Accouchement sur utérus cicatriciel

La conduite à tenir devant un utérus cicatriciel est l’un des sujets les plus débattus de l’Obstétrique moderne, du fait de la croissance considérable des taux d’accouchement par césarienne [2, 21, 38]. Les progrès réalisés ces 2 dernières décennies dans la prise en charge des accouchements sur utérus cicatriciels en rapport avec une meilleure direction du travail, et la généralisation des césariennes segmentaires ont rendu possible l’accouchement par voie basse chez ces patientes [2]. Cependant, la crainte de rupture utérine et l’absence d’attitude unanime face aux cicatrices utérines ont conduit à la diminution récente des taux d’épreuve utérine et par conséquent de celui des accouchements par voie basse [6, 14, 16]. L’aphorisme de Cragnin, datant de 1916 « césarienne une fois, césarienne toujours » a été certes remis en cause depuis longtemps, mais la césarienne itérative de principe pour utérus cicatriciel reste encore fréquente, surtout aux Etats Unis [14]. L’évolution de l’Obstétrique a permis d’aboutir à une conduite actuellement beaucoup plus nuancée: l’accouchement par les voies naturelles après une césarienne peut être proposé sans toutefois mettre en jeu le pronostic de la mère ou du fœtus [25]. Toutes les études s’accordent actuellement pour reconnaître les bénéfices de l’épreuve utérine chez ces patientes ayant un utérus cicatriciel en termes de mortalité, morbidité et d’économie de santé. Mais la nécessité d’une surveillance électronique, cardiotocographique au cours du travail a pendant longtemps limité l’utilisation de cette épreuve utérine dans la pratique obstétricale africaine.

Définition

L’utérus cicatriciel est un utérus portant en un endroit quelconque du corps ou de l’isthme, une ou plusieurs cicatrices myométriales. Cette définition donnée par Papiernick [46] exclut : les cicatrices purement séreuses de myomectomie pour myomes sous séreux (types 5 et 6 de la Fédération Internationale de Gynécologie et d’Obstétrique), les cicatrices après une cure de malformations ou de synéchie, les cicatrices de résections de polypes sans effraction du myomètre.

Epidémiologie

Dans les pays à haut niveau de développement sanitaire

La cause essentielle de la cicatrice utérine est l’antécédent de césarienne. En France, le taux de césarienne était de 15,5 % et 20,8 % de 1995 à 2010. Parallèlement, la prévalence de l’utérus cicatriciel a augmenté de 8 % à 11 % des parturientes, durant cette même période [17, 21]. Ces taux avoisinent ceux de l’étude de d’Ercole en 2010 qui évaluait la prévalence de l’utérus cicatriciel à 11% de l’ensemble des parturientes et 19% des multipares en 2010 [19]. L’utérus cicatriciel constitue, dans les pays développés, le principal facteur de risque de rupture utérine dont l’incidence globale est estimée entre 0,1 et 0,5%. Cet antécédent constitue un facteur de risque de complications obstétricales lors des grossesses ultérieures, de façon croissante avec le nombre de cicatrices [21]. Le choix de départ se fait entre deux options : tentative d’accouchement par la voie basse ou épreuve utérine et la césarienne programmée. Cette épreuve utérine a connu un essor important au début des années 80 et remettant ainsi en cause l’aphorisme de Cragnin. Plusieurs études ont montré le bénéfice de l’épreuve utérine en terme de réduction de la mortalité et morbidité maternofœtale et l’économie de santé dans le monde .

Dans les pays à faible niveau de développement sanitaire 

La prévalence observée, au fil des années, avoisine celle des pays développés. A Casablanca au Maroc, elle était de 4,3% en 1994 [25] et est passée à 6,3 % voire 6,8% entre 1998 et 2000 selon Abbassi, Aboulafalah [1, 2]. En Afrique noire, Tidjani l’estimait à 8,45% au Niger en 1998 [55] , contre 5,92% au Burkina selon Dembélé [20]. A Dakar, Cissé avait constaté une évolution rapide du taux de césariennes qui a été multiplié par 2 entre 1992 et 2001[15]. La morbidité maternelle était évaluée à 10% et le pronostic néonatal était également médiocre avec une mortalité néonatale à 14% [13]. A Lomé au Togo, Baéta avait retrouvé 41,5% de césariennes prophylactiques et 58,9% d’épreuves utérines aboutissant à 62,6% d’ accouchements par voie basse et 37,4% d’échecs de cette épreuve [22]. Il faut préciser qu’il s’agissait principalement de données hospitalières, d’où ces taux élevés. Malgré les progrès réalisés dans la prise en charge des accouchements sur utérus cicatriciels, grâce notamment à une meilleure surveillance du travail et les excellents résultats obtenus lors des épreuves utérines, le taux de césarienne itérative reste élevé, aux alentours de 30% et participe à l’augmentation du taux global de césarienne et par conséquent de l’augmentation de la morbidité maternelle [1]. Toutefois, la non disponibilité de la surveillance électronique du travail par, la cardiotocographie limite l’utilisation de l’épreuve utérine dans la pratique obstétricale africaine [14]. Là aussi, il est important de noter la part des indications obligatoires et permanentes de césariennes. Et rapportés à la population générale, ces taux finalement restent insuffisants selon les recommandations de l’OMS (5 et 15%) .

Etiologies des cicatrices utérines 

Les étiologies obstétricales

Ce sont les étiologies les plus fréquentes et elles peuvent être secondaires à une césarienne, à une rupture utérine spontanée ou à une perforation lors d’un curetage. Les cicatrices de la césarienne peuvent être de plusieurs types :
– les cicatrices segmentaires : ce sont les plus fréquentes, surtout dans leur forme transversale;
– les cicatrices corporéales longitudinales : elles rendent l’utérus fragile et contre-indiquent l’épreuve utérine;
– les cicatrices mixtes en forme de T inversé ; c’est-à-dire transversales segmentaires et verticales corporéales .

Les étiologies gynécologiques 

Elles concernent :
– les myomectomies pour les myomes partiellement ou totalement intramuraux.
– les perforations utérines des explorations intra-utérines ;
– les résections de la portion interstitielle de la trompe dans les salpingectomies pour les grossesses extra utérines ;
– les réimplantations tubo-utérines dans les indications de stérilité tubaire, exceptionnelles depuis les techniques éprouvées de la fécondation in vitro.

Grossesse et accouchement sur utérus cicatriciel 

Evaluation du risque de rupture utérine 

Qualité de la cicatrice

❖ les cicatrices gynécologiques
La rupture utérine après myomectomie réalisée par laparotomie est un évènement rare. Quelques cas ont été rapportés dans la littérature, il n’a pas été rapporté de cas décrits dans les grandes séries publiées [17]. Selon Dubuisson, la rupture utérine après une myomectomie est estimé à 1% [47]. Le risque après une myomectomie hystéroscopique est également mal évalué et seuls quelques cas ont été rapportés [18]. Les cicatrices gynécologiques (myomectomie, hystéroplastie) bien que corporéales sont pratiquées en dehors de la grossesse et peuvent être considérées, de qualité suffisante pour autoriser une épreuve du travail [11, 22].
❖ les cicatrices obstétricales
Les cicatrices de césariennes corporéales ainsi que les cicatrices segmentocorporéales entraînent un risque important de rupture utérine, avec un taux qui varie de 6 à 33% selon Abbassi [1, 12]. Une césarienne itérative doit donc être réalisée dans cette situation. La solidité de ce type de cicatrice n’est pas encore évaluée. Une hystérotomie segmentaire verticale est habituellement solide et ne constitue pas une contre-indication à un accouchement par voie basse.

Age maternel et Parité 

Shipp [42, 49], dans son étude sur le risque de rupture utérine en fonction de l’âge maternel, a montré que le taux de cet accident était de 1,4 % pour les femmes âgées de 30 ans ou plus, alors qu’il n’était que de 0,5 % pour celle de moins de 30 ans. D’après cette étude, un âge supérieur à 30 ans multiplierait le risque de rupture utérine par un facteur de 3.

Cependant, l’âge de la parturiente ne semble pas être à lui seul un facteur influant sur la qualité de la cicatrice [25]. L’association grande multiparité et utérus cicatriciel entraîne théoriquement un surcroît de risque vis-à-vis d’une rupture utérine, il s’agit pour la plupart des auteurs d’une indication à césarienne itérative[26]. Dans une étude concernant 45 épreuves utérines chez des grandes multipares porteuses d’utérus cicatriciel, 27 parturientes (60%) avaient accouché par voie basse avec cependant 2 cas de ruptures utérines (4,4%) et 2 déhiscences de la cicatrice .

Intervalle inter-génésique
Un espace inter-génésique inférieur à 2 ans n’est pas une contre-indication à l’épreuve utérine[22]. Shipp avait montré que les femmes dont l’intervalle intergrossesse était inférieur ou égal à 18 mois avaient un risque de rupture utérine multiplié par 3 [42]. Et pour Cissé, une cicatrice datant de moins de 1 an constituait une indication de césarienne prophylactique  .

Antécédent d’accouchement par voie basse 

L’antécédent d’accouchement par voie basse, en particulier s’il est survenu après une césarienne, est corrélé à la réussite de l’épreuve utérine par rapport à celles n’ayant jamais accouché par voie basse [32]. Pour Magnin [38], c’est l’un des facteurs de pronostic le plus fortement corrélé à la réussite de l’épreuve utérine. Zelop a constaté un risque 5 fois moins élevé de rupture utérine parmi les femmes ayant un antécédent d’accouchement par voie basse .

Nombre de cicatrice
Dans les années 80, on considérait la présence de plusieurs cicatrices utérines comme une contre-indication à l’épreuve utérine, mais de nos jours, la faible morbidité constatée lors des épreuves utérines sur utérus cicatriciel a permis de réduire ces contre-indications. Certains auteurs avaient même autorisé l’épreuve utérine chez des parturientes ayant un utérus multicicatriciel .

Cependant, il est connu que les femmes ayant un antécédent de deux césariennes ont un risque de rupture utérine lors d’une épreuve du travail 3 à 5 fois plus élevé que celles ayant un seul antécédent de césarienne .

Radiopelvimétrie/ scannopelvimétrie 

Il est de règle de pratiquer une scannopelvimétrie lorsque l’indication de la première césarienne ne persiste pas, soit au décours immédiat de cette dernière, soit plus tardivement lors de la grossesse suivante. Il est pratiqué afin d’évaluer les mensurations du bassin. Selon les critères évalués par Magnin, cet examen joue un rôle très important dans la décision du mode d’accouchement lors de la grossesse suivante [38]. Ainsi, devant un bassin généralement rétréci, une césarienne prophylactique est réalisée systématiquement. Devant un bassin aux dimensions limite (indice de Magnin compris entre 21cm et 23cm, diamètre transverse médian ≤ 12,5cm ou promonto-rétro pubien < 11cm), la décision dépendra essentiellement des données de la confrontation céphalo-pelvienne évaluée à l’aide de son diagramme (figure1) fondé sur le croisement des données de la scannopelvimétrie avec la valeur échographique du diamètre bipariétal du fœtus en présentation céphalique en fin de grossesse [29, 46]. Le diagramme est divisé en trois zones :
– zone d’eutocie, propice à l’accouchement par voie basse
– zone d’incertitude, où une indication de l’épreuve du travail est proposée et
– zone de dystocie, ou l’accouchement par voie basse n’est pas possible et la césarienne prophylactique sera de mise.

L’indice de Mangin porté en ordonnée est égal à la somme des diamètres transverse médian et promonto-retro-pubien, et le bipariétal est en abscisse.

Echographie obstétricale 

Elle est réalisée en fin de grossesse (entre 36 et 38 SA) et a pour but l’exploration du segment inférieur. On distingue 4 degrés échographiques :
– degré 1: la cicatrice non visible, c’est le cas le plus fréquent;
– degré 2: l’amincissement localisé, qui n’est de mauvais pronostic qu’en cas de minceur extrême;
– degré 3: le bourrelet cicatriciel, faisant saillie dans le liquide amniotique d’une part, et soulevant le détrusor d’autre part;
– degré 4 : la déhiscence cicatricielle totale, rare.

Cette exploration est non invasive mais présente deux inconvénients majeurs car il existe une grande variabilité dans l’interprétation de l’image et une mauvaise valeur prédictive positive sur le risque de rupture utérine. Pour ces raisons, l’échographie n’apparait pas comme un élément fiable pour le choix du mode d’accouchement mais constitue plutôt une incitation supplémentaire à la prudence .

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1. Définition
2. Epidémiologie
2.1 Dans les pays à haut niveau de développement sanitaire
2.2. Dans les pays à faible niveau de développement sanitaire
3. Etiologies des cicatrices utérines
3.1. Les étiologies obstétricales
3.2. Les étiologies gynécologiques
4. Grossesse et accouchement sur utérus cicatriciel
4.1. Evaluation du risque de rupture utérine
4.1.1. Qualité de la cicatrice
4.1.2. Age maternel et Parité
4.1.3. Intervalle inter-génésique
4.1.4. Antécédent d’accouchement par voie basse
4.1.5. Nombre de cicatrice
4.1.6. Radiopelvimétrie/ scannopelvimétrie
4.1.7. Echographie obstétricale
4.1.8. Corpulence maternelle
4.2. Evaluation de la possibilité d’accouchement par voie basse
4.2.1. Indication de la première césarienne
4.2.2. La durée du travail avant la césarienne antérieure
4.2.3. Technique et suites opératoires de la première césarienne
4.2.4. Les éléments relatifs à la grossesse en cours
4.3. Conduite d’un accouchement sur utérus cicatriciel
4.3.1. Césarienne programmée
4.3.2. Tentative d’accouchement par voie basse
4.4. Pronostic
4.4.1. Morbi-mortalité maternelle
4.4.2. Morbi-mortinatalité Périnatale
DEUXIÈME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. OBJECTIFS
2. CADRE DE L’ETUDE
2.1. Site de l’étude
2.2. Description du Centre de Santé Philippe Maguilen Senghor
2.2.1. Locaux
2.2.2. Ressources humaines
2.2.3. Activités
3. Méthodologie
3.1. Type et période d’étude
3.2. Population d’étude
3.3. Critères d’inclusion
3.4. Collecte des données
3.5. Variables étudiées
3.6. Saisie et analyse des données
4. RESULTATS
4.1. Résultats descriptifs
4.1.1. Données épidémiologiques
4.1.2. Données cliniques
4.1.3. Pronostic fœtal
4.2. Résultats analytiques
4.2.1. Aspects épidémiologiques
4.2.2. Aspects cliniques
4.2.3. Pronostic
5. DISCUSSION
5.1. Epidémiologie
5.2. Profil des patientes
5.2.1. Age
5.2.2. Parité
5.2.3. Antécédents d’accouchement par voie basse
5.2.4. Nombre de cicatrice
5.2.5. Suites opératoires de la césarienne antérieure
5.2.6. Intervalle inter-génésique
5.2.7. Surveillance médicale de la grossesse
5.2.8. Terme de la grossesse
5.2.9. Mode d’accouchement
5.2.10. Indications de la césarienne d’emblée
5.3. Pronostic
5.3.1. Maternel
5.3.2. Fœtal
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES

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