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Mécanismes de blessure
Il y a quelques années, les véhicules possédaient des pare-chocs très avancés qui, lors de collisions avec un piéton, causaient des blessures caractéristiques sur la victime :
• Des fractures de type Messerer : Elles apparaissent lors d’un chargement direct sur le tibia. La concentration de contraintes en compression entraîne soit le détachement d’un fragment cunéiforme, caractéristique de ce type de fracture, soit une fracture transverse du tibia (Rabl 1996, Yukawa 1997).
• Des blessures dites « lésions du pare-choc » (bumper injuries) correspondant à des contusions et des décollements des tissus mous du membre pelvien (Karger 2001).
Sur les véhicules modernes, le pare-choc a été redéfini : il présente une surface plus grande et plus arrondie et il est davantage incorporé dans la structure globale de l’avant. Cette réorganisation a apporté des changements perceptibles dans le particularisme des blessures du piéton. Néanmoins, lors des collisions impliquant un véhicule motorisé, le premier point d’impact reste le pare-choc (impact sur la jambe) suivi par le capot (contact avec la cuisse) (Yang 2002). Ces derniers sont les deux principales causes des blessures sur le membre pelvien (Mizuno 2001). Si les lésions caractéristiques citées ci-dessus (fracture Messerer et lésions de pare-choc) ne sont plus aussi représentatives avec les véhicules actuels, les mécanismes de blessure, propres à certaines configurations d’impact, sont assez bien connus pour les articulations du membre pelvien.
Cette partie se fonde sur les résultats d’analyse d’accidents réels (Terensiński 2001a, 2001b et 2002) ainsi que sur les essais expérimentaux reproduisant les configurations d’impact rencontrées par les usagers vulnérables (Kajzer 1990, 1993, 1997 & 1999). Les mécanismes de blessures présentés ci-dessous concernent essentiellement l’impact sur le membre pelvien du piéton. Très peu d’études expérimentales se sont intéressées aux mécanismes de blessures subis par le cycliste. Notre travail consistera donc à analyser dans quelle mesure ils diffèrent de ceux des piétons.
Biomécanique de la cheville
Lorsque le pied est en position de référence (plante du pied perpendiculaire à la jambe), trois axes orthogonaux peuvent être définis : l’axe longitudinal du pied, l’axe longitudinal de la jambe et l’axe transversal (bimalléolaire). La cheville peut se mouvoir en rotation autour de chacun des ces axes. Ces mouvements sont respectivement la supination/pronation, l’abduction/adduction et la dorsi-flexion/flexion plantaire.
Ces mouvements sont physiologiques sous de petites amplitudes. S’ils sont « exagérés » suite à un impact, ils peuvent induire des lésions. Terensiński et Madro ont montré que quatre de ces mouvements étaient à l’origine des principaux mécanismes de blessures de la cheville lors d’accidents impliquant le piéton (Terensiński 2002). Les mouvements d’adduction / abduction, isolés, sont peu fréquents lors de telles configurations d’impact. Ils sont davantage rencontrés en combinaison avec les autres mécanismes de blessure.
• La supination : Le pied tourne autour de son axe longitudinal avec la plante qui s’oriente vers le côté médial. Les blessures communes de la cheville en supination sont la rupture du ligament fibulo-calcanéen et la fracture de la malléole médiale (cf. image 1 de la figure 7). Lors d’un impact médial sur le membre pelvien, la plupart des blessures (77 %) se produisent en supination (Terensiński 2001a).
• La pronation : le pied tourne autour de son axe longitudinal avec la plante qui s’oriente vers le côté latéral. En pronation, les blessures communes de la cheville sont la rupture du ligament deltoïdien et la fracture de la malléole latérale (cf. image 2 de la figure 7). Lors d’un impact latéral sur le membre pelvien, la plupart des blessures (72%) se produisent en pronation (Terensiński 2001a).
• La dorsi-flexion : La flexion autour de l’axe transversal approche le dos du pied de la face antérieure de la jambe. Les lésions communes sont la rupture du ligament talo-fibulaire postérieur et la fracture malléolaire (cf. image 3 de la figure 7). Lors d’un impact avant sur le membre pelvien, la majorité des blessures (60 %) se produisent en dorsi-flexion (Terensiński 2001a).
• La flexion plantaire : flexion qui éloigne le dos du pied de la face antérieure de la jambe. Les blessures communes sont la rupture du ligament talo-fibulaire postérieur et la fracture malléolaire (cf. image 4 de la figure 7). Lors d’un impact arrière sur le membre pelvien, la majorité des blessures (43 %) se produisent en flexion plantaire (Terensiński 2001a).
Lors d’accidents, c’est en général une combinaison de ces mécanismes (éversion1, inversion2) qui conduisent aux lésions de la cheville. Ainsi, la majorité des fractures malléolaires se produisent en éversion ou inversion. Un angle de 60o est le seuil lésionnel pour les malléoles et les ligaments de la cheville (Masson 1999 & 2005b).
Biomécanique du genou
Si, dans les années quatre-vingt, la redéfinition de la géométrie du pare-choc a diminué la fréquence d’apparition des blessures de type Messerer, elle a augmenté le risque de lésions sur les articulations, en particulier celle du genou (Terensiński 2001b). 80 % des victimes piétons présentent des lésions sur cette articulation, 94 % si on se limite aux impacts latéraux. Parmi ces victimes, près d’un sur deux (46 %) montre même des lésions aux deux genoux (ibid.).
Mécanismes articulaires
Comme pour la cheville, le genou présente des mouvements physiologiques limités en amplitude. Lors d’un impact avec un véhicule, les efforts développés peuvent « amplifier » ces mouvements jusqu’à atteindre des niveaux pathologiques. Ces mécanismes de blessure sont divisés en deux catégories : avulsion et compression. L’avulsion est moins extensive et localisée en général dans les régions d’insertion des ligaments – parties latérales des condyles pour l’avulsion des ligaments collatéraux, au-dessous de l’éminence intercondylienne pour l’avulsion des ligaments croisés –. L’avulsion d’un ligament s’accompagne du détachement d’un fragment d’os. C’est le cas de la fracture dite de Segond lorsqu’il s’agit d’un fragment du plateau tibial latéral au cours de l’avulsion du LCA. Les mécanismes compressifs sont davantage extensifs et se rencontrent souvent au niveau des condyles.
Classiquement, quatre mécanismes de blessure sont fréquemment observés :
• L’hyperextension : l’hyperextension approche la face antérieure du tibia de celle du fémur. Elle se caractérise par une rupture des ligaments croisés – qui assurent normalement la stabilité en flexion/extension du genou et bloquent l’hyperextension – et par l’augmentation du chargement en compression sur le bord antérieur du tibia (cf. image 1 de la figure 9). Pour le LCP, la rupture survient lorsque l’hyperextension dépasse les 30o (Dejour 1997). La majorité des blessures en hyperextension (70 %) se rencontrent lors d’un impact sur l’avant du membre pelvien (Terensiński 2001b).
La translation postéro-antérieure : Le tibia subit dans la direction postéro-antérieure un déplacement relatif par rapport au fémur. Le LCA participe principalement à la résistance à cette translation, c’est donc généralement la rupture de ce ligament qui se produit (cf. image 2 de la figure 9). La majorité des blessures en translation postéro-antérieure (72 %) se rencontrent lors d’un impact sur l’arrière du membre pelvien (Terensiński 2001b).
• La flexion varus : Il s’agit d’une flexion qui, dans le plan frontal, éloigne la face latérale de la jambe de celle de la cuisse. Elle provoque la rupture des ligaments collatéral latéral et croisé antérieur voire celle du ligament croisé postérieur. Des chargements importants se produisent sur le condyle médial et aux points d’insertion des ligaments (LCL et ligaments croisés) pour le fémur ainsi que sur le condyle tibial médial (image 3 de la figure 9). La grande majorité des blessures en flexion varus (85 %) se rencontrent lors d’un impact sur le côté médial du membre pelvien (Terensiński 2001b).
• La flexion valgus : Il s’agit d’une flexion qui, dans le plan frontal, éloigne la face médiale de la jambe de celle de la cuisse. Elle cause en général la rupture des ligaments collatéral médial et croisé antérieur voire celle du ligament croisé postérieur. Des contraintes importantes sont observées sur le condyle latéral et les points d’insertion des ligaments (LCM et ligaments croisés) pour le fémur ainsi que sur le condyle tibial latéral (image 4 de la figure 9). La plupart des blessures en flexion valgus (93 %) se rencontrent lors d’un impact sur le côté latéral du membre pelvien (Terensiński 2001b).
Cas de l’impact latéral
Le mécanisme de blessure est directement lié à la direction d’impact. Dans le cas de l’impact latéral (cas le plus fréquent de l’accident piéton), le côté médial du membre pelvien subit en général des forces en traction tandis que le côté latéral en subit en compression (image de gauche de la figure 10). Lorsque les blessures ne surviennent pas suivant le mécanisme pressenti, elles sont le plus souvent provoquées par le mécanisme inverse à celui attendu (flexion valgus pour l’impact latéral). Comme dans le cas de l’articulation de la cheville, ces cas « inverses » sont dus à des blessures provoquées par des impacts hauts sur le membre pelvien (cf. image de droite sur la figure 10), du type de ceux rencontrés lorsque le véhicule qui vient heurter la victime est un camion (Terensiński 2001b).
Essais expérimentaux
Impact latéral sur la jambe
Kajzer et al. ont réalisé des essais expérimentaux afin d’analyser la réponse du membre pelvien à l’impact latéral ainsi que les mécanismes lésionnels mis en jeu. Le but des auteurs était surtout d’étudier la tolérance de l’articulation du genou pour des impacts (latéraux) à faible et forte vitesse. Des essais en cisaillement et en flexion ont donc été menés à 16 et 20 km/h durant une première campagne d’essais (Kajzer 1990 & 1993) puis à 20 et 40 km/h lors d’une seconde campagne (Kajzer 1997 & 1999). Dans la mesure où les hautes vitesses d’impact se rapprocheront davantage de nos simulations, nous présenterons plus particulièrement la seconde campagne d’essais menée à 20 et 40 km/h. Les dispositifs expérimentaux sont montrés sur la figure 11.
Dans les essais, un préchargement de 40 kg est appliqué sur le membre pelvien. L’impacteur utilisé a une masse de 6,25 kg. Pour les essais en cisaillement, le membre pelvien impacté (gauche) est en appui sur le sol. La partie proximale de la cuisse (au niveau du trochanter) et la partie distale médiale sont fixées par des plaques. L’impacteur vient heurter la face latérale de la jambe le plus près possible du genou (longueur ‘a’ petite sur la figure 11 pour favoriser le cisaillement) sans toutefois entrer en contact avec les condyles fémoraux. Dans les essais en flexion, le membre pelvien (droit) est heurté sur sa face médiale. Les parties distale et proximale du fémur sont maintenues fixes. Le pied repose sur une planche mobile de manière à éviter des frottements trop importants. L’impacteur vient heurter la jambe au niveau de la cheville (longueur ‘a’ grande sur la figure 11 pour favoriser la flexion). Dix sujets ont été utilisés dans les expérimentations à 40 km/h et cinq sujets dans les expérimentations à 20 km/h (Kajzer 1997 & 1999).
Généralisation à l’impact réel
Grösch et Hochgeschwender ont mené des expérimentations afin d’optimiser l’avant d’une voiture pour la sécurité des piétons et des cyclistes. Ces auteurs préconisent un pare-choc bas pour éviter le contact direct avec le genou et favoriser l’enroulement du piéton (ou du cycliste) sur le capot, préférable au cas où le véhicule roule sur la victime. Ils suggèrent aussi de trouver un bon compromis pour l’avancée du pare-choc, ni trop petite (la jambe pourrait être d’abord heurtée par la face avant, conduisant à un impact plus haut qui risquerait d’entraver le mouvement d’enroulement du corps) ni trop grande (déplacement de la jambe trop important par rapport au fémur, favorisant les blessures ligamentaires sérieuses) (Grösch 1989).
Kerrigan et al. suggèrent que, concernant le protocole d’essais, l’absence de préchargement sur le membre pelvien impacté lors de certaines expérimentations ne permet pas de reproduire l’accident piéton car le poids du corps n’est pas pris en compte (Kerrigan 2003). En effet, Terensiński et Madro ont remarqué que pour 92 % des victimes piétons, la blessure à la cheville était trouvée sur le membre pelvien supportant le poids du corps au moment de l’impact (Terensiński 2001a). Le chargement du corps sur le membre pelvien a donc un rôle décisif dans l’apparition de blessure (Kajzer 1997).
Pour ce qui concerne les critères de blessure qui diffèrent suivant les études, Kajzer et al. trouvent un facteur 3 entre le moment de flexion lésionnel calculé à faible vitesse (101 N.m) et à haute vitesse (284 N.m). Les auteurs concluent que les mécanismes de blessure et de tolérance issus d’essais à faible vitesse ne peuvent être transposés à des impacts à vitesses élevées (Kajzer 1997).
Essais réglementaires de protection pour les usagers vulnérables
Dans le cadre de l’EEVC (European Enhanced Vehicle-safety Committee), le groupe de travail 17 (WG17) a pour mission de proposer des méthodes d’essai pour évaluer, sur les véhicules, la protection des usagers vulnérables (piétons et cyclistes). Fondés sur des études expérimentales, les critères de protection proposés par le WG17 devront être utilisés pour la législation européenne.
Les recommandations du WG17 prévoient d’utiliser des impacteurs représentant les parties corporelles les plus vulnérables du piéton qui viennent heurter les principaux composants d’un avant de véhicule. Pour assurer la protection de l’usager vulnérable, les véhicules testés devront se conformer aux critères établis en niveaux de force, de moment ou d’accélération. Quatre types d’impacteur ont été définis, associés à quatre lieux d’impact sur le véhicule (cf. figure 12). Deux impacteurs concernent spécifiquement le membre pelvien. L’impacteur dit « bas de la jambe » est composé de deux segments rigides (représentant le tibia et le fémur) recouverts de mousse (muscle et peau) et reliés par une articulation déformable (genou). Il vient heurter le pare-choc de la voiture avec une vitesse de 40 km/h. Trois essais au moins doivent être réalisés, l’un au centre et deux sur les tiers extérieurs du pare-choc. Leur localisation précise dépend de la géométrie de la voiture. L’impacteur « haut de jambe » consiste en une structure rigide recouverte de mousse. Il est propulsé avec une masse et une vitesse (jusqu’à 40 km/h) déterminées suivant la géométrie du véhicule et pour une énergie cinétique d’impact supérieure à 200 J. L’impact se produit au centre et aux angles du bord avant du capot (trois essais au minimum). Les impacteurs sont équipés de transducteurs, de jauges et d’accéléromètres afin que soient mesurés les différents paramètres qui seront comparés aux critères. Ces essais n’ont pas encore été rendus obligatoires par la législation, ils sont néanmoins déjà effectués par les constructeurs automobiles et des organismes de validation ou de certification – tel Euro NCAP par exemple –.
Modèles Éléments Finis
Les parties corporelles les plus fréquemment modélisées par Éléments Finis sont la tête (Shugar 1975, Zhang 2001, Dokko 2003, Autuori 2005) et le membre pelvien. Pour ce dernier, de nombreux modèles ont été utilisés pour l’étude des structures osseuses et articulaires. Ces modèles ne sont parfois constitués que de l’articulation fémoro-tibiale. Celle-ci est soumise à des conditions de chargement (Bermond 1993, Bendjaballah 1995, Penrose 2002) ou étudiée lors de la reproduction de mouvements passifs (Blankevoort 1996, Périé 1998, Hart 1999, Li 1999, Haut Donahue 2003). D’autres modèles, plus complets, incluent la totalité du membre pelvien. Les auteurs s’intéressent à la réponse du modèle à l’impact (Wykowski 1998, Beillas 2004) et, plus spécifiquement, dans une configuration d’impact piéton (Yang 1996, Schuster 2000, Takahashi 2000, Arnoux 2002, 2004 & 2005). Enfin, des modèles entiers du corps humains ont été développés tels les modèles THUMS (Maeno 2001, Nagasaka 2003, Chawla 2004) et HUMOS (Thollon 2002). Bien que non dédiés au seul membre pelvien, ces modèles fournissent des indications sur la réponse de ce segment corporel lors d’un impact piéton (Howard 2000, Koch 2000). Parmi toutes les études compulsées pour réaliser cette partie bibliographique, un seul modèle Éléments Finis a fait une première approche de l’impact cycliste (McLundie 2002).
Cette étude bibliographique s’est quasi limitée à l’impact sur le membre pelvien d’un usager vulnérable. C’est en général le piéton qui a fait l’objet d’études numériques, les études sur le cycliste avec un modèle Éléments Finis étant rares dans la littérature. Les résultats obtenus avec le modèle de membre pelvien utilisé dans la suite de notre étude, bien qu’ayant fait l’objet de publications, n’ont pas été inclus dans cette partie bibliographique. Ils feront l’objet d’une description détaillée (incluant les études déjà publiées) dans la partie relatant la modélisation pour la présente étude (Chapitre III).
Constitution des modèles
Les choix de modélisation des parties anatomiques, propres aux modèles et à leurs objectifs d’étude, sont résumés ci-dessous. Les modèles auxquels ils font référence sont explicités dans le tableau 10.
Os : Ils sont en général constitués d’éléments surfaciques modélisant la partie corticale et entourant les éléments volumiques formant l’os spongieux. Dans certains modèles simplifiés, les os ne sont constitués que d’éléments coques, d’éléments solides, ou d’éléments poutres. Les os sont parfois définis en corps rigides. Dans ce dernier cas, le modèle ne permet pas de prédire les fractures. De nombreux modèles, y compris pour l’étude du membre pelvien, ne contiennent pas la fibula ou/ni la patella, certains auteurs estimant que leur présence n’a aucune incidence sur la simulation (Bermond 1993).
Ligaments du genou : Ils sont le plus souvent constitués d’éléments coques ou d’éléments 1D (voire d’une combinaison des deux) ou, plus rarement, d’éléments volumiques. De façon simplifiée, l’appareil ligamentaire peut être remplacé par une liaison cinématique ou par des chargements aux points d’insertion présumés des ligaments. Ce choix de modélisation ne permet pas de prédire les blessures ligamentaires.
Ménisques : Assez rarement présents dans les modèles, les ménisques sont modélisés, le cas échéant, avec des éléments solides. Bendjaballah et al. ont utilisé un matériau composite : la matrice des ménisques est constituée d’éléments solides tandis que les fibres sont composées d’éléments poutres (Bendjaballah 1995). L’influence que pouvait avoir les ménisques dans le modèle Éléments Finis – « tenue » de l’articulation du genou ou laxité – a fait l’objet de plusieurs études numériques. En l’absence des ménisques, le déplacement postérieur du fémur par rapport au tibia croît significativement lors de chargements axiaux (Bendjaballah 1995). En imposant une impulsion sur la partie distale du tibia le long de l’axe longitudinal, Penrose et al. ont montré que la force de contact tibia/fémur, sans les ménisques, augmente de 15 % par rapport à la simulation où ils furent présents (Penrose 2002). En l’absence des ménisques (et des structures capsulaires), la flexion interne de l’articulation est insuffisamment bien simulée. Cette absence peut même conduire à un modèle articulaire du genou peu stable sous certaines conditions de chargement et pour certaines positions (Blankevoort 1996, Li 1999). Périé et Hobatho ont également montré que la présence des ménisques a une influence sur la répartition des surfaces de contact et des pressions dans l’articulation fémoro-tibiale (Périé 1998). La plupart des auteurs suggèrent donc que la modélisation des ménisques revêt une importance non négligeable.
Cartilage : Comme pour les ménisques, de nombreux modèles n’incluent pas de cartilage. Dans les modèles où il est présent, le cartilage est constitué dans la majorité des cas d’éléments solides. Peau et muscles : La peau est généralement modélisée avec des éléments coques. Les muscles sont souvent absents des modèles – ou modélisés par des éléments volumiques dans leur forme « passive » –. L’influence des muscles dans les modèles Éléments Finis du membre pelvien en dynamique rapide est contestée. Dans le cas du piéton, Piazza et Delp ont montré que le processus musculaire intervenant dans la marche crée des moments articulaires. En particulier, le muscle droit du fémur canalise l’amplitude de la flexion du genou (Piazza 1996). Si l’on veut, lors de l’impact piéton, modéliser le processus de marche – en particulier la phase de balancement de la jambe – Selles et al. ont conclu que l’activité musculaire requiert d’être incorporée dans les modèles (Selles 2001). Beillas et al. ont utilisé un modèle Éléments Finis du membre pelvien pour étudier la réponse du genou à un impact suivant l’axe tibial. L’action des muscles, mesurée expérimentalement avec des EMG et modélisée par des ressorts, est augmentée et diminuée de 50 % de façon à évaluer son influence. Les auteurs ont trouvé que l’action musculaire ainsi modélisée avait un effet relativement limité. Une modification de 50 % n’engendrait, au plus, qu’une variation de 15 % des résultats (Beillas 2004). L’influence faible relevée par ces auteurs peut être due à la situation d’impact considérée et à la modélisation simplifiée des muscles. Une modélisation bio-fidèle des muscles du membre pelvien, formés de ressorts (composante élastique) et d’éléments solides (composante visco-élastique), a été utilisée lors de la reproduction d’un impact frontal pour un occupant de véhicule (Behr 2005b). Les contraintes de Von Mises mesurées sur le tibia montrent une augmentation de 10 MPa lorsque les muscles sont contractés, ce qui peut être suffisant pour entrer dans le domaine lésionnel. Cet état de contraction, transférable à l’usager vulnérable, pourrait s’avérer non négligeable dans la modélisation de l’impact.
Articulations de la cheville et de la hanche : Comme les études sont en général centrées sur le genou, ces deux articulations, dans les modèles complets de membre pelvien, sont souvent représentées par des liaisons cinématiques. Cette simplification nécessite les relations force/déplacement en translations et moment/angle en rotations. Les valeurs doivent correspondre aux plages réelles de mouvements (i.e. limiter l’amplitude des rotations et des translations au domaine physiologique). Audu et Davy ont ainsi donné une courbe en double exponentielle pour définir les mouvements passifs de la hanche. Cette formulation consiste à définir des moments articulaires modérés lorsque les articulations ont des angles faibles et des moments importants lorsque les angles s’approchent des limites articulaires (Audu 1985).
Modélisation de l’impact sur le membre pelvien
Pour évaluer les probabilités de blessure lors des simulations, des critères ont dû être définis. Concernant les os, les auteurs évaluent la fracture suivant un seuil en contraintes (Yang 1996, Schuster 2000, Maeno 2001, Nagasaka 2003) ou en déformation plastique (Takahashi 2000). Keyak et Rossi ont testé différentes théories de rupture en Éléments Finis pour l’os. Les auteurs ont trouvé que l’une des théories de rupture les plus robustes (i.e. présentant les meilleures performances pour deux configurations de chargement différentes) était la théorie d’énergie de distorsion – ou critère de Von Mises – (Keyak 2000). Les auteurs justifiaient ainsi l’utilisation de ce critère pour l’étude de la rupture du fémur soumis à des chargements sur la tête fémorale (Keyak 1998). Pour les ligaments, le critère de rupture est en général défini par l’élongation du ligament (Yang 1996, Koch 2000, Schuster 2000, Arnoux 2004 & 2005), la déformation plastique (Takahashi 2000) ou la force maximale (Nagasaka 2003).
Les études brièvement décrites ci-dessous présentent des configurations d’impact proches de celles développées par la suite dans notre travail. Les résultats montrés ici sont centrés sur des paramètres qui seront analysés dans notre étude. Ils pourront ainsi être corrélés avec nos propres résultats.
Nagasaka et al. ont utilisé un modèle Éléments Finis, dit « modèle THUMS » (Total HUman Model for Safety), incluant le membre pelvien. Ce modèle a été validé sur les essais de Kajzer et al. (1997) en flexion et cisaillement (Maeno 2001) et sur les essais de Kerrigan et al. (2003) par rapport à la cinématique (Chawla 2004). Les simulations ont ensuite été étendues par la modélisation de quatre types d’impact : sur la cuisse, sur le genou, au-dessous du genou et au centre de la jambe. Cette étude a été réalisée pour montrer l’influence du point d’impact sur le membre pelvien, en lien avec la hauteur du pare-choc dans le cas d’accidents réels. Dans la modélisation, un impacteur de 6,25 kg avec une vitesse de 40 km/h est utilisé. L’apparition de fracture est présumée lorsque les contraintes sur les os dépassent la limite élastique (Nagasaka 2003). Les auteurs trouvent que, pour les impacts sur la cuisse et le genou, le mouvement valgus conduit à la rupture du LCM et du LCA pour le genou. Des contraintes importantes sont également relevées sur les condyles et sur l’épine tibiale. Lors des impacts au-dessous du genou et sur la jambe, aucune rupture de ligaments n’est observée (évaluée par les forces mesurées sur les ligaments). Quel que soit le lieu d’impact, les auteurs trouvent un risque important de fracture sur les diaphyses du tibia et de la fibula. Les contraintes sur ces deux os sont dues aux frottements du pied sur le sol qui créent un moment de flexion très grand sur la jambe (Nagasaka 2003). Le modèle THUMS a aussi été utilisé par Maeno et Hasegawa pour l’impact latéral sur le piéton à 40 km/h. Dans cette configuration, les auteurs avaient trouvé une double fracture tibia/fibula sur les deux membres pelviens du piéton impacté – les lésions ligamentaires n’étant pas prises en compte – (Maeno 2001).
Takahashi et al. ont également reproduit les essais de Kajzer et al. (1997, 1999) avec un modèle Éléments Finis. Lors d’essais en cisaillement du genou à 20 et 40 km/h, les auteurs trouvent des forces d’impact maximales de 4 KN et 6 KN et des déplacements maximaux en cisaillement de 25 et 40 mm respectivement. Dans les deux cas, la rupture du LCA est relevée (Takahashi 2000). Pour les essais en flexion à 20 et 40 km/h, la force d’impact maximale est de 2 et 5 KN et l’angle de flexion maximal de 20o et 40o respectivement. A 20 km/h, aucune rupture ligamentaire n’est constatée tandis qu’à 40 km/h, les deux ligaments croisés et le LCM sont endommagés (ibid.). Penrose et al. ont également reproduit les essais de Kajzer et al. en cisaillement (1990) avec un modèle Éléments Finis du genou (couplé à un modèle de membre pelvien). Les auteurs ont ainsi montré que les forces extra-articulaires sont principalement transmises par la zone de contact entre le cartilage tibial et le cartilage fémoral, à hauteur de 8 KN (Penrose 2002). Yang et al. ont utilisé un modèle Éléments Finis de l’articulation fémoro-tibiale pour reproduire des impacts latéraux au-dessous du genou. Deux modes de réponse du genou (la dislocation transverse des surfaces articulaires tibiale et fémorale ainsi que la flexion du tibia) ont été corrélés à deux mécanismes de blessures (le cisaillement et la flexion respectivement). Du fait du cisaillement, les auteurs ont trouvé une concentration de contraintes sur le condyle fémoral médial et l’éminence intercondylienne tibiale. Ce sont ces parties qui présentent les risques de fracture les plus importants. L’allongement du LCM est créé par les forces de traction dues à la flexion du tibia. 41
L’élongation du LCM atteint 21 % pour une vitesse d’impact de 17 km/h et 34 % pour 30 km/h. La rupture du LCM est ainsi présumée (Yang 1996).
Pour ce qui concerne le cycliste, McLundie a modélisé un impact latéral (vitesse du véhicule : 40 km/h). Dans la simulation, la voiture et certaines parties de la bicyclette (fourche, pédales) ont été définies en corps rigides, les autres éléments de la bicyclette étant déformables. Aucune analyse des blessures du cycliste n’a été réalisée du fait d’une déformation irréaliste du cadre de la bicyclette. De nouvelles améliorations sont donc nécessaires au modèle. Néanmoins, McLundie a montré que cette configuration conduit le pied à être piégé dans le cadre de la bicyclette (McLundie 2002).
Influence des paramètres de l’impact
De nombreux paramètres propres à la configuration (lieu d’impact, rigidité et géométrie des parties qui impactent, etc.) ont montré, au travers d’études, leur importance sur la réponse du membre pelvien à l’impact. D’après Howard et al., la vitesse du véhicule et la hauteur du pare-choc avant sont les causes des plus grandes variations dans les résultats des simulations et des mécanismes de blessure (Howard 2000). Schuster et al. ont mis en évidence l’influence du préchargement axial de la partie proximale du fémur sur la réponse du membre pelvien. Ainsi, indépendamment des sollicitations, ce préchargement, représentant le poids du corps appliqué au membre pelvien, est nécessaire pour reproduire fidèlement une configuration réelle – de type impact du piéton – (Schuster 2000). Cette même condition de préchargement était apparue nécessaire lors des expérimentations (Kajzer 1997, Kerrigan 2003).
Nous avons déjà indiqué l’analyse faite par Nagasaka et al. sur l’influence du lieu d’impact pour la réponse du membre pelvien. Ces auteurs ont également étudié l’influence d’autres paramètres telles la rigidité de l’impacteur et la direction d’impact (latérale, frontale, arrière). La rigidité de l’impacteur a une influence forte sur les fractures directes : plus elle est élevée et plus le risque de fracture est important. L’angle d’impact a une importance sur les blessures intra-articulaires via les mécanismes de blessure (Nagasaka 2003). L’influence de ces paramètres est résumée sur la figure ci-dessous.
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Table des matières
PARTIE 1 : ASPECTS ANATOMIQUES ET BIBLIOGRAPHIQUES
Chapitre I – Éléments d’anatomie du membre pelvien
1. Structures osseuses
2. Anatomie ligamentaire
3. Anatomie musculaire
Chapitre II : Étude bibliographique
1. Accidentologie des usagers vulnérables
1.1. L’accident piéton
1.1.1. Épidémiologie
1.1.2. Biomécanique de l’accident
1.2. L’accident cycliste
1.3. Aspects économiques
2. Mécanismes de blessure
2.1. Biomécanique de la cheville
2.2. Biomécanique du genou
2.2.1. Mécanismes articulaires
2.2.2. Cas de l’impact latéral
2.3. Essais expérimentaux
2.3.1. Impact latéral sur la jambe
2.3.2. Analyse des essais
2.3.3. Généralisation à l’impact réel
2.4. Critères de blessure
2.5. Essais réglementaires de protection pour les usagers vulnérables
3. Modélisation du membre pelvien de l’usager vulnérable
3.1. Modèles multicorps
3.1.1. Étude paramétrique
3.1.2. Étude lésionnelle
3.2. Modèles Éléments Finis
3.2.1. Constitution des modèles
3.2.2. Paramètres des matériaux biologiques
3.2.3. Variabilité biologique
3.2.4. Modélisation de l’impact sur le membre pelvien
3.2.5. Influence des paramètres de l’impact
PARTIE 2 : IMPACT DU MEMBRE PELVIEN, MODELISATION – EXPERIMENTATION
Chapitre III : Modèle Éléments Finis du membre pelvien
1. Présentation du modèle LLMS
1.1. Caractéristiques géométriques et matériaux
1.2. Études antérieures avec le modèle LLMS
1.2.1. Résultats de validation
1.2.2. Utilisation en impact latéral
1.3. Remaillage de certains éléments
Chapitre IV : Impact latéral sur le membre pelvien
1. Essais expérimentaux
1.1. Caractéristiques des essais
1.2. Résultats
2. Reproduction des essais avec le modèle Éléments Finis
2.1. Flexion du genou
2.2. Modélisation de l’impact
2.3. Résultats comparés l’impact
2.3.1. Cinématique du membre pelvien
2.3.2. Niveaux d’accélération
2.3.3. Bilan lésionnel
2.3.4. Mesure de la flexion latérale
2.3.5. Bilan des essais
PARTIE 3 : IMPACT DU MEMBRE PELVIEN DE L’USAGER VULNERABLE
Chapitre V : Étude de l’impact cycliste
1. Modélisation de l’impact cycliste
1.1. Modèles de voiture et de bicyclette
1.2. Modèle de cycliste
1.3. Conditions de simulation
1.4. Méthode d’analyse
2. Résultats de la simulation comparés à l’expérimentation
2.1. Cinématique globale du modèle
2.2. Accélérations du tibia et du fémur
2.3. Cinématiques articulaires
2.4. Contraintes sur les os longs
2.5. Déformation des ligaments du genou
2.6. Bilan de l’impact cycliste
3. Études paramétriques
3.1. Influence de la vitesse du cycliste
3.1.1. Influence sur la cinématique
3.1.2. Analyse des accélérations et des contraintes
3.1.3. Élongation des ligaments
3.1.4. Bilan
3.2. Influence de la position du cycliste
3.2.1. Cinématique du membre pelvien
3.2.2. Mesure des accélérations
3.2.3. Sollicitations des ligaments
3.2.4. Bilan
3.3. Influence de la vitesse du véhicule
3.3.1. Forces d’impact et accélérations
3.3.2. Déformations des ligaments
3.3.3. Fractures osseuses
3.3.4. Bilan
3.4. Influence de la géométrie du véhicule
3.4.1. Impact cycliste avec une voiture au pare-choc saillant
3.4.2. Impact cycliste avec une voiture à l’avant haut
3.4.3. Impact cycliste avec un utilitaire
3.4.4. Bilan
4. Bilan : Mécanismes de blessure lors d’un impact cycliste
4.1. Mécanismes de blessure prépondérants
4.2. Seuils lésionnels en flexion latérale et en cisaillement
Chapitre VI : Étude de l’impact piéton
1. Modélisation de l’impact piéton
1.1. Modèle Éléments Finis piéton
1.2. Conditions de simulation et méthode d’analyse
2. Résultats de la simulation
2.1. Cinématique globale du piéton
2.2. Force d’impact
2.3. Niveaux d’accélération du tibia et du fémur
2.4. Cinématique des articulations
2.5. Contraintes sur les structures osseuses
2.6. Déformations des ligaments
2.7. Critères lésionnels en cisaillement et en flexion latérale
2.8. Bilan
3. Étude paramétrique
3.1. Influence de la vitesse d’impact
3.1.1. Force d’impact
3.1.2. Cinématique du membre pelvien
3.1.3. Niveaux d’accélération
3.1.4. Étude des lésions
3.1.5. Seuils lésionnels
3.1.6. Bilan
3.2. Influence de la géométrie du véhicule
3.2.1. Impact piéton avec un véhicule au pare-choc proéminent
3.2.2. Impact piéton avec un véhicule à l’avant haut
3.2.3. Impact piéton avec un véhicule de type utilitaire
4. Bilan : Mécanismes de blessure lors d’un impact piéton
4.1. Dépendance à la configuration d’impact
4.2. Critères lésionnels en flexion et en cisaillement
Chapitre VII : Discussion
1. Discussion sur l’impact cycliste
2. Discussion sur l’impact piéton
3. Modélisation des articulations
4. Propriétés des matériaux
CONCLUSION
REFERENCES
TABLE DES ANNEXES
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