Décision du mode d’accouchement
La discussion et la décision du mode d’accouchement en cas d’utérus cicatriciel ne se règle pas en fin de grossesse mais dès la première consultation. Lors de cette première consultation, l’obstétricien peut déjà recueillir les informations lui permettant de prendre la meilleure décision concernant le mode d’accouchement [26]. Mais cette décision reposeraaussi bien sur les arguments médicaux du praticien que sur les arguments personnels de la patiente. Afin d’orienter le choix de la parturiente, le praticien doit mettre en balance les bénéfices et les risques de la césarienne prophylactique et ceux de l’épreuve utérine. [1]. Certains éléments vont permettre au praticien de proposer à la patiente le mode d’accouchement le plus sûr dans son cas personnel. Certains orientent d’emblée vers une épreuve utérine. D’autres imposent une césarienne prophylactique.
Bénéfices et risques des deux voies d’accouchement
Sur le plan maternel La mortalité maternelle demeurerait un évènement très rare quel que soit le mode d’accouchement en cas d’utérus cicatriciel. Mais elle serait moindre en cas de tentative de voie basse [27]. Par rapport à une césarienne programmée sur utérus cicatriciel, l’épreuve utérine serait associée à une majoration du risque de rupture utérine, d’hémorragie de la délivrance, de transfusion sanguine, d’endométrite et de fièvre du postpartum [3] (Figure 3). A long terme, les césariennes à répétition seraient associées à (Figure 3) [3]:
– une morbidité chronique : douleurs chroniques, adhérences
– un retentissement mal évalué sur la fertilité ultérieure
– des pathologies engageant le pronostic vital : grossesse ectopique sur
cicatrice de césarienne, placenta prævia et accreta.
Sur le plan néo-natal Globalement, les complications néonatales seraient rares quel que soit le mode d’accouchement en cas d’utérus cicatriciel [27]. A court terme, les deux modes d’accouchements entraineraient à peu près les mêmes complications (Figure 4) : mortalité périnatale, acidose néonatale [3], sepsis néo-natal [28], mais à des degrés plus supérieurs pour l’épreuve utérine [3, 27]. Cependant, la césarienne serait responsable de plus de morbidité respiratoire [3, 27]. A long terme, on assisterait à un risque d’encéphalopathie anoxo ischémique accru et d’invalidité neurologique permanente du membre supérieur plus important si le mode d’accouchement est l’épreuve utérine. Et d’un autre côté, on a un risque d’asthme et d’allergies augmenté après césarienne itérative (Figure 4) [3].
PREVALENCE DE L’UTERUS CICATRICIEL
La césarienne aurait été autrefois considérée comme un geste d’urgence au cours d’un accouchement. Mais actuellement, elle serait presque devenue une pratique quotidienne de sécurité pour l’obstétricien [40]. Ceci serait dû au progrès de la médecine et des techniques opératoires chirurgicales au cours de la césarienne, donnant une image de celle-ci sécurisante et à moindre risque pour la mère, le nouveau-né et pour le personnel médical [41]. Cela augmenterait pourtant le taux de césarienne, confrontant ainsi l’obstétricien à plus en plus d’utérus cicatriciel. Sur la période de 12 mois que couvre notre étude, nous avons recensé 238 accouchements sur utérus cicatriciel sur un total de 2344 accouchements. Notre prévalence de l’utérus cicatriciel est donc de 10,15%. Un taux qui se retrouve parmi les plus élevés comparé à ceux des études effectués sur l’utérus cicatriciel, variant de 0,96 % à 24% (Tableau XIV). Ce chiffre a doublé en l’espace de 10 ans puisque une étude antérieure effectuée au même centre a retrouvé un taux d’utérus cicatriciel de 6,7% [42]. Des taux beaucoup plus faibleont été retrouvésdans les autres grands centres de santé de la Capitale. A Befelatanana, l’accouchement sur utérus cicatriciel a représenté 6,5% de tous les accouchements [43]. Tandis qu’au CENHOSOA, l’utérus cicatriciel n’a concerné que 0,97% des accouchements [44], 10 fois inférieur à nos chiffres. Parmi les études africaines, notre taux est encore plus élevé. Au Mali, la prévalence de l’utérus cicatriciel est de 5,9 % [45]. Et au Sénégal, ce taux est de 7,5% [46]. L’une des études ayant trouvé un pourcentage comparable au notre a été effectué en France, avec une prévalence de l’utérus cicatriciel de 11% [13]. Et les études ayant des taux d’utérus cicatriciel plus élevés que le nôtre ont été effectuées aux Etats Unis et en France (une autre étude), avec respectivement 13 % [47] et 24 % [48] d’utérus cicatriciel (Tableau XIV). La césarienne étant la principale cause de l’utérus cicatriciel, une prévalence d’utérus cicatriciel élevée serait liée à un taux de césarienne élevé. En matière d’accouchement, on pourrait supposer que le Pavillon Sainte Fleur pratiquerait plus la césarienne, sans doute parce qu’il considérerait la césarienne plus comme un geste de sécurité, tout comme dans les pays développés. D’où la prévalence de l’utérus cicatriciel élevée rejoignant les chiffres françaises et américaines. Mais cette prévalence élevée pourrait aussi être liée à l’émergence d’une toute nouvelle indication de césarienne. Il s’agit de la césarienne par convenance personnelle. Son pourcentage (2,86%) a un retentissement non négligeable sur le taux global de césarienne du centre [9]. Ce taux de césarienne a atteint 39%, [9] et a dépassé largement le taux de césarienne considéré raisonnable par l’OMS qui est de 15% [49]. Cette prévalence élevée de l’utérus cicatriciel au Pavillon Sainte Fleur devrait être diminuée. Réduire le taux de césarienne pratiquée chez les primipares ou de la première césarienne semble être le meilleur moyen. L’obstétricien au Pavillon Sainte Fleur devrait ainsi revoir les indications de la césarienne et être plus enclin à privilégier l’accouchement par les voies naturelles pour une primipare. Les counseling des parturientes lors des consultations prénatales concernant le mode d’accouchement devraient aussi être renforcées, où il faudrait insister sur les bénéfices et risques de la césarienne et de la voie basse pour chaque cas obstétrical.
Intervalle inter-génésique
Dans notre étude, 5,88% des parturientes avaient un délai inter génésique court (<18mois) soit 15 parturientes. Elles ont toutes été césarisées, soit 7,61% de l’ensemble des césarisées (Tableau VIII). Nous n’avons recensé aucun cas de rupture utérine sur ces femmes. Une étude de la cicatrice utérine à l’IRM a montré [66] qu’au moins six mois seraient nécessaires pour la reconstitution anatomique de la zone utérine incisée.Un délai inter génésique de deux ans ou de 24 mois serait donc recommandé pour la femme porteuse d’utérus cicatriciel [60, 67-69], sans toutefois être un critère suffisant pour contre indiquer une épreuve utérine. Un délai inter génésique inférieur à 18 mois augmenterait le risque de rupture utérine [70] et engendrerait aussi une hypotrophie, un accouchement prématuré, une rupture prématurée des membranes et un placenta accreta [71]. L’espacement de naissance est donc à promouvoir. Ceci se fera lors des contrôles après césarienne, où il faudrait insister sur le risque des grossesses trop rapprochées en cas d’utérus cicatriciel. Il faudrait conseiller aux parturientes qu’il vaudrait mieux attendre 9 mois avant de mettre en route la grossesse suivante après une césarienne [12]. Le délai inter génésique de 18 mois est ainsi respecté et la parturiente sera moins exposée au risque de rupture utérine.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I.1. RAPPELS SUR LA CICATRICE UTERINE
I.1.1. Définition
I.1.2. Epidémiologie
I.1.3. Etude de la cicatrice
I.1.3.1. Etude histologique
I.1.3.2. Etude clinique et paraclinique
I.1.3.2.1. Toucher vaginal
I.1.3.2.2. Echographie
I.1.3.2.3. Hystéroscopie
I.1.3.2.4. Hystérographie
I.1.4. Etiologie
I.1.4.1.Cicatrices d’origine obstétricale
I.1.4.1.1. Cicatrice de césarienne
I.1.4.1.2.Cicatrice de rupture utérine antérieure
I.1.4.1.3. Cicatrice par perforation utérine
I.1.4.2. Cicatrices d’origine gynécologique
I.1.4.2.1.Cicatrice de myomectomie
I.1.4.2.2.Cicatrice d’hysteroplastie
I.1.4.2.3.Cicatrice de réimplantation tubaire et de salpingectomie
I.1.5. Risques liés à la cicatrice utérine
I.1.5.1. En dehors de la grossesse
I.1.5.2. Au cours de la grossesse
I.1.5.2.1. Grossesse sur cicatrice
I.1.5.2.2. Mort fœtal in utero
I.1.5.2.3. Anomalie d’insertion placentaire
I.1.5.2.3.1. Placenta prævia
I.1.5.2.3.2. Placenta accreta
I.1.5.3. Au cours de l’accouchement
I.1.5.3.1. Rupture utérine
I.1.5.3.2. Hystérectomie peripartum
I.2. ACCOUCHEMENT ET UTERUS CICATRICIEL
I.2.1. Décision du mode d’accouchement
I.2.1.1. Bénéfices et risques des deux voies d’accouchements
I.2.1.1.1. Sur le plan maternel
I.2.1.1.2. Sur le plan néo-natal
I.2.1.2. Eléments à recueillir pour décider de la voie d’accouchement
I.2.2. Césarienne prophylactique
I.2.2.1. Indications
I.2.2.2. Date de la césarienne prophylactique
I.2.2.3. Technique d’incision
I.2.3. Epreuve utérine
I.2.3.1. Conditions de réalisation
I.2.3.2. Déclenchement et utérus cicatriciel
I.2.3.3. Conduite et surveillance du travail
I.2.3.3.1. Analgésie péridurale
I.2.3.3.2. Eléments de surveillance
I.2.3.3.2.1. Monitorage maternel et fœtal
I.2.3.3.2.2.Surveillance de la dilatation cervicale
I.2.3.3.2.3.Surveillance des signes de pré-rupture
I.2.3.3.3. Phase d’expulsion
I.2.3.3.4. Délivrance
I.2.3.3.5. Révision utérine
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
II.1. PATIENTE ET METHODE
II.1.1. Cadre d’étude
II.1.2. Type, lieu et période d’étude
II.1.3. Population d’étude
II.1.3.1. Critères d’inclusion
II.1.3.2. Critères de non inclusion
II.1.3.3. Critères d’exclusion
II.1.4. Données de l’étude
II.1.4.1. Collecte des données
II.1.4.2. Variables étudiées
II.1.4.3. Analyse des données
II.1.5. Limites de l’étude
II.1.6. Considérations éthiques
II.2. RESULTATS
II.2.1. Prévalence de l’utérus cicatriciel
II.2.2. Profil sociodémographique
II.2.2.1. Age maternel
II.2.2.2. Situation matrimoniale
II.2.2.3. Profession
II.2.3. Antécédents gynéco-obstétriques
II.2.3.1. Parité
II.2.3.2. Intervalle inter génésique
II.2.3.3. Antécédent d’accouchement par voie basse
II.2.3.4. Césarienne antérieure
II.2.3.4.1. Indications
II.2.3.4.1.1. Indications permanentes
II.2.3.4.1.2. Indications accidentelles
II.2.3.4.2. Type d’incision
II.2.3.4.3. Suites post-césariennes
II.2.4. Données recueillies à l’admission
II.2.4.1. Pathologie gravidique
II.2.4.2. Hauteur utérine
II.2.4.3. Présentation fœtale
II.2.4.4. Type de bassin
II.2.4.5. Dilatation du col
II.2.4.6. Résultats de l’ERCF
II.2.5. Mode d’accouchement
II.2.5.1. Accouchement par césarienne
II.2.5.1.1. Césarienne en urgence
II.2.5.1.2. Césarienne prophylactique
II.2.5.1.3. Césarienne après échec de l’épreuve utérine
II.2.5.2. Accouchement par voie basse
II.2.5.2.1. Médications reçues au cours du travail
II.2.5.2.2. Expulsion
II.2.5.2.3. Délivrance et révision utérine
II.2.5.2.3.1.Type de délivrance
II.2.5.2.3.2. Hémorragie de la délivrance
II.2.5.2.3.3. Révision utérine
II.2.6. Pronostic materno-fœtal
II.2.6.1. Pronostic maternel
II.2.6.2. Pronostic fœtal
II.2.6.2.1. Terme de naissance
II.2.6.2.2. Poids de naissance
II.2.6.2.3. Indice d’Apgar à M1
II.2.6.2.4. Morbidité et mortalité néonatale
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
III.1.PREVALENCE DE L’UTERUS CICATRICIEL
III.2. PROFIL SOCIO-DEMOGRAPHIQUE
III.2.1. Race et ethnie
III.2.2. Age maternel
III.2.3. Situation matrimoniale
III.2.4. Niveau d’éducation
III.3. ANTECEDENTS GYNECO-OBSTETRIQUES
III.3.1. Parité
III.3.2. Intervalle inter génésique
III.3.3. Antécédents de voie basse
III.3.4. Césarienne antérieure
III.3.4.1. Indication de la césarienne antérieure
III.3.4.2. Type d’incision
III.3.4.3. Suites post-césariennes
III.4. MODE D’ACCOUCHEMENT
III.4.1. Accouchement par césarienne
III.4.1.1. Taux de césarienne sur utérus cicatriciel
III.4.1.2. Indication de la césarienne sur utérus cicatriciel
III.4.2. Epreuve utérine
III.4.2.1. Mode d’entrée en travail
III.4.2.2. Utilisation d’ocytocine au cours du travail
III.4.2.3. Analgésie péridurale
III.4.2.4. Expulsion
III.4.2.5. Délivrance et révision utérine
III.5. PRONOSTIC MATERNO-FŒTAL
III.5.1. Pronostic maternel
III.5.2. Pronosticfœtal
III.5.2.1. Terme de naissance
III.5.2.2. Poids de naissance
III.5.2.3. Indice d’Apgar à 1 minute
III.5.2.4. Morbidité néo-natale
III.5.2.5. Mortalité neo-natale
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet