Acquérir la compétence du récit historique

En septembre 2017, je commence à enseigner en tant que professeure stagiaire au collège Jean Moulin de Marolles-les-Braults. Je découvre alors mes élèves : les élèves de mes deux classes de 4e sont plutôt volontaires et curieux. Ils sont actifs à l’oral et se mettent facilement au travail. Les activités sont généralement progressives dans la démarche intellectuelle, c’est-à-dire des tâches simples doivent être effectuées avant une question plus complexe qui demande un travail d’écriture. Je suis alors surprise par la difficulté que représente l’écriture pour les élèves. Il est difficile pour eux de produire un texte organisé de quelques lignes qui soit compréhensible pour le lecteur. C’est vrai pour beaucoup d’élèves et je suis assez surprise par le contraste avec leur pertinence à l’oral. Je remarque aussi que si l’écriture leur pose problème, c’est aussi parce que c’est une tâche qui demande la mobilisation de compétences et de savoirs qu’ils ont du mal à identifier. Ce sont donc ces deux constats qui me mènent vers mon sujet de recherche :

– Les élèves ont du mal à effectuer des tâches complexes. Ils parviennent bien à répondre à des questions simples et guidées. Dès lors qu’ils doivent mobiliser un nombre d’informations important et une compétence, cela devient difficile pour la plupart d’entre eux. Les élèves sont désœuvrés face à la déstabilisation cognitive que représente une tâche complexe. Or pour que les élèves soient compétents, ils doivent être capables de mobiliser leurs savoir-faire dans des situations inédites. « L’idée essentielle qui est au cœur de la notion de compétence, est qu’un individu compétent est celui qui, non seulement sait accomplir des opérations auxquelles on l’a entraîné, mais est capable de les mobiliser à bon escient dans des situations relativement nouvelles. »
– Les élèves ont des difficultés pour écrire. Ils s’expriment correctement à l’oral, pourtant leur expression écrite est désorganisée, manque de structure et est peu développée.

Ainsi, il m’a paru intéressant de questionner ces deux problèmes dans un exercice historique : le récit « en tant qu’il développe les démarches historiennes de la compréhension, de l’explication et de la conceptualisation. » .

Pourquoi les élèves, et surtout les plus faibles, sont-ils déstabilisés face aux exercices d’écriture longs ? Est-ce qu’ils connaissent les méthodes de travail ? Est-ce qu’ils manquent de réflexes pour élaborer un processus qui leur permette de produire un texte de qualité ? Est-ce que décomposer une tâche comme cela se fait souvent fait perdre de son sens à l’exercice plutôt que de le rendre plus abordable ? Notre problématique sera donc la suivante : Comment la tâche complexe permet l’intégration des ressources par les élèves pour les mener à l’acquisition de la compétence du récit historique, quels que soient leurs niveaux ?

Nous partirons donc de l’hypothèse suivante : la tâche complexe que constitue la production d’un récit historique fait sens pour tous les élèves et leur permet d’intégrer les ressources nécessaires à la construction d’un récit, ils deviennent alors autonomes face à cet exercice d’écriture, quels que soient leurs niveaux.

Le récit, un exercice universitaire applicable au collège

Un exercice d’écriture propre à l’historien : le récit

L’histoire comme récit

Le récit relève du raisonnement naturel. Chaque individu fait régulièrement un récit des évènements, c’est une démarche naturelle pour transmettre des informations à un autre individu. On peut raconter sa journée ou raconter un évènement de son histoire personnelle. Le raisonnement historique relève du raisonnement naturel et de la pensée sociale contrairement à la pensée logico-formelle qui caractérise le raisonnement scientifique. En effet, l’histoire appelle à un raisonnement par analogie. On comprend l’histoire par notre vécu. L’explication historique est celle que chacun pratique au quotidien. A ce raisonnement naturel il faut ajouter une méthode critique qui permet d’apporter une objectivité à ce qui est raconté et expliqué et qui permet de prétendre que l’histoire tend vers la recherche de la vérité.

Pour Paul Veyne, « l’histoire est un roman » , seulement elle est un roman vrai. C’est ce qui différencie l’histoire de la fiction. Quand un roman raconte, l’histoire raconte également mais elle tend vers la vérité. L’histoire se distingue du roman de fiction par son but : raconter les faits comme ils se sont passés, mais également par la méthode : l’historien renvoie à des références à des sources, il avance des preuves.

En effet l’histoire écrite présente des similarités avec le récit de fiction, et c’est aussi pour cela qu’elle intéresse le grand nombre, on peut lire des écrits d’histoire sans pré-requis. L’histoire est similaire au roman dans le sens où elle raconte un enchainement d’évènements. L’historien comme le romancier ont tous deux pour souci de bien écrire. Même Seignobos qui prônait pourtant l’éloignement de l’histoire littéraire écrivait « l’historien doit toujours bien écrire, sans jamais s’endimancher » . Car l’histoire écrite à une visée explicative et veut être comprise, il est important pour l’historien de bien écrire. Ainsi si l’histoire est similaire à la fiction dans son écriture, elle présente la différence majeure de tendre vers la vérité et il existe plusieurs façons d’écrire l’histoire.

Antoine Prost en distingue trois : le commentaire, le tableau et le récit. Un commentaire est un écrit qui commente un fait historique à partir d’interprétation d’autres historiens. C’est une forme un peu plus rare que les deux autres. Le tableau mérite qu’on s’y attarde puisque nous verrons plus loin qu’il y a des tableaux au sein des récits. Le tableau dresse un état des faits à un moment donné. Cette description est faite sous plusieurs aspects : sociaux, économiques, culturels, politiques… La Méditerranée de Fernand Braudel peut en être un exemple. Le tableau répond à la question « comment était-ce ? ».

Le récit consiste à raconter les faits dans un ordre chronologique et répond plutôt à la question « comment en est-on arrivés à cela ? ». Le récit commence par un point, finit par un autre point et explique comment on est passé du premier point au second. Les faits qui ont conduit du premier point au second sont racontés dans un ordre chronologique et sont expliqués. Le récit est structuré autour de l’étude d’un changement. Il consiste en une étude des causes et des intentions, et des effets des agissements des hommes. Il met en avant un cadre et des acteurs.

Le récit n’est pas strictement linéaire, il est possible de faire le récit d’évènements en un lieu géographique puis en un autre lieu, ces évènements menant à un état de fait commun. Cette stratégie peut être adoptée dans un souci de compréhension par le lecteur. Un des principaux traits du récit est le temps. Les faits sont racontés dans l’ordre dans lequel ils se sont déroulés soit dans l’ordre chronologique. Cependant, il n’y a pas de norme concernant la durée sur laquelle un récit se concentre. Un récit peut couvrir des siècles ou seulement une journée. De plus un récit peut s’attarder sur un évènement et l’expliquer longuement mais il peut passer sur de nombreuses années sans s’y arrêter. En effet, le récit s’intéresse particulièrement à ce qui ne se déroule pas comme prévu. Ces considérations nous amène à nous questionner sur l’écriture du récit et les choix qui sont faits dans cette écriture.

Ecrire le récit historique

Nous avons vu que le raisonnement historique, et le récit plus encore, relèvent du raisonnement naturel. Or lorsque l’on raconte, on fait des choix. On omet des éléments qui nous semblent peu significatifs et on insiste sur d’autres. Paul Veyne et Heyden White avancent le concept de mise en intrigue du récit. Par mise en intrigue on entend la construction du sujet. Car si le récit renvoie à un raisonnement naturel, il est fait de choix. La mise en intrigue guide toute la structure du récit. Elle consiste à faire des choix de bornes chronologique ; un récit sera différent selon qu’il traite un fait sur une année ou sur plusieurs siècles. La mise en intrigue induit aussi de faire un choix de focale ; les évènements seront traités différemment selon qu’on s’intéresse au social, au politique ou au démographique. Cela consiste également à mettre en avant certains acteurs et décors. Finalement, un récit est toujours interprétatif selon l’intrigue qu’on lui attribue. Le choix de l’intrigue constitue les faits, puisque les faits ne sont jamais comme tels, ils dépendent du regard de l’historien.

C’est le choix de cette intrigue qui va déterminer le rythme du récit. En effet le récit raconte et explique. C’est d’ailleurs impossible de faire l’un sans l’autre, lorsque l’on raconte, on explique. Pour Paul Veyne , « l’histoire raconte, et c’est en racontant qu’elle explique ». C’est dans ces explications que peuvent apparaitre des tableaux. Nous avons séparé les trois types d’écrits plus haut mais ils peuvent s’imbriquer. Un élément important selon l’intrigue que l’on a choisie peut nécessiter des dresser un tableau et de répondre à cette question du « comment était-ce ? ».

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
1. Le récit, un exercice universitaire applicable au collège
1.1 Un exercice d’écriture propre à l’historien : le récit
1.2. Le récit historique au collège
1.3 Acquérir la compétence du récit historique par la tâche complexe
2. La mise en œuvre : les étapes de l’apprentissage du récit historique avec les classes de 4e
2.1. Présentation des deux classes de 4e
2.2. Des situations didactiques pour travailler le récit historique
2.3 Présentation des données collectées
2.4 Présentation des outils d’analyse
3. Analyse : la compétence du récit est-elle acquise par tous ?
3.1. La maitrise de la compétence du récit historique
3.2. La maitrise du récit par chaque élève
3.3 Des savoirs et des savoir-faire ancrés sur le long terme ?
Conclusion
Bibliographie
Annexes

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *