Les cyclones tropicaux font partie, avec les tremblements de terre, des phénomènes naturels les plus dévastateurs. Les dégâts associés à de tels systèmes peuvent être causés par des vents violents, des précipitations extrêmes ainsi que par la marée de tempête . Étant donné le caractére océanique du phénomène, les populations les plus à risque sont celles qui vivent sur les côtes mais lorsqu’il s’agit d’îles, comme La Réunion, Maurice et même Madagascar, c’est l’ensemble de la population qui est concernée. Par exemple, le cyclone Gamède a récemment marqué les esprits à La Réunion. En février 2007, ce “météore” rode dans les Mascareignes. Il atteindra le stade de cyclone tropical intense avec une pression minimale au centre estimée à 935 hPa et des maxima de vent de 195 km h⁻¹ . La Réunion subira la fureur de ce phénomène : destruction d’un pont de plus de 500 m, de routes et d’habitations, rivières et ravines en crue, éboulements, foyers privés d’eau et d’électricité, cultures dévastées. . . Les pluies diluviennes enregistrées placent La Réunion en tête des records mondiaux de précipitation : jusqu’à 3929 mm en 72 heures. Côté mer, une houle de 4 à 8 m est observée et a dévasté la baie de Saint-Paul, érodant les plages de l’Ouest et le cimetière marin. En tout, les dégâts associés à ce cyclone auront coûté environ 17,6 millions d’euros. Malheureusement, les dégâts ne sont pas uniquement matériels puisque l’on dénombre deux morts et une centaine de blessés. En 2012, la tempête tropicale Irina a semé mort et dévastation : précipitations torrentielles entraînant inondations et glissements de terrain sont responsables des 77 morts enregistrés à Madagascar qui connaît régulièrement les assauts de ces météores. Il ne s’agit que de deux exemples parmi les tempêtes et cyclones tropicaux ayant ravagé le sud-ouest de l’océan Indien. Ces chiffres mettent en avant la nécessité de bien prévoir à la fois la trajectoire et l’intensité de ces systèmes .
Depuis plusieurs années, nous assistons à une amélioration de la qualité des prévisions de trajectoire. L’amélioration des modèles de prévision numérique ainsi qu’une meilleure compréhension de l’influence des processus de grande échelle sur les cyclones ou l’interaction océan–atmosphère peuvent expliquer ce constat .
Le bassin sud-ouest de l’océan Indien est un bassin assez actif puisqu’on dénombre en moyenne plus de 9 tempêtes tropicales dont la moitié va devenir des cyclones tropicaux (Caroff et al., 2010). L’activité cyclonique dans ce bassin représente 10 à 12% de l’activité cyclonique mondiale (Neumann, 1993). Cependant, les cyclones tropicaux dans le bassin sud-ouest de l’océan Indien restent peu étudiés par rapport à ceux du bassin de l’Atlantique Nord qui contribue pourtant de la même manière à l’activité cyclonique mondiale. En effet, aucune campagne de mesure n’a été réalisée dans le sud-ouest de l’océan Indien et les données d’observations sont limitées, en grande partie, aux satellites défilants. Deux radars Doppler se trouvent à La Réunion mais leur domaine d’utilisation est limité et seuls les cyclones tropicaux se trouvant à proximité de l’île peuvent être observés par ce type d’instrument. L’étude des processus internes contrôlant les changements d’intensité dans le bassin sud-ouest de l’océan Indien est donc difficile. Une alternative est d’utiliser des données provenant de réseaux d’observations globaux de l’activité électrique qui fournissent des données en continu sur la structure convective des systèmes dépressionnaires tropicaux pour des régions peu accessibles comme les océans.
En effet, les éclairs sont des manifestations physiques de l’état dynamique et microphysique d’un nuage d’orage. Diverses études ont montré que la présence simultanée de graupel, de neige, de cristaux de glace et d’eau surfondue est nécessaire afin d’électriser suffisamment un nuage afin de conduire à la production d’éclairs (Takahashi, 1978; Jayaratne et al., 1983; Saunders et al., 1991; Saunders et Peck, 1998). Ces particules sont produites au dessus de l’isotherme 0°C et leur formation requiert l’existence de forts courants ascendants. Les charges électriques sont générées via les collisions élastiques entre les particules de glace. Elles vont ensuite s’organiser en strates selon leur densité : les particules les plus lourdes tombent alors que les moins denses sont transportées en altitude ou restent en suspension, séparant ainsi macroscopiquement les charges électriques à l’échelle du nuage. Lorsque le champ électrique remplit certaines conditions, des décharges électriques à l’interface des couches de charges sont déclenchées et se propagent dans le nuage et/ou à l’extérieur. La production d’éclairs est donc directement liée à la dynamique et aux divers hydrométéores glacés du nuage.
Plusieurs études se sont intéressées à l’activité électrique des cyclones tropicaux (Molinari et al., 1999; Squires et Businger, 2008; DeMaria et al., 2012) mais en ne se focalisant en général que sur le bassin Atlantique Nord. En effet, peu d’études se sont intéressées à l’activité électrique, des cyclones tropicaux et en général, dans le bassin sud-ouest de l’océan Indien. L’objectif de cette thèse est d’étudier l’activité électrique des systèmes dépressionnaires tropicaux du sud-ouest de l’océan Indien en s’appuyant à la fois sur des observations et sur la modélisation à fine échelle. Deux types d’observations ont été principalement utilisés : l’activité électrique est documentée à partir du réseau global de localisation des éclairs WWLLN (World Wide Lightning Location Network, Lay et al. (2004)) alors que les données Best Track du CMRS de La Réunion renseignent notamment sur la position et l’intensité des systèmes. L’analyse conjointe de ces données doit permettre de répondre aux questions suivantes. Les éclairs peuvent-ils cartographier la localisation et l’évolution des cellules convectives au sein des cyclones tropicaux ? L’activité électrique peut elle fournir des indications sur le potentiel destructeur du cyclone sur océan mais surtout lors des phases d’atterrissage (i.e. lorsque le système touche terre) ? Existe t-il un lien entre activité électrique et changement d’intensité des cyclones tropicaux dans une région spécifique telle que le mur de l’œil ? Si oui, peut-on prévoir les phases d’intensification/d’affaiblissement grâce au rythme des éclairs ? L’objectif du volet modélisation sera, tout d’abord, de vérifier que le schéma électrique de Méso NH reproduit les caractéristiques observées puis de comprendre les interactions entre la dynamique, la microphysique et l’activité électrique des cyclones tropicaux. Or actuellement, peu de modèles numériques possèdent un schéma électrique explicite, et le coût de calcul associé à de tels schémas est encore élevé. Nous avons donc mené une étude numérique avec Meso-NH pour estimer le potentiel prédicteur de l’activité électrique de certains paramètres dynamiques et microphysiques.
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Table des matières
Table des matières
Liste des Figures
Liste des Tableaux
1 Introduction
2 Activité électrique des systèmes convectifs
2.1 L’activité électrique des orages
2.1.1 Différents types d’orages
2.1.2 Les théories de l’électrisation d’un nuage
2.1.3 Les structures de charges
2.1.4 Les éclairs
2.1.5 La détection des éclairs
2.2 L’activité électrique des cyclones tropicaux
2.2.1 Présentation générale
2.2.2 La genèse des cyclones
2.2.3 Hypothèses sur le fonctionnement et le développement d’un cyclone tropical
2.2.4 Structure dynamique d’un cyclone mature
2.2.5 Trajectoire
2.2.6 Structure microphysique
2.2.7 Activité électrique des cyclones tropicaux
3 Données et Méthodologie
3.1 Le World Wide Lightning Location Network
3.1.1 Time of group arrival (TOGA)
3.1.2 Efficacité de détection
3.1.3 Erreur de localisation
3.2 Les données Best Tracks
3.3 Le modèle atmosphérique Meso-NH
3.3.1 Les processus microphysiques
3.3.2 Le schéma électrique CELLS
3.4 Méthodologie
4 Climatologie de l’activité dans le Sud-Ouest de l’Océan Indien
4.1 Synthèse de l’article
4.2 A lightning climatology of the South-West Indian Ocean
4.3 Activité électrique aux abords de La Réunion
4.3.1 Cycle saisonnier
4.4 Conclusions
5 Activité électrique des cyclones tropicaux du bassin sud-ouest de l’océan Indien
5.1 Synthèse de l’article
5.2 Lightning activity within tropical cyclones in the South West Indian Ocean
6 Modélisation de l’activité électrique d’un cyclone tropical idéalisé à l’aide de Meso-NH
6.1 Configuration de l’expérience
6.1.1 Configuration générale
6.1.2 Initialisation à l’aide d’un bogus de vent
6.2 Description générale
6.2.1 Intensité et taux d’éclairs
6.2.2 Vent vertical et charge totale
6.3 Bilans
6.3.1 Par anneau
6.3.2 Par masque microphysique
6.4 Conclusions et Perspectives
7 Relations entre activité électrique et paramètres dynamiques et microphysiques dans le modèle Meso-NH
8 Conclusion
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