Agriculture industrielle et modifications récentes des paysages agricoles
La Crécerelle d’Amérique (Falco sparverius) est le plus répandu des rapaces de l’ordre des falconiformes en Amérique du Nord (Smallwood et Bird 2002). De plus, avec une population dépassant le million de couples (Cade 1982, Fergusson-Lee et Christie 2001), l’espèce n’est pas considérée en danger sur les listes de protection mondiales (Bird Life International 20 13), fédérales américaines (USFWS 2008) ou fédérales canadiennes (COSEPAC 2011). Ainsi, les nombreux articles concernant la Crécerelle d’Amérique la qualifient de « répandue » voire « commune ». Cependant, tel que le soulignent des articles parus dans un numéro spécial du Journal of Raptor Research sur la Crécerelle d’Amérique, les populations nord-américaines semblent subir un déclin significatif et continu depuis près de 15 ans (Bird 2009). La crécerelle est une utilisatrice secondaire de cavités et est donc typiquement limitée par les sites de nidification (Cade 1982, Poole et Gill 2005). Bon nombre de biologistes ont décidé d’implanter des réseaux de nichoirs afin d’augmenter la disponibilité en cavités de nidification en Amérique du Nord : Pennsylvanie (Heintzelman et Nagy 1968) ; Wisconsin (Hamerstrom et al. 1973) ; Idaho (Steenhof et Peterson 1997) ; Floride (Miller et Smallwood 1997) ; Iowa (Varland et Loughin 1993) ; Missouri (Toland et Eider 1987) ; New Jersey (Smallwood et Wargo 1997) ; Saskatchewan (Bortolotti 1994). Ces réseaux ont favorisé une augmentation soudaine des effectifs nicheurs, et ont aussi contribué à améliorer les connaissances sur l’espèce (Hamerstrom et al. 1973, Stahlecker et Griese 1979, Smallwood et Collopy 2009). C’est ainsi que les nichoirs artificiels représentent à l’heure actuelle un outil incontournable à la conservation des populations de crécerelles (Katzner et al. 2005).
Dans les années 70, un déclin des populations de Crécerelles d’Amérique était observé aux États-Unis (Tate 1981) et semblait en lien avec l’utilisation accrue de pesticides organo-chlorés (e.g. DDT) dans les milieux agricoles (Wiemeyer et Sparling 1991). De tels déclins étaient également signalés chez des espèces apparentées, notamment chez le Faucon pèlerin (Falco peregrinus) dont la sous-espèce F p. anatum avait disparu de l’est de l’Amérique du Nord (Erickson et al. 1988). Suite aux problèmes biologiques que posait le DDT en Amérique du Nord, son utilisation fut interdite au Canada et aux États-Unis en 1972. Bien que cette interdiction favorisa le rétablissement de plusieurs espèces de rapaces (Cade et Bumham 2003, Panner et al. 2008b ), divers suivis de populations ont mis en évidence un déclin chez la Crécerelle d’Amérique à partir des années 2000 (Sauer et al. 1996, Bildstein1998, Sauer et al. 2007, Bird 2009). Ce déclin s’avère généralisé à l’ensemble des réseaux cités précédemment (Smallwood et al. 2009a) et accentué au nord-est de la répartition de 1 ‘espèce (Farmer et al. 2008a). Parmi les explications de ce déclin, Bird (2009) et Smallwood et al. (2009a) soulignent la possibilité d’une augmentation de la prédation par l’Épervier de Cooper (Accipiter cooperii), l’expansion du Virus du Nil occidental et la perte et la dégradation de son habitat. Néanmoins, puisqu’aucune ne satisfait une telle généralisation continue, la dégradation ou la perte d’habitats serait plus plausible (Bird 2009, Smallwood et al. 2009a).
Divers aspects de la biologie de la crécerelle sont bien connus, étant donnée la facilité d’identification de l’espèce sur le terrain (Bird et Henderson 1995), l’accès aux nichées en sites artificiels (Katzner et al. 2005) et enfm la capacité de l’espèce à se reproduire en captivité (Bird et Palmer 1988). Cependant, des auteurs suggèrent d’accentuer les efforts sur les analyses quantitatives d’utilisation d’habitat à l’échelle du territoire de chasse (i.e. de 100 à 200 ha) (Smallwood et al. 2009b). D’autres auteurs estiment également que les études portant sur les facteurs de sélection d’habitat à des latitudes nordiques sont encore trop peu nombreuses (Greenwood et Dawson 2011). En Abitibi-Témiscamingue, région agroforestière du Québec, un réseau de nichoirs à Petite Nyctale (Aegolius acadicus) a été implanté en 2005 (Gagnon 2013). L’espèce étant associée aux milieux forestiers (Hinam et St Clair 2008, Rasmussen et al. 2008), les nichoirs ont été installés prioritairement dans des boisés feuillus, résineux ou mixtes appartenant au domaine bioclimatique de la Sapinière à Bouleau blanc de l’ouest (Thibault et al. 1985). Malgré ce paysage forestier, le réseau est utilisé en partie par des Crécerelles d’Amérique.
Généralités :
La Crécerelle d’Amérique (nom anglais American kestre[) est le plus petit rapace de la famille des falconidés en .Amérique du Nord (Smallwood et Bird 2002). On note des longueurs de 22 à 27 cm pour les mâles et de 25 à 31 cm pour les femelles et des masses de 80 à 143 g et 86 à 165 g, respectivement (Bird et Palmer 1988). Avec ses 17 sous-espèces, la Crécerelle d’Amérique occupe la quasi-totalité deux continents américains. La sous-espèce étudiée ici est Falco sparverius sparverius. Elle est qualifiée de migratrice partielle et il existe un gradient latitudinal de distance de migration où les populations les plus nordiques migrent plus loin que les populations centrales qui ne se déplacent que partiellement (Bird et Pahner 1988). Au nord, son aire de répartition s’étend du centre de l’Alaska (Annstrong 1995) à Tene-Neuve avec des occunences ponctuelles dans la baie d’Ungava (Bird et Henderson 1995) (figure 1). Les sous-espèces sud américaines se reproduisent jusqu’au sud de l’Argentine (Sarasola et al. 2003) et du Chili (Simonetti et al. 1982) .
Territoire de chasse et habitudes alimentaires :
La Crécerelle d’Amérique est écologiquement qualifiée de généraliste puisqu’elle utilise une grande variété de milieux herbacés et arbustifs tels que des prairies, pâturages, fossés de routes, parcs urbains, aéroports, anciennes mines, steppes, milieux agricoles en déprise, écotones de toundra et milieux humides (Smallwood et Bird 2002). La Crécerelle d’Amérique serait le rapace le plus tolérant en Amérique du Nord à la fragmentation par l’urbanisation (Fisher et al. 1984) puisqu’elle peut utiliser les parcs, jardins et ceintures vertes des villes et y retrouver des structures pour sa nidification (Bird et Henderson 1995, Tigner et al. 1996, Berry et al. 1998, Chace et Walsh 2006). Quant à ses habitudes alimentaires, de part et d’autre de son aire de distribution, elle chasse de manière opportuniste des vertébrés de petite taille ou des invertébrés terrestres (Heintzelman 1964, Cruz 1976, Nicoletti 1996, Smallwood et Bird 2002, Sarasola et al. 2003). Cet opportunisme est également lié à des facteurs plus énergétiques puisqu’il apparaît évident qu’un prédateur sélectionne une proie selon un rapport de coût énergétique de recherche sur gain apporté par la proie (i.e. Optimal Diet Theory) (Pulliam 1974, Pyke et al. 1977, Sih et Christensen 2000). Ainsi, dans des conditions similaires de vulnérabilité vis-à-vis de la structure de végétation et de la distance, des adultes captifs de crécerelles choisissent une proie plus grosse (Barrett et I’viackey 1975).
La variété des habitats de chasse semble reliée à ce caractère opportuniste bien que la Crécerelle d’Amérique ait certaines prédilections quant aux habitats lui permettant d’optimiser ses techniques de chasse. En effet, les crécerelles capturent au sol des proies repérées la plupart du temps à environ 50 rn depuis un perchoir ( e.g. poteaux, fils électriques, chicots, branches) (Bildstein et Collopy 1987, Toland 1987, Smallwood 1990). Plus rarement et avec des coûts énergétiques pouvant être jusqu’à sept fois plus élevés, l’espèce peut aussi chasser en vol stationnaire lorsque les perchoirs sont absents (Rudolphs 1982). À partir de plus de 6000 observations de crécerelles en recherche de nourriture, Toland (1987) au Missouri nota que ce comportement de chasse influençait fortement la sélection de l’habitat. Dans un paysage agricole, la sélection d’habitat était en faveur des prairies (i.e. pâturages et fauches) où la végétation basse offre une bonne visibilité et une bonne ouverture pour la capture au sol ainsi qu’une activité agricole extensive qui augmente la vulnérabilité des proies (Toland 1987).
Au contraire, les boisés où la végétation est supérieure à 3 rn, les parcelles abandonnées (i.e. de 90 à 254 cm) et les cultures intensives (i.e. maïs, blé, soja, de 60 à 183 cm) étaient particulièrement sous-utilisées et présentaient de faibles succès de capture. Dans le but d’écarter tout biais dû à l’abondance de proies, des auteurs ont testé la sélection de milieux de capture en conditions contrôlées (Sheffield et al. 2001). Ils observèrent que les enclos à végétation basse équipés de perchoirs étaient préférés à ceux non équipés et à végétation haute. Des approches plus quantitatives vont également en ce sens puisque des nichoirs artificiels en Pennsylvanie qui étaient utilisés fréquemment (i.e. au moins 3 années sur 5), se situaient dans des zones où le couvert prairial dans un rayon de 25 rn (i.e. 0.2 ha) était estimé à plus de 65% (Rohrbaugh et Yahner 1997). Au New Jersey, de tels nichoirs étaient occupés lorsque le couvert boisé dans un rayon de 56.4 rn (i.e. 1 ha) était de 7.5% en moyenne et inoccupés lorsqu’il était de 16.4% (Smallwood et Wargo 1997). Dans cette même région à une échelle plus globale, des parcelles ouvertes et continues de plus de 1 000 ha avaient un taux d’occupation de 43%, celles entre 250 et 1 000 ha un taux de 30% et les plus petites parcelles (i.e. inférieures à 250 ha) un taux de 17% (Smallwood et al. 2009b).
Malgré sa préférence pour les paysages agricoles, la nidification de la Crécerelle d’Amérique a été observée dans des paysages sous aménagement forestier comme en forêt boréale mixte de la Saskatchewan (55°N, 106°W). Le suivi d’un réseau de nichoirs dans cette région a révélé qu’un incendie de 73 200 ha n’aurait eu aucun impact sur l’utilisation des nichoirs par les crécerelles et qu’elles pouvaient également apprécier les forêts matures (Dawson et Bortolotti 2006). Très récemment cependant, ce réseau a fait l’obj et d’une étude quantitative sur le choix du site de nidification et les investissements reproducteurs. En regard d’un meilleur site de chasse (i.e. ouvert avec perchoirs abondants), d’une abondance en proies favorables et de risques de prédation par les écureuils roux amoindris, les crécerelles sélectionnaient surtout des sites forestiers récemment récoltés plutôt que des forêts matures (Greenwood et Dawson 2011). C’est avec une meilleure visibilité du nichoir dans ce type de milieux que les adultes pouvaient augmenter significativement leur productivité.
Agriculture industrielle et modifications récentes des paysages agricoles :
En un siècle, l’Amérique du Nord et l’Europe sont passées d’une agriculture de subsistance (i.e. extensive et pluri-productive) à une agriculture plus industrielle dite intensive (Gauthier et Aubry 1995, Jobin et al. 1996, Stoate et al. 2001, Robinson et Sutherland 2002). Cette agriculture est dominée par des cultures mono-spécifiques à fort rendement ( e.g. cultures de maïs, de blé et de soja) où l’utilisation d’intrants chimiques (i.e. fertilisants et pesticides) et de machinerie agricole est accrue (Askins 1993, Stoate et al. 2001). Elle amène ainsi de profonds changements dans la structure fonctionnelle des paysages agricoles. En effet, les prairies et habitats résiduels se voient progressivement transformés en parcelles cultivées simplifiées et agrandies (Chamberlain et al. 2000, Fuller 2000, Tscharntke et al. 2005, Meehan et al. 2011). Ainsi, la perte d’habitat semi naturel (i.e. prairies et pâturages) a été associée au déclin de la biodiversité (Best et al. 1995, McLaughlin et Mineau 1995, Robinson et Sutherland 2002, Kirk et al. 20 11). De plus, les réseaux trophiques associés à ces milieux semi-naturels se voient appauvris par le contrôle chimique voire la disparition totale des espèces intermédiaires (i.e. végétation et insectes) (Boatman et al. 2004, Mineau et Whiteside 2006, Tscharntke et al. 2007, Le Roux et al. 2008, Meehan et al. 2011). Pour associer strictement la perte de biodiversité avec l’usage d’intrants chimiques, Gibbs et ses collaborateurs (2009) ont observé que le déclin d’espèces classées au COSEPAC (i.e. menacées au Canada) était plus prononcé dans des zones à forte utilisation de pesticides.
L’Abitibi-Témiscamingue est une région agro-forestière du Québec où dominent les milieux forestiers à plus de 90 % (Jobin et al. 2004). Les paysages agricoles dans cette région sont typiquement extensifs puisqu’il y a une très grande majorité de prairies récoltées et de pâturages (F ADQ 20 10). Dans la mesure où les oiseaux de milieux herbacés sont associés aux prairies naturelles et aux pâturages, ce type d’agriculture peut être encouragé pour leur conservation (Wolff et al. 2001, Coppedge et al. 2008, Le Roux et al. 2008). D’autant plus que les oiseaux de milieux herbacés (tels que la Crécerelle d’Amérique) semblent être les plus menacées en Amérique du Nord (Askins 1993, Knopf 1994, Murphy 2003, With et al. 2008). La principale raison en est que les cultures intensives, habitats très anthropiques à faible valeur écologique (i.e. maïs, blé, soya, etc.), remplacent peu à peu les prairies de fauche et les pâturages (Wamer 1994, Benton et al. 2003, Gibbs et al. 2009).
Cependant, ces mêmes prairies peuvent dans certains cas être considérées comme intensives, et donc néfastes pour la biodiversité, du fait de l’utilisation d’intrants chimiques, du semis d’espèces non natives, du drainage des terres, de récoltes de foin répétées et précoces, de labours répétés et profonds, et du surpâturage (Jacob 2003, Plantureux et al. 2005, Le Roux et al. 2008). D’autres auteurs sont encore plus alarmistes sur la qualité écologique de ces prairies récoltées (Humbert et al. 2009). Les activités de récolte de foin (i.e. fauche, ratissage et emballage) semblent en effet diminuer l’abondance et la diversité des communautés animales en provoquant des stress et des mortalités et en changeant drastiquement les conditions environnementales (e.g. température, humidité, risque de prédation, disponibilité en nourriture) (Thorbek et Bilde 2004, Gardiner et Hassall 2009, Humbert et al. 2010). C’est ainsi que divers auteurs ont conclu que les milieux agricoles (i.e. habitat semi-naturel à très anthropique utilisé par l’homme) pouvaient dans certains cas être des pièges écologiques (Best 1986, Galbraith 1988, Bollinger et al. 1990, Stallman et Best 1996). Le concept de piège écologique est né dans les années 70 et on peut l’associer au déclin de certaines espèces fragiles (Delibes et al. 2001). En effet, il survient lorsqu’un animal choisit un site de nidification de mauvaise qualité (i.e. qui affecte sa survie ou son succès reproducteur) parmi d’autres sites de meilleure qualité, affectant ainsi la démographie de la population. Ce choix repose sur des signaux environnementaux et résulte de la valeur adaptative du comportement de l’individu (Donovan et Thompson 2001, Battin 2004). Dans le cas des milieux agricoles, si les espèces associées aux milieux ouverts assimilent un signal correspondant à un milieu ouvert, elles pourront sans nul doute choisir un milieu agricole, peu importe son degré d’anthropisation. Les articles cités plus haut ont été controversés et témoignent de la difficulté pour les zoologistes à identifier de tels pièges écologiques dans la nature (Kokko et Sutherland 2001, Schlaepfer et al. 2002, Robertson et Hutto 2006, Patten et Kelly 2010). Quantifier l’effet de ces pièges écologiques « agricoles » sur la conservation des espèces associées aux milieux ouverts naturels est donc primordial et par sa prédilection pour les habitats agricoles, la Crécerelle d’Amérique pourrait typiquement subir ces effets.
EFFET DES :MILIEUX AGRICOLES ET DES RÉGÉNÉRATIONS FORESTIÈRES SUR L’UTILISATION DES SITES DE NIDIFICATION ET LES SUCCÈS DE REPRODUCTION DES CRÉCERELLES D’AMÉRIQUE DANS UN CONTEXTE BORÉAL AU QUÉBEC, CANADA :
Dans les pays industrialisés, l’agriculture de l’après-guerre a évolué pour répondre aux exigences du marché et aux besoins alimentaires d’une population en expansion (Tilman et al. 2002). Des pratiques autrefois de subsistance ont laissé place en quelques décennies à des pratiques plus industrielles qui optimisent les rendements par l’utilisation accrue d’intrants chimiques et de machinerie agricole (McLaughlin et Mineau 1995, Robinson et Sutherland 2002, Boatman et al. 2004). Le résultat de cette agriculture repose surtout dans la simplification du paysage et des habitats qui le composent (Meehan et al. 2011). En effet, les paysages sont déstructurés en parcelles homogènes (Stauffer et Best 1980, Shalaway 1985, Fuller 2000, Benton et al. 2003), les cultures sont mono-spécifiques (Best et al. 1995) et les réseaux trophiques sont appauvris (Campbell et Cooke 1997, Boatman et al. 2004, Gibbs et al. 2009). En Amérique du Nord, la perte d’habitats semi-naturels tels que les prairies et les pâturages est liée à l’intensification de l’agriculture (Walk et Wamer 2000, With et al. 2008, Gibbs et al. 2009) et cause le déclin des espèces qui y sont associées (Askins 1993, Knopf 1994, Murphy 2003, Poyry et al. 2004). Dans leurs études agronomiques sur la qualité écologique des prairies, Le Roux et al. (2008) et Plantureux et al. (2005) ont mentionné que dans certains cas, les prairies utilisées pour la récolte de foin pouvaient montrer des caractères d’une agriculture intensive. En effet, ces prairies sont semées, parfois avec des espèces non indigènes, fertilisées et récoltées, parfois de manière précoce et répétée dans la saison. Les terres sont également drainées et labourées, parfois en profondeur et de manière répétée dans l’année. Certains agriculteurs peuvent même utiliser des pesticides pour augmenter les rendements. Ces mêmes auteurs notent également que les pâturages peuvent être sur utilisés par des troupeaux de plus en plus nombreux. Le résultat de ces pratiques parfois qualifiées à tort d’extensives, consiste en une diminution de l’abondance et de la diversité des communautés vertébrées et invertébrées (Jacob 2003, Humbert et al. 2009). En effet, les activités de récolte et de préparation provoquent des stress et des mortalités puisqu’elles changent sévèrement les conditions locales ( e.g. température, humidité, risque de prédation, approvisionnement en nourriture) (Thorbek et Bilde 2004, Gardiner et Hassall 2009, Humbert et al. 2010).
Une mosaïque paysagère est composée de différentes parcelles d’habitats dont la qualité et la disponibilité varient (Arthur et al. 1996, Battin 2004). Dans leur processus de sélection d’un habitat, les organismes doivent s’appuyer sur des signaux environnementaux qu’ils ont évolutivement associé à une bonne survie ou à une bonne productivité (Homyack 20 10, Loehle 20 12). Dans un paysage agricole, les espèces associées aux milieux herbacés pourront donc occuper des prairies ou d’autres cultures si l’ouverture au sol permet aux individus d’optimiser leurs succès reproducteurs ou leur survie. Toutefois, puisque ces habitats peuvent être très altérés par des pratiques agricoles intensives, il peuvent induire en erreur des individus à la recherche d’un site de nidification propice et provoquer des bouleversements démographiques dans les populations, parfois même le déclin d’espèces (Delibes et al. 2001, Schlaepfer et al. 2002, Kristan 2003). Divers auteurs ont suggéré que les milieux agricoles pouvaient correspondre à des pièges écologiques et conduire les espèces de milieux ouverts naturels à un déclin (Best 1986, Galbraith 1988, Bollinger et al. 1990, Stallman et Best 1996). Bien qu’il soit très difficile de vérifier de façon rigoureuse l’existence des pièges écologiques (Robertson et Hutto 2006), ces études soulèvent tout de même l’idée que l’effet du changement des pratiques agricoles sur les aspects démographiques des populations mérite d’être approfondi.
La Crécerelle d’Amérique est une espèce qui pourrait subir de tels effets puisqu’elle utilise pour sa nidification des habitats ouverts et semi-ouverts, principalement d’origine agricole (Smallwood et Bird 2002). Dans une matrice paysagère à dominance agricole, il semblerait que les crécerelles utilisent beaucoup les prairies de fauche. Au Missouri, les individus reproducteurs ont de meilleurs succès de chasse dans ces prairies que dans des cultures de soya ou maïs (Toland 1987). D’autres auteurs montrent l’importance de l’ouverture du milieu dans la sélection de l’habitat des crécerelles en période de reproduction (Smallwood et Wargo 1997, Smallwood et al. 2009b). De plus, malgré une diète alimentaire très opportuniste, les crécerelles en saison de reproduction semblent chasser en préférence des micromammifères ainsi que de gros invertébrés terrestres (Smallwood et Bird 2002). Dans la mesure où des pratiques agricoles intensives diminuent l’abondance et la diversité de ce type de proies, la Crécerelle d’Amérique pourrait ne plus avoir les meilleures performances démographiques dans ce type de milieu.
CONCLUSION GÉNÉRALE :
La présente étude avait pour objectif de vérifier si, dans un contexte de cavités artificielles, les couples de Crécerelles d’Amérique utilisaient des sites de nidification selon trois types d’habitat (i.e. deux favorables, agricole et forestier en régénération, et un défavorable, forestier mature). L’étude devait également nous permettre de voir si cette utilisation avait des répercussions sur le succès d’envol ainsi que sur le succès d’éclosion en regard des types d’habitat, mais également de facteurs tels que l’avancée de la date d’initiation ou les conditions météorologiques.
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Table des matières
CHAPITRE 1 INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1. I’vlise en contexte
1.2. Généralités
1.3. Territoire de chasse et habitudes alimentaires
1.4. Agriculture industrielle et modifications récentes des paysages agricoles
1.5. Facteurs liés aux succès de reproduction
1.5.1. Succès d’éclosion
1.5.2. Succès d’envol
1.6. Obj ectifs de recherche
CHAPITRE II EFFET DES MILIEUX AGRICOLES ET DES RÉGÉNÉRATIONS FORESTIÈRES SUR L’UTILISATION DES SITES DE NIDIFICATION ET LES SUCCÈS DE REPRODUCTION DES CRÉCERELLES D’AMÉRIQUE DANS UN CONTEXTE BORÉAL AU QUÉBEC, CANADA
2.1. Résumé
2.2. Introduction
2.3. Matériel et méthodes
2.3 .1. Aire d’étude
2.3.2. Variables explicatives analysées
2.3.3. Analyses statistiques
2.4. Résultats
2.4.1. Utilisation du site de nidification .
2.4.2. Succès d’éclosion
2.4.3. Succès d’envol
2.5. Discussion
2.5.1. Utilisation de sites de nidification
2.5.2. Succès d’éclosion
2.5.3. Succès d’envol
2.6. Perspectives de recherche
2.7. Remerciements
2.8. Références bibliographiques
CHAPITRE III CONCLUSION GÉNÉRALE
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