Applications du concept des médicaments essentiels (4)(5)
Le concept des médicaments essentiels a été approuvé à l’unanimité par l’assemblée mondiale de la santé. C’est une notion souple, adaptable à des situations fort différentes ; c’est aux pays qu’il incombe de décider de ce qui est considéré comme essentiel. La vaste applicabilité de ce concept ressort clairement de l’expérience acquise dans de nombreux pays. La plupart des listes nationales de médicaments essentiels sont stratifiées afin de répondre aux besoins de différents niveaux de l’infrastructure de soins de santé. Très souvent, une liste réduite a été préparée à l’intention des agents de santé communautaire, les listes détaillées étant réservées aux grands hôpitaux urbains et régionaux. De nombreux pays ont également appliqué avec succès ce principe aux hôpitaux universitaires et aux établissements spécialisés.
Programme OMS d’action pour les médicaments essentiels (5)(6)(7)
Le programme OMS d’action pour les médicaments essentiels est un programme collectif mondial auquel participent les Etats membres. Il a pour objectif d’aider les Etats membres à développer et améliorer leur système d’approvisionnement en médicaments essentiels et vaccins à la fois sûrs et efficaces, de qualité acceptable et à un coût aussi bas que possible, dans le cadre des activités de soutien aux soins de santé primaires. L’un des éléments important est l’établissement de politiques pharmaceutiques nationales.
Politique pharmaceutique nationale La politique pharmaceutique nationale doit concerner les systèmes de santé fondés sur les soins de santé primaires, être en accord avec le concept de médicaments essentiels et, chaque fois que possible, mettre l’accent sur les soins préventifs. Les principales activités à considérer lors de la formulation d’une politique pharmaceutique nationale sont les suivantes :
– déterminer les besoins thérapeutiques,
– choisir les médicaments essentiels,
– évaluer les quantités nécessaires,
– assurer le bon emploi des médicaments essentiels,
– fournir information et formation,
– améliorer le système d’approvisionnement,
– implanter une production locale (seulement si c’est techniquement et économiquement faisable et souhaitable),
– assurer le contrôle de la qualité,
– instituer le contrôle de la qualité,
– intégrer la surveillance des réactions secondaires,
– couvrir les besoins en personnel,
– assurer une action coordonnée de tous les secteurs intéressés,
– instituer un processus d’évaluation,
– organiser l’analyse des besoins financiers et des modalités de financement.
Composantes d’une politique pharmaceutique nationale (8) Les composantes d’une politique pharmaceutique nationale sont groupées en six rubriques principales qui sont présentés dans la figure 1 :
– sélection,
– approvisionnement,
– contrôle de la qualité,
– personnel,
– législation et ressources financières.
Soins publics payants et problèmes d’accès (9)(10)(11)
i) Les paiements des services : Nombre de pays en développement dont Madagascar, ont mis en place dans les formations sanitaires publiques, un système de participation financière des usagers au coût des prestations. Le temps de l’assistance médicale est révolue, d’une part parce que les Etats n’arrivent plus à supporter seuls le financement compte tenu des prix et de l’importance de la population à desservir, et d’autre part la gratuité favorise la gabegie, car la nature humaine a tendance à ne plus faire confiance à tout ce qui est gratuit, parce qu’on croit que c’est fatalement de mauvaise qualité. Des associations locales de santé chargées de la collecte des fonds n’ont qu’un droit de regard limité sur la manière dont les fonds sont dépensés. Ces fonds sont censés être utilisés pour l’achat de médicaments, les petites réparations, l’entretien des dispensaires et la rémunération des percepteurs. De plus dans beaucoup de pays, on pense qu’« en faisant payer intégralement, on ne feraient qu’exclure la majorité du groupe cible, c’est-à-dire les couches les plus déshéritées de la population rurale et dont l’état de santé est le plus mauvais ». Etant donné le faible pouvoir d’achat des populations et les médiocres infrastructures de transport à la campagne, il est difficile aux malades de prendre en charge le coût d’un traitement complet. En Afrique subsaharienne, certains agents de santé pensent que le paiement exigé aggrave les inégalités quant à l’accès aux soins de santé pour les différentes tranches d’âge et sexe. La tradition veut que dans les familles, les ressources soient allouées selon une hiérarchie établie. Le mari passe en premier suivi par les garçons de plus de 14 ans, ensuite vient la femme, puis les garçons de moins de 14 ans, et enfin les filles. Cette hiérarchie traditionnelle se reflète dans l’utilisation des infrastructures de santé publique.
ii) Habitudes de prescription : Les services de santé publique ont tendance souvent à faire des excès en matière de prescription de médicaments malgré la politique officielle de médicaments essentiels. Les agents de santé ne tiennent pas toujours compte de la liste des médicaments proposée. Souvent, les prescriptions comportent en moyenne quatre médicaments et presque toujours, un antibiotique pour des maladies courantes telles que le rhume ou la diarrhée. Une telle habitude entraine des dépenses inutiles et les pénuries rapides. Lorsqu’un malade se voit ordonner plusieurs médicaments dont certains à prendre deux fois par jour et d’autres trois fois, il peut se tromper. Lorsqu’on utilise en même temps certains médicaments, leur action a parfois tendance à se neutraliser ou à entrainer des effets secondaires fâcheux à cause de l’interaction des médicaments prescrits.
Financement par la population (24)
Le financement par la population peut constituer un supplément de ressources. Ce supplément varie considérablement en fonction du revenu de la population. Lorsque la population paie les services et les médicaments délivrés, elle sera davantage attentive à leur qualité et les services de santé devront de leur côté, être davantage attentifs à leur gestion et à la qualité des prestations fournies. Les services de santé n’ont plus seulement à rendre des comptes à l’Etat ; ils doivent être attentifs aux réactions des destinataires de leur activité. Mais le financement par la population est difficile à gérer : on constate presque toujours une baisse de la consommation de médicaments lorsque l’on instaure un paiement sans analyse précise préalable de la capacité de paiement des malades, et lorsque cette source de financement nouvelle est mise en place pour réduire la contribution d’autres sources de financement et non pour améliorer la qualité des prestations offertes. Qu’il s’agisse de paiement direct par les malades ou de paiement indirect par des systèmes de prépaiement, l’économie des systèmes de paiement doit s’adapter à la capacité de financement de la population à laquelle ils s’adressent.
Problème d’accès
Si les ordonnances non servies ne représentent que 10,3% des ordonnances prescrites, en fait les ordonnances à problèmes représentent 22,9% des ordonnances prescrites (ordonnances non servies : 10,3%, et ordonnances partiellement servies : 12,6%). Dans la majorité des cas, les patients qui n’achètent pas leurs médicaments sont du genre féminin. Célibataires ou mariées, elles ont probablement des problèmes d’argent, soit parce qu’elles ne travaillent pas, soit parce que leurs partenaires ne s’occupent pas de leurs soins. Le concept de médicaments essentiels sous dénomination commune internationale (DCI) s’oriente vers l’offre de produits génériques, prix relativement bas, pour que la plupart des patients dans les pays pauvres notamment puisse avoir accès aux médicaments (35). Les médicaments essentiels constituent un instrument très utile pour la rationalisation de l’utilisation des médicaments. Les pays en développement qui manquent de ressources et de personnel formé, ne peuvent se permettre d’acheter des médicaments non essentiels et doivent donc sélectionner les médicaments qui conviennent à leurs besoins. La liste modèle de l’OMS continue de leur servir de guide et de référence en tenant compte du profil de morbidité. Les principes et critères énoncés dans le rapport du premier comité d’expert sur la sélection des médicaments essentiels, qui ont été repris dans les deuxième et troisième rapports et également dans une récente publication de l’OMS sur les soins de santé primaires, constituent les bases de la sélection des médicaments. Cette sélection pour les différents niveaux des soins de santé (hôpitaux, centres de santé, dispensaires), dans les pays en développement est le point de départ d’une longue série d’activités comprenant la quantification des besoins, l’amélioration du système de distribution, la formation du personnel de santé à l’utilisation des médicaments, la préparation de guides thérapeutiques, l’introduction de législation appropriées, la surveillance et l’évaluation des progrès. Le programme OMS d’action pour les médicaments essentiels apporte un appui technique et administratif aux pays en développement, et mobilise des fonds pour la mise en œuvre de programmes nationaux. Il s’inscrit dans un environnement très complexe mais son principal objectif est d’assurer la disponibilité et l’accessibilité des médicaments (35).
CONCLUSION
Dans de nombreux pays en développement, la réduction des ressources du secteur public et l’augmentation de la demande de services de santé au cours de ces dix dernières années ont obligé à faire payer les médicaments par les patients pour faire fonctionner les systèmes publics de santé. L’étude que nous avons réalisée au CSB2 d’Antanimena sur le recouvrement des coûts des médicaments a permis de montrer les effets négatifs de cette nouvelle approche, sur le bon fonctionnement des centres de santé de base surtout pour ce qui concerne l’accessibilité des familles démunies aux soins de santé. En effet, les résultats de notre étude montrent qu’en 2010, au CSB2 d’Antanimena, sur 4.658 patients vus en consultation externe et munis d’ordonnances, tous les malades n’ont pas eu leurs médicaments car 10,3% des ordonnances prescrites n’ont pas du tout été servies et 12,6% n’ont été servies que partiellement. Ceux qui ont des problèmes d’accès aux médicaments sont les patients qui n’ont pas suffisamment de pouvoir d’achat pour acquérir les produits pharmaceutiques dont ils ont besoin. Il s’agit souvent d’adultes avec des charges familiales lourdes ou de personnes sans emploi qui évoluent dans le secteur informel. Afin d’améliorer l’accessibilité des patients aux médicaments, notre première suggestion porte sur le renforcement de la prescription rationnelle par une formation périodique des prescripteurs. Notre deuxième suggestion porte sur la réduction du prix de vente des médicaments essentiels. Cette dernière suggestion nécessite en plus, dans son application, un ciblage direct qui consiste à fournir des prestations gratuites aux patients démunis. Enfin, nous proposons l’exploitation et la vulgarisation d’approches thérapeutiques alternatives, moins chères, telle la pharmacopée traditionnelle, l’acupuncture déjà plus ou moins bien utilisées chez nous.
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Table des matières
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LES MEDICAMENTS ET L’ACCES AUX PRODUITS PHARMACEUTIQUES DE BASE
1. QUELQUES DEFINITIONS
1.1. Médicament
1.2. Médicaments essentiels
1.3. Médicament générique
1.4. Médicaments essentiels génériques
2. CONCEPT DE MEDICAMENTS ESSENTIELS ET SA MISE EN ŒUVRE
2.1. Applications du concept des médicaments essentiels
2.2. Critères de sélection
2.3. Programme OMS d’action pour les médicaments essentiels
2.3.1. Politique pharmaceutique nationale
2.3.2. Composantes d’une politique pharmaceutique nationale
2.3.3. Soins publics payants et problèmes d’accès
3. ACCES AUX MEDICAMENTS ET FINANCEMENT
3.1. Organisation de l’approvisionnement
3.2. Recherche de modalités de financement en fonction de leurs effets sur la gestion des médicaments
3.2.1. Financement communautaire
3.2.2. Modalités du financement
3.3. Recherche des sources possibles de financement
3.3.1. Financement par l’Etat
3.3.2. Financement par la population
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DE L’ACCES DE LA POPULATION AUX MEDICAMENTS
1. CADRE D’ETUDE
1.1. Le CSB2 d’Antanimena
1.1.1. Offres de services
1.1.2. Personnel
1.2. Le secteur sanitaire
1.2.1. Carte sanitaire
1.2.2. Démographie
2. METHODOLOGIE
2.1. Hypothèse
2.2. Objectifs spécifiques
2.3. Type d’étude
2.4. Période d’étude
2.5. Population d’étude
2.5.1. Critères d’inclusion
2.5.2. Critères d’exclusion
2.6. Echantillonnage et taille de l’échantillon
2.7. Recueil des données
2.8. Saisie et traitement
2.9. Limite et éthique
2.10. Paramètres d’étude
3. RESULTATS
3.1. Profil de morbidités
3.2. Tarification
3.3. Nombre de médicaments par ordonnance
3.4. Coût d’une ordonnance
3.5. Répartition des patients
3.5.1. Tranche d’âge
3.5.2. Genre
3.5.3. Niveau d’instruction
3.5.4. Profession
3.5.5. Domicile
3.6. Ordonnances non servies
3.7. Ordonnances servies
3.8. Caractéristiques des patients qui n’achètent pas leurs médicaments
3.8.1. Tranches d’âge et genre
3.8.2. Niveau d’instruction
3.8.3. Profession
3.8.4. Domicile
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES ET SUGGESTIONS
1. COMMENTAIRES
1.1. Profil de morbidité
1.2. Médicaments essentiels et leur prix de vente
1.3. Ordonnances prescrites
1.4. Répartition des patients
1.5. Accès aux médicaments
1.6. Caractéristiques des patients à problème
1.7. Problème d’accès
2. SUGGESTIONS
2.1. Une prescription rationnelle des médicaments
2.1.1. Objectif
2.1.2. Stratégie
2.2. Une réduction du prix de vente
2.2.1. Objectif
2.2.2. Stratégies
2.3. Promotion d’autres approches thérapeutiques
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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