Adsorption des ÉTM dans les sols
Introduction
Les changements climatiques que nous connaissons actuellement sont associés largement aux activités humaines en lien avec le développement industriel et économique actuel. Dans son rapport publié en 2007, le groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (GIEC), note que: «La majeure partie du réchauffement de la seconde moitié du XXe siècle est très vraisemblablement due au surplus des gaz à effet de serre et donc aux activités humaines1 ». Dans son cinquième rapport paru en 2014, le GIEC renforce le degré de certitude auparavant exprimé « Il est « extrêmement probable » que l’influence humaine a été la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle2 ».
L’une des conséquences de ces émissions massives de gaz à effet de serre est le rehaussement de la température à l’échelle planétaire, ce qui entraînera des changements majeurs pour les différents climats mondiaux et régionaux. Les effets de ces changements climatiq~es sont nombreux, dont la fonte rapide des glaciers des pôles, une hausse des évènements extrêmes et une augmentation marquée de la fréquence des pluies dans certaines régions du monde. Ces changements ont un impact direct sur l’environnement, notamment sur les milieux fluviaux et les écoulements en rivière. Dans ces environnements fluviaux, la fréquence des crues entraîne des débits plus élevés des cours d’eau et, conséquemment, une augmentation de la fréquence des inondations.
Celles-ci favorisent le transport et l’alluvionnement des plaines inondables et peuvent contribuer à la dispersion des contaminants le long des berges pour des zones déjà contaminées. On note également que les crues fréquentes ont des impacts sur les processus pédogénétiques et l’appauvrissement des sols alluviaux, notamment par une perte de la biomasse au sol (litière), une diminution du carbone organique et de l’azote (Saint-Laurent et al., 2010, Gervais-Beaulac, 2013).
Plusieurs études ont montré que l’exploitation des mmes était une source potentielle d’ÉTM (Baize et Tercé, 2002; Foulds et al., 2014; Motuzova et al. , 2014).
1 Source: Rapport de synthèse du GIEC sur les changements climatiques (2007).
2 Source : Rapport de synthèse du GIEC sur les changements climatiques (2014).
Les éléments traces métalliques (ÉTM) résultent en partie de la contamination provenant des résidus miniers laissés sur place lors des activités minières d’une part, et en partie, de l’altération naturelle et de l’effritement (<< weathering ») de la roche-mère. Malgré la relation étroite entre le sol et la roche-mère de laquelle il en résulte (Baize, 2000), la distribution des ÉTM dans les horizons du pédon peut être très différente dépendamment de la structure et de la texture du sol. Les contaminants transportés provenant des débris miniers sont transférés sous forme d’alluvions ou de colluvions qui contribuent à former le «nouveau» sol (Maliszewska-Kordybach et al. , 2011). La pollution des sols de ces secteurs est aggravée par le transport fluvial qui entraîne les ÉTM plus loin en aval.
Par ailleurs, l’environnement naturel autour des mines est radicalement transformé, ce qui entraîne une incidence écologique directe sur le milieu récepteur.
L’objectif principal de notre étude est d’analyser la migration verticale (en profondeur) et horizontale (dispersion et/ou distribution le long des cours d’eau) de la contamination par les ÉTM dans le secteur de la rivière Massawippi (en Estrie), laquelle contamination peut être aggravée par l’augmentation de la fréquence des inondations (Saint-Laurent et al. , 2009). Il est question d’étudier la dispersion des éléments traces métalliques, tels le cadmium, le chrome, le cuivre, le nickel, le plomb et le zinc, afin d’analyser leur distribution dans les différents horizons du sol. Pour ce qui est des objectifs spécifiques, il s’agit d’analyser le niveau de contamination des sols alluviaux à différentes profondeurs du sol, en fonction des différentes zones inondées, afin de déterminer la profondeur où les contaminants se concentrent dans le profil et faire une comparaison entre les sites dont principalement, la section fluviale affectée par les résidus miniers acides, soit la section aval des sites miniers du Complexe Albert-Capelton-Eustis.
Il faut rappeler que cette région a connu d’importantes activités minières au cours du siècle dernier (1850-1939), notamment dans le secteur du complexe minier Albert-Capelton-Eustis, et ces activités ont laissé un environnement contaminé par les métaux lourds. On trouve toujours les traces de ces contaminants aux abords de la rivière Massawippi.
Les échantillons ont été prélevés dans les profils du sol jusqu’à une profondeur d’un mètre où nous avons fait un prélèvement à chaque 20 cm de profondeur (0-20 cm, 20-40 cm, 40-60 cm, 60-80 cm et 80-100 cm). Nous nous sommes proposé d’étudier le transport des contaminants (transe ct amont/aval) dans le tronçon fluvial affecté par la pollution générée par les déblais laissés sur place lors des activités minières (1850-1939). Il est question aussi de comparer les concentrations en ÉTM suivant les différentes zones de récurrence d’inondation, soit les intervalles de 0-20 ans et 20-100 ans, ainsi qu’une troisième zone qualifiée de «zone extérieure» située au-delà de la limite de la zone de 20-100 ans. En somme, dans le cadre de cette étude, il s’agit d’analyser et de comparer la teneur en éléments traces métalliques des plaines alluviales de la rivière Massawippi.
Notre hypothèse s’appuie sur le fàit que l’augmentation de la fréquence des crues observée depuis les dernières décennies entraîne une remobilisation et une redistribution des contaminants (ÉTM) en aval, ce qui pourrait expliquer que dans les zones moins fréquemment inondées (intervalle de 20-100 ans), les taux de contamination sont parfois plus élevés que dans la zone de récurrence de 0-20 ans. À l’intérieur du profil du sol, on s’attend à une concentration plus élevée de contaminants (ÉTM) dans les couches superficielles du sol pour les zones de 20-100 ans.
Territoire d’étude
La région de l’Estrie en raison de son passé industriel et minier constitue un: lieu intéressant pour analyser le comportement des contaminants qui se trouvent encore enfermés dans les rives et les déblais miniers, notamment ceux laissés à l’abandon pendant plusieurs années en bordure de la rivière Massawippi, soit les anciennes mines du Complexe Albert-Capelton-Eustis (Berryman et al., 2003; Melanson, 2006). C’est dans ce cadre que le tronçon de la rivière Massawippi a été retenu pour analyser la dispersion des contaminants le long de l’axe fluvial de cette rivière. Après arrêt des
activités minières en 1939, cette zone est restée contaminée par les déblais et les tas de résidus miniers, à potentiel acide, qui sont encore présents sur les sites des anciennes mines de cuivre (Ross, 1974). Les eaux de la rivière Massawippi et la faune benthique (Berryman et al. , 2003) ont aussi été affectées, à divers degrés, par cette pollution qui résulte de ce passé minier. Enfin, on trouve des sédiments contaminés le long des berges de la rivière Massawippi sur plusieurs kilomètres de distance, en particulier le long du tronçon qui longe les anciens sites miniers d’Eustis et Capelton (St-Laurent, 2006; Rahni, 2009; Saint-Laurent et al. , 2010).
Le territoire de l’étude fait partie du bassin versant de la rivière Massawippi (Figure 2.1) qui se trouve dans la zone appalachienne, majoritairement occupée par les zones forestières et agroforestières. Ces zones occupent 75 % du territoire. Les 25 % restants sont partagés entre les basses terres agricoles et les zones urbaines (Cogesaf, 2006).
La rivière Massawippi mesure moins de 15 km et prend sa source dans le lac du même nom et se jette dans la rivière Saint-François à la hauteur de Lennoxville. Elle est alimentée par les eaux de deux affluents, soit la rivière Coaticook à la hauteur de Capelton et celles de la rivière Moe juste en amont de Lennoxville (Berryman et al., 2003). La rivière reçoit également une quantité importante d’eau des ruisseaux Eustis et Capel qui sont eux aussi très contaminés par les métaux lourds (Berryman et al., 2003).
Cela contribue à augmenter le niveau de contamination de la rivière Massawippi. Le tronçon à l’étude comprend le cours inférieur de la rivière Massawippi et s’étend de la mine d’Eustis jusqu’à Lennoxville. Ses berges sont essentiellement composées de sédiments fluviaux (récents ou anciens; MFQ, 1993).
Matériels et méthodes
Choix et échantillonnage des sites contaminés
Les anciens sites miniers du complexe Albert-Capelton-Eustis sont situés près de la ville de Sherbrooke (secteur Lennoxville) dans la région de l’Estrie et ont abrité des activités d’exploitation minière sur une période de près de 70 ans, soit entre 1850 et 1939. Ces activités ont eu un impact majeur sur la dégradation de l’environnement, notamment les sols et la qualité de l’eau de la rivière. Les rapports ministériels sur la qualité des eaux du gouvernement du Québec mentionnent que les eaux de la rivière Massawippi ont subi une forte dégradation suite aux rejets industriels et agricoles (MDDEFP, 2012). En plus de cette contamination liée aux activités minières, d’autres sources polluantes induites par un ou plusieurs déversements accidentels de produits contenants des hydrocarbures sur le site d’Eustis contribuent aussi à cette contamination des berges (St-Laurent, 2006; Rahni, 2009; Saint-Laurent et al., 2010). Ce territoire représente donc un excellent cadre de référence pour analyser les concentrations des contaminants en (ÉTM) des berges, la variabilité spatiale des sédiments contaminés en zone alluviale, ainsi que la persistance de certains métaux lourds (ÉTM) dans les sols alluviaux de la rivière Massawippi.
Pour établir les limites des zones de récurrence d’inondation et nos sites d’échantillonnage, nous avons utilisé les cartes des risques d’inondation (Environnement Canada et MEF, 1982) et principalement des cartes à risques d’inondation de la MRC (Municipalité régionale de comté de Coaticook, 2000). Ces cartes proviennent du Ministère des Affaires municipales et régionales du Québec (MAMR, 2000). Comme la contamination des berges était en partie liée aux débordements périodiques de la rivière Massawippi, nous avons donc choisi les sites situés le long de la rivière en fonction des zones de récurrence d’inondation (intervalles 0-20 ans et 20-100 ans) pour l’échantillonna’ge des profils de sol, et cela sur une distance de plus 10 km, soit quelques kilomètres en amont du site d’Eustis jusqu’à Lennoxville.
Généralement dans les milieux pollués, les plaines alluviales constituent des environnements de stockage des contaminants transportés par les eaux des rivières. La variabilité des sols alluviaux a été caractérisée de façon systématique (morphologie, propriétés physico-chimiques, teneurs en éléments traces métalliques) dans les zones alluvionnaires actives (Saint-Laurent et al., 2010). La sélection des sites et le prélèvement des sols ont été réalisés à l’intérieur des différents milieux riverains préalablement identifiés à partir des cartes de risques d’inondation et des cartes municipales (Environnement Canada et MEF, 1982; Schéma d’aménagement de la MRC de Coaticook, 2007).
La collecte des échantillons de sol a été réalisée à l’intérieur de quadrats d’une superficie de 10 m par 20 m et suivant les différentes zones de récurrence d’inondation et la zone extérieure. Au total, 91 échantillons de sol ont été prélevés: 47 pour les zones de récurrence de 0-20 ans, 21 pour les zones de récurrence 20-100 ans et 23 pour les zones extérieures. Deux sites localisés en bordure de la rivière Saint-François à la hauteur de East-Angus ont été pris comme sites témoins. Dans chaque quadrat, les coordonnées géographiques (UTM) ont été prises par un GPS (Global Positioning System) de type Garmin 60CSx et le prélèvement des échantillons a été effectué à l’intérieur de chacun des quadrats et à des profondeurs situées entre 0 et 100 cm.
D’autres caractéristiques ont été notées dans le quadrat, dont l’épaisseur de la biomasse au sol (litière), la présence ou l’absence d’horizon organo-minéral (Ah), le drainage, la pente, etc. Tous les échantillons de sol ont ensuite été placés dans des sacs en plastique, et identifiés en utilisant une numération par quadrat et en fonction de la profondeur du sol.
Traitements et analyse des échantillons
Traitement des échantillons
Les techniques de traitement des échantillons du sol et les analyses physicochimiques qui ont été utilisées suivent les procédures décrites dans les manuels du Groupe de travail sur la classification des sols (SCCS, 2002) et les normes gouvernementales des guides et manuels d’échantillonnage et d’analyse des sites contaminés (CCME, 1993). Les études antérieures et les critères génériques des guides ont servi pour différencier les niveaux de contamination en fonction du fond géochimique naturel (FGN) (MDDEP, 2004).
Tous les échantillons ont d’abord été placés dans des assiettes en aluminium, séchés à l’air libre pendant deux semaines. Par la suite ils ont été tamisés avec des tamis métalliques (Mckeague, 1978) dans le laboratoire de géomorphologie de l’UQTR.
Chaque échantillon de sol a subi un passage au tamis pour obtenir la granulométrie désirée « 2 mm) pour effectuer les analyses physico-chimiques. Les analyses texturales fmes ont été réalisées à l’aide d’un granulomètre de haute précision (Laser Diffraction Particle Size Analyser) en suivant les classes granulométriques du Système canadien de classification des sols (SCCS, 2002). Pour les teneurs en ÉTM, les analyses ont été effectuées dans un laboratoire externe (Maxxam Analytiques lnc). Celui-ci est spécialisé et équipé d’appareillages de haute précision (ex. spectromètre de masse à source ionisante – lCP-MS). Les données physico-chimiques (COT, CEC, pH, % argiles, etc.) des sols échantillonnés ont été couplées aux données des ÉTM (Cd, Cu, Ni, Pb, Zn). La biomasse au sol (litière) a été mesurée sur le terrain. Les concentrations de matière organique (C.O.%) et le pH des sols ont été faits au Laboratoire des sols de l’Université de Laval. Les analyses granulométriques ont servi pour comparer les différences texturales des horizons du sol en lien avec les concentrations des contaminants (ÉTM).
Analyses statistiques
Les tests d’analyse de la variance (ANOVA), de Student et de Mann-Whitney ont été effectués pour comparer les moyennes des profondeurs et des zones de récurrence des différents secteurs. L’ intervalle de confiance utilisée pour évaluer le degré de précision statistique est de 95 %.
Dans le cas du test Student, nous avons cherché à montrer que la concentration des métaux pouvait être plus élevée dans une zone par rapport à une autre zone (ex. métaux plus concentrés dans la zone de récurrence de 0-20 ans que celle de 20-100 ans). Ainsi, nous posons une hypothèse contradictoire, soit qu’en moyenne, les deux zones contiennent la même quantité de métaux, et que nous allons tenter de rejeter comme hypothèse. Cette analyse statistique se fait en comparant un couple de métal à la fois (ex. cuivre vs plomb). Autrement dit, pour chaque métal étudié, nous confrontons ces hypothèses :
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Table des matières
REMERCIEMENTS
AVANT-PROPOS RESUME
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABREVIATIONS
CHAPITRE 1
INTRODUCTION GENERALE
1.1 Problématique
1.2 Territoire d’étude
1.3 Revue de la littérature
1.3.1 Les éléments traces métalliques
1.3.2 Les sols
1.3.3 Éléments traces dans les sols
1.3.4 Le transport des contaminants
1.3.5 Adsorption des ÉTM dans les sols
1.3.6 La caractérisation et la réhabilitation des terrains contaminés
1.4 Objectifs du projet de recherche
1.4.1 Objectifprincipal
1.4.2 Objectifs spécifiques
1.5 Approches méthodologiques
1.5.1 Méthodes
1.5.2 Statistiques
1.6 Conclusion
CHAPITRE II
ANALYSE DE LA DISTRIBUTION SPATIALE ET COMPARAISON DE LA TENEUR EN ÉLÉMENTS TRACES MÉTALLIQUES (ÉTM) DES SOLS ALLUVIAUX DU TRONÇON FLUVIAL DE LA RIVIÈRE MAS,SA WIPPI, SECTEUR DES MINES D’ALBERT -CAPELTON-EUSTIS (QUEBEC, CANADA)
2.1 Résumé
2.2 Introduction
2.2.1 Territoire d’étude
2.3 Matériels et méthodes
2.3.1 Choix et échantillonnage des sites contaminés
2.3.2 Traitements et analyse des échantillons
2.3.2.1 Traitement des échantillons
2.3.2.2 Analyses statistiques .
2.4 Résultats
2.4.1 Les propriétés physiques
2.4.2 Les propriétés chimiques
2.5 Discussion
2.6 Conclusion
2.7 Références
REFERENCES BIBLIOGRAPIDQUES
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