Aérosols à l’échelle du nuage

Les aérosols 

L’aérosol atmosphérique n’est pas constitué par une population homogène de particules. Il englobe une large gamme de particules, de compositions et de tailles très variables ; les propriétés physico-chimiques de ces particules d’aérosol sont une fonction, à la fois de la nature de la source qui les a émises, et des altérations qu’elles ont subies au cours de leurs existences.

On distingue deux grandes catégories de sources à l’origine des particules d’aérosol: les sources naturelles et les sources anthropogéniques. A l’intérieur de chacune d’entre elles, on observe une importante variabilité physico-chimique des aérosols émis.

Aérosols primaires On appelle aérosols primaires, les particules émises directement par la surface, sous forme solide ou liquide dans l’atmosphère. Ce type d’aérosols comprend les sels marins, les poussières minérales, les résidus issus de feux, ainsi que les particules biologiques comme le pollen, les micro-organismes (microbes, bactéries, champignons) et les débris de plantes. En général, ces aérosols ont des diamètres compris entre 0.1 et quelques dizaines de microns.

Aérosols secondaires On nomme aérosols secondaires, les particules formées (ou transformées) dans l’atmosphère à partir de précurseurs gazeux d’origine biogénique ou anthropogénique ; les sulfates sont formés par oxydation du diméthylsulfure biogénique ou du dioxyde de soufre (produit par les volcans ou par certains procédés industriels), et les aérosols organiques secondaires (dont l’acronyme anglais est SOA) proviennent de la transformation des composés organiques volatiles (plus généralement appelés COV, ou VOC en anglais). Les aérosols secondaires sont donc formés par nucléation sur des embryons gazeux initiés soit à partir du même gaz (nucléation homogène homo-moléculaire) soit à partir d’une autre espèce gazeuse (nucléation homogène hétéro-moléculaire). Ils peuvent aussi être initiés par nucléation hétérogène, c’est à dire à partir d’un corps étranger : l’embryon se forme alors sur un ion ou une particule solide en suspension dans l’atmosphère. Ce mécanisme de génèse de nouvelles particules initie des particules d’aérosol de très petites tailles, dites ultra-fines. Ce groupe d’aérosols contient aussi les aérosols primaires qui ont subi des transformations chimiques au cours de leur transport.

En dépit de leur grande variabilité physico-chimique, les aérosols sont classés en deux catégories, au regard de leurs capacités nucléantes : on distingue les particules capables d’initier la formation des gouttelettes d’eau nuageuse, de celles aptes à déclencher la formation de cristaux de glace primaire. Ainsi, la fraction des aérosols qui a la capacité de former des hydrométéores primaires au sein d’un nuage, est divisée en deux sous-populations :

Noyaux de condensation La première contient des particules d’aérosol ayant des propriétés suffisamment solubles et hydrophiles pour déclencher la formation de gouttelettes d’eau nuageuse, d’où leur nom (en anglais ”CCN”, qui signifie ”Cloud Condensation Nuclei”). Les concentrations en nombre de CCN varient entre quelques particules par centimètre cube, à plusieurs centaines dans les régions marines polluées par les aérosols continentaux ou le transport [Andreae and Rosenfeld, 2008], voire à quelques milliers de particules par centimètre cube en milieu urbain [DeMott et al., 2010] ou dans les régions de l’hémisphère sud, caractérisées par des feux de biomasse au cours de la saison sèche [Andreae and Rosenfeld, 2008]. La plupart des espèces inorganiques caractérisées par une grande solubilité, comme le sulfate d’ammonium, et une partie des espèces carbonées contenant des matériaux solubles (depuis leur émission ou après enrobage) peuvent être des CCN. Toutefois, Petters et al. [2009] montrent qu’au moment de leur émissions, la plupart des aérosols émis par les feux de biomasse sont déjà des CCN potentiels pour de vigoureuses ascendances convectives, et qu’il n’est pas nécéssaire qu’ils subissent un enrobage supplémentaire (viellissement chimique ou condensation de composés organiques secondaires) pour modifier leur hygroscopicité.

Noyaux glaçogènes Cette seconde sous-population renferme les particules d’aérosol capables d’initier la formation de cristaux de glace primaire. Ces particules sont désignées par l’acronyme anglais ”IN” (”Ice Nuclei”). Ces IN sont, en principe, naturellement insolubles, mais, comme nous le verrons par la suite, certains d’entre eux peuvent exhiber une partie soluble. L’aptitude d’un IN à nucléer un cristal de glace est fortement liée à ses propriétés de surface. Bien que les concentrations en nombre de particules soient intrinsèquement liées aux propriétés des sources qui les génèrent, la concentration des IN est, en général, inférieure de plusieurs milliers à celle des CCN ; les concentrations en IN oscillent de quelques particules à quelques centaines par litres [DeMott et al., 2010]. Santachiara et al. [2010] dressent un rapide inventaire des espèces capables d’agir en tant que noyau glaçogène. Les aérosols de composition organique (comme les bactéries, les pollens, les lichens, les champignons, les résidus de végétation), les aérosols inorganiques (comme le sont les poussières volcaniques et celles résultant de l’érosion des surfaces), ainsi que certaines particules émises par des sources anthropogéniques (comme les suies, les oxydes métalliques issus de l’industrie de l’acier et des fonderies de cuivres), sont aptes à nucléer des cristaux.

Distribution d’aérosols 

Dans la suite de ce travail, le terme de ”mode” sera souvent repris pour parler d’un type spécifique d’aérosol, regroupé autour de propriétés d’activation identiques. La figure 2.3 repère les différents modes de particules d’aérosol existants dans l’atmosphère. Elle renseigne sur la dénomination communément employée pour ces modes en fonction de leur taille. Le mode d’Aïtken regroupe les plus petites particules, de diamètres inférieurs à 0.1µm, qui viennent d’être formées ou émises. Ces particules croissent dans l’atmosphère par coagulation ou par condensation de gaz, et lorsque leurs diamètres atteignent des tailles comprises entre 0.1µm et 1µm, on considère qu’elles appartiennent au mode d’accumulation. Les particules de diamètres supérieurs à 1µm constituent un mode appelé le mode grossier et leurs grandes tailles témoignent de processus d’émissions mécaniques (érosion, volcanisme…).

Les dimensions qui caractérisent les différents modes de particules sont importantes, car elles déterminent leur type d’interaction avec la structure nuageuse ; la plupart des mécanismes microphysiques incluant les aérosols dépendent de la taille de ces derniers. Ainsi, le lessivage par impaction avec les gouttes précipitantes, est-il d’une efficacité moindre dans le domaine de diamètres des modes d’Aïtken et d’accumulation ; en revanche, ces modes fournissent de nombreux noyaux de condensation pour la nucléation de gouttelettes d’eau nuageuse. Les particules insolubles du mode grossier constituent d’efficaces noyaux glaçogènes.

Pas de nuages sans aérosols

Nucléation des gouttelettes

Si, en théorie, il est possible d’initier des gouttelettes d’eau nuageuse par nucléation homogène, les sursaturations requises pour un tel processus dépassent de plusieurs ordres de grandeurs celles observées dans l’atmosphère [Pruppacher and Klett, 1997]. En réalité, les gouttelettes qui composent un nuage ne sont formées que grâce à l’intervention de noyaux de condensation. Ainsi, il est entendu implicitement, que l’initiation des gouttelettes suit un processus de nucléation hétérogène.

Théorie de Köhler

Les CCN peuvent être assimilés à des ”impuretés” (Sportisse [2008]) qui, par l’introduction d’une interface air-particule favorisent la condensation en diminuant la pression de vapeur saturante de l’eau requise dans l’air environnant. Ces particules d’aérosol atmosphérique sont caractérisées par une hygroscopicité [Pruppacher and Klett, 1997] et une tension de surface [Saxena et al., 1995] qui déterminent l’humidité relative pour laquelle elles passent d’un état sec à un état humide, puis sont activées sous forme de solution saturée. L’activation des CCN est un phénomène qui intervient lorsque la quantité de vapeur contenue dans l’environnement devient assez importante pour modifier l’équilibre entre la pression de vapeur autour des CCN humides et la pression de vapeur saturante de l’air, au point que les volumes de ces CCN-solutions puissent augmenter par diffusion de vapeur. Une gouttelette se forme si suffisamment de vapeur d’eau se condense autour de ces noyaux. Pour un aérosol soluble ayant une fraction insoluble, la théorie de Köhler décrite par Pruppacher and Klett [1997] prévoit l’évolution de la sursaturation (Sv/e) à l’interface entre l’air et la solution aqueuse, en fonction des propriétés physico-chimiques de l’aérosol sec (rsec), et de l’aérosol humide correspondant.

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Table des matières

1 Introduction générale
Introduction générale
Contexte scientifique
2 Aérosols à l’échelle du nuage
2.1 Les aérosols
2.2 Pas de nuages sans aérosols
2.2.1 Nucléation des gouttelettes
a – Théorie de Köhler
b – Paramétrisations de l’activation des CCN
2.2.2 Nucléation hétérogène de la glace
a – Modes de nucléation
b – Congélation par contact
c – Congélation par immersion/condensation
d – Propriétés de nucléation des IN
e – Paramétrisations de la nucléation hétérogène de la glace
2.3 …et l’aérosol s’en trouve modifié
2.3.1 Dépôt humide
2.3.2 ”Aerosol processing by clouds”
2.4 Modélisation de l’intéraction aérosol-nuage
2.4.1 Quelle résolution spatiale ?
a – Echelle globale
b – Méso-échelle
c – Très haute résolution
2.4.2 Représentation modale des aérosols
Physique des nuages en phase mixte :
le nouveau schéma de nucléation hétérogène MIMA
3 Microphysique nuageuse dans MésoNH
3.1 Généralités sur le modèle
3.2 Les particules de nuage
3.2.1 Classes d’hydrométéores
3.2.2 Représentation des hydrométéores
3.2.3 Expression des moments pour une loi gamma généralisée
3.3 Processus microphysiques
3.4 Schémas microphysiques préexistants
4 Bilan des aérosols dans MIMA
4.1 Equation de continuité
4.2 Lois de distributions
4.3 Activation
4.4 Lessivage par impaction
5 Lessivage par impaction des aérosols par les gouttes de pluie
5.1 Taux de lessivage des CCN interstitiels
5.1.1 Paramétrisation de l’efficacité de collection
5.1.2 Intégration par les méthodes de Gauss
5.1.3 Taux de lessivage en masse
5.2 Lessivage des IN
6 Activation d’une distribution polydispersée de CCN
6.1 Loi de Twomey étendue
6.1.1 Traitement simultané de plusieurs modes
6.1.2 Paramètres du spectre d’activation
6.2 Equation d’évolution de la sursaturation
6.3 Détermination du maximum de sursaturation
7 Nucléation hétérogène de la glace
7.1 Représentation de la population multimodale des IN insolubles
7.1.1 Composition chimique des IN
7.1.2 Mélange externe
7.1.3 Mélange interne
7.2 La paramétrisation de Phillips et al. [2008]
7.3 Adaptation aux IN insolubles
7.3.1 Spectre de référence
7.3.2 Concentration en IN activables
a – IN de composition complexe : intégration par espèce
b – Pour les températures supérieures à −40◦C
c – Pour les températures inférieures ou égales à −40◦C
7.3.3 Cristaux formés
a – Mélange externe
b – Mélange interne
7.4 Adaptation aux IN enrobés
7.4.1 IN enrobés ?
7.4.2 Puits des IN enrobés
7.4.3 Paramétrisation
7.4.4 Cristaux formés
8 Conclusion

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