Accumulation de pertes chez Jade
Présentation des données cliniques de Jade
Lors du premier entretien, Jade s’est réapproprié la demande en me remerciant d’être là. En effet, elle avait besoin « d’aide pour se retrouver ». Elle se dit être très secrète, elle n’aime pas parler d’elle. Elle se dévoilera peu, les entretiens seront ponctués de longs silences. Au cours de ces entretiens, il m’apparait que Jade est structurée sur un mode névrotique. Je constate que la disponibilité d’écoute bienveillante que j’ai proposée à Jade lui permet de restaurer sa subjectivité et de faciliter la parole. Cependant, je note qu’elle exprime d’ellemême le désir de ne pas aborder certains sujets. Malgré mon envie de la questionner due à mon fort désir de l’aider et de curiosité, j’essaie de respecter ses silences et de prendre chacune des informations données comme un « cadeau » de sa part. Ce peu de parole marque l’importance de ce qui pouvait m’être révélé au cours des séances. Elle m’exprime sa vérité et son roman familial propre. Ce peu d’éléments transparait dans le recueil du matériel clinique que j’ai jugé pertinent d’organiser en trois thèmes. En premier je parlerai d’une souffrance psychique qu’elle m’exprime dès le début, puis j’évoquerai la présence d’une problématique liée à la perte, enfin je développerai l’omniprésence du masculin dans son discours. Dans un souci de bonne compréhension, j’ai choisi de mettre en italique les paroles de Jade.
Une souffrance psychique
Le désarroi de Jade est la première chose que je remarque et qu’elle m’exprime. D’humeur dépressive et repliée sur elle-même, elle verbalisera son mal être lors de la plupart des entretiens : « je suis malheureuse », « ça va pas du tout, du tout ». Elle me dira se sentir « abattue », qu’elle ne peut pas penser à autre chose qu’à sa « souffrance » et à son « moral ». Elle ne peut pas concevoir des souvenirs heureux, elle pense uniquement à des « vilaines choses ».
Une vie passée
Jade est âgée de 87 ans, elle me dit avoir perdu beaucoup de personnes avec qui elle a vécu, son mari, des amis, ses parents. Elle en est attristée et me dira un jour : « les morts ne reviennent pas, ils me manquent tous ! ». Elle me dit être très indépendante auparavant, elle a donc des difficultés à accepter sa dépendance aux autres. De plus, elle se semble se retrouve dans une position de régression. Elle me confiera lors d’un entretien : « profitez de la vie tant que vous le pouvez pour ne pas avoir de regrets, pas comme moi.. ». Cela me laisse à penser qu’elle fait le « bilan de sa vie » comme il est fréquent à cet âge là. Je pense qu’elle revient sur des éléments de sa vie, elle me dira avoir beaucoup d’autres regrets dont elle ne veut pas parler. Elle formulera uniquement le regret de ne pas avoir pu effectuer de longues études, et de n’avoir jamais déménagé. Je remarque une certaine ambivalence dans ces humeurs, un jour elle parait heureuse de me voir, et parle beaucoup. A l’entretien suivant, elle parle à peine et ne veut pas que je reste longtemps. Il est arrivé qu’elle me congédie au bout de dix minutes en me tendant la main et en disant « au revoir et à jeudi ».
Un silence voulu ou subi ?
Au fil des entretiens, je remarque qu’elle est presque incapable d’élaborer autour de son histoire passée et présente, elle se meurt dans un silence. Elle me dit avoir des regrets mais ne pas vouloir les évoquer. Jade refuse de parler de son fils ou de sa maladie, j’ignore ce dont il souffre. Elle ne me répond plus lorsque j’aborde la question de la maladie en général ou quand je lui demande ce qui l’empêche de dormir la nuit. De ce fait, elle parait assez défensive. Ce silence devient de plus en plus important au fil des semaines. Pourtant elle m’a souvent dit « j’ai envie de parler mais je ne peux pas ». Ainsi je me questionne : elle ne peut pas sur un plan physique (ça la fatigue de parler) ou sur un plan émotionnel. De plus, Jade manifeste peu d’expression faciale. Par exemple je ne l’ai vue sourire qu’une fois. Ceci peut être lié aux séquelles de son AVC ou aux médicaments. Le peu d’élément obtenu sur son histoire de vie traduit son silence, elle ne souhaite pas en parler.
L’isolement de la maladie
Tout d’abord, il faut avoir à l’esprit que la psyché et le corps sont deux entités étroitement liées dans leurs rapports, l’une influe sur l’autre et vice versa. D’après Roussillon (2007), les affects psychiques peuvent s’exprimer au niveau du corps et le ressenti corporel peut se traduire au niveau psychique. Aussi, je m’interroge sur l’impact du corps abimé de Jade sur sa vie. Elle me parle une unique fois de sa maladie, au 5ème entretien. Pour elle ce fut une « catastrophe » de ne plus pouvoir bouger et s’exprimer. En effet, elle a tellement honte qu’elle est devenue une « sauvage » et ne souhaite plus parler à personne. Elle m’avoue se sentir très seule, mais « c’est mieux comme ça ». Elle n’investit pas le temps avec sa famille et « n’aime pas vraiment » quand ces petits enfants et sa fille viennent lui rendre visite. Selon elle, il lui est impossible de penser à autre chose qu’à son mal- être et à son envie de partir. De plus, elle me dit percevoir son corps comme mort. Ce ressenti est peut-être en lien avec sa perte d’intérêt pour le monde extérieur et son repli sur elle-même. J’associe donc qu’elle désinvestisse son corps comme le monde extérieur au fait qu’elle ne bouge plus aucun de ses membres. Jade se retrouve isolée par sa maladie et son l’atteinte à son intégrité corporelle. En effet, elle ne peut plus s’adonner à ses activités préférées (les jeux), elle est dans l’incapacité de créer une relation avec sa voisine de chambre car elle ne parle plus distinctement et ne se déplace pas seule. Elle est devenue dépendante physiquement des autres et a l’impression de leur demander beaucoup de patience. Selon Jade, elle les dérange. La maladie a entrainé des désagréments physiques handicapant comme le fait de baver. Elle me dira souvent : « j’aime pas baver, je suis plus une enfant, j’ai honte ».
Un lieu d’hospitalisation difficile à investir
Je découvre dans le dossier médical que le mari de Jade a été hospitalisé dans ce même service. J’associe alors son mal-être à la réactualisation douloureuse et quotidienne de ce souvenir. De plus elle me qu’elle la vue pour la dernière fois ici. Depuis l’enfance, inquiète pour son avenir et celui de ses proches, elle présente des troubles du sommeil. Elle s’exprimera ainsi : « mais vous savez bien que je suis une éternelle inquiète ». La moindre chose l’angoisse et l’empêche de dormir, parfois elle ne sait même pas pourquoi. Ses troubles se sont amplifiés depuis qu’elle est hospitalisée. Elle me fait part de son ennui ici, en efette elle n’est pas patiente et voudrait que les journées passent plus vite. Elle ne peut plus jouer à ses jeux préférés et elle a du mal à dormir la journée à cause du bruit. Ainsi elle passe ces journées dans son fauteuil immobile à attendre que le temps passe. Elle ne parle à personne du fait de ces difficultés d’élocution. Je me demande alors comment est-il possible d’investir un lieu imprégné des souvenirs d’un proche lorsqu’on ne peut rien faire?
Un secret
Un matin, alors que je termine l’entretien, elle me dit « je suis obligée d’être secrète » et me confie avoir un secret qui la tracasse et que très peu de personnes connaissent. Elle ajoute que le moment n’est pas opportun pour l’avouer à ses enfants. Je m’inquiète de savoir s’ils sont concernés, elle répond que non. Lorsque je lui demande si cela a un lien avec ses parents, elle change de comportement et répète : « non pas du tout, du tout, du tout ». Ce qui ne me semble pas anodin mais je décide de ne pas rebondir afin de ne pas la brusquer. Bien évidemment cette annonce attise ma curiosité et, quant à l’occasion d’une autre séance, je lui en reparle à un moment propice, je me heurte à ses défenses. En effet, elle se braque: « il ne faut absolument pas en parler de ce secret ».Pour finir, on observe que Jade est aux prises d’une grande souffrance psychique liée aux conséquences importantes qu’entrainent une telle maladie et la disparition de son mari. Elle n’accepte pas cette dépendance et n’arrive pas à s’approprier le lieu d’hospitalisation comme son lieu de vie. Le grand âge de Jade fait qu’elle se remémore sa vie passée et voit la mort approcher. Ceci fait qu’elle se terre dans un silence angoissant. Elle me confie avoir un secret important qui, me semble-t-il, l’angoisse.
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Table des matières
Sommaire
Introduction
I. Présentation du dispositif de recherche
1. Présentation du cadre de la recherche
2. Une rencontre avec Jade
a. Cadre de la rencontre
b. Méthodologie utilisée
c. Choix du sujet d’étude : Une rencontre interpellante
d. Anamnèse
3. Observations sur le dispositif de recherche
4. Choix de la problématique et des hypothèses de recherche
Synthèse
II. Présentation des données cliniques de Jade
1. Une souffrance psychique
a. Une vie passée
b. Un silence voulu ou subi ?
c. L’isolement de la maladie
d. Un lieu d’hospitalisation difficile à investir
e. Un secret
2. Accumulation de pertes chez Jade
a. Un deuil impossible ?
b. Un corps ressenti comme mort
c. Double perte
3. Prégnance des figures masculines
a. Un père, un mari, un fils
b. Résurgence de la problématique œdipienne
c. Jade et ses enfants
Synthèse
III. Articulation clinico-théorique
1. Une structure névrotique hystérisée
a. Répétition de la problématique œdipienne
b. L’angoisse du manque chez Jade
2. Des pertes traumatiques
a. Le deuil des objets d’amours
b. Une relation au corps teinté d’inquiétante étrangeté
c. Le réel traumatique
3. Un état dépressif
a. Une réaction aux pertes
b. Position de régression
c. La position dépressive réactivée
Synthèse
Conclusion
Bibliographie
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