Généralités
Avec l’avènement bouleversant du phénomène de la mondialisation, le monde rural se trouve désorienté dans toutes leurs perspectives de développement. L’idéal s’échappe de plus en plus de leur perception. La formule « penser globalement et agir localement » véhiculée par le concept de développement durable se concrétise difficilement du fait que l’action doit s’accompagner d’une connaissance, d’un savoir faire et d’une expérience ; des qualités qui ne sont pas, dans la plupart de cas, à la disposition des ruraux. Chercher une voie menant au développement reste encore un problème majeur que le monde rural tente de dépasser depuis plusieurs décennies. En Afrique comme à Madagascar, ce problème est encore loin d’être cerné. Néanmoins, il est désormais devenu l’objet de plusieurs recherches tant au niveau social qu’économique. Beaucoup de chercheurs issus de différentes disciplines ont auparavant effectué des recherches sur les réalités rurales pour cerner la question de développement rural. Aussi, la sociologie a une part de responsabilité dans cette optique. Pour garder sa notoriété dans le domaine de recherche appliquée, elle a même opté pour la création d’une branche spécifique liée aux problèmes de la ruralité, d’où l’émergence de la sociologie de développement rural ou de la sociologie rurale. Cette branche concentre ses efforts sur le développement du monde rural. En étudiant les réalités sur les problèmes et les logiques paysannes, cette sous-discipline de la sociologie pourrait apporter des solutions nécessaires pour obtenir un décolage assuré. La présente étude s’efforce de voir et d’aborder les notions d’acteurs, de facteurs et de blocages en matière de développement rural.
Il est tout à fait possible de faire l’analyse sous l’angle de facteurs, mais on a de plus en plus souvent utilisé le concept d’acteurs pour rendre compte du phénomène de changement ou de développement. Les acteurs sont les personnes qui agissent rationnellement pour favoriser le changement souhaité. Cette étude va ainsi considérer l’individu social, à travers ses relations et ses actions, comme le moteur de changement. Nous allons dans ce sens considérer les contenus sociaux comme des ressources locales potentiellement exploitables pour le développement d’une communauté. Le renforcement, la mobilisation et la participation à des actions collectives s’annoncent apriori comme une possibilité de mettre en valeur cette ressource locale. Nous sommes donc dans le cadre de développement local. Une approche qui prône l’intégration de toutes initiatives ou de toutes interventions dans la logique socioculturelle d’une communauté. Il est donc important de peser la portée de cette logique socioculturelle dans la mobilisation du capital humain au sein du processus de développement. Notre recherche trouve donc son originalité dans son analyse à la fois organisationnelle et fonctionnelle des interactions et des relations sociales.
DEFINITION DE CONCEPTS
ACTION COLLECTIVE
• Généralités :
La définition de ce concept cherche à nous faire connaitre la valeur et le sens sociologique qu’il véhicule afin de dégager ses apports explicatifs vis-à-vis du réel de référence de notre choix. Ainsi pour atteindre l’exactitude de compréhension, il est primordialement nécessaire d’établir une approche historique et évolutive du concept « action collective ». L’étude des actions collectives relève de deux sociologies très différentes : la première, microsociologique, est d’origine américaine et a pour objet l’amélioration du fonctionnement des groupes restreints ; la seconde, macrosociologique, est d’origine européenne et cherche à comprendre la logique des relations sociales. Selon la définition d’Eric Létonturier, publié par l’Encyclopaedia Universalis, « Action collective, on entend par ce terme, propre à la sociologie des minorités, des mouvements sociaux et des organisations, toutes les formes d’actions organisées et entreprises par un ensemble d’individus en vue d’atteindre des objectifs communs et d’en partager les profits ». Le concept action collective est ainsi issu des études des groupes, des organisations et des relations sociales que la sociologie tente de déterminer. C’est autour des question démotivation, de condition de la coopération et des difficultés relatives à la coordination des membres ainsi que de la problématique de la mobilisation des ressources que se sont historiquement orientés les travaux de recherche sur cette notion. C’est à la lumière de cette constatation préalable que nous pouvons affirmer que l’étude de l’action collective relève du domaine d’analyse organisationnelle ; autrement dit celui de la sociologie des organisations. Toutefois, il faut souligner que dans cette étude, la sociologie entretient des relations de complémentarité avec d’autres disciplines, notamment avec la psychosociologie.
• Appréciation sociologique :
La sociologie a évidemment ses mots à dire concernant l’étude des actions collectives. D’ailleurs, réputé par sa capacité à mobiliser les membres de la société, ce phénomène a même fait l’objet d’une branche spécifique : « la sociologie de l’action collective ». Toutefois, les points de vue se différencient selon l’angle d’attaque d’où l’existence « des sociologies de l’action collective » : l’une micro et l’autre macro.
La microsociologie :
Nombreux sociologues ont expliqué l’action collective par la rationalité des acteurs. Dans la file de la pensée boudonienne, ces tentatives d’explication s’étaient données comme projet de réintroduire l’individu exclu par le « holisme » dans l’analyse sociologique. Ce courant de pensée affirme que nous ne pouvons expliquer les phénomènes sociaux qu’à condition de partir des individus, de leurs motivations et de leurs actions. Les tâches des sociologues seront donc, en premier lieu, d’étudier les actions individuelles qui constituent l’élément de base du social et par la suite de montrer comment ces actions ont interféré et donné naissance à un phénomène social. Cette approche atomique reproche toute forme de surestimation des contraintes ou influences exercées par la société et qui conditionnent les comportements des individus. Elle refuse également ce que nous appelons « le déterminisme sociologique ». La formation des actions collectives ainsi que les changements sociaux sont indéterminés puisqu’ils résultent tout simplement de l’agrégation des comportements individuels ou autrement dit, « l’effet émergent ». Dans ce sens, la mobilisation pour une action organisée s’explique par l’accumulation de nombreux comportements individuels qui sont rationnels.
En adoptant une méthodologie individualiste, la sociologie américaine a montré que la mobilisation des membres d’un groupe afin de défendre leurs intérêts n’était pas automatique. Au milieu des années 60, bon nombre de sociologues ont renouvelé l’analyse des actions collectives en se fixant sur la compréhension de la logique stratégique des acteurs rationnels. Parmi ces sociologues, Marcur Olson fut le plus connu grâce à son œuvre intitulé « la logique de l’action collective », 1978. Au niveau microsociologique, M. Olson voulait montrer que les individus rationnels ayant des intérêts en commun ne se mobilisent pas automatiquement pour les défendre. D’après lui, un individu ne participe à une action organisée que si le coût de sa mobilisation est inférieur au gain escompté. Si le gain est un bien collectif, une autre attitude également rationnelle surgit. Il s’agit du choix de l’individu rationnel à ne pas participer et à profiter des éventuels résultats acquis par l’action collective. Cenon participation désigne une notion originale que M. Olson appelle « le comportement de passager clandestin ». La détermination de la logique de l’action collective se résume dans cette perspective par un mécanisme de rapport coût/avantage. Et les décisions des acteurs ne sont que l’incarnation de leur rationalité et de leur esprit calculant. Des attributs que chaque individu dispose pour faire émerger son individualité.
La macrosociologie :
Nombreux sociologues ont tenté de dépasser cette approche individualiste en empruntant une vision globalisante dans leur explication du phénomène d’action collective. Cette approche holiste a été bien ancrée dans l’espace sociologique européen pour élucider des mouvements sociaux de grande envergure tels que les manifestations politiques, les élections, les mouvements syndicaux et les révolutions ouvrières etc. Les études macrosociologiques de l’action collective se ressourcent le plus souvent de la théorie psychosociologique dans ses tentatives.
Parler de l’holisme sans faire surface à la pensée durkheimienne et marxiste semble une tentation perdue d’avance. En effet, ces deux courants de pensée ont pu apporter une contribution inestimable dans l’étude sociologique de l’action collective. Premièrement, l’opinion marxiste sur la logique de mobilisation s’explique par le phénomène de lutte de classe. La mobilisation de la classe dominée vis-à-vis de la violence physique et idéologique exercée par le patronat s’explique par une construction d’identité collective entre les individus issus d’une même classe sociale. La classe ouvrière en quête de liberté socioéconomique à travers les luttes politiques et syndicales, ne se mobilise pas automatiquement même si cette mobilisation de défendre leurs intérêts est considérée légitime et normale. Selon le marxiste, les luttes des classes favorisent et façonnent le changement social puisque les classes sociales sont des acteurs collectifs qui au cours de leurs affrontements, transforment et modifient l’organisation socioéconomique de la société. Dans cette perspective, ce sont les mouvements sociaux en tant qu’actions collectives qui obligent la logique de rapports sociaux à se modifier.
Deuxièmement, avec une analyse globalisante des faits sociaux, le courant durkheimien a réussi à faire triompher leur pensée dans plusieurs études de l’action collective. En traitant les actions collectives comme des choses, ce courant de pensée a pu apporter une explication de son objet d’étude par un autre fait social qui lui est antérieur. Ainsi, il conclue que la cause déterminante du choix individuel envers les actions organisées réside sur le poids de la société d’où la notion de « conscience collective ». La mobilisation et la motivation des membres de la société pour une action proviennent alors d’une cause qui leur est totalement externe. Dans cette optique, toute pensée ou action collective doit avoir une origine sociale qui la détermine. Par le pouvoir de coercition, la société impose ses règles, ses normes et ses valeurs sur les comportements de chaque individu. Le rassemblement dans une action collective est ainsi interprété comme le fruit de la conformité des comportements et des conduites des membres de la société. Et la transgression de ces règles provoque soit une sanction sociale soit une réaction négative de l’entourage. La participation se présente donc comme un moyen pour l’individu de renforcer son intégration sociale. C’est justement dans ce sens que le courant de pensée durkheimienne a martelé l’importance de distinguer la notion de « conscience collective » et celle de « conscience individuelle ».
• Appréciation psychologique :
Le jeu de l’influence et du charisme, les mécanismes de contagion mentale et le rôle des croyances, des attentes et des frustrations figurent parmi les facteurs que la sociologie a tendance à emprunter pour expliquer les raisons incitant les individus à adhérer et à participer à des actions collectives. Nous pouvons énumérer quelques précurseurs en psychosociale qui ont apporté leur touche dans l’analyse sociologique.
Les actions collectives se forment le plus souvent par un processus de mécanisme d’adoption d’un certain nombre de comportements collectifs. La psychologie comme la sociologie a chacun leur interprétation de ce mécanisme. Pour comprendre le processus de formation d’une action collective, il parait incontournable d’évoquer les trois auteurs suivants :
– Gustave Le Bon avec sa théorie sur l’Hypnotisme collectif,
– Gabriel Tarde avec sa théorie basée sur le processus d’imitation et
– Herbert Blumer avec sa retouche interactionniste.
La force du leader dans la mobilisation : Dans son approche psychosociologique, vers la fin du XIXe siècle, Gustave Le Bon a pu rendre compte de la formation d’une foule par l’action de meneurs exerçant leur pouvoir « hypnotique » sur des êtres qui, ayant perdu toute individualité, s’influencent mutuellement. Cette première approche nous renvoie directement sur l’importance du leadership visant à mobiliser et à motiver chaque individu à s’intégrer dans une action organisée. Leadership et motivation sont ainsi deux termes inséparables quant-il s’agit de mobiliser une foule ou un groupe de personnes en vue d’entretenir une action commune.
Le processus d’imitation et de conformité :
Plus tard, Gabriel Tarde, dans son livre « l’opinion et la foule » exposait une explication de la vie sociale par un processus d’imitation et de conformité. Selon lui, les comportements collectifs et la construction homogène de la conduite émanent d’une réponse automatique et simultanée d’individus exposés à des « stimuli identique ».Dans ce cas, la formation et la réussite d’une dynamique d’ensemble résultent de l’adoption d’une règle de conduite commune que chaque membre de la collectivité s’efforce de suivre. Le non adoption de cette règle pourrait desservir l’objectif de l’action organisée.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Partie I : PRESENTATION DES OUTILS ET DU TERRAIN
Chapitre I : Cadre de recherche
Chapitre II : Monographie du terrain
Partie II : PRESENTATION ET INTERPRETATION DES DONNEES
Chapitre III : Considérations préalables
Chapitre IV : Présentation des échantillons
Chapitre V : Culture de participation
Partie III : ESSAIS D’ANALYSE : PERSPECTIVES ET SUGGESTIONS
Chapitre VI : Logiques de la dynamique d’ensemble
Chapitre VII : Culture de participation : Blocage et devenir
Chapitre VIII : Perspectives et suggestions
CONCLUSION GENERALE
Bibliographie
Table de matières
Liste des tableaux
Liste des graphes
Listes des figures
Annexes
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