Au cours des dernières années, l’industrie automobile a évolué vers le concept de conduite autonome, considéré comme le futur de la mobilité terrestre notamment en vue de réduire les accidents sur la route. Il existe déjà à travers le monde plusieurs prototypes capables de conduire sans intervention humaine [DARPA, 2007]. Néanmoins même si la technologie existe, il reste de la route à parcourir afin de l’étendre au grand public. Plusieurs raisons expliquent cet écart. Premièrement, le prix de cette technologie s’avère encore trop élevé pour l’implémenter sur des voitures grand public. Ensuite, un véhicule autonome devrait pouvoir conduire de manière sûre et confortable quelle que soit la situation, ce qui représente encore un défi pour les développeurs (notamment en circulation urbaine). Enfin, la législation régule progressivement l’introduction de cette technologie en vue d’une utilisation responsable et mature.
Un processus d’évolution entre la voiture manuelle et autonome est aujourd’hui en cours par l’introduction progressive des Systèmes Avancés d’Aide à la Conduite (ADAS, Advanced Driving Assistance Systems). Ces systèmes permettent la prise en charge d’une certaine partie de la tâche de conduite. Ils n’ont pas vocation encore à gérer tous les niveaux de décision mais plutôt à accompagner le conducteur sur un périmètre de scénarios définis et toujours sous supervision du conducteur. Les ADAS peuvent donc être considérées comme un premier pas vers la conduite semi-autonome et à terme vers des véhicules entièrement autonomes. Ces ADAS sont variées par leur nature (active ou passive) et leur action. Nous discernons en général quatre grandes familles d’ADAS :
1. les ADAS longitudinales
Adaptive Cruise Control (ACC), Advanced Emergency Braking (AEB), etc.
2. les ADAS latérales
Lane Centering Assistance (LCA), Lane Keeping Assistance (LKA), Lane Departure Warning (LDW), etc.
3. les ADAS parking
Vision à 360°, parking automatique
4. les ADAS réalité augmentée
Driver Attention Detection, Affichage Tête Haute, Traffic Sign Recognition, etc.
Le standard J3016 défini par SAE International [SAE International, 2018b] propose une classification du niveau d’autonomie des systèmes d’aides à la conduite . Les six niveaux sont définis en fonction des rôles respectifs du conducteur et du système quant à la supervision et au contrôle des différentes tâches à réaliser. Les niveaux s’échelonnent alors du niveau 0 correspondant à un système non autonome où le conducteur réalise toutes les tâches, au niveau 5 représentant une voiture entièrement autonome où le conducteur n’a plus à agir ni surveiller quelle que soit la situation (imaginer une voiture sans volant ni pédales). Les niveaux sont catégorisés en deux grandes classes : les systèmes d’aides à la conduite (niveaux 0 à 2) et les systèmes autonomes (niveaux 3 à 5). Nous nous intéresserons particulièrement au niveau 2 d’autonomie puisqu’il coïncide avec le système considéré dans ce mémoire. Une voiture autonome de niveau 2 implique que le conducteur supervise toujours la conduite, même si les systèmes activés agissent sur le braquage, l’accélération ou le freinage du véhicule. Dans ce cas, le conducteur doit accomplir lui-même certaines manœuvres car ces systèmes sont limités en terme d’accélérations latérale et longitudinale maximales qu’ils peuvent induire. Un aspect important des niveaux 1 et 2 d’autonomie est alors l’interaction entre le conducteur et le système par la possible action simultanée des deux sur les actionneurs (volant, pédales d’accélération et de frein).
La calibration des lois de commande des ADAS est ardue notamment à cause de la complexité d’un véhicule mais également des imbrications des différents sous systèmes. Par exemple, la capacité à réguler la vitesse longitudinale du véhicule est directement impactée par la motorisation considérée. De plus, ces systèmes sont voués à être implémentés sur plusieurs modèles de véhicules, nécessitant dès lors sur chaque modèle une retouche spécifique de la calibration. Cette dernière est soumise à une multitude de critères antagonistes : performance versus consommation, confort versus sécurité, stabilité versus robustesse. Le rôle des metteurs au point est alors de trouver une calibration du contrôleur assurant stabilité et robustesse du système face aux variations de l’environnement et des caractéristiques du véhicule, mais aussi conférant un agrément de conduite acceptable pour les clients. La calibration est donc une étape essentielle pour assurer le comportement voulu et ainsi faire accepter le système par le client. Pour cela, les metteurs au point doivent régler une multitude de paramètres puis valider leur réglage sur de multiples scénarios (généralement directement sur prototype), ce qui représente un travail colossal afin d’obtenir un système fiable et acceptable. Une des difficultés est notamment la compréhension de l’influence des paramètres de réglage sur le système, pouvant amener à une phase chronophage d’essai-erreur.
État de l’Art du Contrôle Latéral d’un Véhicule Routier
Positionnement du Problème – Présentation du LCA
Le LCA est une ADAS dite de confort dans le sens où c’est une assistance facilitant la conduite du conducteur. Ce système s’oppose aux ADAS d’urgences, tels que le freinage d’urgence et les manœuvres d’évitements. Pour des raisons de confort et de sécurité, ce système a vocation à n’être actif que sur une plage d’accélération latérale restreinte. Les normes actuelles sur les véhicules décrétées par l’UNECE (United Nations Economic Commission for Europe) interdisent aux systèmes d’aides à la conduite de générer une action sur la direction induisant une accélération latérale supérieure à ay,max = 3 m.s⁻² [UNECE, 2018, p. 20]. Cette limite qui est complétée par une autre sur le couple total maximum au niveau de colonne de direction permet « d’empêcher une intervention excessive de la commande de direction pendant l’utilisation du système, afin que le conducteur puisse en garder la maîtrise et éviter tout comportement imprévu du véhicule ». Le LCA que nous considérons correspond à un niveau d’autonomie 1 ou 2 d’après la définition de SAE . Le système doit être calibré de manière à ce que le client se sente en sécurité et donc doit être suffisamment performant et robuste afin qu’il ne désactive pas le système. L’acceptation du client demande une étude approfondie par l’objectivation de critères subjectifs mais est une tâche ardue notamment par le nombre très élevé de scénarios à considérer (type de route, largeur de voie, présence de véhicules autour ou non, etc.).
État de l’Art du Contrôle Latéral d’un Véhicule
Une littérature riche sur le contrôle latéral existe et balaie un panel de stratégies de commande. Le contrôle du mouvement du véhicule est une étape cruciale pour les systèmes ADAS et doit tenir compte de nombreuses caractéristiques afin de d’apporter satisfaction : stabilité, contrôlabilité aux limites (pour les manœuvres d’évitements de collision par exemple), robustesse aux variations paramétriques et aux perturbations affectant le véhicule, confort des passagers et performance du contrôle. Dans le cadre du système LCA étudié et présenté succinctement au paragraphe précédent, nous exclurons de l’état de l’art les contrôles à hautes-dynamiques pour nous focaliser sur ceux conférant une conduite confortable.
Afin de répondre aux spécifications des systèmes autonomes, le système est décomposé en trois fonctions principales , à savoir :
• Perception : Elle permet au système de connaître en temps réel son état ainsi que l’environnement dans lequel il évolue. Elle traite également les données pour les rendre utilisables plus directement par les deux autres fonctions.
• Génération de trajectoire (Path Planning) : Cette fonction génère des trajectoires de référence faisables et sûres pour le véhicule, voire décide de celle qu’il faut suivre.
• Commande : Cette fonction a vocation à assurer le suivi de trajectoire. Cela intègre aussi la commande des actionneurs des différents sous-systèmes. De plus, la commande générée doit être robuste aux incertitudes paramétriques et aux perturbations (comme par exemple le dévers de la route ou le vent).
Ces 3 fonctions font l’objet d’un effort de recherche important dans la communauté scientifique depuis plusieurs décennies. Pour la partie Perception, les axes de recherche principaux portent aussi bien sur la technologie des capteurs (caméra, radar, lidar) que sur les traitements des données et notamment d’image. Afin de robustifier leur système de perception, les véhicules autonomes embarquent des algorithmes de fusion de données permettant à chaque instant de tirer profit des avantages de chaque capteur. Parmi les ouvrages traitant ces aspects, [Li et al., 2009] présente une vue d’ensemble des technologies de capteurs et de guidage des véhicules autonomes agricoles, [Dickmanns, 2007] détaille un large éventail de techniques de perception visuelle, pour le véhicule autonome notamment, que ce soit pour les technologies de caméra, le traitement d’image ou encore la fusion de données. Concernant spécifiquement la fusion de données, [Bar-Shalom et al., 2011] permet d’acquérir de solides bases théoriques et pratiques sur les algorithmes de fusion utilisables dans l’industrie.
Historiquement très utilisée en robotique mobile, la génération de trajectoires est une fonctionnalité de plus en plus utilisée pour les voitures autonomes, qui va de pair avec leur autonomie grandissante. En effet, ce module permet de suivre une trajectoire optimale par rapport à certains critères, souvent liés au confort et à la consommation (énergie de la commande), tout en garantissant d’éviter les obstacles. Le path-planning est notamment très utilisé pour les manœuvres complexes : changement de voie(s), évitements, ronds-points, etc, et de façon plus générale une combinaison de ces différents scénarios. Ce module comprend également des fonctions décisionnelles critiques. Il doit choisir à chaque instant de la meilleure trajectoire à suivre. Les papiers [Goerzen et al., 2010, Katrakazas et al., 2015] dressent un état de l’art des différentes méthodes rencontrées dans la littérature pour réaliser un module de path-planning dans le contexte des véhicules autonomes. Même si le premier papier concentre son analyse sur l’application aux Unmanned Aerial Vehicles (UAVs), les algorithmes décrits sont tout aussi applicables aux véhicules routiers.
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Table des matières
1 Introduction Générale
1.1 Motivations de la thèse
1.2 Contributions principales
1.3 Organisation du manuscrit
2 État de l’Art du Contrôle Latéral d’un Véhicule Routier
2.1 Positionnement du Problème – Présentation du LCA
2.2 État de l’Art du Contrôle Latéral d’un Véhicule
2.2.1 Les stratégies de commande temporelles
2.2.2 Les stratégies de commande fréquentielles
2.2.3 Autres stratégies de commande
2.2.4 Conclusion sur les stratégies de commande
2.2.5 Techniques d’optimisation pour la synthèse multi-objectif
2.3 Conclusion – Choix Méthodologiques
3 Dynamique Latérale d’un Véhicule Routier
3.1 Définition des Repères de Travail
3.2 Modèle « Bicyclette » du Véhicule
3.2.1 État de l’Art de la modélisation véhicule
3.2.2 Modèle bicyclette
3.3 Le Gradient de Sous-Virage
3.3.1 Définition
3.3.2 Caractéristiques
3.3.3 Mesure du gradient de sous-virage
3.4 La Direction Assistée Électrique (DAE)
3.5 Les Capteurs
3.5.1 Les capteurs extéroceptifs
3.5.2 Les capteurs proprioceptifs
3.6 La Dynamique de la Route
3.6.1 Conception géométrique des routes
3.7 La Simulation Haute Représentativité
3.7.1 Contexte
3.7.2 MADA (Modélisation Avancée de Dynamique Automobile)
4 Contrôle Latéral d’un Véhicule : Vers une Pré-Calibration Optimisée
4.1 Contexte
4.2 Architecture de la Boucle de Commande
4.3 Représentation d’État de la Boucle Fermée en Présence d’Incertitudes
4.4 Méthodologie
4.4.1 Avant-propos
4.4.2 Du modèle incertain au multi-modèle
4.4.3 Du mono-scénario au multi-scénario
4.4.4 Critères d’optimisation
4.4.5 Formulation complète du problème de commande
4.5 Résultats
4.5.1 Simulations
4.5.2 Essais sur piste
4.6 Conclusion – Limitations de la Structure
5 Des Structures Alternatives Pertinentes
5.1 Structure de rétroaction
5.1.1 Retour d’état filtré
5.1.2 Retour de sortie statique
5.1.3 Comparaison
5.2 Générateur de trajectoire de référence / feedforward
Conclusion Générale
Annexes