La pratique de la guérison notamment par les plantes est aussi ancienne que les peuples et leurs cultures respectives. On ne peut parler de la santé en Afrique sans traiter des plantes médicinales. La phytothérapie occupe, en effet, une place très importante dans les soins de santé. La majorité de la population africaine a recourt à ces ressources millénaires qui assurent la couverture de 80 à 90% dans les milieux ruraux et surtout dans les régions mal desservies. Chaque communauté possède plus ou moins sa propre pharmacopée et dispose de ses propres guérisseurs. Même dans les villes où le pouvoir d’achat ne cesse de se dégrader, le nombre de ceux qui peuvent bénéficier des bienfaits de la médecine moderne va en s’amenuisant. De plus il n’est pas rare de constater l’association de remède ou de tisane à base de plantes à des médicaments conventionnels chez des personnes ayant des revenus décents (11, 22, 26).
A l’heure où les grandes pandémies que sont le SIDA et le Paludisme sont de plus en plus menaçantes, des espoirs sont placés dans le secret des plantes et l’émergence d’une médecine alternative provenant des recettes médicinales ancestrales (14). Des réticences réelles et compréhensibles existent cependant face aux recettes médicinales traditionnelles. Cela vient du fait que la preuve scientifique de leur efficacité n’est pas toujours faite, ce qui suscite des interrogations sur leur innocuité, leur usage rationnel et leur rentabilité.
ANALYSE DES CAUSES DE L’AGRESSION DES PLANTES MEDICINALES
Partout dans le monde on assiste à une surexploitation des ressources vivantes dans le but de satisfaire des besoins à court terme. Ainsi un grand nombre de plantes tributaires des écosystèmes forestiers disparaissent. C’est le cas pour nombre de plantes médicinales. En effet, la récolte des organes végétaux dans un but thérapeutique et certaines pratiques néfastes (feux de brousse, carbonisation clandestine, surpâturage, émondage, coupe du bois) font peser des menaces grandissantes sur les plantes médicinales et mettent en péril le patrimoine floristique national dans plusieurs pays africains. Contrairement aux animaux qui se déplacent et se cachent pour se protéger contre l’agresseur, les plantes ne se déplacent pas ; elles sont ainsi victimes de toutes sortes d’abus (26). La médecine traditionnelle étant au cœur de notre santé, la promotion et la vulgarisation des médicaments traditionnels améliorés commencent par la conservation des plantes médicinales elles mêmes. Cependant, si la nature ne possède pas suffisamment de plantes, comment pourrait on fabriquer indéfiniment des MTA pour notre santé ? La protection des plantes médicinales est donc une question essentielle dans le développement de la médecine traditionnelle en général et des MTA en particulier.
RAPPEL SUR LES PLANTES MEDICINALES
Une plante médicinale est une plante qui est utilisée pour prévenir, soigner ou soulager divers maux. Ce sont des végétaux connus pour leurs pouvoirs bienfaiteurs, leurs propriétés particulièrement bénéfiques pour la santé humaine. C’est une espèce dont les propriétés chimiques ou physiques interviennent au niveau du métabolisme de base d’un être humain ou animal pour rétablir un déséquilibre fonctionnel(11). Dans la médecine traditionnelle, les organes de plantes utilisés sont principalement les feuilles, les écorces, les racines et les fruits. Parfois les fleurs, les graines, la sève et la plante entière (pour les herbacées). Chaque organe utilisé joue un rôle important dans la vie du végétal :
➤ Les racines
La racine est l’une des parties essentielles du végétal qui s’enfonce dans le sol pour y fixer la plante et y puiser la nourriture par l’intermédiaire de ses poils absorbants. Sans les racines la plante mourrait. La racine possède plusieurs fonctions : ses vaisseaux conduisent la sève ; en outre elle emmagasine la nourriture pour les temps difficiles.
➤ La tige
La tige est chez les plantes à fleurs, l’axe généralement aérien, qui prolonge la racine et porte les bourgeons et les feuilles. Elle détermine le port de la plante, et elle assure une fonction de soutien de la plante et une fonction de transport des éléments nutritifs entre les racines et les feuilles.
➤ Les feuilles
La feuille est l’organe spécialisé dans la photosynthèse chez les végétaux supérieurs. Elle est insérée sur les tiges des plantes au niveau des nœuds par un pétiole mince qui porte le limbe, parcouru de nervure. A l’aisselle de la feuille se trouve un bourgeon axillaire.
➤ Les écorces
L’écorce est le revêtement extérieur du tronc, des branches et des racines des arbres et plus généralement des plantes ligneuses. Elle est composée de l’épiderme, du liège, de la couche herbacée et du liber. Elle joue un rôle important dans la diffusion de la sève brute (sels minéraux + eau) aux organes aériens.
➤ Le fruit
Le fruit est l’organe végétal protégeant la graine. Caractéristique des angiospermes il succède à la fleur par transformation du pistil. La paroi de l’ovaire forme le péricarpe du fruit et l’ovule donne la graine.
➤ La fleur
Partie du végétal ordinairement colorée et souvent odorante qui porte les organes de la reproduction et qui précède le fruit.
➤ La graine
Organe végétal assurant la dissémination des plantes à fleurs, issu de la fécondation de l’ovule et apte à donner un nouvel individu.
Ces différents organes végétaux qui constituent la principale matière première pour l’élaboration des MTA jouent un rôle très important dans la survie de la plante.
Le développement des médicaments traditionnels améliorés ne saurait être viable sans un niveau d’approvisionnement correct en plantes médicinales. Ces dernières font malheureusement l’objet d’agression dont les causes sont diverses et variées.
VALEUR THERAPEUTHIQUE DES PLANTES
Au niveau de la médecine traditionnelle, plus une plante est connue pour son efficacité par les tradithérapeutes pour une ou plusieurs maladies, plus elle est récoltée et donc menacée. Dans une localité, les plantes médicinales dont les organes entrent dans la fabrication des remèdes destinés au traitement des maladies les plus récurrentes sont très agressées. Par exemple si dans un village du Sénégal, le taux de morbidité du paludisme est important, l’utilisation de plantes soignant le paludisme comme Azadirachta indica, Tinospora bakis, Terminalia avicennoides sera élevée. Nous constatons également que les plantes médicinales les plus populaires c’està-dire connues de plusieurs individus pour leurs bienfaits thérapeutiques sont les plus agressées de telle sorte que même les profanes qui ont accès à ces plantes les récoltent ; c’est le cas par exemple de Carica papaya, Azadirachta indica, Mangifera indica, Cymbopogon citratus. Une plante médicinale dont les organes entrent dans le traitement de plusieurs maladies à la fois a un taux d’agression élevé. Exemple : Xylopia aethiopica utilisée en Côte d’Ivoire dans le traitement des affections broncho-pulmonaires, de la toux, de l’asthme, du paludisme, de la constipation, de la diarrhée, des hémorroïdes.
Carica papaya utilisée au Sénégal dans le traitement du paludisme, du diabète, de l’HTA, des parasitoses.
VALEUR COMMERCIALE
Il existe un véritable marché des ressources médicinales qui renforce la dégradation voir la disparition des formations végétales et des espèces trop appréciées. La demande en plantes médicinales est de plus en plus élevée en Afrique du fait de l’augmentation de la population, de la valeur économique, sociale et culturelle de certaines plantes et aussi du chômage qui oblige certaines personnes à faire du commerce des plantes médicinales leurs activités principales (26, 28, 29). L’utilisation d’une espèce à des fins commerciales peut entrainer sa surexploitation et finalement son extinction si cette utilisation n’est pas gérée judicieusement. La commercialisation des organes végétaux entraine des prélèvements importants de ceux ci, des récoltes très fréquentes et des conditions de stockage inappropriées. Plus une plante médicinale possède des organes qui rapportent beaucoup d’argent sur le marché, plus elle est agressée. Exemple : Les fruits de Garcinia kola ou de Xylopia aethiopica, le calice d’Hibiscus sabdarifa.
METHODES ET OUTILS DE PRELEVE MENTS DES PLANTES MEDICINALES
Les méthodes de cueillette qui sont souvent inappropriées et abusives sont des causes très importantes d’agression des plantes médicinales. Le mauvais choix de la période de cueillette influe également.
Il existe cinq pratiques courantes pour récolter les plantes médicinales. Il s’agit de :
– L’arrachage de la plante entière
– L’abattage des plantes arborescentes
– L’écorçage du tronc
– L’ébranchage
– Le déracinement
Arrachage de la plante entière
Cette pratique est utilisée le plus souvent pour les herbes et certains arbustes en buisson. La plante est arrachée brutalement du sol de telle sorte qu’elle ne repousse plus jamais.
Abattage des plantes arborescentes
L’abattage est souvent pratiqué par certains collecteurs. Les plantes médicinales abattues sont généralement les grands arbres dont les parties recherchées sont loin de la taille humaine. En tombant ces arbres perturbent considérablement leur milieu en tuant des plantes plus petites ou en modifiant la structure des lianes. Certains arbres abattus ne font plus de rejets et meurent systématiquement. Cette pratique de récolte est donc très nocive.
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Table des matières
Introduction
Première partie : Agression des plantes médicinales et leurs conséquences
Chapitre 1 : Analyse des causes de l’agression des plantes médicinales
I) Valeur thérapeutique des plantes
II) Valeur commerciale
III) Méthodes et outils de prélèvement des organes sur les plantes médicinales
1) Arrachage de la plante entière
2) Abattage des plantes arborescentes
3) Ecorçage du tronc
4) Ebranchage
5) Déracinement
6) Outils de prélèvement et pratiques courantes de stockage
IV) Facteurs naturels
V) Absence d’un cadre règlementaire pour la collecte et la commercialisation des plantes médicinales
Chapitre2: Incidence de l’agressivité sur l’exploitation durable des plantes médicinales
1) Impact sur le végétal
2) Impact sur la médecine traditionnelle
Deuxième partie : Situation de l’utilisation des plantes médicinales en Afrique
Chapitre 1 : Modèle d’analyse : situation au Niger
Chapitre 2 : Risques potentiels au Sénégal et en Côte d’Ivoire
I) Recensement des plantes de la pharmacopée sénégalaise et ivoirienne
A) Plantes de la pharmacopée Sénégalaise
B) Plantes de la pharmacopée Ivoirienne
II) Recensement des plantes vulnérables
A) Plantes de la pharmacopée Sénégalaise
B) Plantes de la pharmacopée Ivoirienne
Chapitre 3 : Stratégies à adopter pour épargner au mieux les plantes médicinales
1) Solutions en rapport avec l’utilisation de racines
2) Etude chimique des différentes parties de la plante
3) Solutions en rapport avec les pratiques de récoltes
4) Solutions en rapport avec le stockage, le traitement et la conservation des organes après la récolte
4.1) Stockage
4.2) Séchage
4.3) Conservation des organes
5) Exploitation durable des plantes médicinales par la création de jardins botaniques et la mise en défens de forêts
6) Culture comme solution pour freiner la disparition des plantes médicinales
7) Mesures générales de protection des plantes médicinales
8) Mise en place d’un cadre règlementaire et IEC
8.1) Mise en place d’un cadre réglementaire
8.2) Sensibilisation
8.3) Formation
9) Instauration de mesures incitatives
Conclusion
Bibliographie
Annexes