Effet du bruit sur le comportement des poissons
Le comportement le plus évident pouvant être exprimé par les poissons exposés au bruit est celui d’évitement. L’évitement sonore se produit lorsque les poissons changent leur distribution spatiale en réponse à un nouveau signale acoustique, par exemple ceux émis par des sources anthropiques (Slabbekoom et al. 2010; Kunc et al. 2016). On observe que les poissons exposés au bruit lors d’expériences contrôlées modifient leur comportement de nage, ce qui est normalement associé à une tentative d’évitement sonore (Neo et al. 2015a, b ; Sha et al. 2015 ; Sha et al. 2016 ; Jacobsen et al. 2014, Sarà et al. 2007). Magnhagen et al. (2017) ont observé que la perche européenne et le gardon (Rutilus rutilus) prenaient plus de temps pour entrer dans une zone découverte lorsqu’ils étaient exposés au bruit de moteurs hors-bords. Le comportement d’ évitement engendre une modification de la distribution spatiale des animaux ainsi que leur densité. Les poissons fuyant une zone bruyante pourraient se rassembler en grand nombre dans les zones moins bruyantes. Cette augmentation des déplacements ainsi que cette densité accrue peut rendre les individus plus vulnérables à la prédation ainsi que les concentrer dans des environnements sous-optimaux.
Outre la modification des comportements de nage, l’exposition au son influence aussi les comportements alimentaires. Par exemple, l’habilité à manipuler leurs proies (Purser and Radford 2011 ; Sha et al. 2015), l’ efficacité de leur exploration alimentaire (Purser and Radford 2011 ; Voellmy et al. 2014a ) et l’augmentation de leur succès de prédation (Voellmy et al. 2014b; Simpson et al. 2016). Dans un enclos extérieur, exposés à un moteur de bateau, les perches européennes s’ alimentaient moins (Magnhagen et al. 2017). La perte de stimulation visuelle pourrait aussi influencer l’audition chez les poissons (Ladich et Fay 2013). Dans un milieu turbide où la visibilité est faible, les indices sonores peuvent remplacer les indices visuels (Slabbekoom et al. 2010). L’émission et la réception de signaux acoustiques deviennent importantes pour les déplacements, l’alimentation et la reproduction des poissons (Cott et al. 2014). À courte distance, la ligne latérale serait importante pour la détection de proies ou des prédateurs lorsque la visibilité est faible. (Bergmen et Greenberg 1994). Il est possible que l’exposition à des sources sonores pUIsse produire un flot oscillatoire dans le mouvement particulaire, nuisant ainsi à la fonction de la ligne latérale.
L’exposition au bruit peut stresser les poissons et entrainer la production de cortisol, une hormone qui est connue pour réduire l’appétit (Bernier et al. 2004). Une réponse allostatique au stress peut aussi entrainer une réduction de l’activité locomotrice (Metcalfe et al. 1987) ou affecter la vigilance de l’individu (Chan et al. 2011). Il est aussi possible que plusieurs des réponses comportementales à l’exposition au bruit énumérées plus haut résultent directement d’une réponse au stress. L’exposition au son pourrait, dans des environnements à faibles stimuli sensoriels, engendrer une plus grande vigilance chez les poissons. Des modèles conceptuels provenant de la littérature des sciences psychoacoustiques indiquent que la performance dans une tâche augmente si la quantité de ressources cognitives dédiées à d’autres tâches ou systèmes sensoriels est faible, et inversement, dans un environnement à forts stimuli sensoriel la performance peut être réduite (e.g. Szalma et Hancock 2011 ; figure 3).
Il existe aussi un concept appelé «ensoleillement acoustique» (angl. acoustic daylight) qui définit le son entourant les organismes aquatiques dans l’environnement.
La réflexion et la réfraction des ondes sonores contenues dans cet environnement contiennent de l’information importante pouvant être utilisé par les poissons. Il a été démontré que le poisson rouge (Carassius aura/us) est capable de détecter un son se réfléchissant sur un objet à travers le champ sonore, en utilisant l’écho continu provenant de ce même objet (Fay 2009). Il est possible qu’un poisson puisse détecter un autre individu par la résonnance de la vessie natatoire de cet individu renvoyant le son ambiant. Le délai de l’écho revenant au receveur (poisson à l’écoute) équivaut à la distancel’objet renvoyant le signal et l’intensité de l’écho à la taille de l’objet (Lewis et Rogers 1992). Bien que l’augmentation du son ambiant soit généralement considérée comme interférant avec l’acquisition d’information par les animaux (e.i masque acoustique), celui-ci pourraient améliorer la distance de détection d’un poisson sur la base du concept de l’ensoleillement acoustique (Braun 2015).
Problématique
L’impact du bruit sur le comportement des poissons a jusqu’à maintenant été principalement exploré à l’aide d’expériences de «Playback» en laboratoire. Toutefois, il existe beaucoup de critiques sur l’efficacité de ses expériences, souvent effectuées dans de petits bassins, et sur leur validité lorsque les résultats sont extrapolés aux poissons sauvages (Kunc et al. 2016). Dans ces conditions, les poissons ne peuvent quitter la zone sonorisée et il est donc difficile d’évaluer la présence d’un comportement d’évitement. Il devient donc impossible d’évaluer l’effet de mécanismes d’évitement sur le comportement alimentaire des poissons. Des expériences effectuées en nature représentent une étape nécessaire dans l’étude de l’impact du bruit sur le comportement des poissons. Néanmoins, les expériences de laboratoire permettent un haut niveau de contrôle des conditions expérimentales comme la lumière, la température, l’habitat et la disponibilité des proies. Dans ce contexte, les lacs possédant une couverture de glace en hiver offrent un environnement idéal pour l’étude de l’effet des bruits sur le comportement alimentaire des poissons d’eau douce. Sous le couvert de glace, l’environnement est uniformément obscur, à température constante et exempt de végétation submergée (Shuter et al. 2012). Dans des travaux récents, Roca et al. (2018) ont décrit l’effet des activités anthropiques sur l’environnement sonore subaquatique dans un tel écosystème. Les résultats préliminaires suggèrent que l’activité alimentaire d’un poisson dans une position intermédiaire dans la chaîne trophique est conditionnelle à la probabilité d’être détecté acoustiquement par son prédateur, ou de rencontrer une proie en détresse acoustique. Roca et al. (2018) ont observé que la consommation d’appâts vivants (cyprins) par la perchaude a augmenté conjointement avec l’intensité du bruit. Néanmoins, les mécanismes sous-jacents à ce résultat n’ont pas été testés de façon empirique.
Objectifs et prédictions
L’objectif de ce projet a été d’évaluer l’effet du bruit subaquatique sur l’activité alimentaire de la perchaude dans un système permettant aux poissons de se déplacer librement. À cette fin, nous avons utilisé un haut-parleur submersible pour augmenter localement le niveau de bruit ambiant sous la glace d’un lac gelé. La perchaude étant un prédateur visuel, nous avons aussi évalué l’effet de la lumière pénétrant par les trous dans la glace sur l’activité alimentaire. Le bruit pourrait provoquer une réaction d’évitement qui se traduirait par une réduction de l’intensité d’alimentation dans les sites sous traitement sonore. En absence de réaction d’évitement, la stimulation acoustique supplémentaire pourrait augmenter ou diminuer l’activité alimentaire, dépendarnment de la sensibilité acoustique et la réponse au stress du poisson. Sous de faibles niveaux de stress, le bruit pourrait contribuer à la stimulation du poisson, en augmentant l’activité alimentaire, tandis que la performance alimentaire d’un poisson sous fort niveau de stress pourrait être réduite. Nous avons évalué l’activité alimentaire de la perchaude selon deux indicateurs: i) captures par unité d’effort (intensité d’alimentation) et ii) la probabilité qu’une attaque résulte en une capture de proie (efficacité d’alimentation). L’intensité alimentaiTe nous informe sur la décision de s’alimenter dans un environnement bruyant ou à l’inverse de l’éviter.
Dans le cas où les perchaudes augmenteraient le nombre de proies consommées (intensité d’alimentation) dans les sites sous traitement sonore, nous serions en mesure d’appuyer le mécanisme de refuge acoustique proposé par Roca et al. (2018). L’efficacité d’alimentation permet d’ autre part une interprétation plus fine de l’effet du bruit sur l’ attaque de la proie, une fois la décision de la capturer est prise par le poisson. Selon les résultats d’expériences laboratoires antérieurs (Purser et Radford 2011 ; Voellmy et al. 2014a), nous pourrions prédire que les poissons s’alimenteront dans les sites plus bruyants, mais qu’en étant stressés ou distraits, ils seront moins efficaces à capturer leur proie.
Methods
Experimental site
The study was conducted during winter 2017 in an area of approximately 1 km2 on the south shore of Lake St. Pierre, Québec, Canada (46°08’21 » N 72°51’37 » W). Lake St. Pierre is the largest fluvial lake of the St. Lawrence River; it is approximately 35 kmlong and 15 km wide with an average depth of 3.1 m. During winter, the lake is completely covered with ice except for the navigation channel, which is cleared by ice breakers for commercial shipping. Underwater light intensity is close to zero and water temperature is slightly below the freezing point (~O lux and -O.23°C, respectively; Roca et al. 2018). Ice fishing is a popular recreational activity on Lake St. Pierre, where fish are captured using tip-up fishing rods with lines hanging through holes drilled in the ice.
A tip-up rod is a passive ice fishing de vi ce used to suspend bait at a set depth through a hole drilled in the ice. They allow the angler to detect when a fish strikes, without having to be in contact with the device. The type of tip-up used in this study consists of two main parts, the support and the rod. The rod is made of rigid wood the back being thicker than the front to serve as a counterbalance for the weight and bait. When set the engine looks like a capital « T », the base being the support and the top the rod. When a fish does take the bait, the rod will pivot « tip » to signal the angler. In addition to yellow perch, northem pike (Esox Lucius), sauger (Sander canadensis), walleye (Sander vitreus), and burbot (Lota Iota) are frequently fished during winter.
The perch is considered a hearing generalist since it does not possess known auditory specialization (Ladich 2014). Published auditory evoked potential (AEP) audiograms indicate that the hearing threshold of the European perch (Perca fluviatilis) is 82 dB (± 0.56) at 200 Hz (Ladich and Fay 2013). Other studies have suggested that thresholds obtained with behavioral audiograms are approximately 10 dB lower than those obtained with AEP audiograms on the same species (Ladich and Fay 2013). On this basis, one could set the hearing threshold of yellow perch at around 72 dB at 200 Hz since it is a phylogenetically close relative of the European perch.
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Table des matières
Remerciements
Avant-propos
Résumé
Table des figures
Définitions
Chapitre 1
Introduction
1.1.1. Acoustique
1.1.2. Bruit ambiant
1.1.3. Détection du bruit chez les poissons
1.1.4. Capacité auditive
1.1.5. Masque acoustique
1.1.6. Effet du bruit sur le comportement des poissons
1.2. Problématique
1.3. Objectifs et prédictions
Chapitre II
Chapitre III
Conclusion générale
3.1. Contextualisation
3.2. Principaux résultats
3.3. Conclusion
Références bibliographiques
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