Action de la tétanospasmine sur le système nerveux autonome: la dysautonomie tétanique

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EPIDEMIOLOGIE DU TETANOS

Le tétanos est une maladie infectieuse grave, existant à l’échelle mondiale et dont l’agent causal, Clostridium tetani, est ubiquitaire dans l’environnement. Il existe cependant une disparité dans les caractéristiques épidémiologiques de la maladie selon le niveau de développement des pays, une disparité due aux progrès de l’hygiène et de la prévention [23].

Morbidité

• Situation dans le monde : en dépit de la disponibilité déjà ancienne (1924) d’un vaccin efficace et bien toléré, les estimations de l’organisation mondiale de la santé font état d’un million de cas dans le monde [13].
• Dans les pays en voie de développement : les pays qui payent le plus lourd tribut du tétanos se trouvent en Afrique, dans le sous continent Indien et en Asie [29].
 En Afrique noire, la morbidité du tétanos varie selon les pays de 10 à 50 pour 100 000 habitants par an.
 A Dakar, elle atteint 32,5 pour 100 000 habitants par an. [22] En Amérique latine, la morbidité semble être moins élevée de l’ordre 4,65 pour 100 000 habitants par an au Brésil [21].
 En Asie, notamment en Inde, le taux de morbidité est proche de celui de l’Afrique (10 à 50 pour 100 000 habitants par an) [32].
• Dans les pays développés :
9 L’Italie possède actuellement le plus grand nombre de cas déclarés de tétanos parmi les pays européens. Son incidence annuelle est de 2,5 à 13,3 fois supérieure à la moyenne rapportée aux Etats-Unis avec seulement 0,2 /100 000 /an [45].
9 En France, elle est à 1,06 /100 000 habitants/an [32].

Mortalité

Le taux de mortalité reflète l’importance de l’endémie dans les pays en développement. Elle varie de 7 à 15 /100 000 habitants/an en Afrique noire et 40 à 60 /100 000 habitants/an en Inde, de 0,13 /100 000 habitants/an aux Etats-Unis, de 0 ,72 / 100 000 habitants/an en France [32].
On estimait à 1 million le nombre de cas de décès par tétanos dans le monde en 1975; dans 60 à 90 % des cas, il s’agissait de tétanos néonatal. En 1984, des estimations corrigées faisaient état d’un million de décès par tétanos néonatal seul [29].
Dans les pays en voie de développement, tous les âges sont concernés notamment les nouveaux nés; le tétanos néonatal tue 4,5 enfants pour 1000 naissances vivantes dans les continents asiatique et africain [13].

Répartition Selon l’âge

Dans les pays tropicaux, le jeune âge des sujets atteints de tétanos est frappant : 50% des tétaniques ont moins de 10 ans et 70% moins de 20 ans [32]. Chez le nouveau-né, l’incidence est encore plus grande, allant de 1 à 100 pour 100 naissances vivantes.
Cette incidence représente ainsi plus de la moitié des cas de tétanos dans certaines régions où les méthodes d’accouchement restent traditionnelles [26].
En revanche, en Europe comme aux Etats-Unis, plus de la moitié des tétaniques ont dépassé la cinquantaine. En effet, la plupart des sujets jeunes des pays développés sont vaccinés contrairement aux sujets âgés qui ne l’ont jamais été ou ont perdu leur immunité vaccinale [32].
Par exemple en France, du fait de la vaccination rendue obligatoire chez les enfants en âge scolaire depuis 1940, la maladie y est devenue rare. Son incidence est presque nulle au dessous de 40 ans. Deux tiers des sujets atteints ont plus de 65 ans ; et leur incidence est de 3 pour 1000 [3]. Il a été déclaré seulement 12 cas pour les 30 premières semaines de 1995. Une nette prédominance des personnes âgés est notée avec 70% chez les sujets de plus de 70 ans et 91 % chez ceux de plus de 60 ans [11, 13].
Aux Etats-Unis où les programmes de vaccination sont efficaces, le tétanos touche habituellement les sujets âgés et les immigrés. Moins de 100 cas sont rapportés annuellement au CDC (Center for Disease Control) : 94% et 68% des cas sont notés respectivement chez des personnes de plus de 20 ans et de plus de 50 ans [1].

Répartition Selon le sexe

En Afrique, les différences sont peu importantes ; le tétanos néonatal est un peu plus fréquent chez les garçons. Dans d’autres cas, le tétanos est fréquent chez les femmes (surtout à cause de la percée traditionnelle d’oreilles) [32].
En France, la prédominance féminine est nette (6 femmes pour 5 hommes) surtout dans la tranche d’âge comprise entre 40 à 65 ans (2 femmes pour 1 homme) où persiste chez les hommes la protection acquise à l’armée [3].

Fréquence saisonnière

En Afrique, comme en Inde, le tétanos est un peu moins fréquent à la saison des pluies. Ceci s’explique par le fait que l’exposition aux traumatismes est moindre. Le tétanos néonatal échappe à cette règle.

Agent pathogène

Clostridium tetani est un bacille à Gram positif, anaérobie strict, à spore ronde terminale. Il a la forme d’un bâtonnet fin et rigide de 3 à 6 microns de long et de 0,3 à 0,8 microns de large.
Dans le milieu extérieur, les spores sont très résistantes, persistent plusieurs mois à plusieurs années dans le sol à l’abri de la lumière. Elles sont résistantes à un grand nombre de désinfectants, tels que la solution de phénol à 5%, de formol à 3%, de chlore à 1% qui inactivent le bacille en 15 à 24 heures.
La germination des spores, pour être optimale, requiert des conditions d’anaérobie. Ces conditions sont retrouvées au niveau des plaies nécrosées ischémiques ou couvertes de certains matériaux.

Portes d’entrée

les portes d’entrée par circoncision

La circoncision est une intervention chirurgicale consistant en l’ablation du prépuce en partie ou en totalité.
Selon THIAM. [57] la porte d’entrée post circoncision représente 33,7% des cas et 3,1% de létalité. Les raisons de cette pratique étaient d’abord rituelles, dans le cadre de pratiques culturelles et religieuses (musulmans et juifs) puis au fil des années fut instituée la notion de circoncision par mesure d’hygiène dans un but thérapeutique.
En Afrique, cet acte chirurgical est encore classé dans la rubrique « petite chirurgie ». Il est alors effectué par un personnel paramédical qualifié ou non, voire un tradipraticien dont les notions d’anatomie, de chirurgie et d’asepsie sont parfois très aléatoires [40, 55].
La circoncision, bien que considérée jusqu’ici comme une pratique traditionnelle, s’effectue aujourd’hui dans des structures de santé par des personnels qualifiés et dans des conditions d’asepsie rigoureuse ; elle devient alors une pratique chirurgicale.

Les portes d’entrée traditionnelles

Dans de nombreux pays, certaines pratiques coutumières peuvent être responsables de tétanos. Selon THIAM [57], elles représentent 19,20% des cas de tétanos hospitalisés aux Maladies Infectieuses au CHNU de Fann.
Le tétanos néonatal à porte d’entrée ombilicale est la porte d’entrée traditionnelle la plus fréquemment retrouvée suivi du tétanos post circoncision et du tétanos après percée d’oreilles. Les tatouages péribuccaux et l’excision encore pratiquée chez certaines ethnies sont de plus en plus rares.

Les portes d’entrée chirurgicale

Le tétanos post-opératoire est grave; en effet sa mortalité élevée et son mauvais pronostic sont liés à plusieurs facteurs:
9 la gravité propre de ce tétanos;
9 le terrain de survenue;
9 les difficultés de diagnostic précoce [2].
Le tétanos à porte d’entrée chirurgicale survient le plus souvent après une intervention urologique (circoncision,…) [2].
D’après une étude récente réalisée par AIDARA S.S. [2], le taux de prévalence à Dakar est de 6,82%. Son taux de létalité reste toujours élevé avec 16,4% [2].
La porte d’entrée post circoncision représente 33,7% des cas et 3,1% de létalité [57].
Sa contamination peut être endogène ou exogène.
La contamination endogène est liée au portage des spores tétaniques par le sujet avant la circoncision. Il est décrit 40% de portage sain [3, 18, 42, 60]. Par contre, la contamination exogène est surtout liée aux instruments chirurgicaux mal stérilisés, aux pansements sans aucune asepsie rigoureuse, à la présence de spores tétaniques dans l’air de la rue, de l’hôpital, des salles de circoncision.

Autres portes d’entrée

Plusieurs autres portes d’entrée peuvent être retrouvées sur le mode de contamination de l’agent pathogène, parmi lesquelles on peut citer :
• les portes d’entrées tégumentaires par plaies récentes représentant 40 à 60% des cas ou par plaies chroniques occupant le deuxième rang, avec en moyenne 10 à 30% des cas [3];
• la porte d’entrée ombilicale reste un véritable fléau en Afrique où il représente une cause importante de mortalité périnatale [32];
• la porte d’entrée obstétricale devenue exceptionnelle dans les pays développés et beaucoup plus fréquent dans les pays en développement où les femmes accouchent à domicile selon la coutume;
• les portes d’entrée intra musculaires et ORL par otites chroniques suppurées sont représentées respectivement à Dakar par 4,70% et 2,5% des cas [3].
La létalité du tétanos est très variable en fonction de ces différentes portes d’entrée comme l’atteste cette figure ci-dessous [51].
Par ailleurs, il arrive des cas où aucune porte d’entrée n’est retrouvée comme l’a démontré M. SEYDI dans une étude récente avec 13,3% [51].

PHYSIOPATHOLOGIE

L’infection débute par l’introduction de spores de Clostridium tetani dans l’organisme à la faveur d’une effraction cutanée ou muqueuse. Puis, sous l’influence de facteurs favorisant une diminution du potentiel d’oxydoréduction local (comme l’ischémie ou la nécrose tissulaire), les spores se trouvant dans les conditions d’anaérobiose stricte, vont germer et redonner la forme bactérienne produisant une toxine tétanique in situ. Parmi les exoproteines produites, seule la tétanospasmine est responsable de tous les symptômes de la maladie [5, 18].

Action de la tétanospasmine sur le système nerveux central

La toxine tétanique pénètre dans le système nerveux au niveau des jonctions neuromusculaires des motoneurones proches de la porte d’entrée grâce à une vésicule d’endocytose. Une fois internalisée dans la terminaison du nerf moteur, sensitif ou sympathique, la toxine, devenue inaccessible aux antitoxines, chemine par voie rétrograde pour gagner le corps cellulaire des motoneurones au niveau de la corne antérieure de la moelle et du tronc cérébral [18, 23]. Une fois fixée au tissu nerveux, la toxine n’est pas neutralisée par l’anatoxine tétanique.
La vitesse de transport de la toxine est la même dans tous les nerfs, expliquant l’atteinte initiale au niveau de l’extrémité céphalique où les nerfs moteurs sont les plus courts, alors que les muscles des membres sont atteints en dernier [18]. Arrivée dans le corps cellulaire, la toxine migre par la voie trans-synaptique et gagne la terminaison présynaptique des neurones inhibiteurs de la moelle et du tronc cérébral, utilisant la glycine et l’acide gamma-amino butyrique (Gaba) comme neurotransmetteurs.
Elle va cliver, par l’intermédiaire de sa chaîne légère, la synaptobrévine nécessaire à l’éxocytose des neurotransmetteurs, empêchant ainsi leur libération ce qui provoque une désinhibition centrale des motoneurones alpha [18, 23, 36, 47].
Les neurones sont anormalement excitables et il apparaît des contractions musculaires anarchiques. La levée de l’inhibition des motoneurones concerne également l’innervation réciproque. Cette levée de l’inhibition est à l’origine de contractures simultanées des muscles agonistes et antagonistes.

Action de la tétanospasmine sur le système nerveux autonome : la dysautonomie tétanique

La tétanospasmine n’épargne pas le système neurovégétatif, mais son action est encore mal connue. Elle pénètre dans les fibres synaptiques, franchit les ganglions synaptiques, et, par les fibres préganglionnaires, gagne les cornes latérales de la moelle [18, 25].
Le blocage des synapses inhibitrices dans le système synaptique est responsable d’une hyperactivité synaptique par augmentation de la sécrétion de catécholamines expliquant la dysautonomie tétanique. Celle-ci se manifeste par des épisodes de tachycardie et d’hypertension artérielle.
En outre certaines manifestations métaboliques sympatho-dépendantes telles qu’une hyperglycémie, un hypercatabolisme ou une hypersudation sont constatées [7, 18, 23, 28].
Il existe également une hyperactivité parasympathique liée à l’augmentation de la synthèse, du stockage et de la libération d’acétylcholine dans les divers organes, combinée à une action cholinergique propre à la toxine. Ceci traduit des accès de bradycardie, d’hypotension artérielle voire d’arrêt cardiaque brutal [7, 12, 18, 25].

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Table des matières

PREMIERE PARTIE
I – HISTORIQUE :
1.1. Du Tétanos
1.2. De la circoncision
II – EPIDEMIOLOGIE
2.1. Morbidité
2.2. Mortalité
2.3. Répartition selon l’âge
2.4. Répartition selon le sexe
2.5. Fréquence saisonnière
2.6. Agent pathogène
2.7. Portes d’entrée
2.7.1. Par circoncision
2.7.2. Les portes d’entrée traditionnelles
2.7.3. Les portes d’entrée chirurgicales
2.7.3. Autres portes d’entrée
III PHYSIOPATHOLOGIE
3.1. Action de la tétanospasmine sur le système nerveux central
3.2. Action de la tétanospasmine sur le système nerveux autonome: la dysautonomie tétanique
IV – ASPECTS CLINIQUES
4.1. Type de description:tétanos aigu généralisé du jeune non vacciné
4.1.1. Incubation
4.1.2. Début : période d’invasion
4.1.3. Période d’état
4.1.4. para clinique
4.1.5. Evolution-Pronostic
4.1.5.1Eléments de surveillance
4.1.5.2 Eléments du pronostic
4.1.5.3 Modalités évolutives
4.2. Formes cliniques
4.2.1. Formes symptomatiques
4.2.1.1. Tétanos frustres
4.2.1.2. Tétanos hypertoxiques de Roger
4.2.2. Formes localisées
4.2.2.1 Tétanos localisé aux membres
4.2.2.2 Tétanos localisé aux membres
4.2.2.1 Tétanos céphalique
4.2.3. Formes selon le terrain
4.2.3.1. Tétanos du nouveau-né
4.2.3.2. Tétanos du sujet âgé
V .DIAGNOSTIC
5.1. Diagnostic positif
5.1.1 Arguments épidémiologiques
5.1.2 Arguments cliniques
5.2. Diagnostic différentiel
5.3. Diagnostic étiologique
5.3.1 Agent pathogène
5.3.2 Porte d’entrée
5.3.3 Terrain
VI – TRAITEMENT
6.1. Traitement curatif
6.1.1 Traitement à visée étiologique
6.1.2.Traitement à visée étiologique
6.2 Traitement préventif
6.2.1.Prévention individuelle
6.2.2.Prévention antitétanique après exposition
6.2.3 Prévention collective
DEUXIEME PARTIE
I – Malades et Méthodes
1.1 Cadre d’étude
1.1.1 Description des lieux
1.1.2 Le personnel
1.2.Malades et méthodes
1.2.1 Malades
1.2.1.1 Critères d’inclusion
1.2.1.2 Critères d’exclusion
1.2.2. Méthodes
1.2.3.Gestion des données
II – RESULTATS
2.1 Aspects épidémiologiques
2.1.1 Distribution annuelle des cas
2.1.2 Distribution mensuelle des cas
2.1.3 Ages des patients
2.1.4 Statut vaccinal des patients
21.5 Profession des patients
2.1.6 Origine géographique
2.1.7 Lieu de circoncision
2.1.8 Circonciseur
2.1.9 délai d’hospitalisation
2.2 Aspects cliniques
2.2.1. Durée d’incubation
2.2.2 Durée d’invasion
2.2.3. Forme clinique
2.3. aspects évolutifs et pronostiques
2.3.1. Stade clinique du tétanos
2.3.2. Score du tétanos à l’admission
2.3.3. Complications observées au cour de la maladie
2.3.4. Durée d’hospitalisation
2.3.5. Evolution chez nos malades
DISCUSSION
3.1. Au plan épidémiologique
3.2. Au plan clinique, évolutif et pronostique
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE

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