Description du phénomène de rochet
Dans cette partie, nous ne nous intéressons qu’à la description des principaux résultats expérimentaux relatifs au phénomène de rochet. Les autres aspects du comportement comme l’écrouissage cyclique ou le surécrouissage par exemple, sont largement illustrés dans la littérature et une synthèse de ces phénomènes peut être trouvée dans [Calloch 97]. D’autre part, nous ne présentons que quelques résultats d’essais sur le phénomène de rochet. Pour plus de détails, le lecteur pourra se référer aux nombreux travaux issus de la littérature et notamment aux références suivantes: [Ruggles et Krempl 89], [Delobelle 89], [Hassan et Kyriakides 92], [Hassan et al. 92], [Delobelle et Robinet 93], [Hassan et Kyriakides 94a], [Hassan et Kyriakides 94b], [Jiang et Sehitoglu 94], [Delobelle et al. 95], [Mcdowell 95], [Haupt et Schink 96], [Corona et al. 96], [Portier et al. 00] et [Bocher et al. 01]. Lorsque l’on réalise des essais cycliques sur un matériau métallique autour d’une contrainte moyenne non nulle, on peut obtenir trois phénomènes selon les conditions de chargement :
– une stabilisation de la déformation avec un comportement élastique au cycle stabilisé ; c’est le phénomène d’adaptation,
– une stabilisation de la déformation avec un comportement élasto plastique au cycle stabilisé ; c’est l’accommodation,
– un accroissement de la déformation à chaque cycle et qui ne disparaît pas avec le nombre de cycles; c’est le phénomène de rochet ou déformation progressive. Ces trois phénomènes sont représentés sur la figure 1.1 dans le cas de sollicitations uniaxiales. La déformation progressive résulte de la superposition d’une contrainte moyenne au cours du cycle σmoy non nulle (ou chargement primaire) et d’un chargement cyclique (ou chargement secondaire) qui peut être uniaxial ou multiaxial. On parle de rochet uniaxial (ou rochet 1D) lorsque le chargement cyclique est imposé dans la même direction que la contrainte moyenne non nulle. Les essais de rochet multiaxiaux sont en revanche des essais pour lesquels la direction du chargement primaire est différente de la direction du chargement secondaire. Un exemple d’essai de rochet biaxial (ou rochet 2D) très courant est un essai de traction – torsion sur éprouvette tubulaire où l’on impose : σZZ = Cte et εθZ = ±εθZmax. On peut alors obtenir de la déformation progressive dans la direction axiale et un durcissement ou un adoucissement cyclique sur la voie de torsion. Nous rapportons ici quelques résultats expérimentaux issus de la littérature mettant en évidence la déformation progressive du matériau ou phénomène de rochet.
Étude des structures de dislocations lors d’un trajet de traction monotone
Dans le cas d’une sollicitation uniaxiale monotone et pour des matériaux à faible énergie de défaut d’empilement (EDE) comme l’acier inoxydable 316L, Feaugas observe la formation de structures de dislocations planaires (empilements et défauts d’empilements) qui tendent ensuite à disparaître pour laisser place à des structures hétérogènes (amas, murs, cellules) [Feaugas 99] (une liste des différentes microstructures rencontrées lors d’essais d’écrouissage monotone ou cyclique uniaxiaux est donnée sur la figure 1.11). Le niveau de transition entre les zones de glissement simple et celles de glissement multiple se situe à environ 1,5% de déformation plastique pour l’acier inoxydable 316L, ce qui correspond d’ailleurs au moment où l’écrouissage isotrope commence à augmenter. À partir d’environ 3% de déformation plastique, Feaugas observe aussi l’apparition de maclage. La faible EDE rend le glissement dévié très difficile, ce qui génère de fortes contraintes internes au sein des grains. Le maclage nécessite alors une faible scission critique et apparaît tôt dans le processus de déformation comme moyen de relaxer les contraintes internes. Pour des matériaux à plus forte EDE (Cuivre, Aluminium), le glissement multiple est facilité, ce qui permet de former des structures hétérogènes de dislocations pour des niveaux de déformation plastique plus faibles, retardant du même coup l’apparition du maclage. Une fois ces structures hétérogènes en place, Feaugas observe une diminution de leur taille en même temps qu’une augmentation du “contraste” entre les parois à forte densité de dislocations (et donc dures) et les canaux à faible densité de dislocations (mous) en fonction de la déformation plastique.
Mécanismes de déformation plastique développés sous sollicitation cyclique à déformation plastique imposée
Un chargement cyclique à déformation plastique imposée a pour effet d’accélérer la transition glissement planaire-glissement dévié. En effet, les structures de dislocations hétérogènes (amas, murs, cellules mais aussi les veines, bandes de glissement persistantes et labyrinthes qui n’apparaissent que lors de sollicitations cycliques) apparaissent pour des niveaux d’amplitude de déformation plastique plus faibles que pour la traction. L’écrouissage cyclique est principalement lié à l’augmentation de la contrainte interne X associée aux structures hétérogènes de dislocation. Ainsi, pour une amplitude de déformation plastique de 2%, la contrainte interne est supérieure de 180 MPa à celle observée en traction simple. La contrainte effective n’augmente quant à elle que de 50 MPa.
Conclusion sur les mécanismes physiques liés à la déformation progressive
D’après les travaux de Gaudin et Feaugas, le phénomène de rochet ne semble pas être actif lorsque lesstructures de dislocations sont uniquement planaires(empilements et défauts d’empilements). L’irréversibilité associée à l’activation du glissement dévié est une condition nécessaire au mécanisme de rochet cyclique. Il existe donc une contrainte maximum seuil en dessous de laquelle il n’y a pas de rochet. Cette contrainte seuil vaut 230 MPa pour l’acier inoxydable 316L soumis à un chargement cyclique uniaxial. Au delà de cette contrainte, des structures hétérogènes se forment ce qui conduit à une diminution des contraintes internes intergranulaires et à une augmentation des contraintes internes intragranulaires au cours des cycles. La vitesse de rochet semble être d’autant plus élevée que les structures de dislocations sont hétérogènes, les murs polarisés étant sans doute les structures les plus favorables [Gaudin et Feaugas 00]. La non-proportionnalité du chargement favorise la formation de structures hétérogènes de dislocations et, par là même, provoque une augmentation des contraintes internes intragranulaires ainsi qu’une augmentation du phénomène de déformation progressive.
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Table des matières
Introduction
1 Phénomène de rochet
1.1 Description du phénomène de rochet
1.1.1 Influence de l’écrouissage cyclique du matériau
1.1.2 Influence de la viscosité et de la température
1.1.3 Influence du trajet de chargement mécanique
1.1.4 Conclusion
1.2 Observations microscopiques
1.2.1 Présentation du matériau
1.2.2 Chargements uniaxiaux
1.2.3 Chargements multiaxiaux non-proportionnels
1.2.4 Conclusion sur les mécanismes physiques liés à la déformation progressive
1.3 Modèles phénoménologiques
1.3.1 Modèles macroscopiques
1.3.2 Modèles micro-macro
2 Distorsion du domaine d’élasticité
2.1 Mise en évidence expérimentale
2.1.1 Cas uniaxial – Choix d’une limite d’élasticité
2.1.2 Cas multiaxial
2.1.3 Normalité de l’écoulement plastique au domaine d’élasticité
2.1.4 Évolution de la distorsion des surfaces seuil au cours du chargement
2.2 Modélisation de la distorsion des surfaces seuil
2.2.1 Introduction
2.2.2 Modèles à distorsion basés sur des tenseurs d’anisotropie d’ordre impair
2.2.3 Modèles à distorsion basés sur une description géométrique des surfaces seuil
2.2.4 Bilan des modèles à distorsion
3 Rochet 2D et distorsion du domaine d’élasticité
3.1 Introduction
3.2 Version simplifiée proposée par Kurtyka et Zyczk ˙ owski
3.2.1 Nouvelles lois d’évolution pour le modèle à distorsion
3.2.2 Formulation viscoplastique du modèle
3.2.3 Identification du modèle à distorsion avec un modèle polycristallin
3.2.4 Etude de l’évolution de la distorsion lors d’un trajet de rochet 2D
3.2.5 Bilan
3.3 Modification du modèle à distorsion
3.3.1 Une nouvelle simplification du modèle [Vincent et al. 01a] [Vincent et al. 01b]
3.3.2 Étude de la convexité de la surface seuil
3.3.3 Cadre viscoplastique
3.3.4 Identification du nouveau modèle à distorsion avec le modèle polycristallin
3.3.5 Identification du modèle à distorsion avec un acier inoxydable 316L
3.4 Conclusion
4 Extension du modèle 2D à des trajets quelconques 141
4.1 Introduction
4.2 Loi d’évolution pour la matrice de rotation Q
4.2.1 Forme adéquate du tenseur “taux de rotation” du repère mobile
4.2.2 Intégration de la loi d’évolution de la rotation du repère mobile
4.2.3 Choix du deuxième vecteur utilisé pour construire le tenseur taux de rotation
4.3 Identification du modèle 5D sur des essais biaxiaux
4.4 Identification sur des essais de dimension supérieure à 2
4.5 Conclusion
5 Vers un essai de structure de type rochet de contact
5.1 Introduction
5.2 Présentation des moyens d’essais
5.3 Principe de l’essai de rochet de contact
5.4 Précautions particulières
5.5 Premiers résultats et perspectives
Conclusion et perspectives
Bibliographie
Annexes
A Nouvelle loi de rotation du repère mobile pour la version simplifiée proposée par Kurtyka et Zyczk ˙ owski
B Utilisation de nF pour piloter la rotation du repère mobile
C Article accepté dans la revue Journal of Engineering Materials and Technology
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