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Dimension psychogène de la douleur
La douleur obstétricale que le corps médical traite maintenant comme une maladie, est considérée comme exclusivement physique. Seule la douleur physiologique liée à l’intensité des contractions est prise en compte. […] Pourtant, le corps et le psychisme sont difficilement dissociables, tout particulièrement à l’heure de devenir mère. [M.-R. Bernard][21]
Dès 1976, l’Association Internationale pour l’Etude de la Douleur donne une nouvelle définition à la douleur, qui prend en compte, au-delà de la sensation, la composante émotionnelle de celle-ci. «La neurophysiologie tient le facteur psychique pour l’une des causes principales de l’émotion douloureuse. Des facteurs psychologiques et cognitifs sont donc partie ou contribuent à l’expérience de la douleur.»[21] Ainsi, la douleur est définie comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou encore décrite dans des termes évoquant une telle lésion ».
La douleur résulte donc d’une double perception. La perception externe, ou composante sensori-discriminative, permet de capter et de décrire la sensation douloureuse. La perception interne est liée au bouleversement psychique qui s’ensuit et fait de la douleur une expérience toujours individuelle, déterminée par nos expériences antérieures[9]. Ainsi, la composante affectivo-émotionnelle de la douleur lui confère sa tonalité désagréable tandis que la composante cognitive désigne l’ensemble des processus mentaux susceptibles d’agir sur la discrimination sensorielle et l’affect, comme l’interprétation, le raisonnement ou la mémorisation[50]. En effet, les références au passé interviennent, en lien avec l’interprétation ou la représentation que cette personne a de la douleur.
Nous ne ferons que mentionner l’existence de la composante comportementale de la douleur, qui englobe l’ensemble observable des manifestations verbales et non verbales chez la personne qui souffre, qui permet à l’individu d’objectiver l’évènement traumatique.
La douleur a aussi une composante culturelle. Le rapport à la douleur a notamment connu un bouleversement dans les sociétés occidentales. Nous sommes ainsi entrés dans une ère antidoloriste où les produits antalgiques sont banalisés, et où l’individu est à la recherche de modes de soulagement rapides et efficaces. La douleur a désormais acquis une dimension de maladie qu’il faut traiter, puisqu’on a enfin pu démontrer son inutilité. Cela aura été plus tardif pour les douleurs de l’accouchement qui sont spécifiques : elles sont aigües, n’ont pas fonction de protection, ni même de signal[9], mais il s’agit de douleurs naturelles, hors du cadre de la pathologie, qui font qu’elles ne sont pas condamnées de manière aussi franche que les autres. Par exemple, l’anathème « tu enfanteras dans la douleur » du discours judéo-chrétien fait partie du patrimoine culturel, et explique que la douleur soit perçue comme un sacrifice normal : un accouchement heureux est douloureux d’où l’ancienne dénomination « douleurs » des contractions utérines. La douleur s’autoalimente de la représentation que l’on s’en fait et la peur de souffrir s’est emparée de notre société. L’accouchement douloureux a ainsi été inscrit dans notre culture comme une fatalité, jusqu’à la revendication et l’obtention d’une anesthésie au chloroforme par la reine Victoria au milieu du XIXème siècle.
Tous ces éléments expliquent que la sensibilité à la douleur soit très variable d’une femme à l’autre. De plus, les variations de sensibilité à la douleur peuvent être fonction du stress, des peurs et des angoisses de la parturiente[21], ainsi que de sa capacité individuelle à gérer la douleur, qui inclut la confiance en son corps et sa capacité à « faire avec » la douleur[45][46]. En résumé, la sensibilité à la douleur dépend de facteurs psychologiques.
Aspects psychologiques
L’enfantement est en rapport avec des perturbations psychiques, émotives et spirituelles[35]. Il est chargé de beaucoup de dimensions que la sage-femme doit connaître pour mieux comprendre les parturientes dont elle se charge. Nous allons donc voir les différents aspects psychologiques que nos patientes peuvent traverser, teintés de beaucoup d’ambivalence.
Influence de l’environnement
La logique de la conception de l’enfant dans l’intimité de son domicile appelle celle de sa mise au monde dans ce même contexte. L’hôpital paraît alors n’offrir qu’une 5 intimité artificielle. La sécurité étant un sentiment venant de l’intérieur, les représentations de la maison et de sa fonction de protection font considérer le milieu hospitalier comme un risque de manquer de protection, d’être exposée à des stress inutiles alors qu’on est vulnérable[35]. Ce sentiment va surtout être ressenti par la femme, mais peut aussi l’être par son conjoint. C’est pourquoi il est important que les professionnels veillent à respecter l’intimité du couple.
Mais il ne s’agit pas seulement d’une appréhension de l’inconnu, puisqu’on retrouve ce sentiment chez les primipares comme chez les multipares[9]. Les femmes doutent de la capacité de leur corps, de leur aptitude à être mère, parfois des compétences des soignants.
Bouleversements internes
L’accouchement est imprévisible, que ce soit pour le moment où il se produit comme pour son déroulement, ce qui est, avant même son commencement, source d’angoisse pour les femmes. Selon C.E. Tourné[20], la douleur exprime le plus souvent l’angoisse existentielle maternelle. En effet, la parturiente affronte une difficulté à résoudre le conflit expulser-retenir, comme à gérer la phase de transition qu’est l’accouchement qui fera d’elle une mère sociale. Ce conflit est une première marque d’ambivalence. Le désir ou la peur de mettre le bébé au monde peuvent être source de stress et d’angoisse, facteurs qui influent sur la dilatation qui peut être plus ou moins rapide, même si l’on ne connaît pas ce processus. Plus tard dans le travail apparaîtra le signe que la dilatation se termine : le réflexe instinctuel d’enfantement, qui est en fait un réflexe de poussée. Il est source d’un effet de surprise qui se comporte comme une agression de l’organisme, déclenchant un moment de panique dû à la rupture du rythme contractile établi. Mais à cause de l’image de l’accouchement idyllique, « le plus beau jour de leur vie », les femmes ne sont pas toujours préparées à ces angoisses soulevées par l’accouchement.
Celui-ci est aussi le moment de changements d’identité. Daniel Stern explique dans « la Constellation maternelle » qu’au moment de la naissance, une triade psychique se forme, laissant à la propre mère de la femme qui devient mère une place importante ; cette dernière s’identifie à sa mère, laquelle l’autorise à devenir mère à son tour[21]. Selon C.-E. Tourné[45][46], la mutation maternelle a lieu grâce à l’expérience sensorielle de l’accouchement. De plus, la femme sociale laisse place à la femme 6 archaïque, qui affronte une épreuve physique inattendue qu’il lui faut supporter. Il s’agit aussi de puérilité car la parturiente « régresse ». Elle marche à la fois dans deux directions, ce qui est une autre ambivalence : elle va au-devant de son accouchement, vers la naissance de son enfant, en même temps qu’elle retourne à la rencontre de sa propre naissance. Paradoxalement, la parturiente, qui est en train de donner la vie, va aussi à la rencontre de sa propre mort. En effet, selon les psychanalystes, on ne peut donner naissance sans accepter de faire mourir l’ancienne identité de fille[9]. La perte de cette identité est source du deuil de la personne que la femme était avant. Mais ce
deuil se place parmi d’autres deuils que Chantal Birman appelle les deuils de l’accouchée et qui devront être affrontés dans le post-partum : deuil de l’enfant imaginaire, de l’état quitté, deuil du passage d’une génération à l’autre. En effet, la naissance pousse les générations précédentes vers la mort ce qui peut aussi être source d’angoisse.
Enfin, la souffrance est elle-même source d’ambivalence vis-à-vis du conjoint : elle occasionne une séparation par rapport à l’autre, car le souffrant vit sa souffrance seul, l’autre ne peut ni la partager, ni la comprendre dans son corps. L’autre peut même être perçu comme le responsable de cette souffrance, les futurs pères sont particulièrement exposés à ce type de reproche puisque responsable de cette procréation[31].
L’accouchement est donc un moment où le psychisme est désorganisé, la femme est vulnérable, elle n’est plus armée face à ce qui se passe à l’extérieur. Beaucoup d’éléments de l’imaginaire et du passé de la femme peuvent alors surgir, se surajouter et nous échapper. En se mettant en travail, la femme entre « dans une autre dimension », un « autre état de conscience », qu’il est primordial de prendre en compte.
Le passage
La naissance est un passage de vie inoubliable. Traditionnellement, l’enfantement est un acte social, un rite de passage chargé symboliquement et dans toutes les sociétés. Comme nous l’avons vu, les contractions lèvent des peurs et donc des douleurs auxquelles la mère va devoir se confronter[18]. C’est un évènement exceptionnel dont la femme ressort différente, comme une épreuve du feu. Se trouver cette aptitude naturelle de mettre au monde, sentir le passage vont influencer directement leur estime d’elles-mêmes[9], maîtriser leur corps relevant d’une prouesse personnelle valorisante. Les femmes culpabiliseront de ne pas avoir réussi à bien accoucher, c’est pourquoi les professionnels devront être vigilants à ne jamais déprécier leurs capacités.
Le vécu psychosomatique de l’expulsion est conditionné par plusieurs éléments[20] : la proximité de l’échéance qui active l’attente du résultat, l’espoir de récompense ; la culpabilité du « rejeter » complémentaire de la tentation du « retenir à tout prix » ; l’angoisse de mort réactivée et surajoutée à la peur (consciente) du déchirer, éclater. Ainsi, ce seront surtout les sensations et ce qu’elles engendreront comme état émotionnel qui seront source de difficultés. Un réflexe de défense pourra apparaître, qui se manifestera par un verrouillage périnéal provoquant un verrouillage pelvien. C’est un réflexe de conservation des structures, empêchant l’engagement. Quand celui-ci est réalisé, un comportement de blocage accentue souvent le comportement du « retenir », par référence notamment au modèle de la défécation.
Enfin, au moment du dégagement, ce même comportement du « retenir » sera guidé par la sensation de déchirure imminente. Mais ce comportement ne sera plus efficace à cette étape puisqu’il aura un effet opposé à l’attente en accentuant les tensions. Les fibres des muscles du périnée s’étendent et permettent l’ouverture de l’anneau vulvaire, qui est un soulagement. Il n’y a donc plus d’opposition à la progression du mobile fœtal : cela permet le passage de la présentation, qui est vécu comme une délivrance. En résumé, un comportement d’aide à la progression est donc exigé de l’organisme maternel, au-delà de la contraction utérine.
Les professionnels doivent savoir que la naissance est aussi une séparation, qui peut être vécue comme la perte d’un fœtus intégré à son propre moi et peut même s’apparenter à une véritable amputation. Cette perte peut être perçue comme une perte d’intégrité mais aussi comme une modification de l’image corporelle. Selon Bergeret-Amselek, la naissance est pour la mère un acte violent qui met fin à la grossesse en rompant la symbiose mère-bébé[2]. Ce sont deux êtres qui se séparent après avoir appris à vivre ensemble, au point de finir par ne faire plus qu’un. C’est pourquoi l’expulsion est un moment intense, le bébé devient un sujet à part entière. Cette séparation a pour symbole l’acte de section du cordon ombilical. Dans ce contexte, l’excorporation peut être source d’une douleur non soulagée par les méthodes d’anesthésie[34]. Et si la mère est séparée de son enfant, le perd de vue, comme après une césarienne, surgit alors une inquiétude, la peur de ne pas reconnaitre ou de ne pas retrouver son propre bébé. Le cri de l’enfant va orienter la mère vers la préoccupation maternelle primaire, avec le début de la communication mère-enfant. Le passage de l’enfant imaginaire au nouveau-né est toujours source d’un moment de flottement, temps nécessaire à la rencontre, à l’instauration des premiers liens.
Nous avons donc vu que, outre la douleur, l’enfantement est l’occasion de remaniements psychologiques importants. Maintenant que nous savons un peu mieux ce que représente l’accouchement du côté des patientes, nous pouvons nous demander dans quel contexte médical elles mettent au monde leur enfant.
Approche médicale de l’accouchement
Evolutions et médicalisation de la naissance
C’est du XVIe au XIXe siècle, époque particulièrement favorable au développement de la science médicale, que l’histoire de la naissance a connu les mutations les plus importantes[58], surtout à partir du siècle des Lumières[26]. Ce mouvement a eu un effet concret sur la baisse du taux de mortalité maternelle et a été marqué par l’accentuation du rôle de la sage-femme. Celle-ci est mieux formée, et est dans l’obligation d’appeler le médecin en cas de difficultés. L’idée selon laquelle une meilleure surveillance des femmes pendant leur grossesse est nécessaire, va entrainer la baisse significative du nombre d’accouchements à domicile, une concurrence croissante des médecins dans le domaine du suivi de la grossesse, ainsi que l’augmentation du nombre de services d’obstétrique. L’intervention d’un médecin lors des accouchements est dès lors de plus en plus fréquente, c‘est ainsi qu’entre le XVIe et le XVIIIe siècle, on assiste lentement au passage de la matrone à la sage-femme puis de la sage-femme au médecin accoucheur. Cette évolution est révélatrice d’un changement progressif dans la représentation de l’enfantement et dessine le lent mouvement de médicalisation de la maternité.
Le terme médicalisation décrit une transformation culturelle qui « consiste à conférer une nature médicale à des représentations et à des pratiques qui n’étaient jusqu’alors pas socialement appréhendées en ces termes »[21]. C’est ainsi que, comme dans la plupart des domaines de la médecine, l’obstétrique a bénéficié d’un 9 bouleversement extraordinaire de l’approche diagnostique et thérapeutique[59], surtout dans la seconde moitié du XXème siècle. Ainsi, à l’aube du XXIe siècle, tout professionnel doit dépasser le stade du clinicien accompli pour s’adapter à une technologie de plus en plus omniprésente et tenir compte des implications sociales et économiques qui régissent la pratique de l’art médical. La surveillance de la grossesse et de l’accouchement, le mode d’accouchement, l’accueil du bébé, presque tout a changé de 1950 à 2000. Dans les années 1950, l’obstétricien et la sage-femme disposaient de leurs mains, d’un mètre ruban, d’un stéthoscope de Pinard et de leur expérience pour accompagner au mieux une grossesse[59]. Tout était basé sur l’expérience clinique et la technologie était réduite à sa plus simple expression. L’accouchement était un phénomène douloureux. C. Lecart témoigne : « les salles de travail et d’accouchement résonnaient des cris parfois insupportables émis au rythme des contractions par des parturientes affolées et stressées »[59]. La mortalité maternelle avait déjà été fort réduite par rapport à ce qu’elle était au XIXe et au début du XXe siècle, mais la mortalité périnatale était encore fort élevée, au-delà de 3 % en 1950 dans la plupart des pays du monde occidental. Le taux de césarienne se situait entre 3 et 5 % des accouchements.
Puis avec le temps, la technologie a pris le pas. Citons une surveillance prénatale beaucoup plus élaborée avec notamment la surveillance de la croissance fœtale par l’échographie (l’échographie tridimensionnelle – 3 D – trouvera sa place vers la fin des années 1990) ; le dépistage de la souffrance fœtale par le monitoring (ou cardiotocographe), aujourd’hui parfois centralisé sur un moniteur commun, permettant une surveillance à distance ; l’amnioscopie ; l’amniocentèse pour le diagnostic de certaines maladies chromosomiques ou métaboliques ; les prélèvements au scalp ; l’oxymétrie ; ou une analgésie obstétricale qui a connu plusieurs étapes de développement, jusque l’ère de la péridurale dès le début des années 1970. En 1952, près de la moitié des accouchements avaient encore lieu à domicile. Aujourd’hui, 99% des accouchements se déroulent en milieu hospitalier public ou privé. Un demi-siècle aura donc suffi pour que la quasi-totalité des femmes accouchent en institutions médicalisées, avec pour origine une conception de l’accouchement comme situation à risque vital pour la mère et l’enfant[26].
En effet, aujourd’hui l’obstétrique consiste en une gestion permanente des risques potentiels, à l’origine de cette prise en charge de plus en plus technique. Pour M.-R. Bernard[21], mettre au monde un enfant est de moins en moins considéré comme un processus physiologique mais plutôt comme une situation potentiellement pathologique qui justifie à la fois une prise en charge systématique en milieu médicalisé[26], et une « technologie devenant envahissante » autour de la grossesse et de l’accouchement[21]. La volonté des autorités d’améliorer la morbidité et la mortalité périnatale en France a entraîné des lois et des décrets[61][62] à l’origine de l’organisation actuelle de la prise en charge de la grossesse et de la naissance : suivi médical rapproché, classement des établissements selon des niveaux de prise en charge, maillage du territoire en réseaux périnatalité. La médicalisation de l’accouchement eutocique se généralise donc[21], elle redéfinit la maternité, et les parturientes « se voient imposer une expérience standardisée de l’enfantement »[9], commune à la physiologie et à la pathologie. Les techniques sont en fait devenues les nouveaux rites sociaux de la naissance, rites de précaution et de protection.
Mais toute cette technicité a donné l’illusion que tout nouveau-né ne pouvait qu’être parfait à la naissance et que toute complication maternelle ou périnatale ne pouvait être imputée qu’à l’erreur médicale, la présence des techniques rassurant les patientes dans cet objectif d’enfant en bonne santé[9] ; d’où la recrudescence dès les années 1980 des poursuites médico-légales particulièrement fréquentes à charge des gynécologues obstétriciens. Ceci a entraîné des réactions de prudence et de défense de la part des médecins : cette volonté d’amélioration de nos prises en charge et de prise en compte permanente du risque potentiel a indirectement entrainé la médicalisation actuelle de la naissance avec notamment des taux d’interventions obstétricales, comme les déclenchements, les césariennes, ou les extractions instrumentales qui sont en augmentation. Nous allons voir que l’analgésie péridurale est le fait essentiel de cette médicalisation.
L’analgésie péridurale face à la douleur du travail
La péridurale en salle de naissance
L’analgésie péridurale est en effet une des interventions médicales les plus couramment employées en salle de naissance.
L’analgésie péridurale est une anesthésie locorégionale. Le médecin anesthésiste injecte dans l’espace péridural, qui veut dire « périphérique à la dure-mère », un anesthésique local associé à un morphinique, qui vont insensibiliser les fibres nerveuses innervant l’utérus. Un cathéter laissé en place dans cet espace permettra des réinjections ou une injection continue.
C’est actuellement l’analgésie obstétricale existante la plus efficace. Créant au début de son utilisation des « blocs moteurs » par des surdosages, elle est actuellement administrée de façon adaptée, en supprimant la douleur mais pas les sensations, d’où le terme analgésie et non anesthésie. Comme toute administration de produit analgésiant, la pose d’une analgésie péridurale est soumise à une stricte surveillance médicale, qui fait partie du champ de compétences des sages-femmes. Selon la circulaire DGS/SDO/OA n°38 du 29 Juillet 1992 relative au code de déontologie des sages-femmes[48], la surveillance par la sage-femme d’une parturiente bénéficiant d’une anesthésie sous péridurale est « soigneuse et permanente, tout symptôme anormal nécessite la présence du médecin anesthésiste ». Plus loin, il est dit que la participation de la sage-femme à la technique de l’analgésie péridurale suppose sa disponibilité et sa compétence. Le terme disponibilité est précisé : la sage-femme ne peut être contrainte d’accomplir d’autres soins lorsqu’elle a en charge la surveillance d’un accouchement sous péridurale : « toute sage-femme qui s’estime ne pas être en mesure de pratiquer cette technique dans les meilleures conditions de technicité et de sécurité est légitimement en droit de refuser la prise en charge d’un tel acte ». Cette circulaire n’est jamais parue au Journal officiel et ne reste donc qu’une recommandation. Elle n’a subi aucune modification depuis sa parution, et les dispositions qui en sont issues sont toujours applicables. Cette circulaire nous pose donc question puisque nous avons constaté qu’il est d’usage courant pour une même sage-femme en salle de naissance de surveiller plusieurs femmes en travail sous péridurale en même temps. Paradoxalement, cette méthode analgésique semble ainsi être plus source d’un gain de temps que d’une charge de travail supplémentaire.
Dès la fin des années 70, la distinction par les Caisses d’Assurances Maladie entre péridurale d’indication médicale prise en charge et péridurale dite de confort non remboursée était devenue obsolète, et toute péridurale était prise en charge par la Sécurité Sociale. C’est en 1994 que Simone Veil, alors ministre de la Santé, affirme que chaque femme doit avoir accès à la péridurale et officialise le remboursement à 100% de la péridurale par la Sécurité Sociale. Cela correspond à l’application d’une des priorités du plan gouvernemental sur la périnatalité présenté en Avril 1994 qui était de « lutter contre la douleur au cours de l’accouchement »[43]. Mais le taux de péridurale était déjà en 1995 de 47%[53] ou 49% selon les sources[26]. La progression du taux d’analgésies péridurales a été rapide, passant de 3,9% en 1981 à 74,9% en 2003. Ce taux est largement supérieur à celui d’autres pays européens : 28% en Angleterre en 2006 ou 42% en Finlande en 2005[23], puisqu’en France, la péridurale s’inscrit dans la panoplie des techniques dont dispose l’obstétrique pour faire face au risque[26]. Cela suppose une présence de plus en plus constante des médecins anesthésistes en salle de naissance, à l’origine d’une deuxième tutelle médicale pour les sages-femmes[1].
A partir de l’enquête nationale périnatale, Le Ray et al. ont montré les motifs pour lesquels les femmes pouvaient accoucher sans péridurale[23]. Nous notons surtout que 43.9% des accouchements sans analgésie s’expliquaient par un accouchement trop rapide, 10% pour des raisons non documentées et 37.2% par choix. Ces chiffres ont été confirmés à Rouen grâce à F. Cornillot[50] : 51% de son panel n’a pas bénéficié de la péridurale parce que l’accouchement a été trop rapide, 22% par choix et 16% par contre-indication médicale.
Alternatives
Même si, comme nous l’avons vu, l’utilisation de la péridurale prédomine en salle de travail[53], il existe d’autres méthodes analgésiques[7].
Parmi les autres méthodes médicamenteuses, citons celles par inhalation avec le protoxyde d’azote notamment[67]. D’autre part, il existe une grande gamme de morphiniques administrables par voie parentérale, couramment utilisés eux aussi, dont la nalbuphine (Nubain®). Enfin, les blocs nerveux périphériques, paracervical ou pudendal (nerf honteux interne) sont bien moins pratiqués.
Parmi les méthodes non médicamenteuses, la préparation à la naissance et à la parentalité, autrefois nommée Accouchement Sans Douleur (ASD), est plutôt considérée comme un adjuvant à la prise en charge de la douleur. Apparue dans les années 1950 grâce au Dr Lamaze, l’ASD fut la première contestation de l’utilité des douleurs de l’accouchement. Pour la première fois, on concède que la souffrance n’est pas inhérente à la nature[9]. Mais même si cet apprentissage du processus physiologique de l’accouchement améliore considérablement le confort des mères, cette méthode se révéla largement insuffisante au niveau de l’indolorisation.
Sont par ailleurs utilisées l’hypnose ou bien l’acupuncture. Enfin, nous citerons le biofeedback, qui dévie l’attention de la douleur, ou encore la stimulation nerveuse électrique transcutanée.
Mais, parmi toutes ces méthodes, seule l’anesthésie péridurale permet, y compris en cas de césarienne, de sauvegarder la participation active et consciente de la femme à son accouchement, selon R. Desprats[29]. De plus, selon Peter, elle doit être largement préconisée puisqu’elle évite aux patientes les risques d’une anesthésie générale. La péridurale devient donc une sorte de prérequis de l’accouchement normal, comme la pose d’une perfusion ou l’installation du monitoring[26]. Aujourd’hui plébiscitée par une grande majorité de femmes mais aussi par les professionnels, cette technique a des conséquences, qui parfois créent des interrogations pour ces deux populations.
La parturiente et la péridurale
Du côté des patientes, la péridurale reste tout d’abord un choix. La rhétorique du « choix éclairé » a été pensée comme un signe d’autonomie. Cependant, le fait de choisir ne permet pas nécessairement d’éviter des jeux de pouvoir, car le contexte dans lequel s’exerce le choix est important. En effet, les choix jugés « normaux » sont souvent ceux qui sont en accord avec l’usage courant et qui satisfont le système. Ainsi en salle de naissance, le choix courant, qui se présente en premier, est celui de la péridurale, à moins qu’on ne lui résiste, et les femmes doivent parfois résister activement. Ainsi, certaines sages-femmes jugent qu’actuellement « dans la journée, pour y échapper, il faut vraiment en vouloir »[26] ; alors qu’au contraire, à ses débuts, il fallait « s’accrocher » pour l’obtenir. Une enquête de 1999 montre que plus de 25% des patientes ont reçu une péridurale alors qu’elles ne la désiraient pas au départ. Mais a posteriori elles se réapproprient le choix, envisagé alors comme un acte médical nécessaire, puisque proposé par l’équipe soignante. C’est ainsi que ces mêmes patientes se déclarent tout de même satisfaites de leur prise en charge[9].
Pour une grande majorité de femmes, la douleur de l’accouchement pouvant être traitée, elles n’imaginent pas ne pas avoir recours à la péridurale. Elles envisagent ainsi 14 la douleur de façon indépendante de l’accouchement, elle n’est plus liée « culturellement » au phénomène de la parturition. Mais il faut remarquer que les femmes peuvent exprimer de la souffrance sous analgésie, qui pourrait s’expliquer par une mise en place de stratégies cognitives pour sauvegarder les représentations et croyances fondamentales. La péridurale serait alors socialement acceptable si la douleur reste présente au moins sous une forme symbolique.
Très peu de femmes arrivent donc à la maternité avec l’intention de ne pas demander la péridurale. Les raisons sont multiples. Il peut s’agir de « la peur de la piqûre » comme de croyances liées aux effets iatrogènes de la péridurale (paralysie, dorsalgies). Mais il y a surtout le poids des traditions et des pressions familiales. De plus, il existe des interdits religieux et culturels. Mais au final, on constate un décalage entre les déclarations d’intention et le nombre de péridurale réalisées, notamment sous le poids des contraintes organisationnelles mais aussi face à la difficulté pour les
femmes d’affronter la réalité de la douleur, quand elles peuvent avoir accès facilement à une technique efficace.
Pour les patientes, le principal avantage de la péridurale réside dans le gain de confort qu’elle leur offre. En effet, outre la suppression de la douleur, ce mode d’analgésie permet de sauvegarder leur participation active et consciente durant tout le processus d’accouchement, ce qui améliore les conditions d’accueil et le lien mère-enfant. Ainsi, selon les obstétriciens, la péridurale a favorisé l’humanisation de la naissance. Mais le courant de l’humanisation, lui, dénonce l’analgésie comme technique supplémentaire de soumission de la parturiente, ne la laissant que spectatrice de son propre accouchement.
En effet, les patientes sont maintenant habituées à cette omniprésence technologique et sont même socialisées à la supériorité de la technologie sur la nature. Ainsi, s’il y a quelques décennies, les patientes étaient très intéressées par la préparation à l’accouchement sans douleur, l’apparition de la péridurale a changé la donne et l’on observe chez les femmes une attitude de consommatrices, qui se désengagent de leur accouchement et s’en remettent complètement à l’équipe médicale[41]. M.-R. Bernard parle elle aussi de l’attitude passive et consumériste des femmes. Pour elle, l’expression « prendre en charge » indique bien la dépossession réalisée à l’encontre de la patiente[21] : « Dépossédée du processus d’accouchement qu’elle ne ressent plus, elle est aussi privée de la parole, elle ne peut plus dire, exprimer ses peurs, ses angoisses, ses craintes. Elle n’a plus à se plaindre puisqu’elle n’a plus mal. » La péridurale est alors considérée comme une technique supplémentaire de soumission de la parturiente, qui n’est plus que spectatrice de son accouchement. Selon M.-R. Bernard, « l’acharnement des soignants à vouloir faire taire les femmes semble aller bien au-delà du prétexte de les libérer de la douleur […]. Réduire les femmes qui accouchent au silence pourrait bien s’inscrire dans une volonté de retour à une certaine forme de domination. ». Pour elle, la péridurale démontre un besoin de maîtrise de l’être humain : «les femmes ne donnent plus la vie, elle leur est arrachée en les privant d’un peu de leur humanitude». Selon C. Lemay, les rituels médicaux occultent ainsi « l’effet menaçant de l’accouchement naturel comme essentiellement féminin, puissant et créateur »[35].
Illich explique cette généralisation de la péridurale, qui serait à l’origine du désengagement des patientes[21] : puisque dans notre civilisation, la douleur est devenue un problème technique contrôlable, la société devient « responsable envers l’individu qu’elle doit soulager », l’individu perd la responsabilité de son comportement face à la souffrance et du sens qu’il aurait pu donner à celle-ci. Il suppose même qu’une société qui accorde tant de valeur à l’anesthésie étouffe le questionnement inévitablement suscité par la douleur. Même si les patientes ne s’interrogent pas sur ce point, la douleur est néanmoins sujet de controverse entre les professionnels. La majorité d’entre eux est en faveur de l’analgésie : pour eux, la douleur est inutile, puisqu’elle n’a pas fonction d’alerte. De plus, elle peut être source de pathologies comme une hypertension artérielle. Enfin, la lutte contre la douleur est aujourd’hui un acte médical. D’autres professionnels ne jugent au contraire pas la douleur inutile ; selon eux, elle est importante au niveau physiologique comme au niveau psychologique, puisque la douleur serait liée aux difficultés psychiques liées à l’accouchement, vues précédemment. La douleur, en étant réduite à son expression corporelle, aurait alors perdu son sens, puisqu’elle n’a plus de versant intellectuel. L’absence de douleur pourrait ainsi empêcher ces remaniements psychiques et être à l’origine chez certaines femmes du sentiment de ne pas mériter leur bébé car elles n’ont pas souffert pour lui. Enfin, ces professionnels reprochent à la péridurale la prise en charge qui en découle, jugée source de médicalisation « à outrance ».
Autre caractéristique de cette analgésie pour les patientes : celle-ci ne semble pas permettre une approche singulière de chacune, au contraire, elle standardiserait les 16 pratiques autour de la naissance sans reconnaître les différences. Elle tend même à imposer une pensée unique : « refuser la péridurale paraît une hérésie »[21].
Enfin, la péridurale a grandement modifié la relation entre femme et sage-femme pendant le travail. La « sérénité » obtenue grâce à celle-ci serait l’occasion d’une meilleure relation et d’une meilleure collaboration entre les deux protagonistes : le rapport serait plus égalitaire, en comparaison du passé où les femmes étaient infantilisées par la douleur, où «il fallait les consoler, les cajoler, leur tenir la main»[26]. Les jeunes sages-femmes, habituées à l’omniprésence de la péridurale, apprécient cette relation où un vrai échange est possible, contrairement aux patientes sans analgésie qui perdent davantage contact avec la réalité, auprès desquelles elles ont le sentiment de n’être qu’une aide à la respiration. Pour elles, c’est justement la péridurale qui offre l’occasion d’un travail d’introspection avec la patiente.
Nous pouvons nous demander si la péridurale a changé d’autres éléments pour les professionnels.
Les professionnels et la péridurale
Nous allons voir que cette innovation technique a profondément bouleversé les pratiques professionnelles[26].
D’après l’article R.4127-318 du code de la Santé Publique, relatif aux compétences générales des sages-femmes[49], celles-ci peuvent effectuer la demande d’analgésie loco-régionale auprès du médecin anesthésiste-réanimateur. Si pour cela, les sages-femmes disent répondre à une demande des femmes, elles avouent aussi qu’il leur arrive d’orienter elles-mêmes, pour des raisons d’ordre organisationnel ou sécuritaire, le choix des femmes vers l’analgésie[9]. La plupart, d’ailleurs, confirment que l’anesthésie péridurale fait partie du processus « normal » de l’accouchement : «quand le col est bon, on appelle l’anesthésiste pour poser la péridurale, on pense pas trop à poser la question si la femme veut ou pas. On leur dit : « Madame, on vous pose la péridurale ». »
Les conditions de travail propres à la structure jouent sur le recours ou non aux différentes stratégies d’organisation et de gestion du temps comme la péridurale ou encore le déclenchement du travail. Ainsi, ce sont les petites structures, pourtant choisies a priori par les femmes pour leur approche plus naturelle de la maternité, qui 17
détournent le plus ces techniques, puisque leur accès y est moins permanent. Par exemple, on pourra y déclencher le travail plus souvent pour éviter aux femmes d’accoucher la nuit quand une péridurale est moins accessible. Utilisée respectivement à 75% dans les structures de niveau 2 et 3 et à 60 % dans la structure de niveau 1 étudiées par D. Carricaburu[26], la péridurale a constitué une « révolution » pour les femmes, mais également un grand confort pour les professionnels. En effet, nous allons voir que les femmes sous péridurale ont moins besoin d’être accompagnées et sollicitent donc moins la présence de la sage-femme[9]. De plus, cette analgésie permet de réguler plus efficacement le travail puisque les professionnels peuvent diriger et ainsi accélérer le travail avec une perfusion d’ocytocine quand les femmes sont soulagées. On peut donc dire que l’analgésie péridurale fait partie de ces techniques de médicalisation de l’accouchement qui peuvent être détournées pour gérer l’incertitude temporelle de l’accouchement et améliorer le confort des professionnels[26].
Celui-ci passe aussi par le silence qui règne aujourd’hui en salle de naissance[63], grâce à l’absence de cris permise par cette analgésie. En effet, de nos jours, une manifestation bruyante de l’enfantement devient intolérable et le calme devient une exigence de qualité du travail, celui des sages-femmes et celui des femmes[26]. Ainsi, les professionnels ont la possibilité d’être plus concentrés sur les aspects techniques de l’accouchement, et de mieux contrôler leur stress comme celui de la parturiente. De plus, les patientes sous péridurale sont plus faciles à surveiller «puisque scotchées à leur table d’accouchement». La péridurale n’est plus seulement un élément de confort pour la femme, elle devient une condition quasi nécessaire à l’exercice optimum de l’activité obstétricale.
B. Poitel affirme que l’analgésie péridurale permet aussi de réorganiser le travail du personnel parce que la femme n’a plus besoin d’accompagnement, mais « seulement » d’une surveillance technique[63]. Cela convient aux sages-femmes les plus jeunes, en répondant à leur fort attrait pour les technologies et crée une proximité avec les médecins qui les éloigne de l’image traditionnelle de la matrone. Dès 1996, F.-X. Schweyer envisageait que l’implantation de cette innovation aurait pour effet d’amenuiser la fonction d’assistance psychologique et de prise en charge de la douleur traditionnellement dévolue aux sages-femmes[43]. Mais la péridurale s’est ainsi substituée aux méthodes développées dans le passé par les sages-femmes, comme le yoga, l’haptonomie ou la sophrologie.
Pour les jeunes sages-femmes, « qui n’ont connu que la péridurale », celle-ci est ainsi devenue une norme de pratique et ce sont elles qui en attendent le plus : «Quand il y a des accouchements sans péridurale, ma génération, on est toutes pareilles, c’est l’angoisse pour nous, plus que pour la femme. On se dit, comment je vais gérer ça ?»[9]. Selon l’enquête de S. Brément menée en 2005[25], la douleur du travail était supportée avec l’aide de la sage-femme dans 42% des accouchements, et 8% des femmes ayant eu recours à l’analgésie péridurale estimaient que l’accompagnement de la sage-femme était insuffisant. L’étude de F. Cornillot en 1998[50] révélait que les patientes non satisfaites de la prise en charge de leur douleur se sentaient aussi moins bien accompagnées et étaient plus souvent seules. David Le Breton[12] a montré que la lutte médicamenteuse contre la douleur a eu pour effet pervers de diminuer fortement le temps que les soignants passent auprès des patients, alors qu’il y a souvent, comme nous l’avons vu, une souffrance psychique dans l’expression de la douleur, qui demande écoute et disponibilité. De la même façon, pour M.-R. Bernard, l’analgésie péridurale, qui permet une bonne maîtrise de la douleur, ne fait en aucun cas disparaître les angoisses et les peurs que ressentent les femmes et qu’elles ne peuvent plus exprimer au travers de leur corps insensibilisé[21]. Nous pouvons donc supposer que la péridurale ne devrait normalement pas réduire notre présence ni modifier notre accompagnement des parturientes.
Mais dans les faits, la relation serait placée à un niveau secondaire par la technicité de la surveillance d’un accouchement sous analgésie. L’éradication de la douleur aurait donc pour effet d’éloigner la sage-femme de la patiente. Dans ce contexte, on peut se demander si la péridurale pourrait mettre en danger une part de l’exercice professionnel de la sage-femme, qui repose sur la notion d’accompagnement.
Accompagnement de la parturiente
Selon le dictionnaire Hachette[6], accompagner a différents sens. Nous retiendrons ceux selon lesquels il s’agit d’ «aller quelque part avec quelqu’un», ou d’ «aider (un mourant) à surmonter ses douleurs et ses angoisses». En effet, l’accompagnement dans le domaine de l’obstétrique consiste à « aller » avec la femme jusqu’à l’accouchement, et à mener celui-ci à bien.
Il n’est pas possible de décrire une manière universelle d’accompagner les parturientes, chaque patiente est unique, les besoins de chacune sont donc très différents, d’autant plus au moment de l’enfantement. L’important pendant le travail est que la femme ne soit pas seule pour affronter ce jour unique, d’autant plus que pour elle, l’expérience de la douleur est liée à la confiance que lui font les autres, aux encouragements reçus, et à sa sécurisation. Nous allons voir en quoi consiste l’accompagnement pour les couples et pour les professionnels.
Du côté des couples
L’accouchement est un évènement important dans la vie d’un couple. La naissance de l’enfant est également celle des parents[31], père et mère se sentent concernés à part égale par l’accouchement. En 2003 en France, trois pères sur quatre étaient présents à la naissance de leur enfant[39]. Leur présence est un phénomène de société récent, puisqu’ils n’ont été admis qu’au fur et à mesure de la masculinisation des salles de naissance, avec l’entrée des obstétriciens mais surtout des anesthésistes et de la péridurale, soit depuis les années 1970. Leur principale motivation est le fait d’assister à la naissance de leur enfant, vient ensuite le fait d’être présent pour accompagner la future mère, pour la soutenir et qu’elle ne soit pas seule.
Il est essentiel pour la mère d’être accompagnée par une personne familière et de confiance, et la seule présence du père équivaut à un soutien, essentiel pour le bien-être de la mère mais aussi pour l’accès à la parentalité. Selon l’étude de Kopff-Landas[31], l’aide du futur père passe par le fait d’apaiser sa conjointe pendant le travail, et par celui de la soutenir physiquement lors de l’expulsion. Ce soutien, quel qu’il soit, est particulièrement important, car lorsqu’il est continu et qu’il répond aux attentes de la parturiente, il a des effets positifs sur la douleur et le stress, il facilite le processus de maternité et conduit à une meilleure estime de soi ainsi qu’à une diminution de l’anxiété et de la dépression. Concrètement, lors de la naissance, le père a la possibilité d’intervenir à des degrés différents. Par exemple, il peut masser le dos de sa conjointe ou l’aider à respirer, apportant un soutien pratique ou comportemental ; il peut aussi avoir de l’empathie et des marques d’affection à son égard et faire ainsi preuve d’un soutien psychologique et émotionnel.
Si la présence du père à l’accouchement contribue à diminuer le temps de travail et la douleur de la femme, elle peut aussi parfois rendre la naissance plus difficile, dans la mesure où le père peut transmettre sa peur. En effet, la place du père n’est ni évidente ni facile : il est impuissant, souvent il se tait. Certains sont mal à l’aise, d’autres se placent en position féminine. Un sentiment d’inutilité est courant. De plus, sans ressentir les douleurs de l’accouchement, les pères peuvent souffrir de voir leur compagne ressentir de la douleur.
Pour les professionnels de la naissance, il est donc important de ne pas prendre en compte seulement les aspects techniques de l’accouchement, mais de se pencher sur l’expérience unique que vivent les couples à ce moment intense de leur vie[39]. En résumé, il est important de prendre en considération la femme, l’homme et le couple comme trois entités singulières et distinctes.
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Table des matières
Revue de la littérature
1. Approche psychosomatique de l’accouchement
1.1. Aspect physique
1.1.1. Composante somatique de la douleur
1.1.2. Dimension psychogène de la douleur
1.2. Aspects psychologiques
1.2.1. Influence de l’environnement
1.2.2. Bouleversements internes
1.2.3. Le passage
2. Approche médicale de l’accouchement
2.1. Evolutions et médicalisation de la naissance
2.2. L’analgésie péridurale face à la douleur du travail
2.2.1. La péridurale en salle de naissance
2.2.2. Alternatives
2.2.3. La parturiente et la péridurale
2.2.4. Les professionnels et la péridurale
3. Accompagnement de la parturiente
3.1. Du côté des couples
3.2. Du côté des professionnels
3.3. Perspectives
Enquête
1. Méthodologie
1.1. Problématique et hypothèses
1.2. La population étudiée
1.3. Le questionnaire
1.3.1. Première partie : Vous
1.3.2. Accompagnement
1.3.3. L’accompagnement d’une parturiente avec péridurale
L’accompagnement d’une parturiente sans péridurale
1.3.4. Comparaison
1.4. Analyse
1.5. Les biais et difficultés
1.5.1. Concernant l’obtention des questionnaires
1.5.2. Concernant l’interprétation des questionnaires
2. Résultats
2.1. La population d’étude
2.2. Accompagnement
2.3. Accompagnement des parturientes et analgésie péridurale.
2.4. Comparaison
Discussion
1.Généralités
1.1. Les sages-femmes interrogées
1.2. Le contact avec les couples
2. Les différences créées par l’analgésie péridurale.
2.1. Le temps consacré aux patientes
2.2. Une présence différente
2.3. Des prises en charge différentes
2.4. La relation sage-femme – parturiente
3. Les explications de ces résultats
3.1. Différences des besoins des parturientes
3.2. Différences selon les professionnels et leurs contraintes
Conclusion
Bibliographie
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