Accélération d’électrons dans l’interaction laser-plasma

Injection externe

   C’est avec l’injection externe, c’est-à-dire en injectant un faisceau d’électrons accéléré par des méthodes conventionnelles, qu’ont été réalisées les premières démonstrations de l’accélération laser-plasma. A UCLA pour des ondes plasmas excitées par battement [Clayton 93], au Japon pour des ondes plasmas excitées par auto-modulation [Nakajima 95] et à l’Ecole Polytechnique [Amiranoff 98] pour des ondes excitées dans le sillage d’un laser. Dans ces expériences un faisceau d’électrons de quelques MeV et de longue durée (20 ps pour [Clayton 93], 200 ps pour [Nakajima 95] et continu dans [Amiranoff 98]) est injecté dans un plasma. Si le gain d’énergie constaté valide le principe d’accélération, la qualité des faisceaux accélérés, en particulier leur dispersion en énergie n’était pas satisfaisante (∆E/E = 100%). Cela était dû à la différence d’échelle entre la taille longitudinale de faisceau (reliée à leur durée) et la taille de la structure accélératrice (λp ≈ 100 µm dans les expériences citées). Les électrons injectés vont se trouver indifféremment dans des phases accélératrices ou décélératrices de l’onde plasma : la dispersion en énergie sera maximale. Pour obtenir de faibles dispersions en énergie, il faut pouvoir produire de façon externe des faisceaux d’électrons de bonne qualité de durée inférieure à λp/c ≃ 100fs. De tels faisceaux sont actuellement difficiles à obtenir de manière conventionnelle, principalement à cause des problèmes de charge d’espace prépondérants à faible énergie. Des équipes travaillent de façon intensive sur ce schéma et quand les défis technologiques seront résolus, cette technique sera à n’en pas douter largement utilisée. En utilisant un faisceau injecté devant l’impulsion laser [Khachatryan 02, Lifschitz 05] ou la croisant [Luttikhof 09], des faibles durées et dispersions en énergie peuvent être atteintes. La synchronisation entre les deux faisceaux restera cependant un véritable défi.

Déferlement

   Pour s’affranchir des problèmes de synchronisation, il est à priori plus simple d’utiliser des électrons du plasma en leur transmettant l’impulsion initiale nécessaire pour être injectés. On parle alors de schéma d’injection interne ou d’autoinjection. L’injection peut avoir lieu quand, dans une onde plasma très non linéaire, des électrons sans vitesse initiale gagnent une vitesse supérieure à la vitesse de phase de l’onde. On parle alors de déferlement de l’onde plasma [Katsouleas 88, Bulanov 97]. En utilisant la représentation d’orbites utilisée précédemment, ce déferlement a lieu quand la séparatrice et l’orbite fluide se confondent. Mathématiquement, cette définition correspond (dans le cas unidimensionnel et de manière approchée dans le cas tri-dimensionnel) à φmin = 1/γp − 1. Ce régime nécessite des ondes plasma très non linéaires et n’a pu être exploré qu’après l’avènement des lasers ultra intenses. Les premières expériences [Modena 95, Gordon 98] opéraient avec des impulsions lasers de l’ordre de quelques centaines de femtosecondes et des densités assez élevées (> 1019 cm−3), c’est à dire avec des durées d’impulsion bien plus longues que la période plasma (ωpτ ≫ 1). Les ondes plasmas étant excitées par auto-modulation, le déferlement n’était pas localisé. De plus les électrons injectés interagissaient avec le laser ce qui contribuait à augmenter leur dispersion en énergie [Pukhov 99, Gahn 99]. Les spectres obtenus étaient alors maxwelliens. L’avènement des lasers Ti : Sa a permis de réduire la durée des impulsions lasers à 30 − 40 fs avec des taux de répétition plus élevés. L’idée initiale étant toujours d’exciter les ondes plasmas les plus non linéaires possibles, ces lasers étaient focalisés fortement à des tailles de quelques microns. Comme dans le régime d’interaction courte, l’auto-focalisation ne permettait pas de guider le laser, les distances d’interaction étaient très courtes et ne permettaient pas de faire déferler l’onde plasma dans le régime de sillage (λp ≃ cτ ). Pour faire déferler l’onde plasma, il fallait donc toujours être dans le régime d’auto-modulation avec des densités importantes > 2×1019 cm−3 [Malka 01]. Les électrons se déphasaient alors rapidement et les spectres obtenus étaient alors toujours maxwelliens tels que représentés figure 1.8. De manière similaire, comme les électrons n’étaient pas tous dans une phase focalisante de l’onde plasma, le faisceau d’électrons avait une divergence importante de l’ordre de 10 degrés. En augmentant la taille du faisceau laser (≃ 18 µm), on se retrouve dans un régime où les impulsions courtes peuvent être guidées. Dans ce régime, seule une période de l’onde plasma déferle. La température électronique augmente alors (T = 20 MeV) et le spectre passe de maxwellien à une forme de plateau à haute énergie [Malka 02]. Même si la durée du faisceau d’électrons devient intéressante pour de nombreuses applications, sa qualité spectrale est toujours limitée.

Effets pondéromoteurs couplés au battement

  Nous avons pour l’instant supposé avoir des ondes planes, de façon à pouvoir extraire des informations théoriques. Ceci est justifié puisque l’échelle spatiale de variation de l’enveloppe (en λp) est beaucoup plus grande que la longueur d’onde de battement (en λ0/2). Ainsi sur une période de battement les amplitudes a0 et a1 peuvent être considérées constantes et la description du chauffage par battement reste correcte. C’est ce que montre la figure 2.12 qui représente la trajectoire dans l’espace des phases d’un électron dans le battement de deux impulsions polarisées circulairement (d’hélicités opposées) et de durée 30 fs. Le cas est très similaire à la même figure obtenue pour des ondes planes, on constate juste une modulation de l’oscillation de uz correspondant à la variation de l’enveloppe. De plus, dans le cas des impulsions gaussienne, l’électron est proche de la séparatrice du battement et peut s’échapper avec de l’énergie. Le chauffage stochastique, par contre, puisqu’il est basé sur des perturbations sommées sur plusieurs périodes, va être impacté. On peut ainsi imaginer qu’un électron se trouvant dans un gradient négatif de l’enveloppe a0a1 va pouvoir se retrouver, une fois son énergie gagnée, dans une résonance à nouveau isolée et traverser le reste de la collision en conservant son impulsion.

Inhibition de l’onde de sillage

   Nous avons vu que le modèle développé dans la section 2.1.3 était très simplificateur dans la description du chauffage des électrons. Nous allons maintenant essayer de comprendre la dynamique du plasma et notamment comment le mécanisme de chauffage peut influencer l’excitation de l’onde plasma. Dans les premiers travaux théoriques [Esarey 97a, Fubiani 04, Kotaki 04], l’excitation de l’onde plasma est supposée être la même que dans un cas sans battement, l’hypothèse sous-jacente est donc la suivante : une population d’électrons est effectivement chauffée par la collision des lasers, une autre, plus importante, ne voit pas cette collision et sa dynamique est régie uniquement par la force pondéromotrice du laser. Cette vision s’avère fausse du fait de la différence importante entre les forces pondéromotrices du battement et celles du laser pompe seul : Fbeat > Fpond. Durant la collision, la dynamique des électrons est complètement régie par le battement. Pour s’en convaincre, nous pouvons comparer la figure 2.20.a, représentant les trajectoires dans l’espace des phases (z, uz) des électrons dans le champ d’un laser a0 = 2, τ0 = 30 fs pour une polarisation linéaire et circulaire, à la figure 2.20.b, représentant les trajectoires d’électrons voyant la collision de deux lasers avec a1 = 0.4, τ1 = 30 fs. Les électrons sont initialement au repos et placés très proches de la position de collision des deux maxima des impulsions, de telle sorte qu’ils voient les deux lasers simultanément. Dans la collision des deux lasers, les électrons sont piégés dans le battement et leur excursion longitudinale n’est plus que de λ0/2. Une conséquence directe de cette dynamique modifiée est que la séparation de charge sur des distances de l’ordre de l’onde plasma, à l’origine de l’excitation de l’onde plasma, n’a pas lieu. L’onde plasma ne va donc pas être excitée pendant le battement des deux lasers. Cette inhibition de l’onde plasma est bien visible dans les simulations unidimensionnelles Particle In Cell (PIC). Ces simulations auto cohérentes résolvent les équations de Maxwell à chaque pas de temps en fonction des positions et des courants liés à des macro-particules représentant des électrons et des ions.

Effets de beam loading

Considérations générales Les effets de beam loading sont dus à l’onde plasma excitée par le faisceau d’électrons accéléré (c.f. équation 1.21). Comme on considère des faisceaux d’électrons plus courts qu’une demi-longueur d’onde plasma (les électrons sont accélérés dans le sillage du laser), le champ électrique longitudinal généré va être décélérateur pour les électrons du paquet. C’est bien un effet plasma, et pour le voir nous pouvons le comparer de façon instructive à un autre effet, la charge d’espace du faisceau qui est un effet ne dépendant pas de la présence ou non d’un plasma. Le paquet d’électrons génère en effet des champs électriques qui vont avoir tendance à le dissocier et à le ralentir. Si on calcule ces champs dans le référentiel du faisceau, considéré mono énergétique, les champs générés sont les champs électrostatiques d’un ellipsoïde chargé. On pourrait penser à première vue que ces champs sont importants, en effet si on prend par exemple une sphère de 3 µm de rayon, le champ électrique généré par unité de charge est de l’ordre de 1 GV/m/pC. Il ne faut cependant pas oublier que dans le référentiel se déplaçant avec les électrons accélérés, le paquet est dilaté longitudinalement, de telle sorte que le champ électrique longitudinal est réduit d’un facteur ≃ γ2. Pour des électrons de 10 MeV, le champ de charge d’espace est donc de l’ordre de quelques MV/m/pC, ce qui, pour les charges atteintes dans nos accélérateurs, est négligeable devant les champs plasmas excités par le laser. Les électrons du plasma, dans le référentiel du laboratoire, voient en revanche des champs électriques et magnétiques importants et seront influencés par le faisceau d’électrons même s’il est relativiste. Le champ de sillage, ou la perturbation locale du champ de sillage ainsi induite, pourra alors perturber les électrons du faisceau. Notons que cet effet n’est pas propre aux accélérateurs plasma : ce problème se pose également dans les accélérateurs classiques. En effet, un faisceau d’électrons excite également un champ de sillage lors de la traversée d’une cavité accélératrice. Ce champ variable contribue à créer des instabilités longitudinales [Ng 06] et à augmenter la dispersion en énergie, spécialement pour des sources de forte intensité. La recherche sur le beam loading est toujours d’actualité puisque c’est le phénomène physique à la base de nouveaux concepts d’accélération à forts gradients de type CLIC [Ellis 01]. Enfin le beam loading a une importance toute particulière dans le régime d’auto injection. En effet, l’injection n’est limitée dans le temps qu’à cause des effets de champs créés par le faisceau piégé. Ainsi, c’est le beam loading qui régule l’injection et permet d’obtenir des distributions quasi mono énergétiques dans le régime de la bulle

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Table des matières

Introduction
1 Théorie de l’accélération d’électrons par laser 
1.1 Laser 
1.2 Plasma 
1.3 Excitation d’onde plasma
1.3.1 Force pondéromotrice
1.3.2 Théorie linéaire
1.3.3 Théorie non linéaire
1.4 Guidage et évolution non linéaire du laser
1.5 Accélération
1.6 Problématique de l’injection & état de l’art 
1.6.1 Injection externe
1.6.2 Déferlement
1.6.3 Injection optique
2 Injection par faisceaux contre-propagatifs : théorie 
2.1 Concept de l’injection optique 
2.1.1 Notations
2.1.2 Battement et gain d’impulsion
2.1.3 Piégeage
2.2 Chauffage 
2.2.1 Battement
2.2.2 Chauffage stochastique
2.2.3 Effets pondéromoteurs couplés au battement
2.2.4 Chauffage par collision d’ondes de sillages
2.3 Inhibition de l’onde de sillage 
2.4 Simulations et études paramétriques 1D
2.4.1 Variation de a0
2.4.2 Variation de a1
2.4.3 Variation de polarisation
2.4.4 Variation de la compression
2.5 Simulations 3D
2.5.1 Inhibition d’onde de sillage
2.5.2 Injection froide
2.6 Conclusion 
3 Injection par faisceaux contre-propagatifs : expérience 
3.1 Laser 
3.2 Plasma et jet de gaz 
3.3 Montage expérimental 
3.4 Diagnostics 
3.4.1 Diagnostics d’alignements
3.4.2 Spectromètre à électrons
3.5 Injection par faisceaux contre-propagatifs 
3.6 Domaine d’injection 
3.6.1 Paramètres du pompe et du plasma
3.6.2 Paramètres du laser d’injection
3.7 Stabilité
3.7.1 Comparaison avec les fluctuations laser
3.7.2 Stabilité du régime de la bulle et controverse
3.8 Conclusion 
4 Contrôle du faisceau d’électrons et effets physiques fins 
4.1 Contrôle de l’énergie 
4.1.1 Résultats expérimentaux
4.1.2 Simulations de l’expérience
4.1.3 Evolution de la charge et influence des effets non linéaires
4.2 Contrôle du volume d’injection
4.2.1 Principe
4.2.2 Contrôle de la charge
4.2.3 Contrôle de la dispersion en énergie
4.3 Injection avec des polarisations croisées 
4.3.1 Variation de a0
4.3.2 Explications
4.3.3 Variation de a1 et seuils d’injection
4.4 Effets de beam loading
4.4.1 Considérations générales
4.4.2 Observables
4.4.3 Résultats expérimentaux
4.4.4 Simulations
4.4.5 Charge optimale et dispersion en énergie
4.4.6 Comparaison avec le modèle théorique non linéaire
4.4.7 Forme de faisceau
4.4.8 Rendement
4.5 Caractérisation fine de la dispersion en énergie
4.5.1 Dispositif expérimental
4.5.2 Mesure et discussion
4.6 Conclusion 
5 Applications et perspectives 
5.1 Résultats obtenus pendant la thèse
5.2 Applications
5.2.1 Radiographie
5.2.2 Radiothérapie
5.2.3 Génération de rayonnement
5.3 Perspectives 
A Guidage dans un capillaire 
A.1 Théorie et motivation
A.1.1 Guidage d’un laser dans un canal de densité
A.1.2 Formation du canal de densité
A.1.3 Motivations
A.2 Décharge capillaire
A.2.1 Dispositif électrique et décharge
A.2.2 Jitter
A.3 Caractérisation du guidage à faible flux 
A.4 Perspectives 
B Lois d’échelles 
C Publications 
C.1 J. Faure et al. Nature 2006 
C.2 Rechatin et al. Phys. Plasmas 2007 
C.3 Rechatin et al. New J. Phys. 2009
C.4 Malka et al. Phys. Plasmas 2009 
C.5 Davoine et al. Phys. Rev. Lett. 2009 
C.6 Rechatin et al. Phys. Rev. Lett. 2009
C.7 Rechatin et al. Phys. Rev. Lett. 2009 
Bibliographie

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