Adaptation de la version courte du BAT au libanais

Bilinguisme et aphasie

Définitions

La définition du bilinguisme a changé au cours des années. Cette définition est donnée par le Larousse comme la « situation d’un individu parlant couramment deux langues différentes (bilinguisme individuel) ; situation d’une communauté où se pratiquent concurremment deux langues ». Bloomfield (1935) avance qu’une personne bilingue est celle qui maîtrise parfaitement et symétriquement deux langues tel qu’un locuteur natif maîtrise sa langue maternelle. Macnamara (1967) à son tour a proposé une définition moins exigeante du bilingue : il s’agit d’une personne qui présente au moins une compétence dans un domaine ou dans une modalité de la deuxième langue. Ces deux dernières définitions sont basées sur la compétence linguistique. D’autres auteurs suggèrent des définitions du bilinguisme qui se rapportent à l’usage des langues par le bilingue.
Par exemple, Paradis (1986) encourage à définir le bilinguisme sur un continuum multidimensionnel tenant compte des structures et les compétences linguistiques à la fois. Mohanty (1994) insère sa définition du bilinguisme dans un contexte social et communicatif et postule que les bilingues sont les personnes qui ont des habiletés à mobiliser leurs compétences pour répondre aux exigences de communication dans une ou plusieurs langues. Grosjean est un auteur qui alonguement réfléchi sur la définition du bilinguisme. Il annonce qu’une personne bilingue n’est pas la somme de deux monolingues (Grosjean, 1989). Actuellement, il est communément admis qu’une personne est bilingue si elle utilise deux ou plusieurs langues dans son quotidien (Grosjean, 1994).
Au-delà des différentes définitions, plusieurs types de bilinguismes sont notés dans la littérature. Ces types sont distingués par le biais de plusieurs facteurs repris par Hamers et Blanc (2000 : 26). L’âge d’apprentissage est le facteur qui permet de catégoriser les bilingues précoces et les bilingues tardifs. Le bilinguisme précoce est inscrit dans la période avant l’âge de 10/11 ans ; il peut être simultané (acquérir les deux langues dès la naissance) ou successif (acquérir une langue avant l’autre). Les bilingues tardifs sont ceux qui ont appris leur deuxième langue (L2) après l’âge de 11 ans. Le deuxième facteur est celui de la compétence maximale atteinte par le sujet bilingue.
Il permet de distinguer le bilinguisme équilibré (L1=L2) et le bilinguisme dominant (L1 < ou > L2). D’autres facteurs peuvent intervenir pour d’autres classifications possibles du bilinguisme, tels que l’organisation cognitive, l’exogénéité, le statut socio-culturel des langues et l’identité culturelle des sujets (Hamers et Blanc, 2000). Hormis la catégorisation du bilinguisme, les actualités en recherche visent à comprendre les processus cognitifs impliqués dans le langage (compréhension, production) d’une personne bilingue (Kecskes et Albertazzi, 2007 ; Bialystok et al., 2009). L’étude sur les pathologies du langage, notamment l’aphasie, a richement contribué à la compréhension de ces processus (Nespoulous et Virbel, 2004 ; 2007).
L’aphasie est le terme qui caractérise la perte totale ou partielle de la capacité linguistique suite à un dysfonctionnement cérébral. D’un point de vue lésionnel, l’aphasie peut survenir suite à un accident vasculaire cérébral (AVC), une tumeur, un traumatisme crânien dans les régions cérébrales impliquées dans le langage ou autres étiologies . La sévérité du trouble aphasique dépend de la profondeur et de l’étendue de la lésion cérébrale. D’un point de vue clinique, le trouble langagier se manifeste tant au niveau oral et écrit en production et/ou en compréhension (Chomel-Guillaume, Leloup, Bernard, Riva et François-Guinaud, 2010 ; Sinanović, Mrkonjić, Zukić, Vidović et Imamović, 2011 ; Tsimpli, Kambanaros et Grohmann, à paraitre). Une mosaïque de sémiologie clinique peut être retrouvée dans l’aphasie ce qui permet de la classifier en six grandes catégories : les aphasies non-fluentes, les aphasies fluentes, les aphasies sous-corticales, l’anarthrie pure de Pierre Marie ou aphémie, les aphasies croisées et les aphasies des sujets bilingues ou polyglottes (Chomel-Guillaume et al., 2010).

Évaluation de l’aphasie bilingue

Dans une situation d’évaluation de l’aphasie bilingue, plusieurs mesures doivent être prises en considération (Lorenzen et Murray, 2008). Tout d’abord, il est primordial de restituer toute information concernant l’histoire linguistique du patient retraçant l’âge et le contexte d’acquisition de chacune des langues, leurs conditions d’utilisation, l’accès à l’alphabétisation, et d’autres critères qui vont permettre d’estimer le niveau d’aisance et de maîtrise dans chaque langue avant l’accident. Ceci permettra par conséquent de représenter la sévérité du trouble aphasique (Paradis, 2004 ; Hameau, 2013).
Ensuite, il faudra passer à l’évaluation du langage proprement dite. À ce niveau, il est nécessaire de tenir compte de toutes les langues parlées par le patient et mener systématiquement une évaluation des habiletés langagières pour chacune d’elles (Fabbro, 2001) dans la mesure où certains symptômes peuvent être spécifiquement associés à une langue en particulier et que certains patients sont souvent peu conscients de la langue majoritairement atteinte (Paradis, 2004).
À cette fin, une série de précautions devraient être retenues : par exemple, Fabbro (2001) cite la nécessité d’évaluer chaque langue à un intervalle d’un jour environ afin de ne pas motiver la manifestation du CS, le recours à différents examinateurs pour chaque langue et à un examinateur qui connaît toutes les langues pour les capacités de traduction. En l’absence d’orthophonistes locuteurs de ces langues en question au moment de l’évaluation, l’ appel à une tierce personne interprète semble efficace. Dans ce cas, une forte collaboration entre l’orthophoniste et l’interprète est conseillée : une séance d’information est envisagée pour l’interprète durant laquelle l’orthophoniste lui expliquera les raisons et les aspects de l’évaluation de l’aphasie ainsi que les singularités de l’aphasie bilingue. Puis, l’interprète, à son tour, avancerait à l’orthophoniste les critères linguistiques saillants à prendre en compte à l’examen dans la langue qu’il ne maîtrise pas.
Enfin, ils se partageront les tâches et prédiront le cheminement de la séance d’évaluation (Kambanaros et Van Steenbrugge, 2004 ; Roger et Code, 2011).
L’utilisation d’outils d’évaluation linguistique équivalents et comparables est la clef pour constituer un tableau clinique exhaustif de l’aphasie bilingue (Paradis, 2004 ; Lorenzen et Murray, 2008). Ainsi, la traduction littérale des épreuves ou leur utilisation dans leur langue d’origine sans tenir compte des différences interculturelles mènerait à de mauvaises conduites du bilan et pourrait par conséquent biaiser l’interprétation des résultats (Daugherty et al., 2017). D’ailleurs , c’est à cette fin que le BAT a été conçu : il ne s’agit pas d’un outil qui permet de distinguer les types d’aphasie mais plutôt d’un outil permettant de mesurer les habiletés linguistiques préservées dans chaque langue séparément. Il est construit à partir d’un nombre équivalent d’épreuves et d’items basés sur les mêmes domaines linguistiques qui va permettre une comparaison équitable de l’atteinte dans chaque langue. À l’inverse, le manque de ressources en matière d’évaluation empêcherait une bonne conduite du bilan face à une aphasie bilingue menant à une prise en charge orthophonique délicate basée sur des observations pauvrement établies (Guo, Togher et Power, 2014 ; Siyambalapitiya et Davidson, 2015). Dans certains pays du monde arabe, comme l’Egypte, le Maroc et la Jordanie, des études ont été menées dans le but de développer des outils adaptés à la langue et la culture de leur pays (Khamis -Dakwar et Froud, 2012). Le Liban fait partie des pays du monde arabe qui ne possèdent pas d’instruments pour l’évaluation de l’aphasie : les orthophonistes tendent à traduire directement au moment de l’évaluation des outils anglophones ou francophones (comme le MT86ou le BDAE) pour s’approprier une idée subjective des difficultés du patient. Or, cette pratique est nocive pour le diagnostic d’un trouble de la communication (Kohnert, 2008). Les résultats restent ainsi interprétés sans recours aux normes, et les caractéristiques dialectales et socioculturelles du libanais seraient peu prises en compte dans l’établissement des performances du patient.
Le libanais est le dialecte de l’arabe parlé au Liban. Il représente une entité linguistique à part entière. Sa description est présente dans la section suivante.

Méthodologie

Recueil des données

Le recrutement de la population a débuté vers la fin du mois de février 2017 et la collecte des données s’est étalée du 5 au 24 mars 2017. Un examinateur a rencontré les sujets dans un endroit qui leur convenait (lieu de travail, maison, café).
Le déroulement de la passation du BAT a été standardisée pour tous les participants. Premièrement, nous avons débuté par la signature de la fiche d’informations et d’accord de participation (Annexes I. p. 93 et II. p.94). Deuxièmement, nous sommes passés à la partie A pour obtenir des informations sur l’histoire linguistique des sujets. Enfin, nous avons terminé par la partie B.
La durée de passation des deux parties de l’épreuve est comprise entre 35 et 50 minutes en fonction des sujets.

Répartition de la population

Les participants à cette étude sont tous des libanais vivant actuellement au Liban. Ils sont répartis dans trois régions essentielles de ce pays : le Sud, Beyrouth (la capitale) et le Nord.
L’échantillon de notre étude devait être composé de 100 individus au départ afin de recouvrir autant que possible la population représentative du pays. Pour des raisons de temps réduit et de disponibilités non communes entre examinateur et individus, cet échantillon a été réduit à 55 individus au total. Le groupe final de participants est constitué de 43 femmes et 12 hommes ayant un âge moyen de 40,27 ans et un niveau d’études moyen de 15,45 années. Les participants ont été répartis en trois groupes d’âge (25-45 ans ; 45-65 ans et supérieur à 65 ans) dans le but de faciliter les analyses statistiques et de respecter la répartition originale proposée par Paradis et Libben (1987). De même, nous distinguons deux groupes pour le niveau d’études : un groupe inférieur ou égal à 15 années d’études et un autre groupe strictement supérieur à 15 années d’études. Ce choix a été établi de manière à pouvoir obtenir un effectif presque équivalent dans chaque groupe ce qui facilitera la réalisation de tests statistiques. Ils ont effectué au minimum 6 années d’études et au maximum 25 années d’études.

Développement linguistique et éducatif de la population

Dès le début de leur stimulation langagière, la majorité de l’échantillon a ét é exposée à plusieurs langues simultanément. Comme illustré dans le graphique 2, 92,72% ont entendu du libanais à la maison et 76,47% ont entendu également du français, 57,14% de l’anglais et 28,57% du wolof comme langues secondes. Seulement 5,45% ont baig né dans un environ francophone, mais non neutre d’un input libanais simultané (11,76%).
Parmi les locuteurs du libanais, 38% d’entre eux parlaient l’arabe littéraire à une fréquence moyenne de « tous les jours » alors que 91% entendaient l’arabe littéraire à une fréquence moyenne de « tous les jours ». La majorité d’entre eux le parlait dans un contexte scolaire avec leurs professeurs.
Les parents de ces personnes parlaient avec eux principalement : l’arabe (98% des pères, 89% des mères et 47% des autres ), le français (2% des pères, 9% des mères et 2% des autres), le russe et le wolof (2% des mères et 2% des autres respectivement). Parmi les pères, 18 % parlaient une deuxième langue avec leur enfant : 9% parlaient le français, 3% le wolof, 2% l’anglais, 2% l’arabe et 2% le russe. Parmi les mères, 23% parlaient également une deuxième langue avec leur enfant (14% le français, 5% l’arabe, 2% l’anglais et 2% le wolof) dont 2% qui parlaient une troisième langue (l’anglais). Quant aux autres personnes qui s’occupaient des enfants avec les parents, 5% parlaient avec eux le français et 2% l’anglais. Cette histoire linguistique multilingue est résumée dans le tableau ci -dessous.

Pratiques spécifiques du libanais par la population

Code switching

Les locuteurs bi- et plurilingues semblent être sensibles au phénomène du code-switching.
Parmi les sujets bi- et plurilingues (Graphique 1) de notre étude, 61,82% admettent changer de langues en fonction de l’interlocuteur qu’ils interpellent alors que 80% empruntent des mots d’autres langues au cours d’une seule conversation (Graphique 6).

Cotation du BAT libanais

La partie A et le début de la partie B (1-22) sont présentées pour permettre à l’examinateur d’établir un profil linguistique de la personne examinée. Par conséquent, ces parties n’admettront pas de cotation mais une analyse qualitative. La cotation ne concerne que la partie B. Les critères de cotation respectent les instructions fournies dans le manuel du BAT (Paradis et Libben, 1987 : 152-167). La note « 1 » est attribuée lorsque la réponse à l’item est correcte (+) tandis que la note « 0 » est attribuée lorsque la réponse est incorrecte ( -) ou quand elle n’existe pas (0). Les scores totaux qui permettent d’atteindre un score plafond figurent dans le tableau suivant.

Résultats

Deux facettes importantes caractérisent les résultats : l’une concerne les performances des sujets au BAT libanais et l’autre concerne l’étude des résultats en fonction des variables de notre étude. Il s’agit donc d’étudier les performances globales et des performances en fluences verbales (variables dépendantes) en fonction de l’âge et du niveau d’études (variables indépendantes). Ces variables sont définies selon les hypothèses que nous cherchons à vérifier. Nous allons dans cette partie nous attarder sur les analyses quantitatives des résultats que nous avons obtenus à la partie B du BAT libanais. Des analyses qualitatives seront ajoutées pour parfaire les résultats observés.

Taux de réussite par sous-épreuve

Le BAT est un outil conçu de façon à ce qu’un locuteur natif puisse obtenir le score maximum à chaque épreuve. Ainsi, la réussite de l’épreuve devrait être défini à 100%. Or, comme décrit dans d’autres études, le taux de réussite reste légitime à partir de 95% lorsque le score se rapproche de 100% (Köpke et al., 2015 ; Guilhem et al., 2013 ; Gómez-Ruiz et al., 2012 ; Muñoz et Marquardt, 2008 ; Paradis et Libben, 1987 : 40). Les facteurs d’âge, du niveau d’études et du bilinguisme pourraient expliquer cette baisse de performance. Ainsi, pour définir la validité du BAT libanais, nous avons établi le taux de réussite global et à chaque épreuve.

Lien entre la réussite par sous-épreuves et la réussite aux sous-épreuves en dépendantes

Paradis et Libben (1987) ont indiqué des instructions particulières pour la construction de chaque sous-épreuve dans une nouvelle version du BAT (cf. 6. Adaptation de la version courte du BAT au libanais). Selon ces instructions, certaines épreuves sont co nstruites à la base de l’épreuve de compréhension syntaxique et de l’épreuve de discrimination auditive. Par exemple, les items de l’épreuve de lecture de mots correspondent aux items distracteurs dans l’épreuve de discrimination auditive. Ainsi, il est intéressant de vérifier s’il existe un lien entre les performances aux épreuves de discrimination auditive et de compréhension syntaxique, et les épreuves construites à partir de ces deux dernières. De ce fait, nous allons calculer les corrélations entre ces types de sous-épreuves interdépendantes.

Lien entre la réussite par sous-épreuve et la réussite par items

Dans cette section, nous cherchons le lien qui existerait entre les performances faibles à chaque item des sous-épreuves et les performances faibles aux sous-épreuves elles-mêmes dans le but de sélectionner les items déterminants d’une bonne performance à chaque sous-épreuve. De ce fait, des corrélations ont été effectuées entre les scores par items et les scores par sous -épreuves ayant un taux de réussite inférieur à 95%. Les résultats au test de Spearman figurent dans le tableau ci-dessous.

Analyse qualitative des résultats par items et par sous-épreuves

Nous apportons dans cette partie une analyse qualitative des sous-épreuves et des items pour compléter les résultats quantitatifs obtenus dans les parties précédentes. Cette analyse ci-contre est basée sur les observations faites par l’examinateur lors des passations et sur l’analyse du type des erreurs faites par les sujets. Quelques exemples de ces observations seront présentées par sous épreuves.
• Ordres simples et semi-complexes : Souvent les sujets ne changent pas la disposition des objets présentés devant eux lors du passage d’un ordre à un autre, ce qui les a parfois menés à ne pas réaliser les ordres comme ils sont proposés. Dans ce cas, si un objet fait partie de deux items dans cette épreuve, les sujets le laisse à sa place et contournent la tournure de l’ordre semi-complexe pour le réaliser. De plus, l’item « mettre le crayon devant la bague » a été difficile à juger car la bague est un objet qui ne présente pas d’orientation interne ce qui rend l’interprétation de cet item dépendant du point de vue du sujet lui-même (le crayon peut être devant/ou derrière la bague).
• Ordres complexes : Les sujets ont souvent eu une difficulté à mémoriser l’ordre complexe proposé. Les erreurs sont plus abondantes au premier ordre par rapport au deuxième : les participants semblent mieux comprendre le principe après avoir fait le premier essai.
• Discrimination auditive: Les difficultés sont réparties au niveau des items.
– L’item 51 n’a pas une image cible lui correspondant, donc les sujets doivent désigner le « X ». Les sujets ont eu une difficulté à démarrer avec cet item et ont souvent peu compris le sens du mot. Nous proposons de modifier l’ordre de la présentation des items pour remédier à cette difficulté.
– A l’item 55 « loz » (amande), certains sujets ont admis que l’image proposée ne correspond pas à l’item cible ou n’est pas claire. Il confonde souvent cet item avec le distracteur « joz » qui est à la fois phonologique et sémantique.
– L’item 56 « zaff » (une partie de la cérémonie du mariage) est très souvent confondu avec l’image du tambourin (item distracteur), outil utilisé pour cette cérémonie.
– L’item 61 « baraɁ » (éclair) a été très souvent désigné sur la quatrième image qui correspond à l’item distracteur « saraɁ » (a volé quelque chose) en pointant une partie de l’image qui ressemble à un éclair.
– L’item 65 « sad » (barrage) est souvent confondu avec l’image correspondante à « ∫ad » (a tiré) : les sujets désignent une partie de cet image qui ressemble à un trou bouché, ce qui ressemble phonologiquement et sémantiquement à l’item cible.
• Compréhension syntaxique: pour cette épreuve, les observations seront regroupées par types de phrases. Les erreurs les plus fréquentes se situent au niveau des phrases négatives de types S et NS1 : les sujets ne répondaient pas à l’item ou ne prenaient pas en considération la négation.

Fluence catégorielle (animaux)

Avant d’établir les comparaisons des performances en fluence catégorielle entre les groupes, nous allons commencer par vérifier si ces performances sont liées, en général, à l’âge et au niveau d’études en effectuant des corrélations.
D’un point de vue global, les analyses corrélationnelles n’indiquent pas de liaison significative entre les performances en fluence catégorielle et l’âge ( rs= -0,59 ; p>0,5) alors que cette liaison est significative entre ces performances et le niveau d’études (rs=0,280 ; p<0,5). Formulé autrement, si l’âge augmente, les sujets ne produisent pas systématiquement plus ou moins de mots alors si le niveau d’études augmente, les sujets émettent plus de mots.
Nous allons passer au calcul du nombre moyen de mots produits en fonction des variables groupe d’âge et niveau d’études. Les résultats des tests statistiques propres aux comparaisons de ces moyennes figureront en annexe (Annexe VIII. p.118). Les valeurs moyennes des mots produits à cette épreuve sont indiquées dans le tableau suivant. Les individus de notre étude génèrent en moyenne M=22,96 (ET=4,99) mots en une minute.

Discussion des résultats

L’objectif de notre étude était l’adaptation de la version courte du « Bilingual Aphasia Test » au libanais afin de procurer aux orthophonistes libanais un outil d’évaluation normé et adapté culturellement et linguistiquement à la population. En effet, au Liban, il n’existe pas jusqu’à ce jour une épreuve qui permette d’évaluer le langage des aphasiques. Les pratiques du bilan langagier se trouvent ainsi fondées sur des observations qualitatives. Or, la comparaison des performances du patient à un groupe d’individu appartenant à un même groupe d’âge et de niveau d’études est une démarche indispensable pour cibler le domaine linguistique atteint et estimer la sévérité du trouble aphasique.
Suivant cette perspective, nous avons recruté des participants libanais bilingues sains âgés de minimum 25 ans et ayant un niveau d’études allant de 8 à 27 ans. Nous leur avons fait passer les parties A et B du BAT que nous avons préalablement adaptées. Les réponses aux questionnaires de la partie A et B mettent en évidence que tous les participants sont des locuteurs natifs du libanais, mais la moitié d’entre eux est trilingue. Ils sont tous lettrés et ont appris l’alphabet arabe.
La majorité d’entre eux pratique la translittération et admet changer de langue en parlant.
Enfin, nous avons calculé les résultats obtenus de leurs réponses. Nous avons analysé ces résultats en vue de répondre aux trois hypothèses que nous avions avancées. Nous allons discuter, dans ce qui suit, ces résultats en fonction de ces hypothèses.
Hypothèse 1 : La version courte du BAT libanais est un outil efficace et avantageux pour la réussite des sujets libanais bilingues sains.
La première hypothèse que nous avons émise concerne l’adéquation de la version libanaise du BAT pour la mise en évidence des performances des locuteurs natifs du libanais. Nous nous attendons à ce que les performances globales et spécifiques pour chaque épreuve soient supérieures ou égales à 95%. Nous estimons une marge de 5% pour les individus particuliers, « atypiques ».
Les calculs statistiques ont indiqué un taux de réussite global de 92,54% ce qui est inférieur à 95%, c.à.d. que l’ensemble de notre population obtient au maximum un score de 266,66/286 au BAT.
Nous remarquons alors que nos observations ne correspondent pas aux données retrouvées dans la littérature, notamment dans les données psychométriques sur le BAT de Muñoz et Marquardt (2008), Gómez-Ruiz et al. (2012), Guilhem et al. (2013) et Zanetti et al. (2012). Face à ce résultat inattendu, nous avons tenté de pousser davantage nos analyses statistiques pour trouver des liens causaux à cette observation. Nous avons calculé le taux de réussite à chaque épreuve. Ainsi, nous avons trouvé que 13/29 sous-épreuves connaissent un taux de réussite inférieur à 95%. Parmi ces épreuves, la dictée de phrases (translittération) est l’épreuve la moins réussie avec un taux égal à 87%. Les analyses corrélationnelles entre les performances globales et les performances à ces sous-épreuves permettent de lier le résultat observé au score global à 9/13 de ces épreuves. En d’autres termes, les performances aux épreuves suivantes : ordres complexes, discrimination auditive, compréhension syntaxique, séries automatiques, compréhension écrite de mots (arabe et translittération), compréhension écrite de phrases (arabe et translittération) et dictée de phrases (translittération) pourraient expliquer la baisse des performances globales observée. Toutefois, il n’existe pas de liens entre les performances globales et les performances aux épreuves de synonymes, de compréhension orale et écrite (arabe) de texte et à l’épreuve de lecture à voix haute de phrases (translittération).

 

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières
Liste des graphiques
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des annexes
Liste des abréviations
1. Introduction
2. Bilinguisme et aphasie
2.1. Définitions
2.2. Caractéristiques de l’aphasie du bilingue
2.3. Évaluation de l’aphasie bilingue
3. Bilinguisme et usage des langues au Liban
4. BAT : outil d’évaluation de l’aphasie bilingue
4.1. Présentation du BAT
4.2. Adaptation du BAT à d’autres langues
5. Objectifs de l’étude
6. Adaptation de la version courte du BAT au libanais
7. Méthodologie
7.1. Recueil des données
7.2. Répartition de la population
7.3. Développement linguistique et éducatif de la population
7.4. Pratiques spécifiques du libanais par la population
7.4.1 Code switching
7.4.2 Translittération
7.5. Cotation du BAT libanais
7.6. Traitement et analyse des données
8. Résultats
8.1. Taux de réussite par sous-épreuve
8.2. Taux de réussite par item
8.3. Lien entre le taux de réussite par sous-épreuve et le taux de réussite global
8.4. Lien entre la réussite par sous-épreuve et la réussite aux sous-épreuves en dépendantes
8.5. Lien entre le taux de réussite par sous-épreuve et le taux de réussite par items
8.6. Analyse qualitative des résultats par items et par sous-épreuves
8.7. Comparaison du score global avec les variables
8.7.1. Comparaison du score global en fonction de l’âge
8.7.2. Comparaison du score global en fonction du niveau d’études
8.7.3. Comparaison du score global en fonction de l’âge et du niveau d’études
8.7.4. Comparaison du score global en fonction du nombre de langues parlées
8.8. Analyse de l’épreuve des fluences verbales
8.8.1 Fluence catégorielle (animaux)
8.8.2 Fluence phonémique (lettre B)
9. Discussion
10. Limites et perspectives
11. Conclusion
Bibliographie
ANNEXES

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *