L’interface verre-solution, système d’étude principal de cette thèse réalisée à l’Institut de Chimie Séparative de Marcoule (ICSM), est un milieu physico-chimique très important, tant au niveau expérimental qu’au niveau théorique, en particulier à cause des nombreuses applications. La silice poreuse est ainsi un matériau très prisé dans le domaine de la catalyse, de la chromatographie et du confinement. Ce travail a plus précisément pour but de se focaliser sur les applications dans le domaine de la décontamination. De nos jours, en effet, des silices mésoporeuses adsorbant sélectivement certains ions radioactifs (Sr2+, Cs+) sont mises en oeuvre dans la purification des effluents.
Dans ce contexte, les matrices à base de silice mésoporeuse utilisées sont regroupées en deux familles: les verres de silice poreuse tels que le Vycor fabriqué à haute température par un phénomène de démixion ou les matériaux formés par arrangements supramoléculaires tels que les matériaux MCM-41 et SBA-15. La première catégorie est amorphe. Elle présente un désordre de nature morphologique (et typographique). L’autre catégorie est organisée. Les MCM-41 présentent ainsi des pores cylindriques formant un réseau hexagonal. Ces nouvelles structures “moléculaire” mésoporeuses présentant des pores ouverts connaissent un essor considérable.
L’interface verre/solution: Contexte et simulations moléculaires
La silice et ses différentes surfaces
Les silices amorphes constituent des verres, dits « verres de quartz ». Elles ont en effet la même formule chimique que ce minéral, SiO2. Elles ont en outre la même structure locale tétraèdrique, les atomes de silicium étant entourés par quatre oxygènes, chaque oxygène étant lié à deux siliciums. Les propriétés des silices amorphes d’une surface spécifique élevée, qui sont celles utilisées en chimie séparative sont diverses. Des plus petites particules colloïdales aux gels macroscopiques, elles dépendent en grande partie de la chimie de la surface de la phase solide (Iler, 1979). Cela implique l’utilisation d’un large panel de méthodes d’analyses expérimentales pour permettre une complémentarité. L’interprétation nécessite une approche théorique pour unifier la description et prédire le comportement d’un point de vue matériau des nouvelles applications. Notons que si nous étudions la silice sous forme amorphe dans cette thèse, elle existe aussi sous plusieurs formes cristallines, dont deux exemples sont le quartz et la tridymite.
Principales structures cristallines de la silice
Nous présentons ici une description des espèces de silice les plus importantes.
Le quartz La structure de quartz naturel est hexagonale et dénotée α . Cette variété est la phase stable jusqu’à 573 C. La variété , toujours hexagonale, lui succède jusqu’à 870 C. Dans le dernier cas, les distances atomiques de Si-O et O-O sont respectivement de 0,162 et 0,260 nm et l’angle de liaison Si-O-Si qui définit un site de Si tétraédrique est de 143,6 degrés . (Bonfield, 1997) .
La tridymite La tridymite, est une des formes polymorphes de la silice cristalline. Il s’agit de la phase hexagonale de la silice, stable à température intermédiaire. La tridymite est un minéral des roches volcaniques acides.
Contexte verre et traitement des déchets
Le verre
Définition
Les verres sont des matériaux de composition très diverses. L’utilisation scientifique du terme verre ne désigne pas une composition chimique spécifiée, mais seulement les variétés de cette composition qui se trouvent dans un état non cristallisé. “Le verre est donc un solide non-cristallin présentant le phénomène de transition vitreuse”. D’un point de vue physico-chimique, le verre est un liquide surfondu figé.
Composition
On appelle traditionnellement verres les compositions sodocalciques, constituées majoritairement de SiO2. Il existe en fait de nombreux types de verre. On distingue les verres inorganiques: verres d’oxydes métalliques et verres métalliques et les verres de polymères organiques, très nombreux ([98]). Parmi les verres inorganiques, les plus nombreux sont analogues aux verres d’oxydes métalliques, comme par exemple la silice qui est un verre de quartz. Dans ces verres, on trouve au moins de l’oxygène ou un anion analogue, comme un chalcogénure ou un fluorure, et au moins un métal ou un semi-conducteur, en tout cas un cation, comme Si4+ ou Zr2+. Par opposition, les verres métalliques ne contiennent que des atomes métalliques, comme le Gallium ou le Lanthane. Ces alliages métalliques amorphes contiennent entre 3 et 5 métaux. Ils sont de découverte récente (1960).
Exemples de verres
L’obsidienne est un verre naturel d’origine éruptive. Elle contient 70% de silice et le reste d’oxyde de Fer Fe2O3 ou de MgO. C’est donc un verre d’oxyde inorganique. Elle est utilisée par l’homme depuis 100 000 ans pour la fabrication d’objets tranchants.
La fabrication d’objets en verre massif est apparue au 3ème millénaire avant notre ère, mais on savait faire en mésopotamie des glaçages de verre dès le 5ème millénaire. Le passage des constituants séparés (SiO2, Na2O,…) au verre est critique car il requiert une très haute température. Dans l’antiquité, seuls quelques ateliers (probablement seulement deux sites!) autour de la méditerranée étaient capables de l’atteindre et fournissait en verre une aire allant au moins de l’Ecosse à L’Inde. En effet, si on mélange de la silice et de la chaux, de la soude ou de la potasse, on ne peut faire fondre le mélange que vers 1500C. La production de ces ateliers était ainsi vendue comme matière première à des artisans utilisant des fours moins performants. La TV (température de transition vitreuse, détaillée ci après) étant proche de 700C, des moyens plus réduits permettaient de l’atteindre et de travailler le matériau. La température de soufflage des verres sodocalciques est entre 700 et 800C.
On trouve dans la bibliothèque d’égypte Assurbanipal (règne 669-631 av J.C.) des tablettes d’écriture cunéiforme en verre. La composition est 70% de silice (SiO2), 10% de chaux (CaO), 20% d’oxyde de sodium (Na2O), des traces de magnésie (MgO) et de potasse (KOH) [101]. Les verres que l’on utilise depuis le début du 20ème siècle ne sont pas très différents des verres égyptiens [101].
Les verres d’oxyde contiennent en général trois types de constituants : les formateurs de réseau (SiO2), les modificateurs de réseau fondants (exemple : Na2O3, KOH) qui abaissent la température de fusion, et les modificateurs de réseau stabilisants (CaO). Les cations de fondants dans la silice se substituent à des siliciums ; du fait de leur valence, ils ne se lient que d’un côté et induisent une fragilité dans le réseau de liaisons, ce qui diminue la température de fusion. Les stabilisants, de valence +2 se substituent au silicium mais peuvent se lier à deux oxygènes, ce qui fragilise moins le réseau.
Parmi les verres d’oxydes métalliques, on trouve les verres borosilicatés, dont le très connu Pyrex TM fait partie. Ils sont très utilisés dans le nucléaire. Ils sont peu sensibles à l’hydrolyse et à la radiolyse et ont une température de ramollissement élevée et sont peu dilatables. Les verres de confinement nucléaires sont des matériaux de composition très complexes. Leur fonction est d’inclure les éléments radioactifs dans une matrice. Les verres nucléaires ne sont pas un emballage pour les déchets radioactifs, ils sont des matériaux capables de les solubiliser en grande quantité. Cette solubilisation est facilitée par le fait que le verre est amorphe : c’est une sorte de liquide, il est déformable à l’échelle atomique, ce qui lui permet d’accommoder des éléments très variés, par leur charge et par leur taille. On compte 40 éléments différents dans les déchets nucléaires soit près de la moitié du tableau périodique. On distingue parmi eux les produits de fission, de taille moyenne et les gros atomes qui sont des transuraniens, nommés actinides mineurs en raison de leur faible quantité [4]. Le verre R7T7 contient les mêmes éléments que le verre historique, mais on doit leur ajouter quelques oxydes: l’oxyde de bore (B2O3, 14%), de fer (Fe2O3). Il incorpore 10% de produits de fission et 0,37% d’actinides mineurs.
Les verres de cristal contiennent de l’oxyde de plomb en grande quantité (30%).
Cette thèse est concernée par la silice amorphe. La silice amorphe est une variété allotropique du quartz, car elle en a la même composition. On l’appelle aussi verre de quartz. La silice amorphe est un verre dont la composition ne peut-être plus simple, puisqu’elle ne comprend qu’un seul constituant fait de deux éléments et qu’il n’existe pas de verre à un seul élément. Il existe par contre d’autres verres à un seul constituant de ce type, comme le verre de BeF2.
La transition vitreuse
Selon Philip Anderson, prix Nobel de physique en 1977, la transition vitreuse serait « le problème ouvert le plus profond et intéressant en théorie de la matière condensée » (site du CNRS, Institut de Chimie).
Le comportement visqueux est une caractéristique essentielle des verres. Dans une large plage de température, la consistance du verre varie entre liquide et solide. Cette transition, progressive, est la transition vitreuse. Elle peut-être précisée par une température TV , sur un seuil de viscosité égal à 10¹² Pa.s. (En comparaison, la viscosité de l’eau est 10⁻³ Pa.s à 20C, celle du miel 10¹ Pa.s.) Elle n’est pas considérée comme un changement de phase. Cette température est toujours plus basse que la température de fusion d’un matériau cristallin de même composition. La capacité thermique et la dilatation thermique varient continûment sur toute la transition vitreuse. La transition vitreuse n’est pas une transition de phase du premier ordre au sens de Erhenfest. Il n’y a pas de discontinuité de la dérivée de l’énergie libre, qui serait associée à une chaleur latente échangée à température fixée.
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Table des matières
1 Introduction
2 L’interface verre/solution: Contexte et simulations moléculaires
2.1 La silice et ses différentes surfaces
2.1.1 Principales structures cristallines de la silice
2.2 Contexte verre et traitement des déchets
2.2.1 Le verre
2.2.1.1 Définition
2.2.1.2 Composition
2.2.1.3 Exemples de verres
2.2.1.4 La transition vitreuse
2.2.2 Les silices poreuses
2.2.2.1 La porosité
2.2.2.2 Types de silices poreuses
2.2.2.3 Exemple d’application des verres poreux
2.3 Notions de thermodynamique et de physique statistique
2.3.1 Bref historique de la thermodynamique
2.3.2 Physique statistique
2.3.2.1 Espace des phases
2.3.2.2 L’ensemble microcanonique
2.3.2.3 L’ensemble canonique
2.3.2.4 Ensemble µVT ou Grand Canonique
2.3.2.5 Ensemble isobarique
2.3.2.6 Hypothèse ergodique
2.3.3 Échantillonnage de l’espace des phases
2.4 Dynamique moléculaire (DM)
2.4.1 Algorithmes de Verlet
2.4.2 Thermostats et barostats
2.4.3 Conditions périodiques aux limites (CPL)
2.4.4 Interactions électrostatiques : la somme d’Ewald
2.4.5 Attraction de London et répulsion de Pauli : les champs de forces
2.5 Description de l’interaction des ions avec la surface
2.5.1 Généralités
2.5.2 Potentiel de force moyenne
2.5.2.1 Potentiel de McMillan-Mayer
2.5.3 Umbrella Sampling
2.5.4 WHAM : Weighted Histogram Analysis Method
2.5.5 Ajustement du PMF sur le terme de Coulomb
2.5.6 Contraintes angulaires sur les positions des ions
2.6 Monte-Carlo
2.7 Double couche électrique à l’équilibre
2.8 Intérêt d’étudier les interactions entre les ions et les surfaces de silice
2.9 Originalité des travaux
3 Qu’est ce que la couche de Stern ? Simulations moléculaires de l’interface eau-silice chargée
3.1 Introduction
3.2 Méthodes
3.2.1 Dynamique moléculaire pour l’Umbrella Sampling
3.2.2 Comparaison avec des PMF de référence
3.3 Interactions entre les ions et la surface
3.3.1 Aperçu des résultats
3.3.2 Comparaison des PMF ion-surface et ion-ion .
3.3.3 Effet de l’angle de contrainte θ sur le PMF
3.3.4 Effet de l’hydrophilicité sur la liaison
3.3.5 Lithium ou césium: lequel se lie le plus fortement ?
3.4 Profil de concentration auto-cohérent: validité de la loi de Boltzmann
3.5 Constantes d’association et temps moyen de premier passage
3.5.1 Constantes d’association
3.5.1.1 Temps moyen de premier passage
3.6 Comparaison avec l’expérience
3.6.1 Comparaison des liaisons du lithium et du césium
3.6.1.1 La répulsion du césium est-elle confirmée par l’expérience ?
3.7 Conclusion
3.8 Résumé
4 Inversion de la sélectivité
4.1 Études expérimentales
4.2 Méthode
4.2.1 Dynamique moléculaire
4.2.2 Potentiel de force moyenne avec l’Umbrella Sampling
4.2.3 Constantes d’association
4.2.4 Modèle de site associé (site binding model)
4.3 Résultats et discussion
4.3.1 Aperçu des résultats
4.3.2 Silanolates avec q= -1 et q= -1,5
4.3.3 Surfaces neutres – siloxanes
4.3.4 Comparaison des KD: inversion de la sélectivité avec le pH
4.3.5 Modèle mésoscopique
4.4 Conclusion
4.5 Résumé
5 Conclusion