L’acrodermatite chronique atrophiante ( ACA) ou maladie de Pick-Herxheimer a été décrite depuis 1902. Son étiologie liée aux infections d’origine borrélienne est une découverte récente.[1; 2] C’est une maladie bien connue en Europe et aux Etats Unis où plusieurs études ont été faites.[3; 4; 5] Par contre en Afrique, aucune publication – à notre connaissance – n’a été encore effectuée sur cette maladie.Nous nous sommes proposés, par cette étude rétrospective portant sur 3 cas d’ACA colligés à la clinique Dermatologique de l’Hôpital Aristide le Dantec entre 1999 et 2001, d’analyser les aspects épidémiologiques, cliniques, paracliniques et thérapeutiques. Nous diviserons ce travail en deux grands chapitres : Une première partie où nous parlerons des généralités sur la maladie de Pick-Herxheimer et une deuxième consacrée au travail personnel qui sera suivie par les conclusions, l’iconographie et la bibliographie.
GENERALITES
Définition
L’acrodermatite chronique atrophiante (ACA) ou maladie de Pick-Herxheimer est une dermatose chronique caractérisée par une atrophie cutanée dermoépidermique secondaire à une infection par des spirochètes du genre Borrélia. Le traitement initié à la phase précoce peut freiner l’évolution vers les autres stades. Sa gravité est liée aux atteintes viscérales pouvant menacer le pronostic vital, le pronostic fonctionnel par les atteintes musculo-squelettiques et surtout le pronostic esthétique par les atrophies cutanées définitives et l’aspect plissé de la peau.
Epidémiologie
Elle atteint les adultes de 30 à 60 ans surtout les femmes, cependant des cas pédiatriques ont été rapportés. [6] C’est une pathologie plus fréquente dans les zones forestières de l’Europe du Centre et de l’Ouest. Elle représente 10% des évolutions de la maladie de Lyme dans le nord de l’Europe (Pays-Bas, Scandinavie). Elle est exceptionnelle aux Etats Unis. Au Sénégal, aucune étude n’a encore été réalisée.
Etiopathogénie
L’inoculation se fait suite à une morsure de tique. 3 à 32 jours après, les borrélies migrent de façon centrifuge donnant lieu à érythème chronique migrant. Les borrélies peuvent diffuser par voie hématogène pour se localiser dans la peau, le myocarde, le liquide céphalo-rachidien, la rétine et la synoviale où elles adhèrent aux protéines de la matrice extracellulaire, aux cellules endothéliales et aux glucolipides nerveux. Ceci induit une activation des systèmes immunitaires à médiation cellulaire et humorale avec production d’anticorps par les lymphocytes B et T. Les Anticorps de type IgG s’élèvent lentement et atteignent leur taux maximal des mois plus tard au stade d’arthrite chronique avec prédominance d’immuns complexes et des infiltrats péri vasculaires lympho-histiocytaires à l’histologie. [8; 9] Cette inflammation chronique évolue au bout de quelques mois à quelques années vers l’acrodermatite chronique atrophiante et/ou au lymphocytome cutané bénin qui constituent les stades ultimes des borrélioses.
Historique
L’acrodermatite chronique atrophiante a été décrite depuis le 19éme siècle.
En effet dès 1876 Taylor parlait d’atrophie idiopathique ;
En 1883 Buchwald en faisait la confirmation.
En 1894 Pick proposa l’appellation « d’érythromélie »
En 1897 Kaposi la qualifia de « dermatite atrophiante »
En 1902 Herxheimer et Hartmann en firent une étude complète et donnèrent le nom de « acrodermatite chronique atrophiante ». [1 ;2 ;13] Cependant ces observations n’étaient effectuées qu’en Europe Centrale et Orientale.
A partir de 1908, Pautrier et Laugier (Strasbourg) publiaient de nombreuses observations dans l’est de la France. [14 ] Malgré cette grande découverte médicale, aucune étiologie ne lui était encore attribuée. C’est pourquoi l’ACA fut longtemps classée parmi les atrophies cutanées idiopathiques. En 1980 E. Heid et E. Eberst constataient une positivité inexpliquée du sérodiagnostic des rickettsies (R mooseri et R. conori) chez les patients atteints d’ACA. [2] Cette remarque fut confirmée par J. H. Saurat qui dosa des anticorps spécifiques de spirochètes dans le sérum de malades atteints d’ACA. En 1984 E. Asbrink identifie des germes de Borrélia burgdorféri dans des lésions d’ACA.
MANIFESTATIONS
Signes cliniques
Après la morsure de tique qui passe souvent inaperçue, les borrélioses évoluent essentiellement en deux phases caractérisées chacune par une lésion spécifique.
La phase précoce
Elle débute quelques jours à une semaine après la piqûre de tique et évolue en deux étapes suivant l’aspect de la lésion initiale :
• La phase précoce localisée : EMC
Elle correspond à l’érythème chronique migrant de Lipschütz ( ancienne phase primaire) qui est une macule érythémateuse unique d’évolution annulaire, centrifuge, sa taille est d’environ 30 centimètres de diamètre. Elle siège aux endroits où les habits se serrent au corps (poignet, bras, mollets, cuises, etc.), sa vitesse de croissance est variable autour de plusieurs millimètres par jours. Le centre de la lésion s’éclaircit progressivement avec une bordure plus foncée légèrement surélevée. La lésion peut être légèrement squameuse et s’associe parfois à un prurit, une douleur, des paresthésies. Cette phase peut s’accompagner d’un syndrome infectieux( fébricule, arthralgie, myalgies, raideur de la nuque, etc.). La résolution se fait au bout d’un mois en moyenne même en l’absence de traitement.
• La phase précoce disséminée
Caractérisée par les érythèmes migrants multiples (ancienne phase secondaire) qui sont des lésions annulaires de plus petite taille sans induration centrale, qui migrent faiblement. Elles surviennent quelques jours à quelques semaines après l’érythème chronique migrant et s’accompagnent de signes généraux plus marqués avec une fatigabilité, anorexie, une sensibilité anormale au chaud et au froid
Cette phase correspond aussi à la survenue de manifestations extra cutanées variables intéressant plusieurs appareils :
– Les articulations où elle donne des arthrites(mono ou oligoarthrite)
– chroniques inflammatoires qui évoluent par poussées et rémissions..
– Le cœur ( myopéricardite, BAV de haut degré).
– Les muscles : myosite, atrophie musculaire.
– Le système nerveux : encéphalomyélite, para parésie, une paralysie faciale, des neuropathies périphériques, etc.
– Hématologique à type de lymphome malin.
– Oculaires : conjonctivite, kératite, uvéite et rétinite. Après plusieurs années d’évolution, survient la phase tardive.
La phase tardive : l’acrodermatite chronique atrophiante
Elle survient des mois ou des années après l’infection et évolue aussi en deux phases caractérisées chacune par une lésion cutanée spécifique :
• La phase inflammatoire
Elle débute par un érythème bleu violacé en nappe mal limité, lisse, légèrement squameux associé à un œdème plus ou moins important prédominant aux extrémités et en regard des surfaces articulaires en particulier au dos des pieds ou des mains, sur les genoux, les cuisses ou les fesses. Cette phase peut durer plusieurs semaines ou plusieurs mois, l’érythème devient alors permanent et la peau s’atrophie à la disparition de l’infiltrat œdémateux.
• La phase d’atrophie cutanée
Elle se manifeste par une macule érythémateuse rouge violacée des membres supérieurs et parfois des membres inférieurs tantôt diffuse intéressant tout le membre, tantôt segmentaire en nappe ou en bande à bord limité plus ou moins précis stables, arrondi, linéaire ou irrégulier. La peau est atrophiée, mince, ridée, froissée, plicaturée, peu élastique, l’épiderme est lisse brillant en « papier à cigarettes », transparent en « pelure d’oignon », légèrement squameux, parfois prurigineux. Cette peau est sèche hypo ou hyperpigmentée, les sécrétions sébacées et sudorales sont très diminuées, les poils sont rares.
Cette atrophie définitive siège surtout aux genoux, aux fesses, aux dos des mains et aux coudes et laisse entrevoir des veines superficielles bleuâtres, sinueuses très nettes, très évocatrices de la maladie. Aux membres supérieurs on peut avoir une bandelette cubitale fibroélastique s’étendant de l’olécrane à l’apophyse styloïde. Aux membres inférieurs, elle réalise un guêtre scléreux qui entoure le cou-depied et le tiers inférieur de la jambe.
Par ailleurs on peut retrouver :
– Des nodules fibrotiques en cordons linéaires siégeant sur les surfaces osseuses du membre atteint.
– Des macules anétodermiques en bordure des plaques atrophiques. Et plus rarement des varices, des ulcères de jambe, des atteintes muqueuses (vagin; organes génitaux externes de l’homme,…) Cette atrophie cutanée peut s’associer à une adénopathie homo latérale, des neuropathies sensitives et des atteintes musculo-squelettiques des membres.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I – GENERALITES
1. Définition
2. Epidémiologie
3. Etiopathogénie
4. Historique
II- MANIFESTATIONS
1. Signes cliniques
a) Phase précoce
• La phase précoce localisée : Erythème chronique migrant
• La phase disséminée : Erythème multiple
b) Phase tardive : Acrodérmatite chronique atrophiante
• La phase inflammatoire
• La phase d’atrophie cutané
2. Examens complémentaires
a) L’Hématologie
b) La Bactériologie
c) L’Histologie
d) La Sérologie
III- DIAGNOSTICS
1. Diagnostic positif
a) Clinique
b) Examens complémentaires
2. Diagnostic différentiel
a) Stade de début
b) Stade d’atrophie
3. Diagnostic étiologique
a) Agent pathogène
b) Vecteur
c) Réservoir de virus
IV- EVOLUTION /PRONOSTIC
1. Evolution
2. Pronostic
V- TRAITEMENT
1. Traitement curatif
a) Buts
b) Moyens
c) Indications
2. Traitement préventif
DEUXIEME PARTIE
I – MALADES & METHODES
1. Méthodologie
a) Méthodes
b) Moyens
2. Nos Observations
a) Observation N° 1
b) Observation N° 2
c) Observation N° 3
d) Étude analytique et synthétique des observations
II- RESULTATS
III – DISCUSSION ET COMMENTAIRE
1. Aspects épidémiologiques
a) Incidence
b) Fréquence selon le sexe
c) Fréquence selon l’âge
d) Race – Ethnie
e) Répartition Géographique
2. Aspects cliniques
a) Antécédents
b) Motifs de consultation
c) Signes Physiques
3. Examens complémentaires
4. Pathologies associées
5. Traitement/Evolution
CONCLUSIONS
ICONOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE