Ajustements morphosédimentaires

Dynamisme de la rivière de l’Anse Pleureuse

   S’écoulant au cœur du plateau gaspésien, la rivière de l’Anse Pleureuse (figure 1.1), dont la charge en sédiment est élevée, présente un comportement prompt et impétueux. Ce comportement se distingue par une dynamique de changements morphologiques rapides. Ce dynamisme de la rivière a été relevé par le ministère des Transports du Québec (MTQ),qui a la charge d’assurer le maintien de la route 198, seul lien routier entre le nord de la Gaspésie et Murdochville. En effet, puisque la route partage avec la rivière le fond de vallée et la traverse à deux reprises, un entretien constant des infrastructures routières doit être assuré en réponse aux soubresauts de la rivière susceptibles d’affecter ces infrastructures. Pour illustration, entre 1980 et 2002, le MTQ a dénombré trois évènements torrentiels ayant affecté les ponceaux et la route. Ces évènements sont survenus en 1980, en 1991 et en 2002 (Caron-Fournier, 2009). L’évènement de 2002 a particulièrement affecté le secteur appelé « le coteyage» (figure 1.2.A), lieu où la route 198 gravit le versant. Lors de cet évènement, le fossé et une partie de la route le long du « coteyage » ont été emportés par les écoulements torrentiels, de même qu’un tronçon plus en aval, qui a subi une rupture au droit d’une traverse (figure 1.2.B) (verbatim, Gasse, 2012). Durant cette même année, le MTQ a également effectué des travaux de dragage au droit du pont P-02775 en réponse à une forte sédimentation (figure 1.2.C).

Processus de planification de travaux en rivière

   Au Québec, selon les articles 104, 105 et 106 de la Loi sur les compétences municipales (LCM), la gestion des cours d’ eau, notamment en regard du libre écoulement des eaux, est une responsabilité municipale depuis 2006 (Gouvernement du Québec, 2006). Cette loi confère aux municipalités régionales de comté (MRC) le devoir d’intervenir en cas d’obstruction à l’écoulement (article 105), la possibilité d’adopter des règlements (article 104) et la possibilité d’exécuter des travaux (article 106). La manière dont les MRC exercent cette responsabilité leur revient. Dans le cas de travaux dans le lit et les berges des cours d’eau, des autorisations doivent être demandées au ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) selon la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE). À la direction territoriale du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie-Îles-de-Ia-Madeleine du MTQ, des inspections régulières sont effectuées aux traverses des cours d’eau dans une optique de gestion des risques fluviaux au droit de ces traverses. Des inspecteurs des structures ont proposé en 2009 d’augmenter l’ espacement vertical de l’écoulement en excavant la rivière de l’Anse Pleureuse sous le pont P-02775 (verbatim, Rhéaume, 2012). Ces recommandations ont été le point de départ du processus de planification des travaux et ont été émises à la lumière des recommandations de reconstruction d’un nouveau pont en raison d’un espacement insuffisant sous celui-ci; constat mentionné dans l’étude hydraulique de Poirier et Niquet (1992). Ces recommandations ont été formulées dans le contexte où la reconstruction n’était pas planifiée à court terme et qu’un banc central s’était accumulé depuis le dernier dragage de 2002. Ce banc soulevant, avec le risque d’inondation et d’embâcles de bois, un enjeu de sécurité civile (verbatim, (Rhéaume, 2012) (figure 1.3).

Intégration de la géomorphologie dans les processus de gestion

    Le cas de la rivière de l’Anse Pleureuse souligne la timidité avec laquelle les considérations géomorphologiques sont intégrées dans le processus de gestion des cours d’eau au Québec. Cette intégration se fait ailleurs dans le monde de manière lente, mais évolutive depuis plusieurs années par un rapprochement entre la géomorphologie fluviale et le génie civil. Spink et al. (2009) soulignent que la gestion des rivières en Australie était dominée par le génie de 1952 à 1990. À cette époque, le génie préconisait l’artificialisation et les travaux de machinerie lourde, tels que l’enrochement et l’excavation, afin de contrôler les rivières (Gilvear, 1999; Spink et al., 2009). Hooke (1999) estime que, de manière générale, une contribution entre les deux disciplines est davantage effective depuis les années 1990 pour la gestion des rivières . D’ailleurs, Bravard et al. (1999) observent que l’essor de l’ ingénierie géomorphologique s’observe à partir de 1980 en France. Pour Gilvear (1999) l’intégration de la discipline à des projets d’ ingénierie appliquée aux États-Unis se reconnait notamment par la rédaction d’un guide par la U.S. Army Corps of Engineers en 1997 intitulé « Applied Fluvial Geomorphology for River Engineering and Management». Ce développement est en lien avec l’évolution de la discipline qui s’intéresse à produire des résultats applicables dans la pratique et qui utilise également des approches technologiques permettant de quantifier les processus (Gilvear, 1999). Enfin, la prise en compte des concepts générés par la géomorphologie constitue la première étape de l’ intégration des considérations géomorphologiques dans les politiques de gestion des cours d’eau (Hooke, 1999). Bravard et al. (1999) mentionnent que l’élément déclencheur de cette collaboration des deux disciplines est l’échec de l’ ingénierie seule à assurer une prévention des risques d’ inondation. Notons aussi que l’approche du génie a été d’étudier les tronçons séparément et de proposer des solutions à la pièce ne tenant pas compte de la perspective du bassin versant dans le contexte local (Brava rd, 1999) et dans un contexte temporel (James, 1999). Dans bien cas, les travaux en rivière s’adressent aux symptômes, beaucoup plus qu’aux causes sous-jacentes aux changements (Spink, 2009). Pour James (1999), cette approche s’explique par le fait que les ingénieurs travaillent dans un environnement pragmatique, avec des organisations gouvernementales, des consultants et des entrepreneurs. Ils sont, de fait, contraints de mettre l’accent sur des solutions pratiques et tentent de résoudre les symptômes plutôt que de s’attacher aux processus les conditionnent (James, 1999).

Style divagant et classification des environnements fluviaux

   À l’échelle des tronçons, les styles fluviaux constituent une classification géomorphologique de l’arrangement spatial des formes de rivières. On distingue d’abord deux grandes familles de chenaux selon les contraintes imposées à leur mobilité. D’une part, on recense les chenaux dont le lit est en partie contrôlé par la roche en place, on parle de rivières semialluviales. D’autre part, les chenaux dont le lit évolue essentiellement dans les alluvions sont définit de rivières alluviales. Le tronçon à l’étude de la rivière de l’Anse Pleureuse appartient à la deuxième catégorie, soit les rivières alluviales. Pour les environnements alluviaux, les styles géomorphologiques rectilignes, à méandres et à tresses sont bien admis au sein de la communauté scientifique depuis leur définition en 1957 (Leopold et Wolman, 1957) (figure 1.4). Cette classification a d’ailleurs été amplement revisitée pour en détailler les limites de classes (Kondolf, 2003). Le style divagant a été défini lui par Neil en 1973 dans Desloges et Church (1989) et a été approfondi par Church (1983), Desloges et Church (1989) et Burge (2006). Ce style présente une transition entre les styles à tresses et à méandres (Church, 1983). Figure 1.4: Style à méandres(A), divagant (B) et à tresses(C) (source: Google Earth, 2012; BuffinBélanger, 2011). Le style divagant demeure aujourd’hui quelque peu controversé. En effet, selon la définition de Leopold et Wolman (1957), le style à tresses inclut le style divagant puisque la notion de tressage est perçue de manière élargie même lorsqu’il n’y a qu’un banc central. La rivière dans le cadre de l’étude de Leopold et Wolman (1957) présentait d’ailleurs un aspect plutôt divagant. Enfin, précisons aussi que les auteurs mentionnaient que les classes ne sont pas des catégories fermées puisqu’il y a toujours une transition d’un style à un autre. D’ailleurs en 2006, Burge (2006) remettait en question la définition de divagant exprimée par Church (1983) en comparant ses résultats avec ceux récoltés sur la rivière Fraser par Church en  1983. En effet, Burge (2006) soutient que les rivières divagantes du Nouveau-Brunswick,dans l’Est canadien, présentent les aspects morphologiques des rivières divagantes, mais affichent des paramètres, tels que le niveau d’énergie, la formation des bancs, le taux de migration et le ratio largeur/profondeur, plus proches de ceux des rivières à méandres. Enfin, malgré ces distinctions, ces auteurs s’entendent sur le fait que les rivières divagantes présentent une forte instabilité de leur morphologie dans le temps, associée à une charge de fond importante, à la migration du chenal, à la présence de bancs d’accumulation (Burge,2005; Church, 1983; Church, 2009; Rice et al., 2009) et d’embâcles de bois mort (Burge, 2006).

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Table des matières

Avant-propos
Remerciements
Liste des figures
Liste des tableaux
Liste des équations
Liste des sigles et symboles
Liste des symboles
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 CONTEXTE ET PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE
1.1 Gestion des rivières : le cas de la rivière de l’Anse Pleureuse
1.1.1 Dynamisme de la rivière de l’Anse Pleureuse
1.1.2 Processus de planification de travaux en rivière
1.1.3 Intégration de la géomorphologie dans les processus de gestion
1.2 Équilibre morphosédimentaire et dynamique des rivières divagantes
1.2.1 Style divagant et classification des environnements fluviaux
1.2.2 Dynamique des bancs d’accumulation
1.2.3 Transport de sédiments et bilan sédimentaire
1.3 Perturbations par excavation et réponses géomorphologiques
1.3.1 Type de travaux d’excavation de sédiments
1.3.2 Impacts morphologiques
1.3.3 Temps de réponse et trajectoire morphologique
1.3.4 Stratégie de planification des travaux
1.4 Problématique et objectifs 
CHAPITRE Il SITE D’ÉTUDE ET MÉTHODOLOGIE
2.1 Caractérisation du site d’étude 
2.1.1 Localisation
2.1.2 Géographie physique régionale
2.2 Méthodologie
2.2.1 Dynamique fluviale historique
2.2.2 Dynamique fluviale observée durant l’étude
CHAPITRE III RÉSULTATS 
3.1 Trajectoire hydrogéomorphologique
3.1.1 Hydrologie et hydraulique fluviale
3.1.2 Dynamique du cours d’eau à l’échelle de la section
3.1.3 Dynamique du cours d’eau à l’échelle du tronçon
3.2 État géomorphologique et travaux d’excavation
3.2.1 État géomorphologique pré-extraction
3.2.2 Granulométrie des sédiments du lit
3.2.3 La nature et l’ importance des travaux d’excavation
3.3 Ajustements morpho-sédimentaires à la suite des travaux d’excavation
3.3.1 Secteur en aval du pont
3.3.2 Secteur en amont du pont
3.3.3 Secteur en amont de la zone de dragage
3.3.4 Différence morphologique avant les travaux à deux ans
3.3.5 Granulométrie et transport sédimentaire
CHAPITRE IV DiSCUSSiON 
4.1 Dynamique des ajustements morphosédimentaires
4.1.1 Dynamique des ajustements en amont du pont P-02775
4.1.2 Dynamique des ajustements à l’aval du pont
4.1.3 Dynamique temporelle des ajustements
4.2 Dragage et équilibre géomorphologique 
4.2.1 Dragage, effets escomptés et effets observés
4.2.2 ÉqUilibre morphologique historique
4.2.3 Estimation du taux de transport sédimentaire historique
4.3 La gestion des cours d’eau .
4.3.1 Recommandations sur le type d’étude
4.3.2 Apports de la géomorphologie dans la gestion des cours d’eau
CONCLUSiON
BIBLIOGRAPHIE

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