Aider les élèves de cycle 3 à améliorer l’orthographe de leurs écrits

Professeure des écoles stagiaire en charge d’une classe de CM1 au sein d’une école située en Réseau d’Education Prioritaire, j’ai choisi de développer un sujet autour de la production d’écrit. Ce projet a pris sa source dans une représentation que j’avais sur le rapport à l’écrit de mes élèves. En effet, j’avais pour idée que mes élèves, issus de milieux assez éloignés de la culture scolaire, étaient peu sensibilisés à la langue écrite telle qu’elle est pratiquée et lue à l’école. De mon point de vue, ils ne pensaient pas l’écriture comme une activité très plaisante notamment par les effets que l’on produit chez le destinataire de l’écrit. Je souhaitais donc développer chez eux les compétences liées à la production d’écrit et surtout, leur envie d’écrire. Par ailleurs, réduire les écarts entre les élèves dans ce rapport à l’écrit est justement l’un des rôles fondamentaux de l’école.

Au début de l’année scolaire, lors de nos premières séances d’écriture, je pose le cadre de mon enseignement. J’annonce à mes élèves que durant ces séances, ils vont écrire. Je précise que l’objectif n’est pas uniquement d’écrire pour que je puisse constater qu’ils écrivent correctement ou à l’inverse pointer leurs erreurs mais que le projet est aussi d’écrire pour se faire plaisir. Constatant que certains paraissent dubitatifs, j’insiste fortement sur ce point, tout en sachant que, comme il s’agissait d’une représentation très ancrée de l’écrit comme seule pratique scolaire, il faudrait du temps et de l’entraînement pour que celle-ci évolue. Je précise également que ce projet va certes les faire progresser vers la norme orthographique mais que ce n’est pas l’objectif principal. Celui-ci consiste davantage à développer chez eux des pratiques de sujet écrivant. Ainsi, l’objectif est centré sur le langage autant que sur la langue. Les erreurs de langue sont donc perçues comme outil pour apprendre et non comme faute illégitime.

Si le projet que je leur propose alors les déstabilise, de mon côté je suis également étonnée. Dès le début de l’année, je constate en effet, que tous mes élèves entrent dans les activités d’écriture que je leur propose. Ils font certes tous état d’un niveau de motivation différent mais aucun élève n’est bloqué, tous acceptent volontiers d’écrire. Certains sont mêmes friands de mes joggings d’écriture et me demande d’en augmenter la fréquence !

Afin de concevoir mes enseignements au plus près des besoins de mes élèves, je m’engage alors dans une première analyse de leurs productions. Les textes produits révèlent d’assez fortes disparités entre mes élèves. Toutefois, deux difficultés récurrentes émergent : d’une part, beaucoup me disent manquer cruellement d’inspiration et développent peu leur production et d’autre part, je constate que les textes produits s’éloignent tout de même très fortement de la norme orthographique. Par conséquent, je souhaite, grâce au dispositif mis en œuvre et détaillé dans ce travail, aider mes élèves sur deux plans. Tout d’abord, j’aimerais les aider à trouver des idées, à développer leur imaginaire. Je voudrais qu’ils se rendent compte qu’ils peuvent utiliser des mots dans un but précis, pour produire un effet. D’un autre côté, je souhaite les amener à réviser leur texte, notamment en matière de correction de la langue : orthographe, grammaire, conjugaison. J’ai donc choisi de les faire travailler autour de la poésie. Ma problématique est la suivante : « En quoi la production d’un recueil de poèmes peut-il aider mes élèves de CM1 à développer leur imaginaire et travailler la révision de leur texte ? Je souhaite que mes élèves se rendent compte qu’il est possible de prendre plaisir à écrire en jouant avec les mots pour produire un réel effet sur le texte final. Je souhaite leur montrer que le travail sur la langue est certes une attente scolaire mais qu’elle peut également être un outil pour prendre plaisir à exprimer clairement ou joliment ce que l’on cherche à écrire, en ayant en tête un destinataire. Ce recueil serait à destination des familles, mais également de l’école puisque j’envisage que les élèves lisent leurs poèmes aux autres classes.

Selon Jean-Charles Chabanne et Dominique Bucheton, l’organisation des activités d’écriture et des tâches d’entraînement en classe, les modalités d’évaluation, de correction et de remédiation dépendent du modèle didactique qui est appliqué. Celui ci est défini par l’institution, par le biais des instructions et des textes officiels, mais également par la recherche pédagogique et par les enseignants qui, en fonction de leur formation et de leurs propres valeurs, font des choix théoriques et pédagogiques. S’agissant de l’enseignement de l’écriture, le modèle didactique choisi doit permettre de répondre aux questions suivantes : Qu’est-ce que l’écriture ? A quoi sert-elle dans notre société et plus spécifiquement à l’école ? Quel est son rôle dans le développement de l’enfant ? Comment apprend-on à écrire ? Comment enseigner l’écriture ? Quelles sont les modalités d’évaluation les plus pertinentes pour l’élève et l’enseignant ? (2002, p. 25) .

Ainsi, plusieurs modèles didactiques de l’écriture se sont succédé. Je vais faire un rappel des principales caractéristiques de chacun d’eux.

« L’écriture est conçue comme simple transcription d’une pensée qui lui préexiste » (Chabanne, 2002, p. 26). C’est une succession d’opérations bien précises : élaborer des idées, construire un plan, rédiger un brouillon, procéder à sa correction et enfin le recopier au propre. Dans ce modèle, il est impensable que l’écriture « puisse mettre la pensée en mouvement et la faire évoluer » (Chabanne, 2002, p. 26). Le brouillon est également perçu négativement, les élèves les plus performants ne doivent pas y avoir recours.

« L’apprentissage est défini par le principe d’imprégnation par imitation et par la priorité chronologique donnée à la maîtrise des normes » (Chabanne, 2002, p. 26). On procède par des lectures et récitations d’auteurs, par la copie puis la dictée. Le travail oral est « directement transférable à l’écrit. Il s’agit de parler comme un livre et pas de s’exprimer »(Chabanne, 2002, p. 27). La rédaction est considérée comme un but à atteindre et est pratiquée à terme, c’est à dire au collège puis au lycée. Les critères d’évaluation sont centrés sur l’orthographe et la grammaire, et servent à contrôler la capacité de l’élève à respecter les normes de l’écrit. Seuls quelques élèves auront, plus tard, le privilège d’écrire pour s’exprimer, penser et réfléchir. L’écriture n’est qu’une compétence technique et culturelle : « on écrit en reprenant inlassablement des contenus et des formes empruntés à ses lectures et aux bons auteurs » (Chabanne, 2002, p. 27).

Selon Jean-Charles Chabanne et Dominique Bucheton, dans ce modèle qui s’est lentement imposé après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’école joue un rôle central de stimulation de l’élève face à la tâche d’écriture. L’école doit permettre de lever ses craintes, ses réticences pour qu’il puisse exprimer pleinement son potentiel. Il s’agit de réconcilier les élèves avec l’écrit, de positiver autour de cette activité, de montrer que chacun est capable d’écrire et d’en retirer du plaisir. Inspirée de Célestin Freinet, les élèves progressent en écrivant librement des poèmes, des récits mais aussi des écrits de travail. Comme ils sont intéressés, ils prêtent plus attention aux règles de l’écrit et les intériorisent plus aisément. Ce modèle préconise également de fournir à l’élève des lectures variées au sein desquelles il pourra résoudre ses problèmes d’écriture. En diversifiant les jeux d’écriture et les contraintes, de véritables situations-problèmes se posent. L’élève apprend donc par la pratique, et non par l’exercice dirigé. L’évaluation est centrée sur l’élève, et non sur le texte et le respect de la norme. Elle peut également être déléguée vers les camarades, au travers de relectures collectives et d’échanges, notamment lors d’ateliers d’écriture. L’écriture n’est plus une activité solitaire. Les élèves sont invités à s’exprimer, d’où l’évolution du terme « rédaction » vers « expression » (2002, p. 28-29).

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Table des matières

Introduction
I. Cadre Théorique
I.1. Les différents modèles didactiques de l’écriture
I.1.1. Le modèle de la rédaction
I.1.2. Le modèle de l’expression écrite
I.1.3. Le modèle de la production d’écrit et de l’évaluation critériée
I.1.4. Le modèle du sujet écrivant et des écrits intermédiaires
I.2. Le cadre de référence institutionnel : le socle commun de connaissance, de compétences et de culture
I.3. L’écriture dans les programmes du cycle 3, cycle des consolidations
I.3.1. Concepts généraux
I.3.2. Attendus de fin de cycle
I.3.3. Les objectifs et compétences associées
I.4. Le difficile rapport à l’écrit des élèves français
I.4.1. Les résultats décevants des études PIRLS
I.4.2. La complexité de l’acte d’écrire
I.5. Les documents d’accompagnement – Eduscol
I.5.1. A quoi sert l’enseignement de l’écriture ?
I.5.1.1. Apprendre à écrire pour progresser vers la norme orthographique et syntaxique
I.5.1.2. Écrire pour réfléchir et pour apprendre : les écrits de travail ou écrits intermédiaires
I.5.1.3. L’activité d’écriture au service de la construction identitaire
I.5.1.4. L’activité d’écriture au service de la formation du futur citoyen
I.5.2. La nécessité d’un entraînement très régulier
I.5.3. Varier les activités pour expérimenter tous les aspects de l’écriture
I.5.4. Réviser le texte produit
I.5.5. La réécriture, une activité complexe pour réfléchir à ses propres écrits
I.5.6. Une correction nécessairement différenciée
I.5.7. La remise en cause indispensable de l’évaluation
II. Pratique professionnelle
II.1. Contextualisation de la classe
II.2. Choix du panel d’élèves et analyse des évaluations diagnostiques
II.2.1. Contenu et bilan des premières séances d’écriture
II.2.2. Analyse des évaluations diagnostiques et choix du panel d’élèves pour le dispositif
II.3. Présentation du dispositif
II.3.1. Place dans la programmation
II.3.2. Organisation des enseignements
II.3.2.1. La phase de découverte du référent culturel
II.3.2.2. La construction d’un référentiel d’outils pour écrire
II.3.2.3. L’écriture du premier jet
II.3.2.4. La phase de révision : mise en œuvre d’une typologie d’erreurs
II.3.2.5. La phase de finalisation
II.4. Analyse des résultats
II.4.1. Du côté du panel d’élèves
II.4.1.1. Les critères d’évaluation observables
II.4.1.2. L’analyse des traces des élèves
II.4.1.2.1. L’analyse des traces de Charley
II.4.1.2.2. L’analyse des traces d’Alexis
II.4.1.2.3. L’analyse des traces de Sanaa
II.4.1.2.4. L’analyse des traces de Jasmine
II.4.1.2.5. L’analyse des traces d’Imran
II.4.2. Du côté de l’enseignante : les gestes professionnels
II.4.2.1. L’objet de savoir
II.4.2.2. Le pilotage des tâches
II.4.2.3. L’atmosphère
II.4.2.4. Le tissage
II.4.2.5. L’étayage
Conclusion

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