Une importante transition épidémiologique s’étend dans les pays développés mais surtout dans ceux en voie de développement ; on y observe une recrudescence des maladies chroniques qui constituent la principale cause de décès et d’incapacité dans le monde. En effet, le nombre total de personnes décédées de maladies chroniques représente le double de celles ayant péries de maladies infectieuses y compris le VIH/SIDA, la tuberculose, le paludisme, les affections maternelles et périnatales, les carences nutritionnelles. Ce que confirme l’étude de L. Foucarde qui démontre un recul des maladies infectieuses et de la malnutrition alors que progressent les cancers et les maladies cardio-vasculaires. Elles ont coûté la vie à 35 millions de personnes dont 80% dans les pays à revenu faible et intermédiaire [38]. Au nombre de ces maladies cardio-vasculaires figurent les pathologies cérébro vasculaires en particulier les accidents vasculaires cérébraux ischémiques qui représentent l’une des manifestations centrales de l’athérosclérose.
L’accident vasculaire cérébral (AVC) se définit comme le développement rapide de signes cliniques localisés ou globaux de dysfonction cérébrale sans autre cause apparente qu’une origine vasculaire [78]. Réel problème de santé publique, c’est une affection du sujet âgé fortement invalidante dans les pays développés : 1ère cause d’handicap physique acquis de l’adulte, 2ème cause de démence et 3ème cause de mortalité [78]. Au Sénégal, ils représentent 2/3 des hospitalisations au service de Neurologie du CHU de Fann à Dakar. Différents facteurs de risque sous-tendus par des déterminants socio-économiques, culturels, politiques et environnementaux ont été identifiés et associés à la survenue des AVCI. Plusieurs études sur la prévention primaire et secondaire de ces facteurs ont été menées et la qualité de la prise en charge a été améliorée ces dernières années. Cependant, malgré les progrès accomplis dans la connaissance des mécanismes initiateurs des AVC et de leurs causes, la mortalité liée à l’AVC de même que la prévalence des séquelles neuro-motrices connaissent une croissance exponentielle d’où l’intérêt de notre étude.
ATHEROSCLEROSE
DEFINITION ET EPIDEMIOLOGIE
L’Organisation Mondiale de la Santé définit l’athérosclérose comme étant « une combinaison variable de remaniements de l’intima des artères de gros et moyens calibres, consistant en une accumulation locale de lipides (athéro-), de glucides complexes, de sang et de produits sanguins, de tissu fibreux (-sclérose) et de dépôts calcaires, le tout s’accompagnant de modifications de la média » [40]. Cette définition est purement histologique mais les nouvelles avancées intègrent la notion de réponse inflammatoire à une lésion de la paroi artérielle. La définition de l’OMS parait plus explicite, car elle détaille bien les différents éléments impliqués dans le processus. Il faut ainsi différencier l’athérosclérose qui implique principalement l’intima et la média de l’artériosclérose qui est un processus de sclérose artérielle ; cette dernière est caractérisée par une sclérose au niveau des fibres musculaires de la média ; elle concerne essentiellement les artérioles et est secondaire au vieillissement. L’athérome est la présence au sein de l’intima des vaisseaux d’une plage de nécrose particulière (bouillie athéromateuse) riche en lipides.
L’athérosclérose est à l’origine de la majorité des maladies cardio-vasculaires, qui sont la première cause de mortalité et de morbidité grave dans les pays développés. Avec au moins 17 millions de décès annuels, elles sont responsables de 30 % de mortalité mondiale [95].
En 2001, les maladies cardio-vasculaires représentaient d’après les statistiques de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 29% des décès dont environ 13% pour les cardiopathies ischémiques et 10% pour les maladies cérébro-vasculaires.
En Afrique Noire, la prévalence des maladies cardio-vasculaires était inférieure à 0,5% dans les années 1950-1980 [11]. En 1988, l’enquête prospective multicentrique (CORONAFRIC) retrouvait une prévalence de 3,17%. Cette augmentation de la prévalence des maladies cardio-vasculaires serait probablement liée à une modification des habitudes de vie des populations africaines :
– Au plan nutritionnel, on observe une alimentation hypercalorique riche en sel, en sucre et en graisses saturées, mais pauvre en fruits et légumes. La région africaine est confrontée à deux problèmes liés à l’alimentation : la sousnutrition qui est la principale cause de morbidité et de mortalité infantojuvénile, l’obésité qui devient un des principaux facteurs de risque des maladies cardio-vasculaires et le diabète surtout en milieu urbain.
– Sur le plan de l’hygiène de vie, on assiste à la recrudescence du tabagisme. Dans plusieurs pays africains, les législations anti-tabac sont peu appliquées quand elles existent. Le résultat est un accroissement du tabagisme dont le taux aurait augmenté de 40% en 20 ans, selon certains auteurs [51].
– L’industrialisation, l’urbanisation et la mécanisation des transports ont réduit la pratique de l’exercice physique et donne lieu à des modes de vie sédentaires. La pratique de l’exercice physique reste certes importante dans les zones rurales, mais elle tend à baisser rapidement en milieu urbain.
– Le stress qui est lié à des tensions psychologiques pouvant être d’origine familiale, environnementale, professionnelle se développe.
Ces modifications hygiéno-diététiques et comportementales associées au manque de structure médicale de prise en charge font des maladies cardio-vasculaires un réel problème de santé publique. Cependant, une difficulté réside dans les pays en développement, en la rareté des statistiques médicales : beaucoup sont imprécises, certaines manquent totalement, la plupart sont biaisées par leur origine hospitalière. Selon Lopez [66], le pourcentage des populations pour lesquelles on dispose de statistiques de mortalité est de 68% en Amérique latine, 16% en méditerranée orientale, 4% en Asie du Sud-est et 0,25% en Afrique sub-saharienne. Ainsi, contrairement aux pays développés, la tendance actuelle montre une augmentation des maladies cardio-vasculaires d’origine athéromateuse. Plus spécifiquement, concernant les pathologies cérébro-vasculaires, sa prévalence au Sénégal en 2011 d’après une étude rétrospective portant sur 314 patients âgés de 55 ans et plus, hospitalisés du 1er janvier 2001 au 1er novembre 2003 pour AVC, était de 72,6 % [31]. Historiquement deux grandes théories se sont opposées pour expliquer l’athérogenèse. La première reposait sur la théorie de l’inflammation (Virchow) secondaire à une irritation de la paroi. La seconde était la théorie de l’incrustation (Von Rokitanski) par dépôt de fibrine [21]. Actuellement les hypothèses physiopathogéniques incluent ces deux théories. L’athérosclérose est considérée comme une réponse active de la paroi du vaisseau, en particulier de l’intima, à des agressions mécaniques chimiques ou infectieuses.
PHYSIOPATHOGENIE
PAROI ARTERIELLE
La paroi artérielle normale est constituée de trois (03) tuniques superposées interne, intermédiaire et externe. La tunique interne est l’intima. C’est une couche monocellulaire endothéliale qui a trois (03) rôles principaux : filtre des échanges entre le sang et la paroi, maintien de la fluidité sanguine, vaso-régulation par la sécrétion de diverses molécules modulant le tonus des cellules musculaires lisses sous-jacentes. L’intima est séparée de la média par la limitante élastique interne. La tunique intermédiaire est la média et est formée de cellules musculaires lisses concentriques dont la matrice extracellulaire est composée de protéoglycans, de collagène et d’élastine. Cette dernière forme la limitante élastique externe. La tunique externe, l’adventice contient des nerfs et des vaisseaux et n’est constituée que de tissu conjonctif peu organisé.
La paroi artérielle n’est pas qu’un simple conduit mais possède des propriétés de synthèse, des propriétés mécaniques et comporte des récepteurs sensibles à des substances chimiques. Les cellules endothéliales peuvent élaborer des produits ayant une action sur les éléments figurés du sang et sur la paroi vasculaire elle-même, en particulier sur la média. Il s’agit de peptides vasodilatateurs tels que la prostacycline, du facteur hyperpolarisant endothélial (EDHF), le monoxyde d’azote et des substances vasoconstrictrices à savoir l’endothéline, la thromboxane A2 et l’angiotensine.
ETAPES DE L’ATHEROSCLEROSE
Dans l’artère normale, il existe un équilibre entre ces substances vasodilatatrices et vasoconstrictrices. Tout facteur perturbant cet équilibre conduit à une altération du potentiel vasodilatateur de l’endothélium appelée dysfonction endothéliale qui constitue la première étape clé de l’athérosclérose. Les mécanismes intervenant dans cette dysfonction restent encore méconnus mais on évoque le rôle prépondérant des LDL-cholestérols. En effet, la première étape de l’athérogènese est la pénétration et l’accumulation des LDL-cholestérols dans l’intima. C’est un phénomène passif secondaire à un déséquilibre entre les entrées et sorties des LDL dans la circulation sanguine. Il s’en suit des modifications oxydatives in situ faisant intervenir des mécanismes enzymatiques et non enzymatiques. Par ailleurs, cette oxydation sera à l’origine de la présence de macrophages, cellules maitresses de l’athérosclérose, dans la paroi artérielle.
Du fait du dysfonctionnement de l’endothélium exprimant à sa surface des molécules d’adhésion (VCAM-1 et ICAM), les monocytes adhèrent à la paroi, la traversent et se transforment sous l’influence de divers facteurs (MCP-1 : Monocyte Chematactic Protein-1, M-CSF : Monocyte Colony Stimulating Factor) en macrophages. Ces derniers se transforment alors en cellules spumeuses en captant les LDL oxydés par l’intermédiaire des récepteurs scavengers (« éboueurs »). Ils induisent également une réaction inflammatoire chronique, par production de nombreuses cytokines pro-inflammatoires, auto-entretenant la dysfonction endothéliale et induisant la sécrétion de métalloprotéases qui ont une activité de dégradation de la MEC.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: REVUE DE LITTÉRATURE
I. ATHEROSCLEROSE
I. 1 .DEFINITION ET ÉPIDÉMIOLOGIE
I. 2. PHYSIOPATHOGENIE
I. 2. 1. PAROI ARTERIELLE
I. 2. 2. ETAPES DE L’ATHEROSCLEROSE
I. 2. 3. EVOLUTION DE LA LESION
II. FACTEURS DE RISQUES
II.1.FACTEURS DE RISQUE NON MODIFIABLES
II. 1. 1. AGE ET SEXE
II. 1. 2. HEREDITE
II. 2 .FACTEURS DE RISQUES MODIFIABLES
II. 2. 1. HYPERTENSION ARTERIELLE
II. 2. 2. OBESITE
II. 2. 3. DIABETE
II. 2. 4. DYSLIPIDEMIES
II. 2. 5. MODE DE VIE
II. 2. 6. AUTRES FACTEURS DE RISQUES
III. RAPPELS SUR LES ACCIDENTS VASCULAIRES CEREBRAUX ISCHEMIQUES
III. 1. PHYSIOPATHOLOGIE
III. 2. DIAGNOSTIC
III. 2. 1. DIAGNOSTIC POSITIF
III. 2. 2. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
III. 2. 3. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
III. 3. PRISE EN CHARGE
III. 3. 1. PHASE AIGUË
III. 3. 1. 1. MESURES GENERALES
III. 3. 1. 2. TRAITEMENTS ANTITHROMBOTIQUES
III. 3. 1. 3. NEUROPROTECTION
III. 3 .2 .PREVENTION SECONDAIRE
III. 3. 3. PREVENTION PRIMAIRE
DEUXIEME PARTIE : NOTRE TRAVAIL
I. METHODOLOGIE
I. 1. CADRE D’ETUDE
I. 2. PATIENTS ET METHODES
I. 3. ANALYSE DES DONNEES
II. RESULTATS
II. 1. L’AGE
II. 2 .SEXE
II. 3. ACTIVITE PROFESSIONNELLE ET MODE DE VIE
II. 4. ANTECEDENTS MEDICAUX
II. 5. SIGNES CLINIQUES
II. 6. SIGNES PARACLINIQUES
II. 6. 1 TOMODENSITOMETRIE CEREBRALE
II. 6. 2 ELECTROCARDIOGRAMME
II. 6. 3 ECHOCARDIOGRAPHIE ET ECHODOPPLER DES VAISSEAUX DU COU
II. 6. 4 BIOLOGIE
II. 7. EVOLUTION
III. COMMENTAIRES
CONCLUSION