Mécanismes de formation de l’acrylamide
Depuis la découverte de l’AA dans certains types d’aliments cuits à haute température en 2002 un large effort a été fait pour identifier les précurseurs moléculaires et élucider les mécanismes réactionnels menant à sa formation. Les premières recherches sur le sujet ont identifié la réaction de Maillard comme élément clef dans la formation de l’AA [Stadler, 2016]. C’est aussi un précurseur de la formation du polyacrylamide qui est un gel solide utilisé, entre autres, comme matrice dans l’analyse de biomolécules par électrophorèse, ou comme agent absorbant dans le jardinage [Gnagnarella et al., 2011].
Facteurs influençant la formation de l’acrylamide
Le facteur le plus déterminant est certainement le taux en précurseurs c’est à dire les glucides réducteurs (glucose, fructose) et les acides aminés (asparagine) [Klein, 2007]. Ainsi les variétés de pomme de terre présentant le plus d’asparagine ou ayant les teneurs en sucre les plus élevées vont produire plus d’acrylamide. D’autres facteurs, agronomiques, tels que la teneur du sol en sulfure, influent sur les niveaux d’asparagine dans les pommes de terre [Stadler, 2016]. En effet des études ont montré que priver le sol de sulfure permettait une réduction de la quantité d’asparagine [Food Drink Europe, 2018]. La température et le temps de friture sont aussi des facteurs déterminants dans la production d’AA dans les aliments. Les études de Robert et al. montrent que l’acrylamide se forme dès 120 ºC pour des aliments cuits pendant 60 minutes alors qu’une fois arrivé à 165 ºC il faut seulement 5 minutes pour qu’elle apparaisse [Klein, 2007]. Il a aussi été démontré que la taille des tranches de pomme de terre influait sur la teneur en acrylamide avec des taux de 18mg/kg pour les pommes de terre râpés, 12 mg/kg pour celles ayant 3 mm de hauteur et 2,5 mg/kg pour 15mm de hauteur. Cela s’expliquerait par le transfert de chaleur plus lent pour les pommes de terre présentant une épaisseur plus grande [Klein, 2007].
Toxicité aigüe
L’acrylamide est toxique par voie orale chez les animaux de laboratoire (rongeurs, chat, porc, lapin) après administration aiguë. L’acrylamide a entraîné des phénomènes d’ataxie, de convulsions, de faiblesse musculaire. Chez les rats la dose létale 50 (DL50) se situe autour de 107 à 203 mg/kg. Chez l’homme, l’exposition à l’acrylamide par voie orale ou dermique en milieu professionnel a été largement étudiée. On observe des effets comparables à ceux observés chez les animaux de laboratoire, c’est-à-dire principalement des signes de toxicité nerveuse périphérique comme des fourmillements, une incoordination motrice, de toxicité centrale comme des troubles de la mémoire, de la concentration ou du sommeil. De plus, on observe des signes généraux comme de la fatigue après quelques jours d’exposition [Klein, 2007].
Génotoxicité
L’acrylamide et le glycidamide (GA) sont de potentiels mutagènes des cellules germinales. Des études ont montré que l’AA et son métabolite induisent des micronuclei chez les rongeurs. L’acrylamide et le glycidamide sont tous deux génotoxiques pour la souris. Plusieurs études menées pour explorer les dommages causés à l’ADN par l’AA, en utilisant le test de la comète, ont prouvé ces effets génotoxiques sur des cellules Hep-G2 humaines [Çebi, 2016]. In vivo l’acrylamide a un potentiel génotoxique sur les cellules somatiques et germinales. Par conséquent l’acrylamide peut induire des dommages héréditaires au niveau génomique et chromosomique. Le métabolite de l’AA, la GA, est un époxyde réactif qui forme des adduits avec l’ADN. Cet époxydation de l’AA au travers du CYP2E1 est la principale voie responsable de l’effet génotoxique de l’AA sur les cellules germinales. Des études ont montré que l’inhibition de la CYP2E1, chez la souris ayant reçu de l’AA, entrainerait une diminution du niveau de mutation des cellules germinales [Çebi, 2016].
Chromatographie Liquide
Ce sont les méthodes les plus utilisées pour l’extraction et la quantification de l’acrylamide dans les aliments, par leur sensibilité et leur sélectivité. Suite à l’apparition d’un artefact lors de la procédure de bromation en CPG, la méthode CL-SM/SM a été développée pour l’analyse directe sans nécessité de dérivatisation. La CLHP couplée à la spectrométrie de masse est moins utilisée que celle en tandem; elle est cependant souhaitable pour les aliments ne présentant pas une grande complexité comme les pommes de terres [Crews, 2015]. Rosen et al., développèrent la première méthode de dosage de l’acrylamide dans des aliments transformés. Ils utilisèrent une chromatographie liquide avec dilution isotopique couplée à une détection par spectrométrie de masse (CLHP/SM). Son avantage est de ne pas nécessiter de dérivatisation préalable. De plus, les extractions de l’acrylamide soluble dans l’eau peuvent se faire avec des solvants aqueux [Klein, 2007]. Ces dernières années, la méthode chromatographique liquide couplée avec le détecteur Ultraviolet a fait ses preuves et est en train d’être de plus en plus utilisée. Cette nouvelle méthode a été utilisée pour la détermination de l’acrylamide dans des produits alimentaires à base d’amidon telle que rapporté dans les travaux de Geng et al. La méthode comporte l’extraction de l’acrylamide avec l’eau, le dégraissage avec l’hexane, la dérivatisation avec le bromate de potassium (KBrO3) et le bromure de potassium (KBr), l’extraction liquide-liquide avec le mélange acétate d’éthyle – hexane (4:1) et la concentration. La méthode ainsi mise au point est considérée comme une alternative nouvelle, bon marché et robuste pour l’analyse conventionnelle de l’acrylamide [Geng et al., 2002]. La Chromatographie Liquide Ultra-Haute Performance (CLUP) a été également mise en œuvre dans l’analyse de l’acrylamide. Elle permet une meilleure séparation de l’acrylamide dans les matrices alimentaires avec un temps de rétention plus faible et une sensibilité plus élevée. Les méthodes standards telles que la chromatographie liquide (CLHP et CLUP) et la chromatographie en phase gazeuse couplées à la spectrométrie de masse ont une limite de quantification de 10 à 30 µg/kg [Camara, 2018 ; Hu et al., 2004a]. D’après les recommandations européennes, les méthodes analytiques pour la détection de l’acrylamide devraient avoir des limites de quantification (LOQ) de 30 µg/kg pour le pain et les aliments pour enfants, et de 50 µg/kg pour les produits à base de pomme de terre, les céréales et le café. En outre, lors d’un travail analytique sur l’acrylamide total (EAT), 11% des échantillons analysés avaient présenté une concentration en acrylamide inférieure à la LOD (LOD : 4µg/kg), et 15% présentaient une concentration inférieure à la LOQ (LOQ : 10 µg/kg) [Camara, 2018; EAT2, 2011]. La plupart des organisations et gouvernements recommandent l’utilisation des méthodes standards comme méthodes pour la détection de l’acrylamide dans les denrées alimentaires industrielles. Toutefois, aucune de ces méthodes n’a été complètement validée par les essais collaboratifs inter-laboratoires. Il est considéré que l’incertitude de mesure est faible par rapport à l’importante variabilité qui existe même entre les différents lots d’un même produit [Camara, 2018 ; FAO/WHO, 2002].
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : MECANISMES DE FORMATION DE L’ACRYLAMIDE
I.1. Structure et propriétés physicochimiques de l’acrylamide
I.1.1. Structure
I.1.2. Propriétés physicochimiques
I.2. Historique
I.3. Mécanismes de formation de l’acrylamide
I.3.1. Réaction de Maillard
I.3.2. Autres voies de formation
I.4. Facteurs influençant la formation de l’acrylamide
CHAPITRE II : RISQUES LIES A LA PRESENCE D’ACRYLAMIDE DANS LES ALIMENTS ET PREVENTION
II.1. Définitions
II.2. Toxicité aigüe
II.3. Toxicité chronique
II.3.1. Cancérogénicité
II.3.1.1. Chez l’animal
II.3.1.2. Chez l’homme
II.3.2. Toxicité sur la reproduction et le développement
II.3.3. Toxicité nerveuse
II.3.4. Génotoxicité
II.4. Prévention : méthodes de réduction du taux d’acrylamide dans les chips et pommes de terre
CHAPITRE III : ANALYSE DE L’ACRYLAMIDE DANS LES CHIPS DE POMME DE TERRE
III.1. Echantillonnage et homogénéisation
III.2. Extraction
III.3. Purification de l’extrait
III.4. Identification et quantification de l’acrylamide
III.4.1. Méthodes chromatographiques
III.4.1.1. Chromatographie en Phase Gazeuse
III.4.1.2. Chromatographie Liquide
III.4.2. Autres méthodes
III.4.2.1. Méthodes de détection rapide
III.4.2.1.1. Méthode colorimétrique couplée à l’analyse informatique
III.4.2.1.2. Méthode immuno-enzymatique
III.4.2.1.3. Méthode de biodétection électrochimique
III.4.2.1.4. Méthode de détection par fluorescence
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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