Accueil d’un enfant allergique en milieu scolaire
a. Les allergies et l’école
Les allergies diminuent la qualité de vie de l’enfant malade (absentéismes, baisse d’attention, facultés amoindries en période d’examen) et peuvent ainsi perturber les résultats scolaires (15). Elles posent de nombreuses difficultés en milieu scolaire, parfois spécifiques liées à l’allergène ou bien, du fait d’un risque grave pouvant mettre en jeu le pronostic vital (23).
b. Aspects réglementaires
Le Conseil national de l’Ordre des médecins (avis du 30 août 2000) autorise les personnels de la communauté éducative à utiliser un AIA (auto-injecteur d’adrénaline). La circulaire du 8 septembre 2003, suivie par la circulaire du 10 février 2021, stipulent de tout mettre en œuvre pour que le traitement injectable puisse être administré en attendant l’arrivée des secours (28). L’administration d’adrénaline en cas de suspicion d’une réaction allergique grave doit être immédiate si le stylo auto-injecteur est inscrit dans le projet d’accueil individualisé (PAI) de l’élève (8). Dans le cadre scolaire hors cadre d’un PAI chez un enfant allergique connu, toute personne témoin d’une réaction allergique sévère devrait pouvoir réaliser l’injection après prescription et conseil téléphoniques d’un médecin du SAMU (10).
Les infirmiers de l’éducation nationale peuvent se procurer les AIA, comme prévu dans l’arrêté du 23 décembre 2013 fixant la liste des médicaments que les pharmaciens délivrent sur commande à usage professionnel d’un infirmier (28).
En 17 septembre 2019, le directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO) a demandé l’équipement des établissements du second degré (collèges et lycées) en auto-injecteurs d’adrénaline (AIA) non nominatifs et la promotion des actions de formation (10,28,29). Dans le cadre d’une anaphylaxie inaugurale de l’allergie (et donc chez un enfant sans PAI ni trousse d’urgence), cet AIA peut être utilisé par un témoin de la réaction allergique après appel et conseil d’un médecin du SAMU (28).
c. Projet d’Accueil Individualisé (PAI)
En France, l’accueil en milieu scolaire et périscolaire des enfants et des adolescents à risque d’urgence allergique est formalisé par un projet d’accueil individualisé (PAI) (1).
Le cadre du PAI s’appuie sur la circulaire interministérielle du 8 septembre 2003 actualisée en février 2021 (8,28). D’après la circulaire interministérielle du 10 février 2021, le projet d’accueil individualisé vise à garantir un accueil et un accompagnement individualisés en structures collectives des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santé évoluant sur une longue période nécessitant des aménagements (8). Le nombre de PAI pour allergie a augmenté depuis dix ans, avec actuellement environ 50 000 PAI pour allergie par an (28). Le PAI est établi à la demande des parents, ou de l’élève s’il est majeur, par le directeur d’école ou le chef d’établissement, en concertation avec le médecin de l’éducation nationale ou le médecin de la structure d’accueil, à partir des besoins thérapeutiques précisés par le médecin (allergologue) et doit définir les adaptations à apporter à la scolarité de l’élève (23).
Le PAI pour allergie alimentaire permet d’identifier l’enfant à risque, de prévenir l’exposition aux allergènes, mettre en place des aménagements si nécessaire, mettre à disposition une trousse d’urgence avec auto-injecteur d’adrénaline si le risque est avéré, et de savoir utiliser la trousse d’urgence (28). Un protocole de soins d’urgence en cas de réaction allergique, clair et personnalisable, doit être joint lors de la rédaction du PAI afin de préciser l’usage de l’AIA et/ou d’autres médicaments compris dans la trousse d’urgence .
d. Rôle du médecin de l’éducation nationale
Les médecins de l’éducation nationale jouent un rôle clé dans l’évaluation, la validation et la mise en œuvre pratique des PAI en concertation avec de nombreux intervenants (19). D’après la circulaire interministérielle du 10 février 2021, le médecin de l’éducation nationale examine la demande pour un PAI et détermine les besoins de l’enfant en fonction des informations dont il dispose, dont celles de l’équipe éducative, et au regard des documents fournis par la famille et/ou transmis par le médecin qui suit l’enfant. S’il valide la demande, le médecin de l’éducation nationale rédige et signe le PAI en accord avec : l’enfant ou l’adolescent et son représentant légal et le directeur d’école/le chef d’établissement/le responsable de la structure collective (8). Il participe, le cas échéant, à la mise en œuvre de la conduite à tenir en cas d’urgence en apportant l’information et la formation aux équipes éducatives en termes de prévention de l’allergie, de reconnaissance des signes allergiques puis de soins d’urgences selon les demandes spécifiques des établissements et le projet individualisé défini pour chaque enfant (8,19). Une démonstration des différents stylos auto-injectables d’adrénaline factices devrait, dans l’idéal, être proposée aux différentes équipes lors de la mise en place d’un PAI et plusieurs fois dans l’année scolaire (19).
La démographie médicale étant en tension, notamment dans la santé scolaire avec une inégalité de répartition territoriale des médecins, en particulier dans le Nord Cotentin, l’accompagnement dans la mise en place d’un PAI ne peut pas s’accompagner d’une réunion de présentation avec la manipulation d’un stylo auto-injecteur pour toutes les nouvelles situations.
Connaissances des enseignants sur le sujet des allergies
a. Niveau de formation
La sensibilisation et la formation des différents personnels en milieu scolaire autour de l’allergie alimentaire et de l’anaphylaxie (reconnaissance des signes, traitement de l’urgence…) sont insuffisantes (28,30). Dans l’étude sortie en 2015 portant sur l’expérience des médecins de l’éducation nationale sur les PAI pour allergie, Pouessel décrit que trois quarts des médecins interrogés (52 médecins titulaires au total) estiment que le personnel éducatif ou de restauration n’est pas suffisamment formé à l’allergie (19). Les enseignants ne se sentent eux-mêmes pas suffisamment formés et soulignent souvent le manque de formation au sujet des allergies et de l’anaphylaxie dans leur cursus et au sein des établissements (33,34). Dans une thèse réalisée entre 2017 et 2018, dans le département du Doubs, Aude Moesch a questionné 592 professeurs des écoles sur l’accueil en milieu scolaire des enfants allergiques alimentaires (33). Trois quarts (76.9%) des enseignants ont exprimé leur désir de recevoir une information plus complète sur l’AA de l’enfant, avec un souhait d’information sur la reconnaissance des signes cliniques d’allergie (64.2%), le diagnostic et les traitements de l’allergie (42.4%), le PAI et la trousse d’urgence (42.6%). Le moyen de formation le plus demandé était celui de la formation professionnelle (62.7%), les dépliants et flyers (22.5%), le e learning (13.3%) et l’intervention de professionnels à l’école (0.5%).
b. Manque de savoir-faire en cas d’urgence
Le personnel scolaire n’est pas toujours formé aux premiers secours .
L’adrénaline reste sous-utilisée dans les cas d’anaphylaxie en milieu scolaire (28,30). Dans l’enquête française, portant sur 105 cas d’anaphylaxie survenue en milieu scolaire, seule la moitié des enfants avec un AIA disponible dans l’école (6/12) ont effectivement reçu de l’adrénaline par le personnel de l’école avant l’arrivée des secours, essentiellement par une sous-estimation de la gravité des signes cliniques. Au total, seulement 15% d’enfants (16/105) présentant des signes évocateurs d’anaphylaxie, ont reçu un traitement par adrénaline par voie IM (personnel de l’école ou pompiers) (30). Dans l’étude réalisée en 2021 par Efthymiou (12), le personnel de l’école a reçu une formation sur les allergies et était prêt à gérer une réaction allergique seulement dans 2/11 d’écoles.
c. Evaluation des connaissances
Plusieurs études retrouvent des connaissances insuffisantes chez les enseignants confrontés à l’accueil d’un enfant allergique en milieu scolaire (33,34). Dans son travail courant l’année scolaire 2017-2018, Moesch a comparé les connaissances des enseignants du premier degré du département du Doubs en matière de gestion d’une situation d’urgence en allergie alimentaire (Tableau 3). Le groupe A a été composé des enseignants ayant déjà été confrontés aux enfants allergiques alimentaires et le groupe B de ceux qui n’ont jamais été confrontés aux enfants allergiques alimentaires. On constate que seulement 55.2% des enseignants reconnaissaient plus de cinq symptômes d’allergie sur sept proposés. L’adrénaline, médicament d’urgence, était connue par seulement 29.7% des enseignants avec une différence significative entre les deux groupes (34.1% des confrontés versus 14.5% des non confrontés, p<0.001). Près de 10% de tous les enseignants adopteraient une attitude inadéquate (appeler les pompiers ou les parents de l’enfant) qui pourrait traduire une méconnaissance du risque létal de l’anaphylaxie .
Dans l’étude menée par une équipe de l’Istanbul (Ecran, Ozen), 237 enseignants des écoles élémentaires ont été questionnés sur leurs connaissances et attitudes concernant l’anaphylaxie (34). La plupart de répondants (93.7%) ne savaient pas quel médicament utiliser dans le cas d’une réaction allergique grave. Seulement 10% d’eux ont déjà entendu parler des auto-injecteurs d’adrénaline et seulement 4% connaissaient les modalités d’emploi d’un AIA .
|
Table des matières
Introduction
1. Aspects médicaux
a. Définitions : allergie, anaphylaxie
b. Epidémiologie
c. Emergence des nouvelles pathologies
d. Traitement de l’anaphylaxie
2. Accueil d’un enfant allergique en milieu scolaire
a. Les allergies et l’école
b. Aspects réglementaires
c. Projet d’Accueil Individualisé (PAI)
d. Rôle du médecin de l’éducation nationale
3. Connaissances des enseignants sur le sujet des allergies
a. Niveau de formation
b. Manque de savoir-faire en cas d’urgence
c. Evaluation des connaissances
d. Impact d’une formation complémentaire sur les connaissances des enseignants
e. Outil de formation pour les enseignants
4. Objectifs de l’étude
Matériel et méthode
1. Recherche bibliographique et construction du questionnaire
2. Population de l’étude
3. Réalisation de l’étude
4. Questionnaire
a. Caractéristiques démographiques des enseignants
b. Expérience et ressentis en lien avec la gestion des allergies
c. Evaluation des connaissances
d. Mode de formation des enseignants
e. Evaluation du questionnaire avant l’envoi
5. Vidéo
6. Analyse statistique
Résultats
1. Diagramme de flux de l’étude
2. Caractéristiques des répondants
3. Expériences des enseignants en lien avec l’accueil d’un enfant allergique dans l’établissement scolaire
4. Evaluation des connaissances
5. Niveau de compétences des enseignants avant et après la vidéo
a. Capacité de reconnaitre les signes d’une réaction allergique grave
b. Capacité de réaliser une injection d’adrénaline en cas d’urgence
c. Connaissance des modalités d’administration d’adrénaline
6. Lien entre le mode de formation et les connaissances des enseignants avant la vidéo
a. Capacité de reconnaitre les signes d’une réaction allergique grave
b. Capacité de réaliser une injection d’adrénaline en cas d’urgence
c. Connaissance des modalités d’administration d’adrénaline
7. Lien entre le mode de formation avant la vidéo et le niveau de confiance en soi des enseignants
a. Capacité de reconnaitre les signes d’une réaction allergique grave
b. Capacité de réaliser une injection d’adrénaline en cas d’urgence
c. Connaissance des modalités d’administration d’adrénaline
8. Niveau de confiance en soi des enseignants par rapport aux facteurs démographiques et la présence d’un enfant allergique dans la classe
9. Corrélation entre la confiance en soi, les connaissances théoriques des enseignants avant la vidéo et les facteurs démographiques
a. Capacité de reconnaitre les signes d’une réaction allergique grave
b. Capacité de réaliser une injection d’adrénaline en cas d’urgence
c. Connaissance des modalités d’administration d’adrénaline
10. Lien entre le niveau de confiance en soi et le score aux deux questionnaires
a. Evolution du score et de la capacité de reconnaître les signes d’une réaction allergique grave
b. Evolution du score et de la capacité de réaliser une injection d’adrénaline en cas d’urgence
c. Evolution du score et de la connaissance des modalités d’administration d’adrénaline
Discussion
1. Résultats principaux
2. Résultats et littérature
a. Les enseignants se sentent mal formés
b. Connaissance des conduites à tenir en cas d’urgence
c. Connaissance du traitement d’urgence
d. Effet positif d’une formation complémentaire
e. L’impact des parents
3. Qualités et limites de ce travail
a. Qualités
b. Limites
4. Perspectives
Conclusion
Bibliographie
Annexes