Agriculture en zone urbaine et périurbaine de Libreville

La croissance urbaine est un enjeu majeur auquel l’Afrique subsaharienne doit faire face. Elle est considérée comme la transformation d’un espace naturel ou agricole en milieu urbain (Ndong Mba, 2007). En effet, la concentration des activités économiques, des services, des industries et l’accroissement exponentiel de la population favorisent le développement des métropoles. La mauvaise maîtrise de ce phénomène dans la gestion de la ville a des conséquences néfastes sur l’environnement, la sécurité alimentaire et l’artificialisation des espaces agricoles. Parmi ces nombreuses difficultés, l’un des problèmes qui se pose avec acuité en milieu urbain est lié à la relation entre l’activité agricole, l’environnement et l’étalement urbain. Les imbrications de ces différentes composantes génèrent aujourd’hui de nombreux défis, qui doivent être relevés par l’agriculture : comment nourrir et approvisionner les populations urbaines, réduire la paupérisation en offrant des emplois dignes aux producteurs, lutter contre l’insécurité alimentaire en fournissant des produits frais, locaux et bon marché, tout en réduisant l’impact sur l’environnement ?

CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE DE L’AGRICULTURE URBAINE ET PERIURBAINE

Espaces urbains et périurbains, concepts complexes à définir

Il existe une obscurité ou un flou conceptuel autour des concepts d’espace urbain et périurbain, car il est difficile de déterminer les limites ou les frontières exactes entre l’espace urbain, le périurbain et l’espace rural. Vu sous cet angle, il se positionne comme un espace difficile à cerner, du fait qu’il regorge une multiplicité de définitions s’appuyant sur plusieurs critères. C’est aussi un élément dynamique dans le temps et l’espace. Ces différentes orientations sont déclinées à la suite de ce travail.

Tout d’abord, la définition de la ville repose sur plusieurs paramètres, à savoir : démographique, administratif, économique, géographique et paysager dépendant des régions et des pays, rendant difficile l’établissement d’une définition objective de la ville. L’une des anciennes définitions de la ville se construit autour de la comparaison entre la ville et la campagne par une analyse dichotomique des deux espaces (Sposito, 2010). Cette définition met en évidence la notion d’échelle selon laquelle la campagne est plus petite (espaces occupés par le bâti) sur le plan spatial que la ville, et le type d’activités la différencie du milieu urbain. Les activités en ville reposent sur le secteur secondaire et les services tertiaires. A l’inverse, le village est marqué par une prédominance de l’activité agricole. Cependant, on peut retrouver dans la ville les activités propres à la campagne telles que le développement de l’agriculture dans les banlieues, les faubourgs et les périphéries. A ce propos Paul Bairoch affirmait : « qu’il s’agisse des villes’ ‘administratives’’ de la Chine, ’’commerciales ‘’ d’Italie ou des Pays-Bas, celles-ci ont contribué largement à faire des campagnes avoisinantes des régions susceptibles de leur fournir des quantités croissantes de produits agricoles en échange de produits industriels ou de services » (Ba, 2007). Par la suite, il est possible de distinguer d’autres définitions de la ville, à savoir : statistique, géographique et économique. Une autre définition se base sur la population en utilisant comme variables le seuil de population, la densité de la démographie et le nombre d’habitants. Cependant, ce critère définitionnel se heurte au seuil de la population qui varie selon les pays et les régions. C’est le cas du Japon où la ville commence à partir de 50 000 habitants. Les pays comme la France, le Gabon et le Kenya estiment que le seuil de la population d’une ville doit être de 2 000 habitants (Moustier, Fall, 2004), le Pays de Galles 1 000 habitants et le Danemark 200 habitants (Fanchette, 2014). Pour les géographes, la ville est considérée comme un élément physique ; en d’autres termes, c’est une agglomération qui peut être identifiée et visualisée sur les supports (photographies aériennes ou images satellitaires) ou encore « l’ensemble des parcelles bâties ou revêtues » (Tricaud, 1996). Certains chercheurs ont une approche analytique. Elle consiste à montrer que le critère de population est insuffisant pour faire la différence entre la ville et la campagne. Il faut prendre un ensemble de critères pour mieux caractériser l’espace urbain. Dans cette même veine, l’ONU (2009) reconnait l’ambigüité de pouvoir proposer une définition générale de l’espace urbain, et précise que « à cause des différences nationales des caractéristiques qui distinguent les zones urbaines de celles rurales, la distinction entre population urbaine et rurale ne peut pas être réduite à une seule définition qui soit valable pour chaque pays » (Sposito, 2010). C’est-à-dire chaque nation adopte sa définition en s’appuyant sur un ou plusieurs critères notamment : les seuils quantitatifs, la densité de la population, la contiguïté des zones bâties, le statut politique, la proportion de la population active dans les secteurs non agricoles, la présence des services ou d’activités particulières.

D’autres critères définitionnels de la ville peuvent encore être ajoutés, en fonction de l’orientation que nous choisissons de donner à notre recherche. Parmi ces critères, il y a : le mode de vie des populations, les revenus, le pouvoir d’achat, le centre de décision, les équipements collectifs (structures sanitaires, éducatives, infrastructures de transport, etc.). A ces éléments, on peut associer l’importance de l’économie de marché, les types de rapport avec les autres villes et les mobilités (Okanga Guay, 2002). La ville n’est pas seulement considérée comme un continuum d’espaces bâtis, elle est aussi constituée d’un certain nombre d’espaces urbains extérieurs et d’espaces non urbains intérieurs.

Cela signifie que la ville est composée des espaces bâtis et non bâtis au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la ville ; certains caractères distinctifs de la ville et de l’espace rural suivent un gradient croissant ou décroissant (Nguegang, 2008). Ainsi, la valeur de certains critères (espaces bâtis, critère monétaire des productions, pression foncière) et le type de paysage changent en fonction du gradient. Cette situation permet de distinguer l’espace urbain, périurbain et l’espace rural sans pour autant avoir des limites exactes entre différentes aires (Tricaud, 1996 ; Fournet-Guérin, 2014).

En effet, la délimitation des frontières entre les différents espaces (urbain, périurbain et rural) est un problème qui se pose avec acuité. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène : d’un côté, le fait que la ville soit un élément dynamique dans le temps et dans l’espace, de l’autre côté, le caractère hybride de l’espace périurbain provenant des traits de l’urbanité et de la ruralité. C’est dire que la ville contribue au grignotage ou au mitage des espaces ruraux par le phénomène de l’étalement urbain. L’augmentation du tissu urbain soulève le problème de la périurbanisation et de la marginalisation des activités rurales au détriment des activités urbaines (Prost, 1993). Aussi, cette absence de démarcation est également liée au chevauchement des limites entre l’urbain et le rural. On le remarque sur le plan administratif, à travers la rivalité ou la confrontation entre les acteurs de l’Etat et ceux du pouvoir traditionnel dans la gestion et l’utilisation des ressources (accès à la terre, clientélisme). De même, sur le plan du bâti, on assiste à un mélange ou un caractère hybride des constructions villageoises et des établissements à caractère urbain. Ce mélange entre ruralité et urbanité se traduit par le développement des activités liées à l’existence des ressources naturelles et de la proximité des marchés urbains. Nous pouvons identifier les activités suivantes : le développement de l’agriculture, l’élevage, la collecte de bois de feu, le prélèvement des produits non ligneux. Le développement des transports permet les mouvements pendulaires (la ville comme bassin d’emploi et l’espace rural comme lieu de résidence) de créer des relations entre les différents espaces dans lesquels viennent s’associer d’autres fonctions : espaces verts, recyclage des déchets, préservation de l’environnement, lieu de résidence, fonction socio culturelle et bien d’autres. Les différents éléments précités permettent d’obtenir un espace recomposé, dans lequel les acteurs ruraux et les acteurs urbains participent à la création d’un « tiers espace » ou « du périurbain hybride » avec une prédominance des traits de la ruralité (Sabatier et al., 2007).

Agriculture urbaine et périurbaine

L’agriculture commence au Néolithique lorsque l’homme se sédentarise pour cultiver les plantes et faire de l’élevage. Cette activité était pratiquée derrière les habitations, dans les terres défrichées en bordure des cours d’eau. Ce constat nous plonge déjà en plein cœur dans la notion de proximité et de la relation qui existe entre l’activité agricole et la ville. Dans la cité grecque antique, l’agriculture se pratiquait aux alentours de la cité et servait à nourrir les populations résidentes.

Au Moyen Age (le Vieux Continent, l’Empire Byzantin, l’Orient et le monde Musulman), la ville est construite avec des séparations entre intra-muros et extra-muros. La majeure partie de l’activité agricole était pratiquée à l’extérieur des remparts (animaux, pâturage, vergers, ceintures maraîchères). Au sein de l’espace intra-muros se développait une agriculture ayant pour vocation principale l’autosubsistance, les essences cultivées étaient constituées des légumes, des plantes médicinales, aromatiques, fruitières, etc. (Mellaoui, Akak, 2015). L’histoire ancienne de l’agriculture nous montre clairement, d’une part, les liens qui existaient entre la ville et l’agriculture et d’autre part, le rôle majeur que jouait le monde rural proche dans l’approvisionnement des villes.

A la fin du XIXe siècle, une nouvelle réflexion est portée sur la vision urbanistique. Elle se base sur la consolidation entre les espaces verts et les espaces bâtis. C’est-à-dire qu’on accorde une place importante aux parcs urbains et aux espaces verts dans l’aménagement des villes ; ainsi, les expressions comme « cité Jardin », « système parcs » (Paquot, 2004), « villes vertes », villes durables » sont utilisées pour désigner cette perception de la ville. Cette vision cadre bien avec l’idée de Howard qui consiste « à ne pas couper le citadin du monde rural et d’aménager au centre de la ville des jardins » (Mellaoui, Akak, 2015). La réflexion présentée relie le monde industriel, les jardins et la campagne connectés par des voies de communication. La ville entretient donc des interactions avec l’agriculture, et son histoire témoigne des mutations liées à plusieurs évènements : l’innovation technologique, la sédentarisation et la pensée urbanistique participent ainsi aux diverses fonctions de l’agriculture.

Les études sur l’évolution de l’agriculture révèlent que le lien entre la ville et l’agriculture est indissociable, il est également qualifié de couple ville/agriculture (Franck, 2007 ; Robineau, Soulard, 2017). Cependant, ces relations évoluent dans l’espace et dans le temps en fonction des situations, de la distance, des décisions politiques, de l’itinéraire agronomique, de la proximité et des régions géographiques. Au sein des villes Africaines, l’agriculture urbaine est présente dans la ville et ses périphéries. Les travaux disponibles sur cette question soulignent que l’agriculture urbaine existe depuis l’ère coloniale en Afrique, elle permettait de répondre aux besoins des colons, missionnaires et Européens (Golhor,1995). L’accélération et les transformations liées au phénomène d’urbanisation et sa non maîtrise depuis les indépendances par les Etats africains favorisent les crises urbaines (chômage, pauvreté, taudification, etc.). Cette situation a conduit les populations pauvres à exercer l’agriculture dans les zones précaires. La particularité de l’agriculture urbaine en Afrique subsaharienne est le fait qu’elle se pratique majoritairement par les populations démunies. Elle permet de nourrir les populations, d’assurer la sécurité alimentaire et de générer de revenus aux ménages pauvres (Aubry et al., 2010). C’est le cas au Congo Brazzaville où cette pratique est exercée par les malades du SIDA pour subvenir à leurs besoins (Kasongo et al., 2009) ou au Burkina Faso et dans d’autres pays où les défavorisés s’investissent dans le travail de la terre (Scheromm, Robineau, 2015). Au-delà de sa fonction alimentaire, elle constitue également un moyen pour créer de l’activité économique et sert à valoriser les zones interstitielles délaissées par les projets urbains. Toutefois, il est important de préciser certains aspects qui fragilisent sont déroulement dans les villes africaines : une considération de l’activité maraîchère au détriment des autres activités (horticulture ornementale, élevage et arboriculture), une insécurité du foncier agricole. A cela s’ajoutent l’accès aux intrants agricoles, la pollution urbaine et les risques environnementaux (Moustier, Pages, 1997). Il convient de présenter, à la suite de ce travail, les nombreuses définitions de l’agriculture urbaine et périurbaine et de choisir celles qui peuvent être adaptées au Gabon.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I : APPROCHE THEORIQUE, POLITIQUES AGRICOLES, METHODE ET GENERALITES DU MILIEU
Chapitre 1 : cadre conceptuel et théorique de l’agriculture urbaine et périurbaine
Chapitre 2 : présentation des politiques agricoles au Gabon et analyse critique
Chapitre 3 : approche méthodologique, contexte géographique et politique d’aménagement à Libreville et Akanda
PARTIE II : CARACTERISATION ET DYNAMIQUE SPATIALE DE L’AGRICULTURE URBAINE, PERIURBAINE A LIBREVILLE ET SES ENVIRONS
Chapitre 4 : l’agriculture urbaine et périurbaine pratiquée dans la région de Libreville et analyse des systèmes de production
Chapitre 5 : conséquences de l’agriculture urbaine et périurbaine sur l’environnement à Libreville et ses environs
Chapitre 6 : dynamique de l’étalement urbain aux dépens des espaces agricoles à Libreville
PARTIE III : ELABORATION D’UNE CARTOGRAPHIE DES RISQUES ET PROPOSITION DES CARTES D’APTITUDES DES SOLS AGRICOLES AU NORD DE LIBREVILLE
Chapitre 7 : construction des indicateurs de sensibilité et élaboration des cartes de risques sur l’environnement agricole
Chapitre 8 : perspectives en agriculture urbaine et périurbaine à Libreville et ses environs
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES ILLUSTRATIONS
TABLE DES ANNEXES
TABLE DES MATIERES
RESUME

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