Adhérence et texture de surface des chaussées
A notre connaissance, les surfaces de chaussées échappent au cadre d’application classique des techniques du speckle. Pour pouvoir étudier la faisabilité de ces techniques pour caractériser la microtexture des chaussées, il convient auparavant de définir les particularités des surfaces de chaussée et préciser les besoins utilisateurs en matière de caractérisation. Afin d’expliciter la nature des informations de texture que l’on souhaite caractériser, il est nécessaire de présenter l’interaction route – véhicule qui conditionne l’adhérence. Les pneus constituant l’interface entre le véhicule et la chaussée, le premier paragraphe rappelle quelques notions de base à leur sujet. Afin de disposer d’une représentation simple de la chaussée, nous nous intéressons ensuite à sa structure générale et aux techniques utilisées pour réaliser la couche de roulement. Puis, les mécanismes induisant la perte de contact entre le pneumatique et la chaussée en présence d’eau sont mis en évidence. Ceci permet de définir les fonctionnalités que doit remplir la surface des chaussées de manière à garantir unecapacité d’adhérence satisfaisante.
L’examen des caractéristiques de surface des chaussées permet alors de définir les échelles de texture concernées ainsi que de préciser leurs fonctions respectives. A partir de la bibliographie, nous relevons le type d’information de texture qui peut avoir une influence sur les fonctionnalités dégagées. Nous étudions également l’évolution que ces caractéristiques de texture peuvent subir dans le temps. Enfin, nous examinons les moyens de caractérisation disponibles pour l’étude de la relation texture / adhérence : mesures directes de frottement ou caractérisation des échelles de texture concernées.
Structures des chaussées
Une chaussée se présente comme un ensemble de couches superposées de matériaux, destinées à permettre la circulation des véhicules dans des conditions satisfaisantes et à supporter sans dommage les efforts dus à cette circulation [S.E.T.R.A., 1994] (cf. figure 1.2). La couche de roulement qui constitue la partie supérieure de la couche de surface doit assurer l’imperméabilisation de la chaussée, l’adhérence des véhicules, le confort de l’usager et la protection mécanique des couches inférieures.
Dans les études relatives à l’adhérence, on se limite généralement à la couche de roulement. Différentes techniques peuvent être employées pour sa réalisation : les enduits superficiels, les enrobés hydrocarbonés et les bétons.
Enduits superficiels [HERSCHKORN, 1985] :
La technique consiste à répandre des couches successives de bitume et de granulats. Sa structure est définie par le nombre et l’arrangement des couches de liant et de granulats ainsi que par la ou les classe(s) granulaire(s) des couches de granulats. La formule de l’enduit est définie par sa structure et, par la nature et les doses de ses constituants. Compte tenu de leur position à la surface des chaussées en contact direct des pneumatiques, les granulats font l’objet d’exigences strictes du point de vue de leur résistance mécanique (dureté, résistante au polissage…) et de leur fabrication (propreté, angularité, homogénéité…).
Enrobés hydrocarbonés [HERSCHKORN, 1985] :
Ce sont des mélanges de gravillons, de sable et de bitume réalisés à chaud. La variété des enrobés hydrocarbonés est très grande et s’accroît continuellement. L’évolution des techniques a conduit à la mise au point d’une directive par le SETRA (Service d’études techniques des routes et autoroutes) et le LCPC en 1969 codifiant deux types de bétons bitumineux qui réalisent un compromis entre deux exigences contradictoires :
• une bonne résistance à l’orniérage et une texture de surface suffisante qui nécessite un « squelette minéral » important
• une maniabilité suffisante pendant la phase de compactage qui conduit, en contrepartie, à leur mise en œuvre en couches relativement épaisses (6 à 9 cm). Par la suite, différentes techniques ont vu le jour visant en particulier à améliorer la texture de surface des revêtements parmi lesquelles :
• les bétons bitumineux cloutés obtenus en incrustant à la surface du béton bitumineux au moment de sa mise en œuvre des gravillons durs, non-polissables et de granularité serrée
• les enrobés drainants dont la porosité est obtenue par réduction des quantités de sable et par des ajouts au bitume permettant de le rendre plus épais .
De même, il est possible de réduire l’épaisseur de la couche de roulement par l’emploi de techniques telles que les enrobés très minces à chaud (amélioration du liant) ou les enrobés coulés à froid (utilisation d’un matériel spécial).
Bétons [BERTHIER, 1992] :
Dans les chaussées en béton, la dalle joue le double rôle de couche d’assise et de couche de roulement. Un traitement de surface lui confère sa texture. Plusieurs méthodes ont été mises au point à cette fin, par exemple :
• le striage consistant à marquer le revêtement transversalement à l’aide d’un râteau à dents (espacées aléatoirement pour minimiser le bruit de roulement)
• le cloutage par enchâssement de gravillons durs dans le béton frais
• le cloutage – dénudage qui consiste à enfoncer les gravillons durs et à pulvériser un produit inhibiteur de prise permettant ensuite, par balayage, de dégager les sommets des gravillons
• le dénudage employé sans cloutage préalable pour dégager les gravillons constituant le béton .
En conclusion, quelle que soit la technique utilisée, un revêtement routier peut être modélisé, en surface, comme un ensemble de granulats enchâssés dans un liant de texture plus fine. Dans le cas des enduits superficiels et des revêtements cloutés ou dénudés, la surface des granulats est à nu. Dans les autres cas, les granulats sont recouverts d’une fine couche de liant.
Adhérence
L’adhérence d’un revêtement est définie comme « sa capacité à mobiliser des forces de frottement au contact pneu / chaussée sous l’effet des sollicitations engendrées par la conduite : accélérations, freinages, virages… » [GROUPE, 1993] Elle permet au véhicule de :
• conserver à tout moment la trajectoire désirée, notamment dans les virages,
• réduire les distances de freinage et d’arrêt d’urgence notamment aux carrefours,
• favoriser les manœuvres d’évitement ou de « récupération » réussies.
Sur chaussées sèches, le niveau d’adhérence est généralement satisfaisant. Par contre, sur chaussées mouillées ou humides, l’adhérence offerte aux pneumatiques diminue selon des lois complexes par suite de la présence d’eau qui s’interpose entre le pneumatique et la surface de la chaussée.
Selon l’épaisseur de l’eau sur la chaussée, différents phénomènes physiques peuvent apparaître. En contact mouillé (épaisseur d’eau supérieure à 1 mm), le pneumatique exerce une pression sur l’eau qui se trouve évacuée par drainage dans les sillons des sculptures du pneu et de la chaussée. Au-delà d’une vitesse critique, le pneumatique n’arrive plus à évacuer assez vite la couche d’eau qui le sépare de la chaussée. L’eau s’accumule à l’avant créant une pression suffisante pour soulever le pneumatique et envahir l’aire de contact entre le pneumatique et la chaussée : les zones 2 et 3 n’existent plus. Il n’y a plus d’adhérence et le véhicule glisse alors sur l’eau. Ce phénomène est appelé hydroplanage (ou aquaplaning) [BERTHIER, 1991]. En contact humide (épaisseur d’eau inférieure à 0,1 mm), le film d’eau qui s’interpose entre le pneumatique et la chaussée peut être très faible (parfois jusqu’à 0,02 mm) donc difficile à chasser de part sa viscosité élevée. En plus de l’infiltration par l’avant du film d’eau, comme dans le cas de l’hydroplanage, un phénomène annexe appelé effet élastohydrodynamique aggrave la perte de contact entre la chaussée et le pneumatique : un glissement relatif entre la chaussée et le pneumatique se produit, entraînant l’aspiration de l’eau se trouvant dans les anfractuosités du revêtement aux sommets de ses aspérités. Ce phénomène empêche le contact pneu / chaussée en particulier à l’arrière du pneumatique où le glissement est le plus important. Il apparaît, de ce fait, que, contrairement aux idées reçues, les risques de perte de contrôle du véhicule sont plus importants en contact humide qu’en contact mouillé. En contact humide, le phénomène observé est appelé viscoplanage en raison du comportement visqueux du film d’eau [DO, 1995].
Lorsque l’épaisseur de l’eau est comprise entre 0,1 et 1 mm, les deux phénomènes peuvent être observés simultanément. En conclusion, pour parer à l’érosion de l’aire de contact, les revêtements routiers doivent être conçus et mis en œuvre avec un double objectif :
• assurer le drainage des épaisseurs importantes d’eau
• offrir le plus grand contact sec possible entre la gomme du pneumatique et la surface de chaussée en présence d’un film d’eau .
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 ADHERENCE ET TEXTURE DE SURFACE DES CHAUSSEES
1. Pneumatiques
2. Structures des chaussées
3. Adhérence
4. Apport de la texture de surface d’une chaussée
5. Moyens de caractérisation
5.1 Caractérisation de l’adhérence
5.2 Caractérisation de la macrotexture et de la microtexture
6. Conclusion
CHAPITRE 2 PHENOMENE DE SPECKLE : CONDITIONS D’OBSERVATION ET DESCRIPTION STATISTIQUE
1. Origine du phénomène
2. Liaison texture de surface / speckle : approche théorique
2.1 Formation de l’image de speckle
2.1.1 Speckle objectif
2.1.2 Speckle subjectif
2.2 Description statistique d’une figure de speckle
2.2.1 Statistiques du 1er ordre
2.2.2 Statistiques du 2ème ordre
2.3 Description de la texture de surface
2.4 Modèles
2.4.1 Définitions
2.4.2 Modèle de Goodman
2.4.2.1 Hypothèses
2.4.2.2 Description statistique du 1er ordre
2.4.2.3 Description statistique du 2ème ordre
2.4.3 Modèle de speckle partiellement développé
2.4.3.1 Hypothèses
2.4.3.2 Description statistique du 1er ordre
2.4.3.3 Description statistique du 2ème ordre
2.4.4 Speckle non-Gaussien
2.4.5 Influence de la résolution lors de l’enregistrement d’une image de speckle
2.4.5.1 Influence sur le contraste
2.4.5.2 Influence sur la densité de probabilité de l’intensité lumineuse
2.4.6 Conclusion
3. Liaison texture de surface / speckle : approche expérimentale
3.1 Méthodes statistiques
3.2 Méthodes par corrélation
4. Conclusion et orientation de l’étude
CHAPITRE 3 SPECKLE DANS LE CAS DE SURFACES MULTI-ECHELLES
1. Modèles de diffraction
1.1 Critère de Rayleigh
1.2 Domaine d’utilisation des modèles de diffraction
2. Modèle de diffraction scalaire de Kirchhoff
2.1 Théorème intégral de Helmholtz et Kirchhoff
2.2 Approximation en champ lointain
2.3 Approximation des petites pentes
2.4 Champ diffracté selon l’approche scalaire
2.5 Exploitation au cas d’un speckle subjectif
3. Description statistique de l’intensité lumineuse
3.1 Modélisation de la rugosité
3.2 Valeur moyenne de l’intensité observée
3.3 Ecart – type de l’intensité observée
3.4 Cas de rugosités de distributions normales
3.4.1 Cas d’une surface sans texture
3.4.2 Cas d’une surface comportant une texture lente seule
3.4.3 Cas d’une surface comportant une texture de longueur rc grande
3.4.4 Cas d’une surface comportant une texture de longueur rc moyenne
3.4.5 Cas d’une surface comportant une texture de longueur rc petite
3.4.6 Synthèse de l’étude analytique
4. Simulation du contraste
4.1 Techniques de quadrature numérique
4.2 Résultats de simulation du contraste
4.2.1 Premiers résultats à deux échelles de texture
4.2.2 Analyse des variations du contraste en fonction des caractéristiques du bruit
4.2.3 Résultats de simulation du contraste avec le bruit
5. Conclusion
CONCLUSION GENERALE