Agroforesterie ou agroforesterieS
Stockage de carbone dans les sols – processus de stabilisation
La composition chimique des matières organiques a longtemps été considérée comme le facteur clé contrôlant leur décomposition et leur stabilisation dans les sols. La teneur en lignine, molécule polyphénolique complexe et supposée résistante à la décomposition par les microorganismes, a souvent été utilisée comme un indicateur de la « récalcitrance chimique » des matières organiques à la décomposition (Rasse et al. 2006). Il est maintenant avéré que la récalcitrance ne contrôle que les premières phases de la décomposition, mais pas la stabilisation à l’échelle pluri-décennale (von Lützow et al. 2006). D’autres processus majeurs de stabilisation ont été mis en évidence. L’adsorption de la MO sur les minéraux faiblement cristallins, notamment sur les argiles, semble être un processus majeur protégeant la MO de la décomposition (Torn et al. 1997; Mikutta et al. 2006; Marschner et al. 2008; Schrumpf et al. 2013). Kleber et al. (2007) proposent une organisation en « pelures d’oignon » autour des minéraux, les molécules organiques étant directement en contact avec les minéraux étant plus stabilisés que les composés organiques qui se superposent sur ces premières couches. La protection physique au sein de macro et micro agrégats est également un processus impliqué dans cette stabilisation du carbone (Puget et al. 2000; Chenu and Plante 2006; Virto et al. 2010). Les agrégats limitent en effet l’accès à la MO pour les microorganismes, et limitent la diffusion de l’oxygène essentiel à la décomposition aérobie. L’accessibilité des microorganismes à la MO à décomposer est un facteur déterminant (Dungait et al. 2012)
Stockage de carbone dans les sols – pratiques agronomiques
Le mode d’occupation des sols a un fort impact sur les stocks de COS. Ainsi, la conversion de forêts en parcelles cultivées entraîne généralement une forte diminution de stocks de COS, alors que ces stocks sont conservés ou même améliorés quand une prairie est installée (Murty et al. 2002; Fujisaki et al. 2015). A l’inverse, la conversion de terres agricoles en prairies ou en forêts augmente fortement les stocks de carbone, mais cette augmentation se fait beaucoup plus lentement que la perte de COS (Conant et al. 2001). Une même parcelle agricole peut présenter des stocks de carbone très différents selon la gestion qui en est faite. Ainsi, différentes pratiques agronomiques permettent d’améliorer les
teneurs en MOS des sols agricoles, et ainsi d’augmenter les stocks de COS, en augmentant les entrées de MO au sol, ou/et en réduisant leur minéralisation dans le sol. Des rotations plus longues et plus complexes, avec notamment présence de légumineuses ont un impact positif sur le COS, et permettent d’accumuler du carbone à un taux de 0.2 t C ha-1 an-1 sur 0-21 cm (West and Post 2002; Jarecki and Lal 2003). Une restitution accrue des résidus de culture au sol (Jarecki and Lal 2003) ou des apports de fumiers, de compost ou de boues de station d’épuration sont également bénéfiques, avec des taux de stockage allant de 0.1 à 0.7 t C ha-1 an-1 sur les horizons de surface (Smith et al. 2000; Smith et al. 2005; Favoino and Hogg 2008; Diacono and Montemurro 2010). L’introduction de cultures intermédiaires, initialement destinées à piéger les nitrates excédentaires dans le sol en automne et donc limiter leur lixiviation, permet également d’augmenter les stocks de carbone du sol, à un taux moyen de 0.32 ± 0.08 t C ha-1 an-1 sur 0-22 cm (Poeplau and Don 2015). En effet, ces cultures ne sont pas récoltées, et sont restituées au sol avant le semis ou la plantation suivante. Les associations de culture au sein d’une même parcelle, notamment les associations céréaleslégumineuses permettent d’accumuler du carbone dans le sol à un taux de 0.18 ± 0.09 t C ha-1 sur 0-20 cm (Cong et al. 2014). Enfin, certains auteurs suggèrent de sélectionner des cultures à enracinement profond afin de favoriser le stockage de carbone en profondeur, mais peu dedonnées sont encore disponibles sur ce sujet (Smith et al. 2005; Kell 2011; Kell 2012).
Stockage de carbone dans les sols et agroforesterie
Les systèmes agroforestiers peuvent être très productifs, dans certains cas jusqu’à 30% plus productif qu’un assolement avec des parcelles agricoles d’un côté, et un reboisement de terres agricoles de l’autre (Graves et al. 2007; Dupraz et al. 2010). Cette performance est mesurée par la Surface Equivalente d’Assolement (SEA) ou Land Equivalent ration (LER) en anglais (Mead and Willey 1980) et est définie par la somme des rendements relatifs des cultures associées. Cette performance s’explique notamment par une meilleure utilisation des ressources du milieu. En effet, en milieu tempéré il n’y a en général qu’une culture par an, le sol reste donc improductif après la récolte. Un bon choix des espèces associées permet de produire de la biomasse tout au long de l’année. Ainsi, un système agroforestier associant une culture d’hiver (par exemple du blé) à un arbre à débourrement tardif (par exemple du noyer) permet d’utiliser l’eau, les nutriments et l’énergie lumineuse qui arrivent sur la parcelle tout au long de l’année. De plus, les arbres agroforestiers, plantés à faible densité, subissent moins de compétition pour la lumière qu’en forêt (Khan and Chaudhry 2007), et bénéficient des apports en fertilisants destinés aux cultures, ce qui explique leur croissance rapide (Balandier and Dupraz 1999; Chaudhry et al. 2003; Chifflot et al. 2006). En parallèle, une réduction du rendement des cultures peut être observée dans les systèmes à forte densité d’arbres (Yin and He 1997; Dufour et al. 2013). Une partie de cette biomasse produite dans le système agroforestier va retourner au sol sous forme de matière organique, c’est notamment le cas des feuilles et des racines fines des arbres, des résidus de culture, et parfois des résidus d’élagage (Jordan 2004; Peichl et al. 2006). Ces apports de MO pourraient contribuer à augmenter les stocks de carbone organique du sol.
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Table des matières
Table des matières REMERCIEMENTS RESUME ABSTRACT TABLE DES MATIERES INTRODUCTION Agroforesterie ou agroforesterieS Agroforesterie et services écosystémiques Matières organiques et carbone organique des sols Rôle des sols dans le bilan de carbone global 6 Stockage de carbone dans les sols – définition et évaluation Stockage de carbone dans les sols – processus de stabilisation Stockage de carbone dans les sols – pratiques agronomiques Stockage de carbone dans les sols et agroforesterie Agroforesterie et modélisation de la dynamique du carbone du sol Problématique, hypothèses générales et objectifs Démarche générale et sites d’étude STOCKAGE DE CARBONE DANS LES SOLS SOUS AGROFORESTERIE EN ZONE MEDITERRANEENNE ET TEMPEREE Impact de l’agroforesterie sur les stocks, la forme et distribution spatiale du carbone organique du sol – un cas d’étude en contexte méditerranéen Introduction Materials and methods Site description Soil core sampling Use of field visible and near infrared spectroscopy to predict SOC VNIR spectra analysis and construction of predictive models Bulk densities determination Reference analysis measurements Soil organic carbon stock calculation Particle-size fractionation Calculation of SOC saturation Statistical analyses Results Modélisation des dynamiques de carbone en système agroforestier – la nécessité d’un modèle discrétisé en profondeur Introduction General description of the SOCRATES model The OM decomposition Carbon transport mechanisms General equations describing the site Soil characteristics Tree growth Crop yield Carbon inputs to the FOM pool Leaf litterfall Tree fine root biomass Distribution of tree fine roots within the soil profile Aboveground carbon input from the crop Belowground carbon input from the crop Aboveground and belowground carbon input from the herbaceous vegetation in the tree row Comparison of models Optimization procedure Management scenarios Results Correlation matrix and values of optimised parameters Model predictions and observed SOC stocks Predicted SOC stocks in two dimensions Delta SOC stocks and cumulated FOM Comparison of different scenarios Discussion. Model predictions SOC storage and OM inputs Priming or not priming? Management and SOC storage Conclusion DISCUSSION GENERALE ET PERSPECTIVES Stockage de carbone dans les systèmes agroforestiers Répartition spatiale et en profondeur des stocks de carbone Stabilité du stockage de carbone sur le long terme Importance des racines dans le stockage de carbone Influence du microclimat sur la dynamique du carbone Modélisation du carbone en agroforesterie Coût en nutriments du stockage de carbone CONCLUSION GENERALE BIBLIOGRAPHIE LISTE DES FIGURES LISTE DES TABLEAUX LISTE DES ARTICLES PUBLIÉS
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