L’Agénésie du Corps Calleux (ACC) est la malformation cérébrale la plus fréquente. Elle consiste en l’absence ou en la formation incomplète de la principale connexion entre les deux hémisphères cérébraux. Elle peut être associée à d’autres malformations, le pronostic est alors péjoratif dans la majorité des cas. L’ACC peut également être isolée, sans pathologies associées retrouvées. Dans cette situation, la situation est complexe, puisque des enfants semblent se développer normalement alors que d’autres présentent à des degrés variables des retards de développement et des crises convulsives. Le dépistage de l’ACC peut se faire au cours du suivi échographique de la grossesse, notamment à l’échographie du 2ème trimestre. Il paraît actuellement difficile de distinguer en anténatal les formes qui seront symptomatiques de celles qui ne le seront pas, d’où la situation délicate à laquelle le couple et l’équipe médicale peuvent être confrontés. Il m’a paru intéressant d’étudier la prise en charge et le devenir des grossesses marquées par la découverte anténatale d’une ACC isolée ainsi que le pronostic pédiatrique des enfants porteurs de cette pathologie. Pour cela, j’ai réalisé une étude rétrospective sur l’ensemble des cas de découverte d’une ACC isolée en anténatal et sur le développement des enfants atteints de cette pathologie.
Le corps calleux
Embryologie cérébrale
Le précurseur embryologique du système nerveux apparaît dès la troisième semaine, au 18e jour, il s’agit de la plaque neurale, formée par l’épaississement de l’épiblaste. La portion crâniale de la plaque neurale, plus large que la portion caudale, est à l’origine de l’encéphale, la portion caudale de la formation de la moelle épinière. Nous nous intéresserons par la suite au devenir de cette partie crâniale, précurseur du cerveau humain. Au cours de la troisième semaine, la gastrulation, phénomène d’induction, va faire apparaître au sein de l’encéphale primitif trois vésicules primaires : le prosencéphale (cerveau antérieur), le mésencéphale (cerveau moyen) et le rhombencéphale (cerveau postérieur). La quatrième semaine voit l’élaboration du tube neural à partir de la plaque neurale. Au cours de la 5ème semaine, le tube neural va subir trois inflexions afin de lui donner une orientation spatiale adéquate à son développement. Apparaissent alors cinq vésicules secondaires : le télencéphale, le diencéphale, le mésencéphale, le métencéphale et le myélencéphale. Chacune de ces vésicules cérébrales va former des éléments du futur cerveau humain qui lui sont propres. Ainsi le télencéphale est le précurseur des deux hémisphères qui grandissent et recouvrent les structures cérébrales, ils sont réunis par la lame terminale et par les commissures cérébrales, dont la plus importante : le corps calleux. Ces vésicules sont parcourues par un canal neural, à l’origine de la formation des ventricules cérébraux. Les commissures, qui unissent les hémisphères cérébraux, proviennent d’un épaississement de faisceaux de neurones à l’extrémité rostrale du télencéphale et du diencéphale. Leur développement va suivre les inflexions des vésicules cérébrales. Elles se développent à partir de la 7ème semaine. Le corps calleux unit les néocortex droit et gauche sur leur totalité, l’évolution de ces derniers se poursuit tout au long de la grossesse. La formation du corps calleux est antéro postérieure, commençant par la partie antérieure (le genou) et finissant par la partie postérieure (le splénium).
A la naissance, seul 25 % du cerveau adulte est formé. La croissance cérébrale post natale perdure les 20 premières années de vie : elle est liée à l’augmentation de taille des neurones, leur prolifération et essentiellement à la myélinisation des fibres neurales.
Maturation
La maturation du corps calleux repose essentiellement sur la myélinisation de ses fibres : ce phénomène débute aux alentours de 30 semaines d’aménorrhée (SA), pour se poursuivre durant une vingtaine d’années dans l’ensemble du cerveau humain. Néanmoins, cette maturation ne se déroule pas au même moment pour tout le corps calleux. Les premières fibres à être myélinisées sont celles du corps postérieur et du splénium à partir du 1er mois post natal, puis viennent celles du genou et du corps antérieur à partir du 6ème mois.
Dans le même temps, l’organisation des connexions axonales se met en place selon chacune des parties du corps calleux. Ainsi, les fibres du splénium se connectent avec les régions visuelles et auditives, le corps postérieur avec les régions sensori-motrices et le corps antérieur avec les régions frontales des hémisphères cérébraux. La morphologie calleuse va également se modifier au cours du temps. En effet, les extrémités s’élargissent et le corps grandit. Le volume du corps calleux croît durant la myélinisation soit jusqu’à la fin de l’adolescence. Au cours de la vie, ce volume va décroître physiologiquement, dû à la démyélinisation et à la perte axonale.
Anatomie des commissures inter-hémisphériques
Les deux hémisphères cérébraux sont unis par des fibres de substance blanche, appelées commissures. On distingue les petites commissures et trois grandes commissures : la commissure antérieure, la commissure du fornix (ou hippocampale) et la plus importante, le corps calleux qui unit les deux néocortex l’un à l’autre. (Annexe I) La commissure antérieure du cerveau forme la paroi antérieure du 3ème ventricule. Elle unit les lobes temporaux droit et gauche et les tractus olfactifs. Le fornix, ou commissure hippocampale, est situé dans la région inter-hémisphérique entre le corps calleux en haut et le thalamus en bas. Ses fibres unissent l’hippocampe et les corps mamillaires, en les traversant, ainsi que l’hypothalamus et les thalami. Les petites commissures sont nombreuses : habénulaire, postérieure, sous-thalamique, transverse du tubercule,… Elles sont situées de part et d’autres du 3ème ventricule. Le corps calleux est la plus importante commissure. C’est une arche de 10 cm de long à taille adulte, placée au-dessus des ventricules latéraux. Il est composé d’une partie principale, le tronc ; d’une extrémité antérieure, le genou et d’une extrémité postérieure, le splénium :
– le tronc du corps calleux est recouvert de substance grise, l’indusium gris. Sa face inférieure donne insertion au septum pellucidum en avant et au fornix en arrière. Ses parties latérales forment le toit des ventricules latéraux,
– le genou se termine par une extrémité effilée, le rostrum du corps calleux qui se continue avec la lame terminale jusqu’à la commissure antérieure,
– le splénium recouvre le 3ème ventricule et surplombe le corps pinéal.
Le corps calleux n’est pas homogène, il est plus développé au niveau du genou que du splénium. Il est constitué de millions de neurofibres qui unissent transversalement les deux hémisphères cérébraux. Ces fibres rayonnent du corps calleux vers l’ensemble du cortex (frontal, pariétal, occipital et le cortex du gyrus temporal supérieur). Il est vascularisé par deux artères : l’artère cérébrale antérieure et l’artère cérébrale postérieure, qui vascularisent respectivement les parties antérieure et postérieure du corps calleux.
Physiologie et fonctions du corps calleux
Rappels neuropsychologiques
Les hémisphères cérébraux subissent une spécialisation fonctionnelle au cours de leur développement, chaque aire hémisphérique ayant une fonction déterminée (aires auditive, visuelle, associative,…). Cette spécialisation se fait au sein de chacun des hémisphères cérébraux et les fait participer conjointement à la perception et à l’action. La latéralisation fonctionnelle des hémisphères se met en place simultanément à cette spécialisation hémisphérique. Ainsi, l’hémisphère gauche du droitier intervient de manière plus importante pour le langage et pour le contrôle de l’activité gestuelle. L’hémisphère droit est privilégié dans le maniement de données visuospatiales, les activités musicales ou la personnalisation des visages.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I/ Le corps calleux
1. Embryologie cérébrale
2. Maturation
3. Anatomie des commissures inter-hémisphériques
4. Physiologie et fonctions du corps calleux
4. 1. Rappels neuropsychologiques
4.2. Fonctions du corps calleux
4.3. Le syndrome de disconnexion calleuse : illustration du rôle du corps calleux
II/ Neuropathologie du corps calleux
1. Historique
2. Les différentes pathologies du corps calleux
3. L’Agénésie du Corps Calleux
3.1. Généralités
3.2. Etiologies
3.3. Pronostic de l’Agénésie du Corps Calleux
4. Un cas particulier : l’Agénésie du Corps Calleux en apparence isolée
III/ Du diagnostic à la prise en charge de l’ACC en apparence isolée
1. Le diagnostic
2. La place de l’IRM dans le pronostic
3. Conduite à Tenir devant une suspicion d’ACC en apparence isolée
4. Aspects législatifs de la prise en charge
5. Aspects éthiques
DEUXIEME PARTIE
I/ Présentation de l’étude
1. Présentation et objectifs de l’étude
2. Matériel et méthode
3. Population de l’étude
II/ Résultats de l’étude
1. Dossiers Echographiques
1.1. Caractéristiques des patientes
1.2. Terme de la suspicion échographique de l’ACC
1.3. Modalités de la prise en charge
1.4. Issue des grossesses
1.4.1. Interruptions Médicales de Grossesse
1.4.2. Poursuite de la grossesse
1.5. Examens Post-nataux
1.5.1 Examens anatomo-pathologiques
1.5.2. Examens cliniques et complémentaires à la naissance
2. L’étude des dossiers Pédiatriques
2.1. Cas n°1
2.2. Cas n°2
2.3. Cas n°3
2.4. Cas n°4
2.5. Cas n°5
2.6. Cas n°6
TROISIEME PARTIE
I/ Critiques de l’étude
1. Les atouts
2. Les limites
II/ Exploitation et discussion des résultats
1. Diagnostic échographique et prise en charge
1.1. Un taux d’IMG important
1.2. Facteurs influents l’issue de grossesse
1.2.1. Terme de dépistage et issue de grossesse
1.2.2. Délai de réflexion et issue de grossesse
1.2.3. Informations et issue de grossesse
1.3. Pertinence du Diagnostic Anténatal
1.3.1. Examen anatomo-pathologique et malformations associées
1.3.2. Examen à la naissance
2. Pronostic de l’enfant
2.1. Développement psycho moteur
2.2. Le sexe : un facteur pronostique ?
2.3. Prise en charge et recours aux associations
2.4. Absence de syndrome de disconnexion calleuse
3. Que dire aux futurs parents d’un nouveau-né atteint d’une ACC isolée ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE