Années 1880 : premières discussions autour d’une éventuelle réorganisation de la police.
Le début de cette décennie voit l’arrivée d’une nouvelle équipe municipale, avec à sa tête Edgar Le Bastard, républicain des premiers instants. A cette période, les effectifs de la police ont augmenté, à l’instar de la population et de la criminalité, qui devient de plus en plus apparente.
Le 7 avril 1881, un décret réorganise les services de police, sur le modèle de la loi du 24 juillet 1867 . En effet, l’article 23 décrète que les maires, hors Paris et Lyon, retrouvent leurs pouvoirs de police, avec toutefois le rôle du pouvoir central qui se réserve le droit de fixer, par décret impérial et le Conseil d’État entendu, l’organisation des services et le cadre des effectifs de police, mais sur l’avis du conseil municipal, et le consentement des personnels présentés par le maire. Cette loi rompt avec une législation existante depuis le début des années 1850, puisqu’elle abroge l’article 50 de la loi du 5 mai 1855, qui promulguait que la police municipale était entre les mains du préfet, dans les villes chefs-lieux de département et dans les communes, dont la population excédait 40 000 habitants. Ce décret propose donc deux modifications pour la réorganisation des services de police. Tout d’abord, le service de la sûreté, composé d’agents en civil qui recherchent les criminels, surveillent les suspects et les mœurs, et exécutent les mandats, est dissocié de la voie publique, qui compte quatre agents en uniforme, placés sous la direction d’un « agent principal, chef de la sûreté », qui relève directement du commissaire central. Ensuite, Rennes est divisée en dix quartiers, surveillés par deux brigadiers, qui exercent chacun leur autorité sur la moitié de la ville. Et trois hommes de garde restent au poste et enregistrent les requêtes des Rennais. Deux problèmes sont également mis en lumière dans ce projet. D’une part, les commissaires d’arrondissement connaissent une crise dans leurs fonctions et leur autorité. En effet, en l’absence du commissaire central, ils n’exercent que leur fonction de police judiciaire, et n’ont aucune autorité sur les agents en tenue ; la police municipale relève exclusivement du commissaire central. Et d’autre part, la surveillance de nuit est très insuffisante, puisque la ville ne compte qu’une seule patrouille. Et selon les saisons, passé certaines heures de la nuit, la seule force disponible n’est constituée que de trois agents au bureau central. Cependant, le commissaire central Brunier, nommé en 1886, n’est pas satisfait de cette réorganisation, et ce pour quatre raisons. Premièrement, le nombre d’agent est insuffisant pour couvrir toute la ville ; il émet donc l’hypothèse de placer en permanence deux agents par îlot, se relayant jour et nuit, et qui seraient connus des habitants. Deuxièmement, cette centralisation des forces de police pose problème, puisqu’elle concentre tous les pouvoirs en un seul et même endroit ; il serait donc judicieux d’établir deux postes, au Nord et au Sud, afin d’éviter de longs, et parfois dangereux trajets. Troisièmement, la principale difficulté réside dans la présence très insuffisante sur les boulevards une fois la nuit tombée. Et quatrièmement, le faible nombre de commissaires d’arrondissement, ne permet pas d’assurer la présence permanente, au moins de l’un d’entre eux, au-delà de 20 heures. Or, Rennes semble se réveiller de 19 à 21 heures le soir, puis de minuit à 1 heure le matin.
Le 10 mars 1887, Brunier accuse réception d’un rapport sur le service de la police municipale, pour l’année 1886 . Ce rapport n’est ni plus, ni moins, un bilan de l’année précédente, en termes de service, mais aussi de chiffres. En effet, il est composé de rubriques, telles que les démissions, le service de la sûreté, le service des mœurs, l’habillement et l’équipement des sergents de ville , le nombre détaillé des crimes et délits et des contraventions, les correspondances, les arrestations, les morts violentes ou accidentelles, les aliénés, les mendiants, les voitures de place, les cochers. Il se termine par une conclusion et des propositions. Ces propositions sont au nombre de trois, mais seulement une, ici, nous intéresse et fait écho aux observations de Brunier quant à la réorganisation de la police de 1881 ; il s’agit de la création de deux postes de police en ville, dans les endroits déterminés au mieux des intérêts des habitants. Les deux autres propositions, en revanche, concernent une augmentation d’effectifs et de traitements ; à savoir l’ajout de deux sous-brigadiers au traitement annuel de 1 300 francs par an, et l’ajout de huit sergents de ville de troisième classe à 1 000 francs par an. Afin de légitimer ces requêtes, voici comment se conclut le rapport :
Novembre 1896 : la réforme de Victor Samyon
La ville de Rennes fait face, depuis longtemps déjà, à la relative pauvreté du service de police. Les agents, ainsi que les commissaires, ne sont pas assez nombreux pour répondre aux besoins de près de 60 000 habitants. Cependant, les commissaires centraux, qui sont au cœur du problème, apparaissent comme les véritables maîtres d’œuvre d’une réforme de la police municipale rennaise ; le plus significatif étant Victor Samyon.
Comme nous l’avons vu dans la précédente partie, les commissaires centraux Brunier et Colin sont les premiers à réclamer une réforme de la police municipale, qui comprend l’augmentation des effectifs, mais surtout, la création de deux autres postes de police.
Cependant, l’un se heurte à la réticence de la municipalité Le Bastard, qui entre temps s’est tourné vers un républicanisme affirmé, jusqu’à rejoindre le mouvement boulangiste , et l’autre voit ses propositions classées sans suite. Mais l’arrivée de Victor Samyon en tant que nouveau commissaire central en 1893 va réactiver cette demande de réforme. En effet, il apparaîtra comme l’un des plus ardents, parmi tous les commissaires centraux, à demander des augmentations significatives de moyens, en bombardant, entre autre, les bureaux de la municipalité, de notes, projets, plans etc… . Samyon est considéré, par ses contemporains (surtout la municipalité), comme un chef de service très actif. Ses opinions politiques ne sont pas précises, mais les différents rapports qu’il entretient tout au long de sa carrière le montrent « soucieux de préserver l’ordre public et peu révolutionnaire » . Et ses amitiés semblent être celles d’un conservateur modéré, d’un homme très éloigné des républicains du gouvernement des années 1893-1899.
1900-1905 : L’essor de la police municipale rennaise
Cette seconde partie mettra en lumière la concrétisation de ce combat pour les postes de police, évoqué dans la partie précédente. Cette démonstration commencera par la reprise du projet de Victor Samyon de 1900 à 1904, marquée principalement par le souci de décentraliser la police. Les mesures prises lors des nombreuses délibérations du conseil municipal vont déboucher sur la recherche active de locaux, et la signature des premiers baux.
Les débats vont finalement se cristalliser en 1905, avec une réforme qui délimite les secteurs des trois commissariats.
1900-1904 : Reprise du projet de Victor Samyon
La Belle-Epoque voit naître, à l’instar d’un regain de criminalité, une véritable idéologie sécuritaire , qui encourage les municipalités à se munir d’une police puissante et diversifiée. En mai 1900, arrive à l’Hôtel de Ville une nouvelle équipe municipale, avec à sa tête Eugène Pinault. Le nouveau maire de Rennes rompt avec la tendance politique de ces trente dernières années, puisqu’il fait partie de l’opposition. En effet, les dernières années Le Bastard ont plongé Rennes dans un « républicanisme autoritaire, plébiscitaire et antisémite » , marqué notamment par le procès d’Alfred Dreyfus le 7 août 1899 et les passions qu’il a déchaîné. Afin d’être élu, Pinault, et plus largement la droite, va donc tirer profit de ces évènements. Très vite, cette nouvelle équipe municipale va se caractériser par la reprise du projet de Victor Samyon.
La volonté de reprendre ce projet de novembre 1896 est née de l’initiative du conseiller municipal Lecoq qui, lors d’une session extraordinaire du conseil municipal le 9 juin 1900 , demande au maire de bien vouloir reconsidérer ce projet de décentralisation de la police municipale. Cette requête est accompagnée d’une proposition qui vise à établir au centre de chacun des quatre cantons (Nord-Est, Nord-Ouest, Sud-Est et Sud-Ouest), un bureau de commissaire avec un poste d’agent, et à faire du commissariat situé à l’Hôtel de Ville, le commissariat central officiel. Pour légitimer sa proposition, Lecoq fait référence à Samyon à travers ces quelques lignes : « Ce projet doit exister à la Mairie ; il avait été préparé par un précédent commissaire central. Aucune suite n’a été donnée jusqu’à ce jour à ce projet qui était très documenté » . Il espère ainsi, répondre à la question centrale de ces dernières années, qui est la présence de la police sur la voie publique . Suite à cela, le conseiller municipal Huguet demande à ce qu’une Commission spéciale soit nommée afin d’étudier ce projet. Pinault clôt cette question en envoyant l’étude de ce projet directement aux deux Commissions des finances et des travaux publics, qui ont pour mission de nommer une sous commission. Cette question de la réorganisation de la police fait des adeptes, y compris dans la presse. Dans son numéro du 13 juin, le quotidien Ouest-Eclair revient sur la séance du conseil municipal quelques jours plus tôt.
Recherche des premiers logements et signature des premiers baux
La recherche de locaux débute dès 1901, avec toutefois les attentes de trois parties. La population rennaise souhaite vivement voir des agents en nombre là où l’activité est importante ; la présence même de l’uniforme rassure . Mais le commissaire central et la municipalité n’ont pas les mêmes envies ; le premier souhaite placer ses hommes en plein cœur du « territoire » des malfaiteurs, et la deuxième préfère la solution économique. Cette recherche est par ailleurs rendue publique par le quotidien Ouest-Eclair, qui suit au jour le jour les avancées de la réorganisation de la police municipale rennaise.
Le 22 août 1901, une note est adressée au commissaire central Laffite par l’adjoint délégué au maire . Une certaine Mlle Simon attend une réponse urgente concernant la mise à disposition de son logement au 27 rue Saint-Hélier pour y établir un poste de police. Elle désire le louer pour douze ans, avec un loyer de 550 francs par an. Son logement est constitué d’une pièce au rez-de-chaussée ayant un accès direct sur la rue, de trois caves donnant sur une cour, de deux pièces situées au-dessus des caves et d’un cabinet privatif à l’arrière. Le lendemain, Laffite et l’inspecteur des bâtiments Daboval visitent le local et font part de leurs impressions trois jours plus tard. Laffite répond à la note en déclarant que ce local convient parfaitement à l’établissement d’un poste de police. Ses propos sont corroborés par le rapport de Daboval qui revient sur les spécificités du logement. La partie de l’immeuble offerte en location se compose donc d’un magasin au Sud sur la rue Saint-Hélier, de deux pièces au Nord à l’entresol dont une à feu (dotée d’une cheminée), de W.C également à l’entresol, de deux caves au Nord et d’un caveau à l’Est ; le tout desservi par un escalier privatif (annexe n°5). Il ajoute que les caves au Nord serviraient de violons (hommes et femmes), le caveau à l’Est approvisionnerait le combustible du poste, le magasin serait affecté au poste et les deux pièces à l’entresol seraient données aux agents (l’une comme chambre à coucher, l’autre comme bureau). Afin d’éviter toute propagation du bruit que font inévitablement les personnes mises au violon, Mlle Simon s’engage à faire construire une cloison en brique entre les deux portes qui mènent au couloir et qui donnent accès aux escaliers ; il est toutefois convenu d’aménager une fenêtre en haut de cette cloison pour éclairer lesdits escaliers. La Ville est également autorisée à faire toutes modifications qu’elle jugera nécessaires. En dernier lieu, Mlle Simon demande à ce que la porte cochère qui conduit aux caves soit remplacée par une cloison qui isolera le poste d’avec tout autre logement. Les transformations estimées par l’inspecteur des bâtiments pour aménager et meubler le local, seraient d’environ 800 à 900 francs ; cette somme comprend essentiellement des travaux et du mobilier. Tout ceci est réalisé dans le but d’isoler complètement le poste de police des habitations voisines.
La réforme de 1905 et le renouvellement des baux
Le décret du 3 août 1905 qui crée le troisième commissariat marque le début d’une réflexion autour de la division administrative de Rennes. Depuis la réforme de Victor Samyon, la ville est divisée en quatre cantons, mais la présence de trois postes de police suggère rapidement une division en trois arrondissements, chacun « gardé » par un de ces établissements.
Cette réforme administrative est instaurée par un décret du maire le 17 août 1905 , qui divise Rennes en trois arrondissements (annexe n°11), chacun avec un poste de police. Rappelons que cette division n’est pas nouvelle, puisque cette réforme fait écho à un arrêté du maire datant du 9 novembre 1808 qui partageait la ville en trois arrondissements . Cette mesure reprend donc cette vieille division en l’adaptant aux nouvelles dimensions de la ville.
Le premier arrondissement comprend le centre-ville jusqu’aux quartiers Est, zone plutôt aisée, et le poste de police se situe à l’Hôtel de Ville. Le deuxième arrondissement englobe tout le Nord Ouest de Rennes avec les quartiers populeux des faubourgs de Brest et de Saint-Malo, et le poste de police s’établit au 56 rue Saint-Malo. Enfin, le troisième arrondissement correspond à l’ancien deuxième de 1808 avec quelques pâtés de maisons en moins, et le poste de police se trouve au 17 avenue de la Gare . Cette réforme représente l’aboutissement de celle proposée par Victor Samyon en novembre 1896, avec toutefois l’absence d’un commissaire et donc d’un quatrième arrondissement.
Le 10 mai 1908, une nouvelle équipe municipale arrive à l’Hôtel de Ville, avec à sa tête Jean Janvier, républicain. Le départ d’Eugène Pinault, qui briguait un autre mandat, s’explique par un contexte politique national qui voit, depuis sept ans, l’émergence du Bloc des gauches(ou Bloc républicain). Jean Janvier reprend donc les dossiers de son prédécesseur, dont celui des postes de police. Dans un rapport du 19 novembre 1913 , le maire informe le conseil municipal que le bail du 56 rue Saint-Malo (anciennement numéro 70), dans lequel est installé le poste de police du deuxième arrondissement, arrive à expiration le 25 décembre prochain. Suite aux signalements de plusieurs collègues sur les conditions défectueuses dans lesquelles se trouve ce poste de police, le maire a désigné une commission chargée d’étudier la question d’un éventuel transfèrement. Cette Commission a rapidement porté son choix sur un immeuble situé au 4 rue de Bonne-Nouvelle, appartenant à M. Valton, épicier, et dont le projet de bail accompagne le rapport du maire. Ce local, situé au rez-dechaussée, se compose d’une grande pièce servant de magasin, d’un arrière-magasin, d’une cave et de W.C (annexe n°10). Il serait mis à disposition de la Ville tout de suite, afin de lui permettre d’exécuter les travaux d’aménagements nécessaires, dont le devis s’élève à 1 230 francs. En plus de s’engager à mettre immédiatement le local à disposition du preneur, le bailleur s’engage également à faire tous les aménagements nécessaires pour l’installation de ce poste de police. Ce bail est consenti pour une période de six, neuf ou douze ans qui débutera le 24 décembre de l’année en cours. Le prix de la location est fixé à 1 400 francs, auxquels s’ajoutent 30 francs d’abonnement à l’eau et 22,70 francs d’assurances contre le bris de glace, payables par semestre à termes échus le 24 juin et le 24 décembre de chaque année.
Avant la signature du bail, le conseiller municipal Bougot informe le conseil que cet immeuble n’a pas donné entière satisfaction à la Commission des finances et des travaux publics. En effet, sa surface étant trop petite, l’agencement d’un poste de police se révèle difficile. De plus, considérant toutes les recherches effectuées par la Commission dans le quartier, cet immeuble représentait le meilleur choix. Cependant, ce bail présente une particularité qui est que la Ville a la possibilité de résilier ce contrat à la fin de chaque période, en prévenant le bailleur six mois à l’avance. La Commission est donc ravie de cette dernière clause, car cette faculté de résiliation permettra de quitter facilement le logement lorsque la construction d’un immeuble décent sera achevée pour l’installation définitive du commissariat. Le bail pour la location de ce local au rez-de-chaussée du 4 rue de BonneNouvelle est officiellement signé entre la Ville et M. Valton le 31 décembre.
Années 1920-1944 : La construction des nouveaux commissariats
Cette troisième et dernière partie illustrera comment les nouveaux commissariats apparaissent révolutionnaires au sein du paysage urbain rennais. Cette démonstration commencera par l’édification des deux commissariats de Rennes ; celui de Sainte-Anne et celui de la Gare. Ces constructions entraînent l’émergence de conflits, entre le maire et le commissaire central, mais aussi entre la municipalité et les autres parties impliquées. Une fois cette édification achevée, nous nous intéresserons au langage qui émane de ce bâtiment, notamment par l’aménagement intérieur, ainsi que le personnel qui évolue dans ces locaux.
Où construire ?
Dans les années 1920, tous les commissariats de Rennes occupaient des locaux loués par la municipalité : celui du premier arrondissement à l’Hôtel de Ville, celui du deuxième arrondissement au 4 rue de Bonne-Nouvelle et celui du troisième arrondissement au 15 avenue Jean Janvier. Précédemment, nous avons observé que l’équipe municipale privilégiait toujours la solution économique à la construction de véritables commissariats ; se manifestait à chaque instant la volonté de ne dépenser qu’avec une extrême parcimonie . Même si des travaux sont réalisés dans le but d’améliorer les conditions de travail des agents, ces logements se caractérisaient par une relative vétusté et un mobilier plus que sommaire . Cependant, cette situation tend à évoluer puisque les baux consentis avec la municipalité arrivent à expiration.
En 1922, le bail du 4 rue de Bonne-Nouvelle était renouvelé pour trois, six ou neuf années et débutait le 24 décembre. Quelques mois après la fin de la première période, M. Valton consent à continuer la location de son logement jusqu’au 24 décembre 1926, soit un délai de six mois ; mais il espère que la municipalité quittera les lieux avant cette échéance.
Après investigations dans le quartier de Sainte-Anne, aucun local n’a été trouvé pour y installer un poste de police. La municipalité a donc pris la décision de construire un commissariat à l’angle de la rue d’Echange et de la rue Saint-Malo ; chaque étape de cette édification est relatée dans le carton 1M26 des Archives Municipales de Rennes. Le 23 mars 1926, l’architecte de la Ville, Emmanuel Le Ray, envoie le dossier du commissariat au maire, dans lequel il détaille les travaux à effectuer ainsi que la disposition des différentes pièces. A ce dossier, il annexe également quelques plans réalisés par ses soins. Le terrain choisi présente une surface triangulaire, que Le Ray considère comme assez réduite, et donc qu’il est nécessaire d’agrandir (annexe n°12), notamment en coupant un large pan d’environ 5 mètres à l’angle des deux rues. De plus, ce commissariat se compose d’un simple rez-de-chaussée sur terre-plein, sans caves (annexe n°13). Une fois les plans approuvés par le maire Bahon, l’architecte de la Ville lui communique le devis descriptif des travaux à réaliser dans un rapport en date du 7 mai. Le premier lot, qui comprend le terrassement et la maçonnerie s’élève à 77 380 francs, le deuxième lot comprend une charpente en bois pour 13 250 francs, le troisième comprend la couverture, la zinguerie et les appareils sanitaires pour 18 140 francs, le quatrième lot comprend la plâtrerie, le ciment, le carrelage et la fumisterie pour 18 670 francs, le cinquième lot comprend la menuiserie pour 17 020 francs, le sixième lot comprend la serrurerie pour 7 335 francs, et septième lot comprend la peinture et la vitrerie pour 5 730 francs, auxquels s’ajoutent 650 francs pour des stores en toile ; soit un total de 158 175 francs. Notons que pour chaque lot, quelques centaines de francs considérés comme « imprévus », sont ajoutés. Cependant, cette somme tend à évoluer, puisque Le Ray ajoutent ses honoraires à hauteur de 4,25% (6 722,44 francs), l’installation de l’eau pour 3 500 francs, l’éclairage électrique pour 2 835 francs et ses honoraires à hauteur de 1% (63,35 francs) ; la dépense totale pour le commissariat place Sainte-Anne est de 171 295,79 francs.
Emergence de conflits
La recherche des premiers locaux au tout début du XXe siècle devait répondre aux attentes de la population, de la municipalité et du commissaire central. Avec le concours de particuliers, cette recherche a été fructueuse et a permis de loger le commissaire et ses agents. Outre le non-renouvellement des baux qui a anticipé la construction des commissariats place Sainte-Anne et place de la Gare, les conditions de vie et de travail n’étaient pas décentes. Ces édifications bien que bénéfiques, entraînent de vifs clivages entre les trois parties qui pourtant, travaillaient ensemble jusqu’alors.
Il est coutume de penser qu’un commissariat inspire la sécurité et qu’en vivant à côté, nous avons moins de risque d’être importuner. Toutefois, certains Rennais pensent différemment. En 1902, par exemple, une certaine Mme Fouchard souhaite louer son immeuble situé au 32 rue Saint-Hélier, pour y installer un poste de police. Mais quelques jours plus tard, elle se rétracte prétextant que cette installation peut l’empêcher de trouver des locataires. Car voici le problème majeur : ce n’est pas le commissaire et ses agents qui incommodent les habitants d’un immeuble, mais les malfaiteurs placés soit au violon, soit en chambre de sûreté. Même si la présence de l’uniforme rassure , il est cependant annonciateur de désordre. Le poste de police devient donc rapidement une gêne considérable, notamment à cause des « hurlements divers poussés par les hôtes du violon et les filles publiques » qui, nous pouvons l’imaginer, ne sont pas des propos appropriés pour « d’honnêtes oreilles » . La situation est analogue pour l’édification des deux commissariats, car les ivrognes et prostituées, souvent appréhendés énergiquement, font part de leur mécontentement sur le chemin du commissariat, et donc sous les fenêtres des Rennais. Tout ceci fait que le commissariat, autrefois nécessaire dans le quartier, représente désormais une nuisance perpétuelle pour les riverains.
Rappelons que, même si les Rennais ne sont pas enchantés de côtoyer quotidiennement le commissaire et les agents, les postes de police ont constitué un véritable combat depuis les années 1880. Par ailleurs, ce n’est qu’en 1901 et 1905 que le service de police a pu accéder à ce privilège et ainsi, être au cœur de zones populeuses. Bien que cette mesure se soit avérée primordiale, elle a fait apparaître des tensions entre la municipalité et le commissaire central. Avant d’aborder les tensions sur le plan économique, il est utile de mentionner que le commissaire central est nommé par le gouvernement ; le maire ne possède donc sur lui aucun pouvoir disciplinaire. Au contraire, c’est auprès du préfet que le commissaire central doit rendre des comptes. Parfois, selon la tendance politique nationale et locale, il est nommé pour s’opposer délibérément à la municipalité . En ce qui concerne les postes de police, nous avons vu que Laffite avait tout le soutien de Pinault. Or, l’arrivée de Queutier fragilise cette entente puisqu’il a été envoyé à Rennes « dans le cadre de la politique combiste pour être l’œil du gouvernement » . Il tient informé le préfet des faits et gestes de la municipalité et par de nombreuses attaques à l’encontre du maire, il essaie de discréditer son premier adjoint, Charles Oberthür, plus marqué à droite et véritable maire de fait , puisque Pinault est fréquemment retenu à Paris en raison de ses obligations parlementaires.
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Table des matières
Introduction
PARTIE 1 : Années 1860-1896 : une prise de conscience
a) L’Hôtel de Ville
b) Années 1880 : premières discussions autour d’une éventuelle réorganisation de la police
c) Novembre 1896 : la réforme de Victor Samyon
PARTIE 2 : 1900-1905 : L’essor de la police municipale rennaise
a) 1900-1904 : Reprise du projet de Victor Samyon
b) Recherche des premiers logements et signature des premiers baux
c) La réforme de 1905 et le renouvellement des baux
PARTIE 3 : Années 1920-1944 : La construction des nouveaux commissariats
a) Où construire ?
b) Emergence de conflits
c) Caractéristiques de ces nouveaux édifices
Conclusion
Annexes
Bibliographie
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