Accident vasculaire cérébral ischémique
Epidémiologie et physiopathologie
L’accident vasculaire cérébral (AVC) est un problème de santé publique majeur de par sa fréquence et le risque de handicap qui en découle. Il s’agit de la première cause de handicap acquis, la deuxième cause de démence après la maladie d’Alzheimer et la troisième cause de décès. Les AVC affectent environ 150000 patients par an en France, soit une personne toutes les 4 minutes. Ce nombre tend à augmenter en raison de l’augmentation de la population et de son vieillissement. Le terme d’AVC regroupe l’ensemble des pathologies vasculaires cérébrales d’origine artérielle ou veineuse dont les AVC ischémiques (infarctus cérébraux) sont de loin les plus fréquents (80%). Dans cette thèse nous nous intéresserons aux infarctus cérébraux (IC) causés par une occlusion artérielle intracrânienne proximale, qui sont les situations les plus pourvoyeuses de handicap et de mortalité.
L’infarctus cérébral correspond à toute réduction aiguë du flux artériel cérébral responsable d’une souffrance du parenchyme cérébral par privation d’oxygène et de glucose. L’absence de ces éléments indispensables au bon fonctionnement des neurones se traduira cliniquement par l’apparition soudaine d’un déficit neurologique focal. Deux mécanismes différents peuvent en être la cause, soit une occlusion artérielle (cas le plus fréquent) par thrombose ou embolie, soit un phénomène hémodynamique (plus rare) par chute de la perfusion cérébrale d’origine locale (sténose artérielle) ou systémique (arrêt cardiaque). La vitesse d’extension de la zone d’ischémie dépendra de la mise en jeu de systèmes de suppléances artérielles (collatérales) et de leur qualité.
Les étiologies des infarctus cérébraux sont : l’athérosclérose des grosses artères, suivi par l’atteinte des petites artères, les cardiopathies emboligènes et d’autres causes plus rares telles que les dissections artérielles par exemple. 25% restent d’étiologie indéterminée. Le pronostic dépend de la rapidité de la prise en charge et du traitement à la phase aigüe, et de la prévention secondaire. On considère que chaque minute en ischémie est responsable d’une perte de 2 millions de neurones. Le principe du traitement spécifique est donc de rétablir dans les meilleurs délais possibles la perfusion cérébrale en levant l’occlusion artérielle.
Evolution de la prise en charge thérapeutique
Ces 30 dernières années, les progrès sur le plan diagnostique et thérapeutique ont été spectaculaires avec l’utilisation de l’IRM de diffusion pour détecter très précocement l’ischémie cérébrale et le développement de thérapeutiques qui ont révolutionné le traitement de l’infarctus cérébral par occlusion artérielle intracrânienne. L’étude NINDS publiée en 1995 a constitué une première révolution en instaurant la thrombolyse intraveineuse (TIV), à l’aide de l’activateur tissulaire du plasminogène (rt-PA, Alteplase, Actilyse®), comme thérapeutique de référence dans les 3 heures suivant le début des symptômes cliniques.
Afin d’améliorer la rapidité et la qualité de la prise en charge, les unités neuro-vasculaires (UNV) dédiées à la prise en charge des patients victimes d’AVC ont vu le jour progressivement sur tout le territoire. Au début des années 2000 s’ouvrait parallèlement l’ère des premières tentatives de traitement endovasculaire pour les infarctus cérébraux par occlusion d’un vaisseau de large calibre intracrânien, avec les études PROACT II, EKOS et MERCI. En 2008, la fenêtre thérapeutique pour la TIV a été étendue à 4h30 après l’apparition des symptômes sur la base des résultats de l’étude ECASS III, permettant d’augmenter le nombre de patients éligibles à ce traitement.
La TIV a longtemps été le seul traitement de recanalisation dans l’infarctus cérébral. En effet, l’Alteplase par voie intraveineuse diminue la probabilité d’une incapacité minime ou nulle de 39 % avec l’activateur tissulaire recombinant du plasminogène (IV rtPA) vs 26 % avec le placebo (odds ratio [OR], 1,6 [IC à 95 %, 1,1-2,6]) lorsqu’il est administré dans les 3 heures suivant la présentation et de 35,3 % avec le rtPA IV contre 30,1 % avec le placebo (OR, 1,3 [IC à 95 %, 1,1-1,5]) lorsqu’il est administré dans les 3 à 4,5 heures de présentation.
L’approche endovasculaire, malgré le développement permanent des techniques de thrombectomie mécanique (TM) ne montrait pas la preuve de son efficacité et gardait une place relativement limitée . C’est finalement à partir de décembre 2014 que l’étude MR CLEAN , suivie en 2015 de six autres essais randomisés contrôlés, ont permis de montrer un bénéfice significatif du traitement endovasculaire dans les 6 heures depuis l’apparition des symptômes dans les infarctus cérébraux par occlusion intracrânienne proximale de la circulation antérieure. Le nombre de patients à traiter par voie endovasculaire pour éviter un handicap était de 2,6 selon les résultats de la collaboration HERMES (Highly Effective Reperfusion evaluated in Multiple Endovascular Stroke trials). Les patients présentant un infarctus cérébral par occlusion artérielle proximale de la circulation antérieure sont plus susceptibles d’atteindre une autonomie fonctionnelle lorsqu’ils sont traités par thrombectomie mécanique dans les 6 heures par rapport à un traitement médical seul (46,0 % contre 26,5 % ; OR, 2,49 [IC à 95 %, 1,76- 3,53]) ou lorsqu’ils sont traités dans les 6 à 24 heures suivant l’apparition des symptômes s’ils présentent un décalage important entre tissus en souffrance et tissus infarcis sur l’IRM de diffusion ou l’imagerie de perfusion par tomodensitométrie (score de Rankin modifié 0-2: 53 % contre 18 % ; OR, 4,92 [IC à 95 %, 2,87-8,44]). Ainsi, une nouvelle norme de soins combinant TIV et TM a été établie dans la prise en charge de l’infarctus cérébral à la phase aigüe, ce qui a permis d’atteindre des taux de reperfusion jusque-là inégalés (70-80%).
Techniques de thrombectomie
Les études ayant prouvé l’efficacité de la TM en 2015 reposaient sur l’utilisation de stentretrievers (Solitaire, Medtronic® et Trevo, Stryker ®). Depuis, les études ASTER en 2017 et COMPASS en 2019 comparant aspiration directe et stent-retriever ont montré des taux de recanalisation et d’indépendance fonctionnelle identiques, mais l’absence de supériorité de l’aspiration dans l’étude ASTER et une non-infériorité obtenue pour l’aspiration dans l’étude COMPASS. Dans le même temps, plusieurs auteurs ont proposé des améliorations techniques en utilisant de manière combinée aspiration et stent-retriever, ce qui permettrait d’obtenir des taux de recanalisation jusqu’à présent jamais atteints. Cependant la récente étude ASTER 2 n’a pas mis en évidence de différence entre technique combinée et stentretriever seul, avec toutefois une mise en garde sur le risque de manque de puissance statistique. Ces dernières années ont également vu l’apparition d’une dizaine de nouveaux stent-retriever, avec des évolutions, des design originaux et/ou des tailles de plus en plus petites afin d’atteindre plus facilement les vaisseaux distaux, qui ont été évalués dans des séries mono ou multicentriques rétrospectives et rapportant globalement des taux de recanalisation similaires aux précédentes études. A l’heure actuelle, les techniques de thrombectomie mécaniques peuvent être classées en trois catégories :
– Stent-retriever seul : le thrombus est franchi à l’aide du microcathéter, puis le stentretriever est déployé pendant quelques minutes sur le thrombus et enfin il est retiré. Il s’agit de la technique princeps qui est de moins en moins utilisée.
– Aspiration seule : un cathéter d’aspiration souple de large diamètre est mis en contact avec le thrombus. Celui-ci sera aspiré à l’aide d’une pompe à pression cyclique ou d’une seringue. Cette approche est de plus en plus utilisée.
– Technique combinée : utilisation combinée du cathéter d’aspiration et du stent retriever en même temps. Cette approche est la plus répandue à l’heure actuelle, selon des sondages réalisés aux Etats-Unis et en France. C’est cette technique qui a été utilisée dans les différentes études composant cette thèse.
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Table des matières
INTRODUCTION
Contexte et justification de la thèse
Objectif de la thèse
I. PARTIE 1. Analyse de la variabilité des aspects du thrombus intracrânien en imagerie par résonance magnétique à la phase aigüe de l’accident vasculaire cérébral ischémique
I.1. Relation entre le « susceptibility vessel sign » et le temps écoulé entre le début des symptômes et l’imagerie par résonance magnétique
Résumé
Abréviations
Introduction
Méthodes
Résultats
Discussion
II. PARTIE 2. Type de thrombus intracrânien et amélioration de la technique de thrombectomie mécanique à la phase aigüe de l’accident vasculaire cérébral ischémique
II.1. Le retrait rapide du stent-retriever améliore les taux de recanalisation de la thrombectomie : étude expérimentale sur différents thrombi
Résumé
Abréviations
Introduction
Méthodes
Résultats
Discussion
Supplément
II.2. Le retrait rapide du stent pendant la thrombectomie mécanique améliore la recanalisation chez les patients ne présentant pas de « susceptibility vessel sign »
Résumé
Abréviations
Introduction
Méthodes
Résultats
Discussion
Supplément
II.3. Le retrait rapide du stent pendant la thrombectomie mécanique améliore l’effet de premier passage
Résumé
Abréviations
Introduction
Méthodes
Résultats
Discussion
Supplément
DISCUSSION GENERALE
CONCLUSION
IMPLICATIONS POUR LES RECHERCHES FUTURES ET LA PRATIQUE CLINIQUE
REFERENCES
ANNEXES