude
B- Patients et données
C- Analyses de données
D- Outils statistiques
E- Cadre réglementaire
III- RESULTATS
A- Population étudiée
B- Signes cliniques initiaux
C- Diagnostic retenu
D- Délai de prise en charge
E- Traitement
IV- DISCUSSION
A- Caractéristiques des patients
B- Délai
C- Diagnostic et traitement
D- Diagnostic différentiel
E- Limites de l’étude
F- Perspectives, propositions et ouverture
V- CONCLUSION
VI- BIBLIOGRAPHIE
VII- ANNEXES
Liste des abréviations
Annexe 1 – Infographie « L’AVC, nous sommes tous concernés »
Annexe 2- Score PedNIHSS
Annexe 3 – Critères pour la thrombolyse d’un AVC ischémique

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